Voeux 2021 à Bretagne-Ile de France

Défendre et promouvoir nos services publics

L’année terrible qui vient de s’achever n’aura pas malgré tout comporté que des aspects négatifs. Les comportements  responsables l’ont emporté dans la population, des solidarités actives se sont développées, des adaptations spontanées ont vu le jour. Ainsi, dans les services hospitaliers ce sont les collectifs soignants de base qui ont fait front et non les managers de la tarification à l’acte, dans les écoles et à l’université les enseignants ont multiplié les initiatives pour assurer la continuité des cours, les fonctionnaires territoriaux et nationaux ont fait de leur mieux pour répondre aux besoins de la population. On peut ainsi tirer de cette difficile expérience que la nation doit veiller à préserver et à développer ses services publics qui ont fait la preuve de leur efficacité aussi bien lors de la crise financière de 2008 que de celle sanitaire et économique que nous venons de vivre. Les services publics participent de  la formation de la citoyenneté en raison de  leur attachement à d’autres principes républicains : l’intérêt général, l’égalité, la laïcité, le devoir d’hospitalité, la démocratie institutionnelle. Les Bretons et majoritairement les Bretonnes occupent une place importante dans les services publics nationaux et locaux. Ils ont été à la hauteur de leurs responsabilités en 2020, je ne doute pas qu’ils et elles le soient encore en 2021 et c’est dans cette perspective que je leur présente mes meilleurs voeux et que je leur souhaite bon courage.

Anicet Le Pors

Président d’honneur de l’Union des Sociétés Bretonnes de l’Ile-dFrance (USBIF)

Une citoyenneté agissante en 2020

Anicet Le Pors

Président d’honneur de l’Union des sociétés bretonnes de l’Ile de France

Dans tel ou tel bourg de la Basse Bretagne des gilets jaunes on dit qu’il était de plus en plus difficile d’y vivre normalement : plus de bureau de poste, rares transports en commun, plus d’épicerie, de boucherie, une boulangerie fermée en août,  et avec cela du chômage, des emplois mal rémunérés, le logement onéreux. On objectera peut-être qu’il y a aujourd’hui un médecin et une pharmacie qui n’existaient pas hier, mais aussi des services municipaux et sociaux plus développés, des réseaux informatiques, des agences bancaires, une vie associative active, etc. . La déstabilisation pourtant est profonde et les bilans des avantages et des inconvénients respectifs du passé et du présent sont de bien peu de secours pour dissiper le malaise que crée  le sentiment de passage d’un mode de vie  à un autre. Être une citoyenne, citoyen heureux dans une société en mutation est difficile et même une souffrance pour certains. Mais la citoyenneté est une création continue. Ceux et celles qui nous ont précédés ont eu aussi à résoudre bien des problèmes difficiles et ils y sont parvenus, d’autres se présenteront aux générations futures. Je souhaite aux Bretonnes et aux Bretons de promouvoir vaillamment les valeurs de la République, l’intérêt général, l’égalité, la responsabilité, la laïcité, de défendre les libertés publiques et individuelles, la libre administration des collectivités territoriales, d’ouvrir la perspective d’institutions pleinement démocratiques dans une mondialisation progressiste.  Et dans cet effort collectif, une bonne et heureuse année à toutes et à tous.

Voeux aux Bretons de l’Ile de France pour 2019

 

Vouloir la paix à vingt ans

 

Nous avons commémoré il y a quelques semaines la fin de la guerre 1914-1918. Le retour sur l’histoire est nécessaire pour comprendre le présent et s’engager consciemment dans l’avenir. J’ai dans mon bureau le portait d’un jeune soldat de de vingt ans, mort pour la France le 25 février 1915 dans l’église de Laval-sur-Tourbe (Marne), photo qui m’a été transmise par ses parents, mes grands parents. Ils y avaient épinglé sa croix de guerre et sa médaille militaire. On leur avait proposé de rapatrier son corps, mais ils avaient répondu : « c’est mieux qu’il reste avec ses camarades ». Son nom figure aujourd’hui sur le monument aux morts de Plouvien (Nord-Finistère) : Anicet Le Pors. Nous lui avons rendu visite en famille, en 2014 dans le grand cimetière de Minaucourt (Marne) où ont été regroupés 23 000 corps. Beaucoup de noms bretons sur les croix. Leur sacrifice pour la nation légitime l’honneur qui leur a été rendu dans toute la France cet automne. Ce souvenir est d’autant plus indispensable qu’une autre guerre a suivi celle-là et que nous demeurons dans un monde dangereux qui n’exclut aucune violence majeure. En ce début 2019, je souhaite donc une année paisible et heureuse aux lectrices et aux lecteurs de Bretagne-Ile de France. Avec, dans le souvenir des jeunes de vingt ans de la première guerre mondiale, une pensée particulière pour les jeunes de vingt temps d’aujourd’hui.

