Dépêches AFP du 5 juillet 2023

#LDK21 : 40e anniversaire de la loi du 13 juillet 1983 créant le statut général des fonctionnaires
« En conflit avec la logique marchande qui domine la vie économique », le statut moderne des fonctionnaires « n’a pas arrêté d’être attaqué » depuis sa création il y a quarante ans, estime son créateur, Anicet Le Pors, dans un entretien à l’AFP.
« Le fait d’être attaqué, pour le statut général des fonctionnaires, est un état normal », insiste l’ancien ministre de la Fonction publique de François Mitterrand (1981-1984), qui cosigne mercredi une tribune défendant le statut de fonctionnaire.
« Comme c’est un instrument majeur de poursuite de l’intérêt général, il s’inscrit en conflit avec la logique marchande qui domine la vie économique et plus généralement la vie des sociétés », juge auprès de l’AFP l’ancien responsable communiste.
Après de premières ébauches de statut en 1946 et en 1959, la loi du 13 juillet 1983 a gravé dans le marbre une série de droits, rapelle Anicet Le Pors, aujourd’hui âgé de 92 ans.
« Par exemple, le droit de grève n’était pas dans le statut du fonctionnaire! » s’exclame-t-il.
« La mobilité a été érigée au rang de garantie fondamentale, le droit à la négociation des syndicats a été inscrit dans le statut », comme « le droit à la formation initiale et continue ».
La loi de 1983 « contient la définition du fonctionnaire et tout ce qui est commun aux fonctionnaires » hospitaliers, territoriaux et de l’Etat, résume Anicet Le Pors.
Elle a surtout étendu le statut aux agents des collectivités et des hôpitaux et établissements de recherche.
De quoi faire exploser les effectifs du secteur public, aujourd’hui composé de 5,7 millions d’agents dont 22% de contractuels, au statut moins protecteur que celui de fonctionnaire.
Selon l’administration, les effectifs de contractuels ont augmenté en moyenne de 3% chaque année entre 2011 et 2021, là où le nombre de fonctionnaires, dont le déroulement de carrière et les progressions salariales sont garantis, est resté stable d’une année sur l’autre.
– Problèmes de recrutement –
Mais Anicet Le Pors l’assure, la tribune publiée mercredi ne révèle pas une « opposition de principe » à l’emploi contractuel.
« Il y a toujours eu des contractuels dans la fonction publique », reconnaît-il.
« Simplement, on tient à ce que les emplois permanents de la fonction publique fassent l’objet d’un recrutement par voie de concours, basé sur le mérite. »
Or « les contractuels sont circonscrits par définition à une relation bilatérale entre l’administration et un individu pour la réalisation d’un projet ou d’une mission, pendant un temps déterminé ».
« Pendant des décennies, on a recruté des contractuels et puis quand il y en avait beaucoup, on finissait par les titulariser », rappelle Anicet Le Pors.
Une pratique moins courante aujourd’hui, même si l’actuel ministre de la Fonction publique Stanislas Guerini a affirmé en octobre 2022 que le recours aux contractuels n’avait pour lui rien d' »idéologique ».
« S’il y a des recours au contrat et à l’intérim, c’est souvent parce que nous n’arrivons pas à recruter et à titulariser », se défendait-il alors à l’occasion d’une audition à l’Assemblée nationale.
Les employeurs publics sont en effet confrontés depuis plusieurs années à de sérieux problèmes de recrutement, que les syndicats attribuent notamment à la faiblesse des rémunérations.
Le traitement des fonctionnaires a de fait été quasiment gelé entre 2010 et 2022.
Dans les années 1980, les négociations salariales étaient « une sorte de grand-messe d’une durée de trois mois (…) et ça imprégnait bien au-delà de la fonction publique », raconte Anicet Le Pors.
« Les grandes entreprises étaient très attentives à ce qu’il se passait dans les négociations salariales de la fonction publique », poursuit-il.
