Les institutions – Université du temps libre de Lesneven – 3 novembre 2016

L’ÉTAT ET SES INSTITUTIONS

L’année 2017 sera marquée par une succession d’élections : présidentielle, législatives, sénatoriales et certains candidats avancent même l’idée de plusieurs référendums. C’est donc une question de grande actualité, et s’il n’est pas questions ici de discuter des mérites de tel ou tel candidat ou de tel ou tel parti, il est utile pour se prononcer en tout état de cause sur la portée de son vote, de posséder une connaissance aussi bonne que possible sur ce que l’on appelle l’État, les institutions.

images1À cet égard, la France dispose d’une riche expérience, on peut dire qu’elle est un véritable laboratoire institutionnel : quinze constitutions en deux siècles, très diverses sous plusieurs régimes. Il est utile de revenir sur ces expériences et notamment sur les plus récentes, les deux dernières notamment. On doit aussi réfléchir aux multiples propositions qui sont faites pour en changer ou réformer les institutions existantes. Et, enfin, il faut dégager de tout cela les questions les plus importantes qui conduisent notre raisonnement. Sur le terrain des institutions, le peuple français témoigne qu’il est un peuple politique.

 

 

I. UNE RICHE HISTOIE INSTITUTIONNELLE

 

 1.1. L’exigence d’une constitution écrite

Il n’y a pas de constitution sous l’Ancien Régime, seulement quelques textes fondamentaux concernant principalement le roi et des coutumes. Le roi détient son pouvoir « par la grâce de Dieu ». Mais l’affaiblissement du sentiment religieux, le discours des « philosophes » et l’aspiration croissante à plus de liberté et d’égalité font que le pouvoir d’État tend à se dissocier de la personne du monarque, à s’autonomiser. Philippe le Bel à la fin du XIIIème siècle installe le pape Clément V à Avignon et crée le Conseil d’État du Roi marquant ainsi une distinction entre affaires publiques et affaires privées. François 1er impose le français comme langue administrative contre le latin, langue du sacré, il met fin au monopole de l’Église en matière d’asile. Le pouvoir politique se sécularise.

Louis XIV commence son règne en proclamant « l’État c’est moi », mais ai moment de mourir, après un règne de soixante-douze ans, il aurait déclaré « Je meurs, mais il reste d’État ». Une deuxième rupture se produit donc entre la personne du Roi et l’État qui s’autonomise à son tour. Aussi, ne faut-il pas s’étonner que la première exigence des délégués aux États généraux qui se réunissent le 5 mai 1789 à Versailles soit l’élaboration d’une constitution écrite pour la France. Déjà Jean-Jacques Rousseau avait appelé à la conclusion d’un Contrat social en 1762 et il avait même rédigé lui-même deux projets de constitutions, l’une pour la Corse en 1768 et l’autre pour la Pologne en 1771[1].

Tous, alors, ne mettent pas évidemment le même contenu à l’idée de constitution. Les conservateurs souhaitent une mise en ordre formelle des pouvoirs monarchiques. Les révolutionnaires veulent faire table rase de l’ordre existant. L’idée de reconnaissance et de séparation des pouvoirs de Montesquieu ( De l’esprit des lois en 1748) : exécutif, législatif, judiciaire s’impose et consacre finalement le rôle de l’État nouveau par le transfert de la souveraineté du Roi à la Nation. Alors – troisième rupture – une autre séparation s’opère simultanément : entre cet État, dépositaire de l’a volonté générale et la reconnaissance de droits de l’homme et du citoyen. Ce dernier, en conformité avec l’analyse de Jean-Jacques Rousseau est sujet du souverain – le Peuple – et autonome comme personne. La traduction de ce double mouvement sera l’existence durable, d’une part d’une constitution écrite, d’autre part d’une Déclaration des droits – ou d’un préambule – généralement placée en tête de la constitution. C ‘est encore vrai aujourd’hui.

Depuis, la France est un véritable laboratoire institutionnel : quinze constitutions en deux cent vingt-deux ans (Annexe I). La première constitution est intervenue en 1791 et nous en sommes donc à la quinzième, soit une durée de vie moyenne d’environ quinze ans. Lorsque l’on parcourt la succession de ces constitutions, on peut dégager deux lignes de forces : l’une démocratique dont le meilleur exemple est la constitution de 24 juin 1793, dite aussi de l’An I, produite par la Convention ; l’autre autoritaire ou « césarienne », dont la constitution de Louis Napoléon Bonaparte du 14 janvier 1852 me semble l’exemple le plus caractéristique. L’histoire institutionnelle de la France peut être analysée par référence à ces deux expressions opposées. Afin de caractériser les deux modèles je dirai quelques mots de chacun d’eux.

La Constitution de 1793 dans une longue déclaration des droits propose le bonheur comme finalité et donne la plus grande place à l’intervention du peuple. Anti-fédéraliste et antilibérale, elle a été souvent considérée comme référence d’un régime parlementaire. Les députés sont élus pour un an, le 1er mai. Les étrangers présents depuis au moins un an peuvent voter et sont éligibles (Thomas Peine, Anacharsis Cloots). Les citoyens participent à l’élaboration de la loi par leurs assemblées primaires. L’article 35 prévoit le droit à l’insurrection si le gouvernement viole les droits du peuple – « le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs » -. Dans la constitution est prévu le droit d’asile pour les combattants pour la liberté, refusé aux tyrans. Le gouvernement est constitué en dehors de l’Assemblée. La constitution fut réservée en attendant le retour de la paix, car il fallait un exécutif fort pour conduire la guerre. Finalement, elle ne fut jamais appliquée.

La Constitution de 1852, a été établie après le coup d’État du 2 décembre 1851 pour faire échec à l’expiration du mandat de Louis Napoléon Bonaparte qui devait s’achever en mai 1852 et n’était pas renouvelable. La constitution lui donne tous pouvoirs sur les autres organismes de l’appareil d’État pour un mandat de 10 ans. Un sénatus-consulte lui confèrera la dignité impériale le 7 novembre 1952 sans qu’il y ait besoin de modifier le dispositif institutionnel. Néanmoins on passera en 1860 de l’Empire autoritaire à l’Empire libéral sous la pression des milieux catholiques et des forces économiques.