 

Anicet Le PorsPrésident d’honneur

de l’Union des socuirés bretonnes de l’Ile de France

 

Anicet-Guillaume Le Pors (1894-1915) avec Anicet Le Pors (1931- neveu) et Anicet Minéo (2001- arrière petit neveu)

 

 

Le cimetière militaire de Minaucourt (Marne)

 

Colloque des Organismes Employeurs de l’Économie Sociale (GOEEES) – 20, 21, 22 mars 2018

Table ronde 1 :HISTORIQUE ET ENJEUX DES DEVELOPPEMENTS EN MATIERE DE DROIT DU TRAVAIL

Le droit du travail n’est pas simplement un gros livre rouge dont on supprime ou ré écrit les articles. C’est un code de conduite qui fixe les droits et les devoirs des deux parties prenantes dans le monde du travail : les salariés et les employeurs. Les répercussions des articles de cet ouvrage et la jurisprudence qui se construit quotidiennement, ont des répercussions bien au-delà de la porte de.l’entreprise.

 

ALP – « Le rapprochement de certaines dispositions pourrait conduire à s’interroger sur la source de la loi.

– article 1103 du code civil : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

– article 6 de la déclaration des droits de l’homme de 1789 : « La loi est l’expression de la volonté générale ». Elle est votée par le Parlement selon l’article 24 de la constitution ; son champ est défini par l’article 34.

Alors qui fait la loi ? Quelle hiérarchie établir entre les règles posées par la démarche contractuelle et celle découlant de la loi ?

Paradoxalement, les lois El Khomri et Pennicaud ont permis de mettre de la clarté sur une question qui était jusque-là affaire de juristes en raison de la primauté donnée au contrat individuel d’entreprise conduisant à une diminution des garanties et tendant à faire de ce contrat la référence sociale susceptible d’être généralisée au privé mais aussi au public.

On en tire logiquement que la solution souhaitable est la solution inverse, celle qui fait remonter dans la hiérarchie des normes, c’est-à-dire la consolidation des garanties dans la loi. C’est ainsi que j’ai considéré les lois Auroux comme progressistes. C’est aussi le sens que j’ai donné à un article que j’ai écrit pour la Revue du travail dans son numéro de mars 2010 sous le  : « Pour une statut des travailleurs salariés du secteur privé ».

Cela est d’autant plus nécessaire que l’on assiste aujourd’hui à une tendance à déclassifier les normes du droit positif sous différentes formes généralement d’origine anglo-saxonne comme : la validation législative ou réglementaire des accords contractuels, théorie des apparences, le droit souple, etc. »

Intervenants : Jean Auroux ; Christophe Baumgarten, Valérie Pringuez

 

Table ronde 2 :EESS – ENTREPRISES PRIVEES – FONCTION PUBLIQUE : CONVERGENCES NECESSAIRES

L’économie sociale ne vit pas enfermée sur elle-même. Si les autres secteurs de l’économie la laissent de côté, alors l’existence même de l’ESS perd tout son sens. L’ESS a les mêmes problématiques que les autres économies, prenons en compte sa spécificité.

 

ALP «  Cette table ronde met l’accent sur la nécessaire convergence des intérêts et des actions des différents secteurs dans le cadre plus général d’une convergence privé public.

Les deux secteurs se sont mutuellement aidé dans le passé se prenant alternativement comme référence. Le privé a été une référence pour le public en matière de droit de grève et de droit syndical reconnus respectivement en 1864 et 1884, alors que le fait syndical n’a été reconnu qu’en 1924 par le Cartel des gauches pour les fonctionnaire et le droit de grève admis par la jurisprudence en 1950 (arrêt Dehaene) et inscrit dans le statut général en … 1983. Le privé a aussi souvent servide référence en matière de sécurité et de conditions de travail, je pense par exemple au droit de retrait longtemps ignoré dans le secteur public. A l’inverse, le public a été également novateur pour tous en définissant la notion de « minimum vital » (on dirait aujourd’hui le SMIC) à l’article 32 du statut général des fonctionnaire de la loi du 19 octobre 1946. On pourrait aussi rappeler la « grève par délégation » de 1995. Plus généralement le statut général des fonctionnaires est de référence lorsque l’on parle de dé « sécurisation des parcours professionnels ». La solidarité est fructueuse pour rous.

C’est pourquoi la notion de hiérarchie des normes peut être utile pour situer les enjeux. Il y a de la précarité dans le service public. Sur les 5,5 millions de fonctionnaires ou assimilés dans les statistiques il y a 27 % de contractuels, la plupart de droit public, mais de plus en plus de droit privé ; la précarité touche aussi particulièrement les femmes. Certes la plupart des salariés du secteur public se trouvent en haut de la hiérarchie des normes mais depuis plus de trois décennies les gouvernements successifs ont multiplié les réformes pour les faire descendre dans la hiérarchie des normes afin de rejoindre, si possible le privé après la récente réforme du code du travail. Tirer tout le monde vers le bas c’est en effet une manière de réaliser l’égalité des salariés. Mais cela indique aussi que le progrès c’est, en même temps que d’améliorer les accords contractuels du niveau le plus élevé de la branche, de renforcer la base législative d’un nouveau code du travail, ce que certains ont appelé une « sécurité sociale professionnelle ».

