« En quoi le mouvement des gilets jaunes bouleverse-t-il le néolibéralisme de Macron ? » l’Humanité, 11 décembre 2018

 

La devise de la République

 

 Anicet Le Pors

Ancien ministre PCF, conseiller d’État honoraire

 

Emmanuel Macron a été promu à la tête de l’État par les puissants du néolibéralisme usant d’un suffrage universel sous influence : la finance internationale dont il émane, les cercles dirigeants de l’Union européenne, le patronat, la technocratie administrative et la quasi-totalité des médias. Son mandat était de mettre au pas un peuple rétif ayant conquis des garanties sociales importantes au fil de son histoire. Aujourd’hui comme hier, le peuple ne l’accepte pas. Il soutient massivement la révolte des plus déshérités. Les gilets jaunes assument cette mission. Si l’on néglige les arguties complotistes, ils honorent, contre l’ultralibéralisme, la devise de la République : liberté, égalité, fraternité.

La liberté. Les gilets jaunes participent activement à l’affirmation de la souveraineté nationale et populaire. Ils méprisent les injonctions de Bruxelles imposant une concurrence sauvage des travailleurs, les critères de réduction de la dépense sociale, une subsidiarité autoritaire. Car il n’y a de souveraineté que nationale. Il n’y a pas de souveraineté européenne. C’est dans le cadre de la nation que s’exerce notre responsabilité. Par là, ils posent les questions de l’ de l’exercice de la démocratie et de la verticalité des institutions d’une manière originale. C’est dans le cadre de la nation que se forge la citoyenneté ; citoyenneté qu’ils manifestent en mettant en cause frontalement ceux qui nous gouvernent et les organismes de représentation qui ne les représentent pas.

L’égalité. Au-delà de la suppression des taxes sur les carburants nécessaires à leur vie, ils réclament une réforme fiscale juste, conforme à la Déclaration des droits de 1789 posant le principe d’une contribution à l’impôt selon les facultés contributives. Ils demandent des services publics capables de répondre aux besoins fondamentaux de la population. Par là, se trouve impliquée la question de la propriété sociale car « là ou est la propriété, là est le pouvoir »  comme le proclamait la gauche au tournant des années 1970-1980, question qu’elle a totalement désertée aujourd’hui, tandis que les capitalistes, eux, sont convaincu du bien fondé de la formule et se repaissent des privatisations. Après l’action des cheminots, l’action des gilets jaunes contribue à l’action des agents publics et des fonctionnaires pour la défense et la promotion de leurs statuts.

La fraternité. Faisant suite à la reconnaissance récente par le Conseil constitutionnel de la fraternité comme principe fondamental de la République, les gilets jaunes en ont donné de multiples témoignages. On a ainsi pu parler de la « fraternité des ronds-points ». J’ai été frappé par nombre de leurs prestations dans les médias, calmes, de bon sens, intelligentes et fermes, face à des professionnels de la politique médusés. Parce qu’elles étaient sincères et authentiques, le peuple les comprend et les soutient.

La violence condamnable des casseurs est utile au pouvoir macronien. Elle sert à masquer cette autre violence, bien plus coûteuse et néfaste pour la démocratie : celle qui prend sa source à l’Élysée, à Matignon et à Bercy. Quelques jours avant le second tour de l’élection présidentielle, j’ai écrit un article pour dire mes raisons de ne pas voter pour Macron (Mediapart, 5 mai 2017, republié sur mon blog) sous le titre « Emmanuel Macron, cet homme est dangereux ». Nous y sommes.

 

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2 commentaires sur “« En quoi le mouvement des gilets jaunes bouleverse-t-il le néolibéralisme de Macron ? » l’Humanité, 11 décembre 2018

  1. Entièrement d’accord avec l’analyse du mouvement des GJ. Sur la violence, il faut noter que les manifestations contre la Loi travail, version Hollande comme version Macron, comme celles contre le cassage de la SNCF, n’ont pas abouti. C’est la violence qui a fait bouger le pouvoir, il faut le reconnaître. Et, jusque là, le soutien à l’action des GJ n’a pas été réduit par le recours à la violence, sur laquelle il y aurait à enquêter (part des provocations des forces « de l’ordre », rôle des casseurs politisés, des pilleurs…)

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  2. Bonjour monsieur le ministre,

    Les français(pas tous) manifestent dans la rue:c est sain pour une démocratie tant qu ils en ont encore le droit.
    Pensez vous que si l’extrême droite avait pris le pouvoir,nous pourrions encore manifester sans qu il ait une effusion de sang? moi pas,aussi ne pas voter Macron au 2eme tour était prendre un grand risque malgré les sondages qui parfois se trompent.
    Avec mes respects
    Assié

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