Les deux lignes de forces marquent les diverses constitutions, mais dans des proportions variables. Ainsi la constitution de la IVème République se rattache à la première, la constitution de la Vème est un hybride plutôt dominé par l’esprit de la seconde. Leurs analyses comparatives permettent ainsi une réflexion synthétique sur le rôle de l’État et les questions institutionnelles que je m’efforcerai de situer dans le contexte actuel.

La constitution de la IVème République aura duré douze ans, la Vème en compte cinquante-huit cette année, en deuxième position pour la longévité après la IIIème, soixante-cinq ans.

1.2. La constitution de la IVème République

Histoire

Le régime de Vichy a supprimé la Constitution de la IIIème République du 25 février 1875 et s’est attaché à traduire en institutions sa conception de l’ « ordre moral » dans la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 annonçant un projet de constitution du Maréchal Pétain qui ne sera jamais adoptée. Si le régime de Vichy trouvait la constitution de la IIIème République trop démocratique, les différents courants de la Résistance intérieure ou extérieure souhaitèrent très rapidement mettre en place des institutions fondées sur le peuple – dans une sorte de personnalisation à l’instar de Michelet-. Le poids et l’organisation du parti communiste eurent pour effet de mettre en avant la référence à la constitution de 1793, sous forme d’un régime d’assemblée unique, élue à la proportionnelle intégrale et favorable au rôle des partis. Au plan économique, la Résistance avance une planification démocratique, des nationalisations et, au plan social, la sécurité sociale dans le cadre du programme du Conseil national de la Résistance (CNR). La situation est alors assez largement consensuelle sur cette base.

Dès 1942, le général de Gaulle admet une réforme institutionnelle profonde. Une ordonnance du 21 avril 1944, prise à Alger, prévoit une Assemblée nationale constituante. De Gaulle incline pour une dimension présidentielle sur le modèle des États Unis.

Un premier référendum a lieu le 21 octobre 1945 pour répondre à deux questions en même temps qu’était élue l’Assemblée constituante. 1/ reconnaissance de l’assemblée comme constituante. 2/ limitation de ses pouvoirs à sa fonction constituante pendant sept mois. La réponse fut oui-oui (de Gaulle, PS, MRP), contre oui-non (PCF), er non-oui (radicaux). Le PCF domine cependant l’assemblée (25 %) avec le MRP.

Aussitôt se développe une tension entre les partis, principalement de gauche, et de Gaulle élu chef du gouvernement après maintes palabres. Il refuse de confier des ministères-clés aux communistes. Il démissionne le 20 janvier 1946. Félix Gouin, socialiste, lui succède, Vincent Auriol est président de l’Assemblée. Finalement Pierre Cot fait adopter par l’Assemblée un projet au bout d’un vif conflit : MRP contre socialistes et communistes.

Ce projet institue un régime d’assemblée fortement marqué par le modèle de la Convention. Soumis au référendum, il est rejeté le 5 mai 1946 par 53 % des suffrages – c’est la première fois qu’un référendum rejette la proposition soumise au vote -. La cause réside à la fois dans la crainte du régime d’assemblée et des communistes.

Une nouvelle assemblée constituante est élue. L’ordre d’importance est : MRP (28 %), communistes (26 %), socialistes (21 %). Le discours de Bayeux du général de Gaulle le 16 juin 1946, donne une esquisse d’une constitution avec un chef de l’État au-dessus des partis et doté de pouvoirs importants. La gauche n’en tint pas compte si elle prit soin de veiller à ce que n’intervienne pas un nouveau résultat négatif. Finalement, le projet est adopté par référendum par 9 millions de oui, 8 de non, mais 6 d’abstentions et 1 de bulletins blancs. La constitution sera promulguée le 27 octobre 1946.

Contenu

Cette constitution est dans la filiation des constitutions révolutionnaires : 1789, 1793, 1795, 1848. Elle ne comporte pas de Déclaration des droit, mais un Préambule toujours en vigueur retenant de nombreux droits : droit d’asile, droit au travail, accès à la formation, à la gestion des entreprises, de grève, nationalisations, égalité hommes-femmes, etc. On valide, par là, des mesures prises depuis la Libération. La constitution renvoie à la Déclaration des droits de 1789 et aux « principes fondamentaux reconnus par les lois de la république ».

Elle prévoit deux chambres : l’Assemblée nationale et le Conseil de la République. La première est élue à la proportionnelle[2], elle a l’initiative des révisions constitutionnelles et a le dernier mot en matière législative. Elle est à la source de la composition du gouvernement et, avec le Conseil de la République, élit le Président de la République. Celui-ci garde les pouvoirs de ses prédécesseurs. Il désigne le Président du Conseil, mais celui-ci doit être investi par l’Assemblée.

Des mécanismes sont créés pour assurer la stabilité : question de confiance et motion de censure des art. 49 et 50 -. Un gouvernement renversé peut dissoudre l’Assemblée.

Évolution

La IVème République doit faire face à de grandes difficultés : reconstruction, guerres d’Indochine et d’Algérie, décolonisation, instabilité gouvernementale, dénaturation de la représentation parlementaire par le système des apparentements – des partis apparentés avant un scrutin législatif se partagent tous les sièges si, ensemble, ils obtiennent la majorité des suffrages exprimés -. Le gouvernement Guy Mollet ne s’impose pas. Une réforme constitutionnelle est envisagée mais sa déclaration d’investiture devant l’Assemblée le 1er juin 1954 ne porte que sur des dispositions mineures. La situation se dégrade (intervention en Égypte, détournement de l’avion de Ben Bella …). Maurice Bourgès Maunoury et Félix Gaillard lui succéderont. Le 13 mai, émeute à Alger le jour de l’investiture de Pierre Pfimlin. Le Président de la République, René Coty, appelle le général de Gaulle comme président du Conseil et l’autorise à élaborer une nouvelle constitution.

Il y eut 25 gouvernements en 12 ans de durée de la constitution de la IVème République. Le professeur J-J. Chevallier a considéré que cette constitution était  « rationnelle, mais n’était pas raisonnable ».

1.3. La Constitution de la Vème République

Histoire

La loi constitutionnelle du 3 juin 1958 fixe les cadres et les limites de la révision constitutionnelle (suffrage universel, séparation des pouvoirs, responsabilité du gouvernement devant le parlement, indépendance de la justice, etc.). Le projet devra être soumis au référendum.