La violente attaque du président de la République et du gouvernement contre menée depuis plusieurs semaines contre les statuts montre bien quel est l’enjeu : c’est de faire du contrat individuel de droit privé négocié de gré à gré la référence sociale majeure, le paradigme de l’ensemble du monde salarial. Par là il nous indique le chemin progressiste : une remontée pour tous dans la hiérarchie des normes dans le respect de la spécificité du service de l’intérêt général. »

 

 

Bretagne – Ile de France – voeux 2018

 

 

Commencer par réfléchir

 

Dans une société que l’on dit en « perte de repères » le moment des vœux de nouvel an en reste un clairement repérable. Un moment pour faire le point, pour réfléchir, ce qui n’exclut pas la fête, bien au contraire ! L’année qui s’achève a chamboulé bien des choses sans nous aider beaucoup à y voir clair sur celle qui se présente. Mais pour la nation France et la région Bretagne n’est pas la fin de l’histoire. Plutôt, comme le dit le philosophe Edgard Morin, une « métamorphose » qui nous fait passer d’un XXe siècle des grandes certitudes à un XXIe siècle beaucoup plus complique dont nous ne savons pas très bien de quoi il sera fait.. Ce n’est pas la première fois que cela arrive dans notre histoire. Alfred de Musset n’écrivait-il pas en 1836 dans Confessions d’un enfant du siècle : « On ne sait, à chaque pas qu’on fait, si on marche sur une semence ou sur un débris ». Alors, que 2018 soit l’année d’une refondation dynamique de notre communauté nationale : quel sens donnons-nous à la notion d’intérêt général, de service public ? Comment faire pour que l’égalité ne soit pas réduite à une incantation mais progresse dans la réalité d’un pays ou 10% des habitants possèdent 50% du patrimoine ? Par quels moyens renforcer la responsabilité du citoyen dans une société laïque respectueuse des consciences et ferme sur le principe de neutralité de l’État ? Voilà quelques questions, il y en a d’autres qui doivent recevoir les contributions des Bretonnes et des Bretons.

Hommage à Jack RALITE décédé le 12 novembre 2017

La tristesse du départ de Jack ne saurait dépasser le sentiment qu’une vie flamboyante vient d’achever sa trace dans notre époque. La trace de Jack c’est celle d’un homme du peuple qui aura témoigné des plus beaux sentiments. Un ami commun m’avait dit un jour : « quand il parle des fleurs s’envolent de sa bouche ». Chacun connaît l’homme de culture, mais ce n’était pas seulement celle d’un érudit des plus grands auteurs, des plus hautes créations de l’esprit, c’était aussi le grand frère des artistes et des femmes et des hommes de la pensée militante en même temps que rationnelle et romanesque. Nous avons vécu ensemble l’avènement de la gauche au pouvoir au cours des années 1970 et notre entrée au gouvernement en 1981 avec Marcel Rigout et Charles Fiterman. Cette expérience a renforcé une amitié demeurée vivace, jusqu’aux plus simples attentions : l’appel de Jack tous les 1er janvier dans l’après midi pour nous souhaiter une bonne année. Je disais à Jack, il y a peu, que je m’étonnais qu’il ait si peu écrit sur son combat pour la culture et sur les multiples facettes de sa vie. Il m’avait répondu qu’il en était bien conscient mais que la masse de ses activités ne lui en avait pas laissé le temps. Il disait « Ma vie me brule le temps ». Il avait cependant décidé de s’atteler à ce travail dont il me disait qui était déjà bien avancé et qu’il pensait pouvoir achever d’ici six mois. Comme tout au long de sa vie sans doute, le temps lui aura manqué pour accomplir l’immensité de ses projets et de ses rêves. Assurément ils resteront dans les nôtres.

Arrivée des quatre ministres communistes à l’Élysée le 24 juin 1981 de gauche à droite : Jack Ralite, Charles Fiterman, Anicet Le Pors; Marcel Rigout (décédé le 23 août 2014)

« Le social, quel retour sur investissement ? » – Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS), Reims 18 octobre 2017

« Dernier rempart contre l’exclusion

Ou levier de développement territorial ? »

 (Table ronde)

Votre congrès a voulu mettre au cœur de sa réflexion « Le social, quel retour sur investissement  », afin de « promouvoir la notion d’investissement social ». Je l’aurais pris pour une sorte de provocation susceptible de mettre du piment dans un débat. Mais ce thème s’inscrit aussi clairement dans le courant libérale dominant qui a développé son expression également sur le terrain social par plusieurs rapports (Conseil économique social et environnemental en 2014 et France stratégie en 2016). C’est un terrai marqué par beaucoup d’injustices et de souffrances où on ne saurait s’avancer sans risque d’indécence.

Il s’agit là, tout d’abord, d’une démarche hautement critiquable tant au regard de la rationalité de l’analyse économique, des raisons qui doivent guider les choix publics, notre conception de la citoyenneté forgée au cours de notre histoire.

D’où ma première remarque sur la nécessité d’élargir le cadre d’analyse qui ne peut être circonscrit au purement local si l’on veut, comme vous le proposez « objectiver l’impact de cette action (d’investissement social) indispensable à l’équité territoriale ». On ne saurait ignorer non plus que nous sommes dans une période historique singulière après un XXe siècle prométhéen (René Rémond) dans une situation de « métamorphose » pour reprendre l’expression d’Edgar Morin. Sans y insister cette situation fait partie de l’analyse et doit être présente à l’esprit. Qui d’ailleurs pourrait contester que la diminution du nombre d’emplois aidés ou la réduction de 13 milliards d’euros, au terme du quinquennat, des dotations de l’État pour respecter les engagements vis-à-vis de l’Union européenne seraient sans impact sur l’investissement social et par voie de conséquence sur le respect du principe d’égalité ? Et comment parler d’égalité locale quand 10 % des Français possèdent 50 % du patrimoine des Français ?