« Les syndicats faisaient des demandes, on n’avait des réponses que partielles. Ils en rendaient compte à leurs mandants et revenaient en disant qu’ils avaient consulté, qu’il fallait plus. On lâchait un peu plus et puis le truc recommençait, et ça durait trois mois », sourit l’ancien membre du gouvernement.
Mi-juin, la dernière réunion salariale entre gouvernement et syndicats de fonctionnaires qui a abouti à une hausse des traitements de 1,5% « a duré trois heures », déplore-t-il, même si les discussions étaient engagées depuis plusieurs semaines.
Pour ses 40 ans, députés de gauche et syndicats défendent lestatut de fonctionnaire
#LDK21 : 40e anniversaire de la loi du 13 juillet 1983 créant le statut général des fonctionnaires
« Il faut promouvoir le statut général des fonctionnaires »: une soixantaine de députés de gauche, de syndicalistes et d’anciens ministres de la Fonction publique ont défendu le statut de fonctionnaire dans une tribune publiée mercredi par l’agence AEF Info.
« Nous avons travaillé de concert pour produire un texte qui marque cet événement, puis se rassembler et rendre visible l’attachement qui est le nôtre à ce statut« , a déclaré Pierre Dharréville, député communiste des Bouches-du-Rhône, lors d’une conférence de presse rassemblant certains signataires à l’Assemblée nationale.
Quarante ans après la loi du 13 juillet 1983 qui a gravé dans le marbre lestatut des fonctionnaires le droit de grève, de formation ou de négociation pour les syndicats, « nous réaffirmons l’actualité d’un statut, qui ne soit pas un texte sacré, mais la réponse aux exigences, évolutions, mutations de notre époque », écrivent les signataires.
« On a affaibli le statut, mais (…) il est toujours vivant, il faut le faire vivre et on entend bien le faire vivre », a ajouté Benoît Teste, le secrétaire général de la FSU, tout en assurant que la tribune n’était pas une initiative isolée.
« Elle a vocation à être diffusée, signée largement et être le support d’une campagne », a-t-il ajouté.
La tribune est publiée alors que plus d’un agent public sur cinq (22%) était employé fin 2021 sous le statut de contractuel, moins protecteur que celui de fonctionnaire, selon l’administration.
Le recours aux contractuels a notamment été facilité par la loi de transformation de la fonction publique, adoptée en août 2019. La tribune demande d’ailleurs l’abrogation de « cet outil permettant tous les reculs ».
Le texte a notamment été paraphé par le créateur du statut moderne de fonctionnaire, l’ancien ministre communiste Anicet Le Pors, mais également sa successeure socialiste Marylise Lebranchu, la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet ou les présidents des groupes insoumis, socialiste et écologiste de l’Assemblée nationale.
« Il est temps de reconnaître et de soutenir le rôle des fonctionnaires », martèlent les signataires.
« Nous plaidons pour une fonction publique qui place les agents en situation de responsabilité, en les préservant de la soumission aux intérêts particuliers, en leur garantissant des droits individuels et collectifs, en évitant la précarité, tout ceci constituant des garanties pour les citoyens d’une fonction publique neutre et impartiale », ajoutent-ils.
La loi de transformation de la fonction publique est une « loi dangereuse dont la portée est pour ses auteurs même un complexe », affirme à l’AFP Anicet Le Pors.
« Devoir supprimer l’ENA », depuis remplacée par l’Institut national du service public, « c’est un peu scier la branche sur laquelle on est » assis, souligne-t-il.
« Il y a toujours eu des contractuels dans la fonction publique, je n’ai pas récusé en soi la notion de contractuel », poursuit M. Le Pors, aujourd’hui âgé de 92 ans.
« Simplement, on tient à ce que les emplois permanents de la fonction publique fassent l’objet d’un recrutement par voie de concours, basé sur le mérite », conclut-il.
Dépêche s AEP du 5 juillet 2023