Un avant-projet est rédigé par un petit comité à l’instar des constitutions autoritaires. De Gaulle veille à élargir le nombre des grands électeurs – anticipation de la réforme 1962 – et aux pouvoirs du président, notamment en cas de crise – esprit de Bayeux de 1946 -. Michel Debré veille à « rationaliser » l’activité parlementaire. Le comité fait des propositions qui ne seront pas retenues. Le projet passe en Conseil des ministres le 4 septembre et est adopté le 28 septembre par référendum à 80% des voix. Seul le PCF ayant appelé à voter contre avec quelques personnalités (Mitterrand, Mendès France). La signification du vote est différente pour les territoires d’outre-mer qui se prononcent sur leur indépendance de la communauté qu’introduisait le texte (Guinée).

Contenu

La constitution commence par la souveraineté, mais ensuite l’ordre est changé par rapport à celui de la constitution de 1946 qui était : Parlement-Conseil économique et social – Président de la République -Gouvernement et qui devient : Président de la République Gouvernement – Parlement. Elu pour 7 ans, le Président est rééligible. Il est élu par un large collège de grands électeurs, quelque 75 000. Il a les prérogatives de ses prédécesseurs, mais surtout il est doté de pouvoirs nouveaux portant notamment sur deux articles : l’art. 11 qui lui permet de recourir au référendum sur le fonctionnement des pouvoirs publics et les traités, l’art. 16 en cas de guerre ou de guerre civile, le recours à cet article est très encadré, mais cela lui confèrerait en ces circonstances un véritable pouvoir dictatorial.

Le Gouvernement est composé du Premier ministre – non le Président du conseil qui est le Président de la République -. Le Président de la République nomme le Premier ministre et les ministres qui lui sont présentés par le Premier ministre. Le Gouvernement sollicite la confiance de l’Assemblée nationale. Le Président de la République ne peut ensuite révoquer le Premier ministre. Il y a incompatibilité pour les ministres entre la fonction et un mandat parlementaire. Le Gouvernement a des pouvoirs étendus (art. 20) : initiative des lois, nominations de hauts fonctionnaires, proposition de référendum, déclaration de l’état de siège, recours aux ordonnances, etc. Il dispose du pouvoir réglementaire (art. 34 et 36)

Le Parlement est constitué en deux chambres, composées de parlementaires élus sur des modes définis par des lois ordinaires. La rationalisation est effectuée par un président de l’Assemblée nationale élu pour la législature, le président du Sénat à chaque renouvellement. Ces présidents peuvent saisir le Conseil constitutionnel. Leur consultation est obligatoire dans certains cas. Ils ont donc des pouvoirs propres. Les pouvoirs du Parlement sont réduits par un champ législatif très circonscrit : adoption d’une loi sans vote si le Gouvernement pose une question de confiance et qu’il n’est pas renversé dans les vingt-quatre heures par une motion de censure ; le contrôle de constitutionnalité des lois est instauré ; la loi peut être adoptée par référendum. Les lois sont votées par les deux assemblées. En cas de désaccord, recours à une commission mixte paritaire et s’il n’y a pas accord vote de l’Assemblée nationale sur son texte. Le rôle du Parlement change en cas de différence des majorités aux élections législatives et présidentielle (cohabitation).

Est créé un Conseil constitutionnel composé de neuf membres désignés par tiers par le Président de la République et les présidents des assemblées. Ses compétences sont élargies par rapport à celles du « comité constitutionnel » de la constitution de 1946. Il est le juge des recours sur les référendums, les élections du Président de la République et des parlementaires. Il est encore le juge de la qualification législative des textes. Il est consulté sur la mise en œuvre de l’article 16 et sur l’ « empêchement » du Président de la République.,

Une Haute Cour est créée pour juger le Président de la République – haute trahison, puis seulement manquement du Président ; création alors d’une Cour de justice pour juger les ministres pour faits commis dans l’exercice de leurs fonctions -. Un Conseil économique et social consultatif est créé.

Une procédure de révision de la constitution est mise en place sur la base de l’article 89 de la constitution : sur la base d’un texte voté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat suivi d’un référendum. Mais le Président de la République peut également soumettre un projet au Parlement réuni en Congrès ; le texte doit alors être adopté à la majorité des trois-cinquièmes.

Evolution

Depuis son instauration, la Constitution de la Vème République a été fréquemment modifiée : 5 fois de 1958 à 1991, 19 fois depuis, soit 24 fois au total (Annexe II). On n’évoquera ci-après que les plus importantes – quatre projets de lois constitutionnelles sont en instance de vote par le Parlement réuni en Congrès.

1962 : l’élection du Président de la République au suffrage universel direct.

Voulant passer outre l’opposition probable du Sénat, de Gaulle fait réviser la constitution en utilisant l’article 11. Opposition quasi-générale et constitution du cartel des « non ». Néanmoins le prestige de de Gaulle, fait que le « oui » l’emporta avec plus de 62% des voix. Le Conseil constitutionnel se déclare incompétent. Nouvelle naissance de la Vème République.

Et le fait que le Conseil constitutionnel refuse de contrôler la constitutionnalité des lois adoptées par référendum car elles sont adoptées directement par le peuple, ont permis la mise en œuvre de cette réforme.

*** 1969 : rejet par référendum du projet de réforme du Sénat et de l’organisation territoriale

Le projet de révision de 1969 avait un double objet : une réorganisation territoriale renforçant le rôle des régions et la réforme du Sénat devenu plus socio-ptofessionnel avec suppression du Conseil économique et social. Désavoué, de Gaulle démissionne le 28 avril 1989. Comme en 1962, mais en sens inverse, l’effet plébiscitaire a été prédominant – 2ème rejet d’un référendum.

1974 : la réforme du Conseil Constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel avait été pensé par Michel Debré dans le cadre d’un parlementarisme rationalisé (champ de l’art. 34, limitation du rôle des partis). La décision constitutionnelle n° 71-44 DC du 16 juillet 1971 Liberté d’association a donné une nouvelle place au Conseil constitutionnel. Valéry Giscard d’Estaing, nouvellement élu Président de la République, souhaite élargir la saisine du Conseil Constitutionnel aux parlementaires – 60 députés et 60 sénateurs -.

1992 : le traité de Maastricht.

Cette révision avait pour but de rendre la Constitution compatible avec le traité sur l’Union européenne.

2000 : le quinquennat.

C’est la première révision constitutionnelle soumise au référendum en application de l’article 89 de la Constitution. Après 73% de « oui » le 24 septembre 2000, elle fut promulguée le 2 octobre. Son but était d’éviter les inconvénients de la cohabitation.