Car l’égalité est un principe constitutionnel de la République et non un paramètre parmi d’autres de l’économie de marché. Il doit être respecté quand bien même son coût l’emporterait sur certains avantages tirés de sa méconnaissance. Renverrait-on les femmes au foyer dans l’hypothèse où cette action permettrait une réduction du chômage ? Refuserait-on l’Aide médicale d’État (AME) à un demandeur d’asile au mépris de nos engagements internationaux ? Oserait-t-on refuser un soutien scolaire aux enfants en difficulté ou handicapés au motif que cet argent serait plus rentable s’il était alloué aux classes préparatoires ? Le juste peut ne pas être rentable (et réciproquement).

L’objectivation de l’impact des décisions publiques suppose des moyens d’expertise scientifiques de plus en plus élaborés si l’on ne veut pas s’abandonner à la « main invisible » de l’économie de marché. Or, ce n’est pas l’évolution que l’on a pu observer au cours des dernières années, sinon des dernières décennies. Je passe sur les suppressions anciennes du Commissariat général du Plan (CGP) et de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR) pour me concentrer sur la suppression massive dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) en 2010 de nombreux autres organismes d’expertise et de rationalisation comme le Conseil national d’évaluation (CNE), le Haut conseil des entreprises publiques (HCEP), la subordination de la direction de la Prévision de à la direction du Trésor, du Comité d’enquête sur le coût et le rendement des services publics à la Cour des comptes, et d’autres. La notion d’aménagement du territoire a disparu au profit de celle de réformes des collectivités territoriales qui bouleversent le paysage administratif. Le démographe Hervé Le Bras a ainsi montré que la création de métropoles concentrant moyens humains et financiers aura pour conséquence d’obliger les départements périphériques de la zone d’influence métropolitaine à assurer entre eux la péréquation de l’investissement social, c’est-à-dire le partage de la pauvreté. Comment pourrait-on ignorer un tel processus dans l’ « objectivation de l’impact »  ?

 

Je conteste, ensuite le paradigme du management de l’entreprise privée dans l’analyse de l’investissement social comme instrument du service public, tant dans les concepts utilisés que le vocabulaire pratique : le « retour sur investissement », par exemple.

Ne soyons pas naïfs. L’expression relève, en effet, de l’idéologie libérale qui a comme base la théorie néoclassique dont les prémices datent de 1860 – c’est donc, soit dit en passant, tout sauf moderne. Théorie rapetassée un nombre incalculable de fois. Elle se traduit notamment aujourd’hui par la formule qui régit l’Union européenne : « une économie de marché ouverte où la concurrence est libre et non faussée », règle qui se subordonne le service public regardé comme une dérogation à la règle. On ne saurait donc se réclamer du service public en privilégiant les instruments de l’économie libérale. Ceux–ci conduisent à une monétarisation généralisée du calcul économique qui légitime le retour sur investissement, le taux de rentabilité interne des investissements quels qu’ils soient, ce qui est à l’évidence contre leur nature en matière sociale. Peuvent être ainsi monétarisés dans l’économie marchande non seulement les investissements et les profits qu’ils dégagent, mais aussi, dans les meilleurs des cas, les avantages non marchands et les effets externes de toutes sortes impliqués. Dois-je rappeler qu’en comptabilité nationale la valeur produite par les administrations est, par convention, mesurée par … leur coût. Vouloir transposer la démarche entrepreneuriale aux services publics communaux d’aide sociale est tout simplement absurde.

Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas là une question importante : celle de la mesure de l « ’efficacité sociale » du service public en général et des services sociaux en particulier. Mais plutôt que d’en appeler au « retour sur investissement » par conformisme et facilité il faut poser le problème de l’efficacité dans toute sa complexité. J’ai pratiqué moi-même la monétarisation à outrance pendant la douzaine d’années passées à la direction de la Prévision du ministère de l’Économie et des Finances. Dans un calcul de rentabilité d’un investissement autoroutier projeté, J’ai chiffré le coût d’atteintes subjectives à l’environnement, le chagrin de la veuve d’un probable accidenté de la route, etc. Nous agissions ainsi parce que nous ne connaissions pas d’autre méthode, mais nous n’étions pas dupes de l’irrationalité de la pratique. Aussi des recherches avaient commencé à être engagées pour doter l’efficacité sociale des outils théoriques pertinents : choix multicritères, compte de surplus de productivité globale des facteurs, etc. Le sort fait depuis les années 1980 – que j’ai précédemment rappelé – aux organismes de recherches économiques et sociales, nous laisse dans une grande pauvreté mais n’a pas fait disparaître la question de la mesure de l’efficacité sociale de l’action publique pour autant, aux confins de la science et de la démocratie. Ce qui peut nous guider dans la recherche de solutions.

Ce que l’on a rappelé le Nouveau management public (NMP) n’est pas ma réponse adéquate. C’est précisément la tentative de transposer les concepts de l’entreprise privée au service public. Le NMP a deux effets négatifs. Premièrement, il remplace la conscience des finalités concourant à la recherche de l’intérêt général dans le respect du principe d’égalité par des critères visant non à mesurer l’efficacité sociale des services mis en œuvre par des travailleurs collectifs par des évaluations discutables de la performance individuelle. Deuxièmement, parcellisant les processus du fait de cette individualisation il affaiblit le lien social et, par là, la démocratie dans les services. La carence théorique se double ainsi d’une carence démocratique. C’est bien dans les réponses à ces deux questions que se trouve la réponse à l’évaluation de l’efficacité sociale.

Mais quoi qu’il en soit nous avons un problème de vocabulaire. Un intervenant a évoqué tout à l’heure une multitude de qualifications de l’investissement qui lui fait perdre toute signification conceptuelle et a pour effet de suggérer leur commune marchandisation, l’investissement social apparaissant comme de même nature que l’investissement industriel ou financier, ce qui ne m’apparaît pas souhaitable. Je ne souhaite pas m’inscrire dans une sorte de guerre de religions sur le sens des mots mais je crois que nous devons à la fois être tolérants dans leur utilisation mais avec le souci de la maîtrise du verbe. Car comme l’écrivait Victor Hugo : «  La forme, c’est du fond sui remonte à la surface ».

 

 Gardant à l’esprit ces constats de carence, je tenterai enfin de répondre succinctement aux trois questions que vous nous avez posées.

 

* L’action sociale rempart contre l’exclusion ou levier du développement territorial ?

Dans le contexte actuel : rempart contre l’exclusion. Pour le développement territorial, je renvoie aux appréciations des élus de tous bords sur les plus récentes annonces du gouvernement, aux résultats des élections sénatoriales et aux réactions de méfiance des associations d’élus. Le développement territorial relève de l’aménagement du territoire dont les moyens dépassent largement la dépense sociale.

 

** Si l’on considère qu’il semble impossible de combler le fossé des inégalités le service public ne serait plus le service de tous mais celui des plus démunis ?

Et après tout ? Je note le point de vue défaitiste selon lequel il serait impossible de combler le fossé des inégalités. Priorité en tout état de cause aux plus démunis. Cela ne s’oppose pas d’ailleurs, au principe d’égalité, mais en est au contraire la stricte application : apporter des réponses différenciées à des situations différentes, au surplus en présence d’un intérêt général : le devoir d’assistance. Quand bien même tous les crédits de l’action sociale seraient affectés aux seuls plus démunis, ce serait quand même l’application du principe d’égalité du service public pour tous, même la majorité ne recevait rien.

 

*** Le service public reste-t-il une valeur commune à partager : pourquoi, comment, dans quelles conditions ?

La question traite de façon bien légère la notion de service public, son histoire, sa théorisation à la fin du XIXe siècle au sein de l’École de Bordeaux, le développement de la jurisprudence sur le sujet. Elle revient à se demander s’il existe encore un intérêt général et en quoi consiste l’idée de citoyenneté aujourd’hui. Elle est éminemment politique et devrait être traitée dans toute son ampleur et sa complexité, dépassant largement le thème de votre congrès. Ma conviction est que nous entrons dans un monde où le libéralisme n’est pas l’horizon indépassable que l’on prétend souvent. Je pense tout au contraire que nous sommes d’ores et déjà engagé dans un monde où croitront les connexions, les interdépendances, les coopérations, les solidarités, bref ce que nous appelons en France : le service public. Le XXIe siècle sera, par nécessité, l’ « âge d’or » du service public. Mais je dois reconnaître que, pour l’instant, nous n’en prenons pas le chemin.

Hommage à Françoise Milewski – OFCE , SCIENCES PO Programme de recherche et d’enseignement des savoirs sur le genre, 25 septembre 2017

Je me suis demandé, jusqu’à cet instant quelle était ma légitimité pour introduire cette rencontre d’hommage à Françoise Milewski. Nous nous connaissons depuis une quarantaine d’années, et cette ancienneté est sans doute la raison la plus évidente.

Cela nous ramène au tournant des années 1960-1970. Et pour éclairer aujourd’hui il n’est sans doute pas inutile de faire ce détour par le passé. Françoise travaillait au ministère de l’Industrie et moi à la direction de la Prévision au ministère de l’Économie et des Finances. C’était encore – mais plus pour longtemps – l’époque de la planification à la française, ardente obligation du général de Gaulle, qui laissera place, sous l’impulsion de Giscard d’Estaing, à une démarche plus stratégique au plan international sous le thème de « l’impératif industriel ». Les politiques publiques s’exprimaient dans le cadre de la Rationalisation des choix budgétaires, la RCB qui se voulait à forte assise scientifique. Et c’est dans ce cadre intellectuel qui nous a formé que Françoise et moi même avons été appelés à nous connaître, notre collaboration au sein d’un groupe de travail portait sur un sujet très sensible alors : les transferts État-industrie.