2003 : loi constitutionnelle relative à l’organisation décentralisée de la République

Elle porte sur : l’organisation décentralisée de la République, la démocratie locale directe – référendum pouvant être décisionnel dans certains cas -, autonomie financière des collectivités territoriales, statut des collectivités d’outre-mer.

2005 : la charte de l’environnement.

La Constitution inclut dans son préambule, depuis le 1er mars 2005, une charte de l’environnement en 10 articles, à la demande du Président de la République.

*** 2005 : rejet du traité sur la constitution de l’Union européenne

Le texte sera repoussé par référendum, mais le Gouvernement le fera adopter sous forme du traité de Lisbonne par le Parlement.

2008 : ratification du traité de Lisbonne

En vue de la ratification ultérieure du Traité de Lisbonne, une révision du titre XV de la Constitution a été votée par le Congrès le 4 février 2008, par 560 voix contre 181. La loi constitutionnelle a été promulguée le jour même. Les modifications apportées à la Constitution formulent les transferts de souveraineté énumérés dans le traité de Lisbonne par un renvoi direct à ce texte.

2008 : Loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 sur la réforme des institutions

Dans le prolongement des travaux du comité « Balladur », le Parlement réuni en Congrès a adopté le 21 juillet 2008 un projet de loi constitutionnelle qui crée ou modifie 47 articles de la Constitution (Annexe III). Le vote a été acquis avec 539 votes favorables, le seuil d’adoption étant de 538 votes.

Les modifications les plus importantes de la loi constitutionnelles du 23 juillet 2008 sont les suivantes : limitation à deux le nombre de mandats consécutifs du Président de la République ; possibilité pour un cinquième des membres du Parlement, soutenus par un dixième des électeurs inscrits, de demander la tenue d’un référendum sur l’un des sujets prévus dans l’article 11 ; le président de la République peut convoquer le Congrès du Parlement français pour faire une déclaration ; les parlementaires sont remplacés temporairement en cas d’acceptation par eux de fonctions gouvernementales ; la discussion des projets et propositions de loi ne porte plus devant la première assemblée saisie sur le texte présenté par le gouvernement, mais sur le texte adopté par la commission saisie, sauf pour les projets de révision constitutionnelle, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale ; les assemblées fixent maintenant elles-mêmes leur ordre du jour indépendamment du Gouvernement. Celui-ci conserve néanmoins certaines prérogatives importantes ; les justiciables ont désormais la possibilité, depuis mars 2010, de contester la constitutionnalité d’une mesure qui leur est opposée, créant ainsi la possibilité de révision constitutionnelle a posteriori (QPC) ; le Conseil économique et social devient le Conseil économique, social et environnemental ; le Défenseur des droits est créé ; les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France.

Un projet gouvernemental visant à inscrire dans la Constitution des règles prévoyant un retour progressif à l’équilibre budgétaire a été adopté le 13 juillet 2011. Ce texte institue des lois-cadres d’équilibre des finances publiques prévoyant un rythme du retour à l’équilibre budgétaire sur au moins trois ans. La question fait aujourd’hui l’objet d’une concertation européenne.

Pour conclure sur la Vème République, on peut constater qu’elle n’est vraiment plus la même qu’aux origines. On peut distinguer trois phases : le « parlementarisme rationalisé » du début, gravement affecté en 1962 par l ‘élection du Président de la République au suffrage universel ; puis au moment des cohabitations ce que le professeur Jean-Marie Denquin a appelé la « monarchie aléatoire » à laquelle Lionel Jospin et Jacques Chirac ont tenté de remédier en instaurant le quinquennat ; enfin, depuis 2007, ce que j’ai appelé « dérive bonapartiste’ », tandis que Robert Badinter parlait de « monocratie » et qu’Alain Duhamel écrivait La marche consulaire, différentes expressions pour qualifier un régime autocratique qui prend d’ailleurs beaucoup de liberté avec les institutions. François Hollande semble s’être installé dans une « consécration passive » de la Vème République.

 

II. DE MULTIPLES PROPOSITIONS

Une constitution est la représentation juridique, mais aussi idéologique et politique que se fait une société de l’organisation des pouvoirs pour vivre ensemble. Elle devrait donc transcender les conjonctures et mettre principalement l’accent sur les principes fondamentaux et les règles essentielles. On sait qu’il n’en est rien. Pour autant, il est utile de disposer d’une référence : ce que seraient les institutions idéales pour faire le choix le plus réaliste et le plus judicieux des institutions possibles allant dans le sens de ce qui serait considéré comme l’idéal.

2.1. Un contexte de décomposition

Nous nous posons aujourd’hui la question dans un contexte qui est celui d’une décomposition sociale profonde, de crise systémique. Les symptômes en sont multiples : désaffection politique marquée en particulier par la croissance des abstentions, montée du chômage et de la précarité, développement des jeux de hasard et des sectes, menaces contre l’écosystème mondial, crise aux dimensions multiples : financière, des matières premières, religieuse, etc.

Certaines causes de cette situation peuvent être identifiées : la référence problématique à l’État-nation avec désaffection dans les pays anciens mais la multiplication de leur nombre et des réactions nationalistes ; la complexification et la dénaturation de la notion de classe sous l’effet du progrès technique, de la mondialisation capitaliste, de l’individualisation des statuts ; les bouleversements spatiaux marqués par l’urbanisation, le développements des voies de communication, l’émergence de nouvelles puissances économiques ; l’évolution rapide des mœurs principalement dans la formation des couples, le rôle de la famille, les relations sociales, la confrontation des cultures. Surtout, l’affaiblissement voire l’effondrement des grandes idéologies messianiques qui avaient prospéré au siècle dernier et structuré les débats politiques majeurs : la théorie néoclassique pour les libéraux de plus en plus éloignée de la représentation du réel s’est faite normative, ; l’État-providence pour les socio-démocrates voit sa démarche redistributive asphyxiée dans la crise et la récession ; le marxisme, inspirateur du mouvement communiste ne peut plus être regardé comme le paradigme des forces du changement s’il garde certaines vertus explicatives et pédagogiques.