Dans ce contexte la vie professionnelle et l’action politique étaient souvent mêlées. C’&tait notre cas à tous deux, même si nous n’étions pas dans les mêmes chapelles. C’était aussi l’époque de la contestation du modèle de société avec le mouvement de 1968, de la montée en puissance du Programme commun de la gauche dans les années 1970. Selon nos démarches propres et nos slogans nous participions à cette effervescence. Ainsi à la DP nous avions rebaptisé la RCB en « Révolution Cubaine au Budget ». Si j’évoque ces contextes professionnel et politiques c’est qu’ils ne faisaient qu’un à base de rationalité, de modélisation, de statistiques, de volontarisme, d’engagement dans une société où nous pensions que la main visible devait tordre le bras de la main invisible. Françoise dirait peut être les choses autrement, mais je pense que c’est alors que nous avons forgé nos caractéristiques de base qui expliquent, au moins partiellement, la suite.

Nos chemins ensuite se sont séparés, mais nous n’avons jamais perdu le contact. Ils devaient se croiser à nouveau lorsque Michel Sapin fin 1999 m’a demandé de présider un Comité de pilotage pour l’égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs des fonctions publiques. La première question que l’on se pose dans ces circonstances c’est de trouver la personne qui sera la cheville ouvrière de l’opération. Assez vite j’ai pensé à Françoise et je lui ai téléphoné pour lui proposer d’être la rapporteure du comité. Elle m’a alors appris qu’elle connaissait un moment particulièrement douloureux de sa vie avec la disparition brutale récente de son mari. Cela ne l’a pas empêchée de me rappeler rapidement pour me donner son accord. Cette fermeté de caractère que chacun lui reconnaît est une caractéristique de sa personnalité.

Nous avons alors entrepris ensemble de constituer le comité. Nous le voulions diversifié pour disposer d’un large champ d’expériences. Nous voulions aussi respecter la parité en son sein, mais nous avons constaté très vite que beaucoup d’hommes étaient réticents à s’engager dans cette réflexion. Deux exemples. Le directeur de l’École de la Santé de Rennes pressenti nous a déclaré «  Votre proposition m’intéresse mais je connais une femme qui travaille sur ces questions et qui vous sera plus utile » : il avait raison puisqu’il s’agissait d’Annie Junter, mais il était quand même parvenu à s’éclipser. Deuxième exemple : Richard Descoings avait accepté de faire partie du comité, nous nous connaissions bien car nous avions travaillé dans la même sous-section du contentieux au Conseil d’État, mais dès la première réunion il nous a dit que, selon lui, il s’agissait d’un problème de volonté politique et qu’il suffisait de décider de la parité pour l’installer ; il nous a délégué une personne de son entourage que nous avons vue une seule fois. Cela dit le comité a été bien constitué de personnes compétentes et chaleureuses et il a travaillé sérieusement, dans le meilleur esprit. Je suis heureux que plusieurs de ces membres soient présentes aujourd’hui à l’occasion de cet hommage à Françoise et des liens d’amitiés qui nous unissent douze années plus tard. C’est à Françoise que nous devons cette fidélité collective.

Le comité, sous la plume de Françoise, a produit trois rapports publiés à la Documentation française. Ils s’intitulent, selon un crescendo volontariste : en 2002 Piloter l’accès des femmes aux emplois supérieurs, en 2003 Promouvoir la logique paritaire, et en 2005 Vouloir l’égalité. Je n’en ferai pas évidemment l’analyse complète mais j’en résumerai ainsi les caractéristiques principales, au-delà de s développements plus classiques comme ceux sure les stéréotypes de sexe, les plafonds de verre ministériels, l’intériorisation de certaines inégalités, etc. « Seul le chiffre fait preuve » nous avait dit Geneviève Fraisse que nous avions auditionnée ; de fait ces rapports contiennent beaucoup de statistiques que nous avons pu établir avec le soutien de la cellule statistique de la Direction générale l’administration et de la fonction publique (DGAFP) et plus particullièrement de l’un de ses membres, Roger Martinez. Cette base a conduit à l’élaboration de tableaux de bord mettant en évidence des catégories utiles à la décision comme celles de potentiels promouvables ou de viviers de proximité. Préconisant la contrainte dans une culture du résultat, le comité a formulé une quinzaine de propositions ou actions positives. Chargé de l’analyse des inégalités hommes-femmes dans la haute fonction publique le comité n’avait pas à traiter les inégalités, plus dramatiques encore car marquées par la précarité, dans la catégorie C de la fonction publique, analyses largement traitées depuis par Françoise.

Depuis les échanges entre membres du comité se sont poursuivis avec une forte présence de Françoise. Nous en avons parlé mais sans vraiment en débattre au fond. Je ne suis pas compétent aujourd’hui pour en débattre sérieusement, mais cette distance qui est celle d’un simple citoyen peut néanmoins être utile aux expertes et aux experts. Et je me sens protégé par le fait que Françoise intervient après moi qui redressera ce qui doit l’être. Je voudrais livrer trois interrogations et lui donner ainsi « du grain à moudre ».

La première concerne l’inclusion, qui est survenue vers la fin des travaux du comité en 2005, de la question de l’égalité femmes-hommes dans la problématique de la diversité. J’ai été reçu par Dominique Versini qui avait été chargée de mission sur la diversité. Je lui ai dit ma réserve. Ses réponses ne m’ont pas convaincu. Depuis cette approche a prospéré un peu partout. La question de l’égalité homme-femme ne doit pas être, à mon avis, noyée dans l’ensemble indifférencié de spécificités de toute nature.

La deuxième concerne aux bouffées idéologiques en provenance des États Unis qui impose, à partir de bases culturelles qui ne sont pas les nôtres des concepts et des postures tels que ceux de droit souple ou de lanceurs d’alerte, la délation n’étant pas encore en France une vertu civique. Je ne vois pas non plus ce qu’apporte la notion de genre au débat sur l’égalité femme-homme s’il peut être utile dans des approches spécifiques, psychologiques, sociologiques ou philosophiques. D’ailleurs, je ne me souviens pas que nous en ayons jamais parlé au sein du comité et nous n’en avons pas eu besoin entre 2000 et 2005. Je pense que le mot ne figure dans aucun de nos rapports.

Enfin, troisième interrogation, il s’agit d’une expérience personnelle récente. J’ai été auditionné – comme Françoise d’ailleurs – par le Conseil économique social et environnemental (CESE) à l’occasion d’une demande d’avis du Premier ministre Manuel Valls sur l’avenir de la fonction publique. Pour correction avant publication le texte de mon intervention m’a été communiqué et j’ai été surpris de constater que nombre de mots, adjectifs ou participes passés étaient truffés de points ou de tirets. J’en ai demandé la raison et on m’a répondu que c’était dorénavant une règle résultant d’un accord passé entre le CESE et je ne sais quelle autorité. J’ai eu beau faire valoir que je n’avais pu prononcer les mots réécrits au demeurant imprononçable, rien n’y a fait. Je ne pense pas que l’on puisse faire progresser l’égalité femme-homme par des atteintes à la langue française.

L’hommage a Françoise voulu par les organisatrices et les organisateurs est naturellement centré sur l’égalité femmes-hommes comme en témoigne le programme prévu. Il ne saurait cependant occulter d’autres dimensions de la personnalité de Françoise que je ne veux mentionner que pour témoigner de sa richesse. Trois rencontres me le permettent .

La première, il y a une dizaine d’années, où elle a été honorée pour ses travaux sur l’histoire de sa famille replacée dans la grande histoire dramatique du XX° siècle, contribution confirmée plus tard par Simone Veil.
La deuxième, lorsque le directeur de l’OFCE lui a remis les insignes de la Légion d’honneur par lesquels la République lui reconnaissait ses « mérites éminents ».

La troisième quand ses collègues et ses amis ont tenu à lui dire leur affection et considération pour l’ensemble de son œuvre. C’est ici et maintenant.

Anne-Marie TIEGES et Edouard KIERLIK Chevalier de l’Ordre national du Mérite -Université Paul et Marie Curie, 15 septembre 2017

 

 

Monsieur le Président, merci pour vos paroles d’accueil et d’honorer de votre présence cette cérémonie,

Mesdames, Messieurs,

Chère Anne-Marie TIEGES, Cher Édouard KIERLIK,

 

Par décret du Président de la République du 2 mai 2017 vous avez été nommlés Chevalier dans l’Ordre National du Mérite. C’est une reconnaissance solennelle au nom de la République en même temps que l’occasion d’une rencontre conviviale et heureuse autour de vous. Mais cette nomination ne prend effet qu’à partir de la remise des insignes dans le respect les rites prévus par la Chancellerie, c’est-à-dire à partir d’aujourd’hui.

L’Ordre National du Mérite a été créé en 1963 par le Général de Gaulle ; c’est, avec la Légion d’honneur l’une des deux ordres nationaux majeurs. Ses racines sont cependant bien plus anciennes. On peut notamment les identifier dans l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 aux termes duquel : « Tous les Citoyens étant égaux (aux yeux de la loi) sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». C’est pourquoi l’Ordre National du Mérite entend récompenser les « mérites distingués » ; en l’espèce, du service public.

Les vôtres le sont particulièrement. Vous appartenez à la haute fonction publique, Anne-Marie Tièges comme Administratrice de l’enseignement supérieur et de la recherche, DRH de l’UPMC ; Édouard Kierlik comme Professeur, Directeur de l’Unité de formation et de recherche (UFR) de physique de l’UPMC. D’être amené à officier aujourd’hui pour consacrer des mérites dans des fonctions aussi distinctes d’une même Université revêt pour moi une signification toute particulière que je peux exprimer sous forme d’une anecdote vieille de 35 ans dont la scène était le bureau du Premier ministre de l’époque ; Pierre Mauroy, pour une séance d’arbitrage entre le ministre chargé de la Recherche, Jean-Pierre Chevènement, et moi-même en charge de la Fonction publique. Il s’agissait de savoir, dans le cadre de l’élaboration du statut général des fonctionnaires, quel statut particulier réserver aux agents des établissements publics de recherche. Leur ministre de tutelle, Jean-Pierre Chevènement soutenait l’idée d’un statut autonome, comme celui des magistrats de l’ordre judiciaire, par exemple. Soucieux de ne pas multiplier les catégories, je défendais au contraire l’idée que ces personnels pouvaient être considérés comme fonctionnaires de l’État, fusse en situation très dérogatoire compte tenu de leur spécificité, l’ouverture sur l’international notamment. Après l’exposé par les deux ministres de leurs thèses respectives, Pierre Mauroy, dubitatif, se tourna vers une personne qui se tenait au bout de la table – il s’agissait d’un conseiller d’État, Marceau Long, Secrétaire général du Gouvernement – Il lui demanda : « Monsieur le Secrétaire général, pensez-vous que l’on puisse faire cela ave c le statut général des fonctionnaires ? » : et le Secrétaire général lui répondit : « Monsieur le Premier ministre, on peut tout faire avec le statut général des fonctionnaire ! ». L’arbitrage fut donc pris en compte dans le projet de loi de Jean-Pierre Chevènement qui deviendra la loi d’orientation de la recherche du 15 juillet 1982 toujours en vigueur.