Ce moment historique de décomposition sociale est donc tout à fait singulier et doit être analysé en tant que tel, même si nous disposons à cet effet que des outils théoriques anciens. Il donne naissance à des expression significatives comme celle d’Edgar Morin qui parle de « métamorphose », de Pierre Nora qui évoque le « régime des identités », ou d’Alain Badiou qui s’interroge « Qu’appelle-t-on échouer ?’ » : j’ai moi-même eu recours depuis vingt-trois ans à des formulations de ce type[3]. D’autres moments historiques ont présenté des caractéristiques de même incertitude : Alfred de Musset n’écrivait-il pas dans Confession d’un enfant du siècle en 1836 « On ne sait, à chaque pas qu’on fait si l’on marche sur une semence ou sur un débris » ?

La profondeur de la crise et la diversité de ses manifestations témoignent que nous sommes dans une période qui nous invite à sortir des schémas politiques qui ont prévalu au XXème siècle tout en tirant les enseignements de ce siècle « prométhéen ». Les trente années qui ont suivi la seconde guerre mondiale ont été celles d’une croissance soutenue et d’une politique économique administrée. C’est l’époque d’une forte intervention publique, de la « planification à la française » regardée par de Gaulle comme une « ardente obligation ». À partir de la crise pétrolière, au tournant des années 1970, l’ultralibéralisme va se développer sur une nouvelle période d’une trentaine d’année avec comme caractéristiques : concurrence, dérégulation, privatisations, culte de la performance, développement des inégalités, prévalence du court terme, récusation de toute morale civique et débouché sur la crise des années 2007-2008. À la suite de celle-ci on en appelle de toute part au « retour de l’État ». Mais quel rôle de l’État dans quelles institutions ? Le sentiment que nous sommes dans une période de transition de civilisation donne lieu à des propositions institutionnelles variées.

 2.2. Des propositions confuses

La banalisation sarkozyste

On a rappelé plus haut l’importance des modifications introduites par la loi constitutionnelles du 23 juillet 2008, votée à une voix de plus que la majorité requise.

Au-delà existait une stratégie plus générale. Les spécificités construites par l’histoire en plusieurs siècles sont apparues sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy comme des « anomalies » dans un pays expérimenté comme la France. Anomalies que ce service public occupant un quart de la population active – privatisations, déréglementations et « révolutions culturelle » appelée dans la fonction publique statutaire – ; anomalie que ce principe de laïcité expressément inscrit dans sa constitution (discours de Latran) – anomalie que ce modèle d’intégration fondé sur le droit du sol (débat sur l’identité nationale) ; anomalie que cette réputation de « terre d’asile » (discours de Grenoble et alignement sur les directives européennes) ; anomalie que cette succession de quinze constitutions en deux siècles (présidentialisation accrue) ; anomalie que ce pays aux 36 000 communes. (Acte III de décentralisation). Pour ceux qui nous gouvernaient alors il s’agissait de gommer ces singularités pour mettre l’État de ce pays aux normes de l’Union européenne. Comme l’a écrit le philosophe Marcel Gauchet : « Le programme initial du sarkozysme, c’est un programme de banalisation de la France »[4]

Sous le quinquennat précédent, cette déstructuration de la France est notamment recherchée par une double démarche de sens contraires. D’une part, une politique de décentralisation déstabilisatrice des collectivités publiques et nationales. D’autre part, une mondialisation qui s’exprime principalement sous la forme du mouvement des capitaux, mais sans se réduire pour autant à cet aspect. Cette situation pose le problème de l’avenir de l’État-nation, de la souveraineté nationale et populaire, de la responsabilité propre des citoyennes et des citoyens.

Le rapport Jospin

Il ne semble pas que le pouvoir actuel soit en mesure de répondre à la nécessité d’une réforme institutionnelle profonde sur la base du rapport Jospin. Rappelons préalablement que l’on doit à l’ancien Premier ministre une vague de privatisations supérieure à celle réalisée par Alain Juppé, ainsi que la réforme du quinquennat accompagnée de l’inversion du calendrier faisant précéder les élections législatives des présidentielles.

Les mesures proposées par celui-ci ne modifient pas le caractère de la Vème République qui se trouve ainsi consacrée. L’élection du ¨résident de la République au suffrage universel est maintenue avec seulement le remplacement du parrainage des candidatures de 500 élus par 150 000 électeurs dans 50 départements, le scrutin majoritaire uninominal à deux tours des députés est inchangé sinon l’élection de 10 % des députés à la proportionnelle nationale. La composition du Sénat serait rééquilibrée au profit des départements et des régions avec plus d’élus à la proportionnelle. Le cumul des mandats serait réduit. Le chef de l’État pourrait être jugé au civil comme au pénal pour faits hors mandat, non dans l’exercice de ses fonctions.

L’incapacité de François Hollande

De ces propositions pourtant modestes, François hollande n’a retenu que quatre réformes présentées séparément pour ne pas risquer une invalidation parlementaire du tout : réforme du Conseil supérieur de la magistrature, inscription du dialogue social dans la constitution, incompatibilités applicables aux fonctions ministérielles et réforme de la composition du Conseil constitutionnel, responsabilité juridictionnelle du Président de la République et des membres du Gouvernement. On notera, en particulier, que n’ont pas été retenues les dispositions accordant le droit de vote aux étrangers non communautaires aux élections municipales, ni l’inscription dans la constitution des dispositions majeures de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État. Ces projets de lois constitutionnelles qui devaient être soumis au Congrès restent pendants. Leur adoption porterait à vingt-huit le nombre de révisions de la constitution de la Vème République, ce qui conduit à s’interroger sur sa pérennité.

La seule annonce concrète de François Hollande au cours de la cérémonie du 55ème anniversaire de la constitution a été celle d’un projet de loi pour l’application de l’initiative populaire des lois adoptée en 2008. Le Président de la République a, à cette occasion, confirmé expressément l’élection du Président de la République au suffrage universel en raison de l’attachement présumé des Français à cette élection. On est très loin du Coup d’État permanent de François Mitterrand qui, au demeurant, s’en était fort bien accommodé.

Le 6 ocrobre2016, alors qu’il n’est plus en mesure d’opérer des réformes institutionnelles dans le temps que lui laisse l’actuel quinquennat, François Hollande a donné son avis sur le fonctionnement des institutions actuelles, défendu son action dans ce domaine et fait de nouvelles propositions.

Il soutient sans hésitation les institutions de la Vème République qui, selon lui, permettent à l’exécutif de prendre des décisions rapidement à l’extérieur (conflits, Grèce). Il rejette le retour au septennat. Il s’oppose aux partisans d’une VIème République. Pour autant, il s’oppose aussi à ceux qui voudraient d’avantage gouverner par voie d’ordonnances ; ou par un recours abusif au référendum en s’appuyant sur les exemples de ceux sur le TCE en 2005 et sur le Brexit cette année. Il déplore la croissance des abstentions.

Il défend les quelques réformes qu’il a promues : reconnaissance du vote blanc, réforme des inscriptions sur les listes électorales, création de la haute autorité pour la transparence, non cumul des mandats (toutes mesures qui n’impliquent pas de modification de la constitution). Il préconise une accélération des procédures législatives et administratives : une seule lecture des projets, l’abaissement du seuil des signatures requises pour le référendum d’initiative populaire des lois. Il reprend son idée de limitation du cumul des mandats dans le temps à trois.

 

2.3. Les hypothèses d’une VIe République

Face à la crise du politique et des institutions traduites par de nombreuses modifications, et à l’interrogation sur l’État, il importe de répliquer, mais comment ? L’idée la plus simple est d’opposer aux institutions actuelles une autre construction institutionnelle. C’est ce que, avec d’autres, j’avais proposé notamment à l’occasion du bicentenaire de la Révolution française sous forme d’un « projet constitutionnel » complet[5]. Celui-ci, une fois adopté, a été oublié. Je ne ferai plus exactement cette proposition vingt-sept ans plus tard, nous ne sommes plus dans la même situation.

Je ne suis pas partisan en effet d’une VIème République pour les raisons suivantes. D’abord, parce qu’il s’agit d’une facilité qui, le plus souvent, dispense d’une réponse sérieuse au fond. Réclamée d’Olivier Besancenot à Marine Le Pen en passant par Jean-Luc Mélenchon, Pierre Laurent et Cécile Dufflot, on espère qu’il ne s’agit pas de la même VIème République. Ensuite, parce que les projets présentés sont le plus souvent formulés de manière sommaire et peu cohérente. L’exemple le plus frappant de cette vanité confuse est le projet de VIème République dont Arnaud Montebourg avait fait un fonds de commerce et qui, à l’examen, de contours en concessions, se révèle n’être rien d’autre qu’une Vème République-bis (Annexe V). Enfin, il existe une autre raison qui fait de la VIème République une revendication illusoire : aucune des cinq républiques qui ont marqué notre histoire récente n’est née d’une gestation spéculative.

La Convention déclare le 21 septembre 1792 : « La royauté est abolie en France » et un décret du 25 septembre proclame : « La République est une et indivisible » ; ainsi est née la première République parachevant la Révolution française.

La deuxième est issue des émeutes sanglantes de février 1848 aboutissant à l’abdication de Louis-Philippe et à la constitution républicaine du 4 novembre 1848 ; elle sera, on le sait et l’on doit s’en souvenir, balayée par le coup d’État du 2 décembre 1851 et le référendum-plébiscite de Louis-Napoléon Bonaparte des 21 et 22 décembre.

La troisième émerge à une voix de majorité de la confrontation des monarchistes et des républicains cinq ans après la défaite de Sedan, moins de quatre ans après l’écrasement de la Commune de Paris.

La quatrième vient après la seconde guerre mondiale, de l’écrasement du nazisme et de la résistance, promulguée le 27 octobre 1946 comme nous l’avons vu.

La cinquième voit le jour par le référendum du 28 septembre 1958, portée par le putsch d’Alger dans un contexte de guerre coloniale.

S’il y a bien crise sociale aujourd’hui, qui oserait soutenir qu’elle s’exprime au niveau des évènements qui viennent d’être évoqués ? Jamais en France on a changé de république sans événement dramatique. Dans une société en décomposition sociale profonde, il manque encore … l’Évènement.

La même argumentation pourrait être opposée aux partisans d’une Constituante qui ne reposerait sur aucune base suffisamment consensuelle. Toutes les constituantes sont survenues après des évènements majeurs et sur les décombres de l’ordre précédent qui faisait consensus. Ce n’est pas la situation actuelle et une telle proposition permet en réalité de ne rien dire du contenu. C’est encore une facilité. Facilité encore que la proposition d’instituer une représentation par tirage au sort qui laisserait le champ libre aux soi-disant experts, aux aventuriers et finalement au pouvoir autocratique.

 

III. DES THEMES DE REFLEXION

Ainsi, plutôt que d’élaborer un projet constitutionnel complet dont l’intérêt principal serait d’établir la cohérence des différents choix institutionnels effectués, il semble aujourd’hui plus opportun, et sans doute préalable de se prononcer sur certains de ces choix majeurs.

 3.1. La souveraineté

Jean-Jacques Rousseau s’efforçait de définir ainsi les citoyens dans le Contrat social : « À l’égard des sociétés, ils prennent collectivement le nom de Peuple, et s’appellent en particulier citoyens comme participant à l’autorité souveraine ». Il annonçait ainsi le transfert de la notion de souveraineté du monarque au peuple. La nation sera introduite par l’article 2 de la Déclaration des droits de 1789 : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation ». La constitution de 1793 ajoutera en son article 7 : « Le peuple souverain est l’universalité des citoyens français ». La constitution de la IVème  République retiendra la notion de souveraineté nationale que l’on retrouve dans la constitution de la Vème République en son article 3 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et la voie du référendum ».

La souveraineté est une en ce qu’elle légitime l’exercice du pouvoir politique et de ses instruments (création monétaire, État de droit, politiques publiques, relations internationales). Il est courant d’en distinguer deux aspects, la souveraineté nationale et la souveraineté populaire. La première ne prétend pas à la seule représentation des citoyens existants, mais veut aussi traduire les aspirations de la continuité des générations. La seconde tend à privilégier la démocratie directe par rapport à la démocratie représentative soutenue par la première. La souveraineté ne saurait être déléguée si certaines compétences peuvent l’être. C’est dans le contexte très particulier du lendemain de la deuxième guerre mondiale que le préambule de la constitution de 1946 a prévu que, sous réserve de réciprocité, « La France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l’organisation et à la défense de la paix. ». Restera constante, par ailleurs, la règle selon laquelle « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois » (article 55 de la constitution).

La souveraineté ne saurait cependant être préservée par le seul respect formel des règles du droit positif. On a vu comment le Gouvernement a pu contourner le rejet par le peuple français du traité sur la constitution européenne en mai 2005, pour faire ratifier ensuite le traité de Lisbonne par le Parlement. Et puis la souveraineté c’est aussi la maîtrise des bases économiques nationales.