Depuis je n’ai entendu aucune plainte contre cet arbitrage. Le statut général a en effet un caractère législatif au sommet de la « hiérarchie des normes » souvent évoquée récemment à propos de la réforme du code du travail. Il comporte donc à la fois les meilleures garanties de neutralité et d’impartialité pour l’administration et les garanties mettant le fonctionnaire à l’abri des pressions économiques ou politiques et de l’arbitraire éventuel du pouvoir hiérarchique. Il en est ainsi parce que ce statut est le résultat d’un ensemble de choix successifs : le choix du fonctionnaire-citoyen contre celle du fonctionnaire-sujet qui avait prévalu pendant tour le XIX° siècle et la première moitié du XX° ; le choix du système e la carrière considérant l’ensemble de la vie professionnelle du fonctionnaire contre le système de l’emploi liant strictement l’agent public à son métier ; la recherche d’un équilibre entre unité et diversité ayant conduit à la fonction publique « à trois versants » ; enfin, la référence à trois principes républicains fondateurs ancrés dans notre histoire : l’égalité, l’indépendance et la responsabiluté.

J’entends par là donner du sens aux distinctions aujourd’hui consacrées, à l’inverse des vanités qui peuvent parfois être évoquées au sujet des décorations. Il s’agit bien en la circonstance de distinguer les mérites, les vertus et les talents de nos récipiendaires du jour. Ils sont bien connus de la plupart d’entre vous, c’est pourquoi je me bornerai à en rappeler l’essentiel.

 

Anne-Marie TIÈGES,

Après de brillantes études supérieures, d’une part en sciences sociales et économie du travail avec une option santé à Paris I, vous complétez par une formation à la gestion du personnel à Paris XIII – où j’ai moi-même enseigné.

Vous avez ensuite développé une carrière marquée par la constance de ces centres d’intérêt et une prise en charge croissante de responsabilités : sur l’enfance et la famille au Conseil général du 93, puis à la direction de deux établissements de santé mutualistes de Creil-Picardie, puis comme DRH à Aubagne (ville et CCAS), ensuite à Marseille (Institut de recherche pour le développement), et depuis 2014 comme DRH à l’UPMC soit 6500 agents, 17 campus, 100 laboratoires, 6 UFR, 7 écoles et instituts.

Vous avez eu parallèlement de multiples activités d’enseignement en direction des cadres territoriaux notamment, créé des diplômes, participé à des jurys, et vous avez co-écrit un ouvrage sur : La gestion du personnel au quotidien, sans cous être sentie obligée de parler de management.

Enfin, je relève également que vous avez été membre d’institutions représentatives, militante associative et que vous avez participé sur tous les sujets précités à des missions tant en France qu’à l’étranger (Roumanie, Canada, par exemple)

Et c’est pour toutes ces raisons que, « Anne-Marie Tièges, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés nous vous faisons Chevalier dans l’Ordre National du Mérite. »

 

Édouard KIERLIK,

Professeur, donc, de classe exceptionnelle à l’UPMC au Laboratoire de physique théorique de la matière condensée, vous êtes un ancien élève de la prestigieuse École Normale Supérieure.

Vous rejoignez l’UPMC comme doctorant avant même votre service militaire. Vous vous consacrez à l’enseignement comme maître de conférence puis comme professeur.

Votre carrière est caractérisée par des responsabilités majeures relatives à la licence de physique de l’UPMC avant d’être nommé directeur de son UFR de physique.

Vous êtes chargé de plusieurs missions d’expertise et êtes porteur de projets dans le cadre de la définition et de la conduite des contrats d’établissement sur la période 2009-2018.

Vous êtes l’auteur de 39 articles dans des revues internationales et avez été cité – je sais combien c’est important dans une carrière universitaire – 2  137 fois.

Vous intervenez aussi de plus en plus à la radio et à la télévision : vous avez écrit quatre livres de popularisation de la science qui révèlent une dimension intéressante de votre personnalité puisque les deux derniers s’intitulent : Physique buissonnière et Physique surprise (2013). Vous avez fait déjà, en raison de cette vocation de mise à disposition du plus grand nombre de vos connaissances scientifiques, l’objet de nombreux titres et distinctions. Je me bornerai à citer le Prix Jean Perrin en 2008, récompensant l’action pour la popularisation de la science, qui vous a été décerné par la Société française de physique.

Pour ma part, je me permets simplement de solliciter une faveur : que vous nous disiez un mot sur « la  matière condensée ».

Mais en attendant, « Édouard Kierlik,, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés nous vous faisons Chevalier dans l’Ordre National du Mérite. »