3.2. La démocratie directe

Il y a un champ où l’action populaire peut s’exercer directement, sans intermédiaire, c’est celui de la démocratie dite directe. Il convient cependant de dire, avant d’évoquer cet espace, que l’intervention du peuple ne saurait faire l’objet d’une réglementation excessive. La démocratie directe c’est d’abord le plein exercice des droits et des libertés existants. C’est aussi le fortuit, l’incodifiable, l’initiative, l’épopée, le talent. Il serait vain et quelque peu totalitaire de prétendre en tout point réglementer la vie, non seulement publique mais aussi privée. Pour autant, la démocratie directe ne saurait être purement spontanée, étrangère à toute forme de régulation institutionnelle. La souveraineté nationale et la souveraineté populaire doivent pouvoir être traduites partiellement dans des règles de droit, si celles qui existent n’épuisent pas le sujet.

Des progrès peuvent, en effet, être réalisés en la matière. On en donnera deux exemples. Le premier consisterait à accroître la portée du droit de pétition. Une question rédigée qui aurait réuni un certain pourcentage de signatures d’électeurs inscrits pourrait faire obligation à l’assemblée délibérante compétente pour connaître de cette question, d’en débattre et de prendre position. Cette décision pourrait ensuite, en cas d’approbation, conduire à l’élaboration des règles administratives, réglementaires ou législatives correspondantes. Le rejet du texte devrait être motivé et le débat se poursuivrait éventuellement dans l’opinion publique – la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a amorcé le mouvement en ce sens. Le second exemple reviendrait, sous certaines conditions, à donner l’initiative des lois au peuple. Là encore un minimum de soutiens seraient exigés sur une proposition de loi entièrement formulée. Après quoi le texte pourrait être inséré dans une procédure parlementaire et devenir une loi au terme du processus qui pourrait faire intervenir des instances déconcentrées ou décentralisées. Ce ne serait à vrai dire pas une véritable novation : la Constitution de l’An I, pourtant réputée jacobine, prévoyait déjà l’intervention des communes et des assemblées primaires des départements dans l’élaboration de la loi[6]. L’annonce faite par le Président de la République le 3 octobre 2013 au Conseil constitutionnel et renouvelée depuis de faire élaborer rapidement les dispositions législatives permettant l’application d’une initiative populaire des lois prévue par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 va dans le sens de ces propositions.

La démocratie participative, fréquemment présentée comme substitut ou complément de la démocratie directe et de la démocratie représentative n’a pas bénéficié jusqu’à présent d’une définition claire.

C’est la question du référendum qui constitue en matière de démocratie directe la question la plus délicate. En reconnaissant à tous les citoyens le droit de concourir personnellement à l’expression de la volonté générale et à la formation de la loi, la Déclaration des droits de 1789 en son article 6 ouvrait la voie aux consultations référendaires et à la mise en mouvement politique du peuple. Mais on a vite pressenti les dangers du référendum et les risques qu’il puisse faire courir à la démocratie dans les mains d’un pouvoir autoritaire relevant de la ligne de force césarienne évoquée plus haut. Olivier Duhamel le souligne : « le référendum peut être liberticide : les Bonaparte en ont apporté la preuve »[7]. La Constitution de 1793, on l’a vu, prévoyait que le peuple pouvait délibérer sur les lois proposées par le corps législatif. La Constitution de 1946 ne retenait le référendum qu’en matière constitutionnelle. La Constitution de 1958 le prévoit en deux dispositions : en matière d’organisation des pouvoirs publics, de réformes relatives à la politique économique ou sociale, de ratification des traités (Art. 11, dont le champ a été élargi en 1995) et en matière constitutionnelle (Art. 89). Par ailleurs, la loi du 6 février 1992 a institué un « référendum communal » ; il est de faible portée.

Bien que les référendums sur le traité de Maastricht en 1992 et celui sur le récent projet de « traité établissant une constitution pour l’Europe », mis en échec le 29 mai 2005, aient été l’occasion de débats importants, il reste que, depuis 1793, seulement 3 référendums sur 24 ont dit « non » à ceux qui les ont organisés (Annexe IV).

Le recours au référendum relève ainsi le plus souvent d’un pouvoir exécutif autoritaire à tendance plébiscitaire. Corrélativement, il dévoie le débat en le conduisant le plus souvent à s’écarter de la question posée – vote contre un homme ou une politique -. Appelant une réponse binaire (oui ou non) il est peu approprié au traitement de questions complexes. Il doit donc être strictement limité aux matières constitutionnelles proprement dites.

On comprend mal que cette histoire ait été perdue de vue par les acteurs et actrices politiques actuels préconisent des référendums sur les sujets les plus divers.

 3.3. La loi

Outre le référendum, le peuple exerce sa souveraineté par la médiation de ses représentants. L’article 6 de da Déclaration de 1789, qui fait partie du « bloc de constitutionnalité » actuel, proclame que la loi est l’expression de la volonté générale, tandis que l’article 34 de la constitution dispose que la loi est votée par le Parlement. En vertu du principe de séparation des pouvoirs et pour équilibrer les fonctions normatives de l’exécutif et du législatif, les articles 34 et 37 définissent les champs respectifs de la loi et du décret. Tel est du moins le schéma théorique car, dans la réalité, c’est le Gouvernement qui a largement l’initiative du travail législatif en fixant, pour l’essentiel, l’ordre du jour du Parlement et en réservant la plus grande place à ses projets, tandis que les textes d’origine parlementaire, les propositions de lois, sont réduites à la portion congrue. Une telle pratique n’est pas conforme aux principes affichés et le préjudice est d’autant plus important que la Constitution a été modifiée en 1992 par l’introduction d’un article 88-2 disposant notamment que : « la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l’établissement de l’union économique et monétaire européenne … », ce qui se traduit par une entrée en force du droit européen en droit interne français et limite, en conséquence, les prérogatives du Parlement national. De plus, la montée en puissance du Conseil constitutionnel à partir de 1971 en a fait un organisme politique en forme juridictionnelle qui s’est doté, au fil du temps et par voie jurisprudentielle, d’un pouvoir constituant permanent en dehors de toute source de légitimité, même si on peut considérer qu’il n’en a pas abusé et qu’il a joué souvent un rôle positif en matière de défense des libertés publiques. La représentation est donc en crise, ce qui se traduit en particulier par une hausse générale des taux d’abstentions à toutes les élections, et notamment aux élections locales qui sont pourtant celles où le citoyen est le plus proche des lieux de pouvoir et qui devraient l’intéresser davantage.

La situation est encore aggravée par le fait que si l’article 20 de la Constitution prévoit bien que « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation », cela dépend de la concordance ou non des majorités présidentielle et législative. Lorsqu’il y a concordance, c’est le Président de la République qui est maître de l’exécutif ; dans le cas contraire, celui de la cohabitation, c’est le Premier ministre qui a l’essentiel des compétences, même si son but est de devenir, à son tour, président, avec une majorité conforme. Cette constitution, si souvent rapetassée au cours des vingt-cinq dernières années, ainsi qu’il a été dit, est donc, au surplus, de caractère aléatoire, ce qui est un non-sens constitutionnel et très malsain pour la démocratie. En effet, avant les élections présidentielles et législatives, on ne sait qui du Président de la République ou du Premier ministre détiendra finalement le pouvoir exécutif selon qu’il y aura, ou non, concordance des majorités. L’instauration du quinquennat en réduisant la probabilité de cohabitation a favorisé l’interventionnisme présidentiel. C’est donc le statut du Président de la République, aujourd’hui clé de voûte des institutions, qui est le point de départ de toute réforme institutionnelle conséquente.

Le choix du régime parlementaire aurait pour conséquence que le pouvoir exécutif appartiendrait, sous la direction du Premier ministre, au Gouvernement[8]. Responsable devant le Parlement, il déterminerait et conduirait effectivement la politique de la nation. La légitimité émanerait du corps législatif, élu selon un scrutin égal, c’est-à-dire se rapprochant le plus possible de la proportionnelle. Les arguments selon lesquels cela aurait pour conséquence de faire entrer le Front national au Parlement, ou bien que la priorité est la constitution d’une majorité forte plutôt que la fidèle représentation du peuple ne sauraient y faire obstacle. C’est au débat politique et non à la technique électorale de faire les majorités, de définir la voie à suivre et d’exprimer par la loi la volonté générale. Quant à la question de savoir s’il faut une assemblée parlementaire ou deux comme aujourd’hui, le professeur Dominique Rousseau considère que cela est fonction du degré de déconcentration et de décentralisation de l’organisation de la République : plus les collectivités territoriales ont un rôle important dans le fonctionnement des institutions, pus croît la justification d’une deuxième chambre qui les représente ; c’est aujourd’hui la raison d’être du Sénat.

 3.4. L’exécutif

Question centrale, l’élection du Président de la République au suffrage universel direct est critiquée pour plusieurs raisons.

Premièrement, le caractère plébiscitaire de cette élection l’inscrit sur la ligne de forces césarienne ; les références historiques sont celles des deux Empires.

Deuxièmement, il ne saurait y avoir deux sources de légitimité concurrentes : celle du président et celle de la représentation nationale et populaire. Or, en France, pour des raisons historiques et par le jeu naturel des pouvoirs, la légitimité d’un président élu au suffrage universel l’emportera toujours sur celle que partagent plus d’un millier de parlementaires élus localement au scrutin majoritaire. Il faut donc choisir : le Parlement ou le Président. Comment soutenir qu’est conforme à la ligne de force traditionnelle des Lumières, cette délégation massive de souveraineté que représente l’élection du Président de la République au suffrage universel ?

Troisièmement, la supériorité institutionnelle du Président élu en fait le guide de la nation et dérive fatalement vers un pouvoir autocratique sur le base des pouvoirs considérables qui lui sont conférés par la constitution, notamment en situation de crise ou de guerre. Au surplus, la situation récente du précédent quinquennat a montré avec quelle désinvolture le Président pouvait user de la constitution pour s’arroger des prérogatives qui ne sont pas les siennes – celles de l’article 20, par exemple -. La présidence actuelle n’est pas à l’abri de telles critiques – « punition » de Bachar el Assad-. Il y a risque de développement d’actions au nom de la « raison d’État.

Quatrièmement, la conquête du pouvoir devient dans ces conditions le principal objectif des formations politiques et non le service de l’intérêt général, a fortiori de la transformation sociale. Dès lors, les partis se transforment en machines électorales, le cas échéant subdivisées en « écuries » présidentielles, la communication prend le pas sur le débat et la réflexion, la politique devient spectacle, la bataille s’engage sur des critères de rassemblement superficiel et se gagne au centre.

Cinquièmement, cette élection confine ainsi au déni de démocratie et soumet le citoyen à la fatalité des contraintes extérieures, au conformisme opportuniste, à la pensée unique, à la résignation et à l’abaissement.

Dans une constitution démocratique, le Président de la République garderait néanmoins un rôle prestigieux : il représenterait la France vis-à-vis de l’étranger, il serait l’expression symbolique de l’unité et de l’indivisibilité de la République et le garant de la continuité des pouvoirs publics. Il ne serait plus élu au suffrage universel direct, mais soit par un collège de grands électeurs, soit par le Congrès du Parlement ; la durée de son mandat serait dès lors secondaire, la plus longue durée, sans possibilité de renouvellement, pouvant même correspondre à la plus grande banalisation. À cet égard, le mandat de sept ans non renouvelable est sans doute la solution la plus judicieuse dans la gamme des solutions possibles. L’argument selon lequel il faudrait tenir compte de l’idée que l’on se fait de la prétendue adhésion définitive du peuple français à l’élection du Président de la République au suffrage universel n’est que l’expression d’une résignation politique, indigne de notre histoire.

 3.5. L’État de droit

Face à ce schéma, certains évoqueront un retour au régime d’assemblée. On n’ignore rien des critiques qui sont adressées à ce régime sur la base, principalement, de l’expérience de la IVème République. En réalité, l’instabilité de la IVème République n’a pas été causée par un excès de démocratie, mais au contraire par les atteintes que les manœuvres des clans politiques lui ont portées. Aucune constitution ne peut être, seule, la solution des contradictions sociales. Mais à tout prendre, il faut préférer les institutions qui les révèlent à celles qui les dissimulent. Les contradictions apparaissant clairement, les conditions sont meilleures pour leur apporter une solution efficace. C’est aussi un appel à la responsabilité des élus qui doivent alors savoir constituer des majorités d’idées quand c’est nécessaire et faire preuve de courage politique en toute circonstance, plutôt que de se résigner à l’allégeance au chef qui caractérise le régime présidentiel.

Toute proposition institutionnelle doit veiller à s’inscrire dans une scrupuleuse cohérence de l’État de droit. On ne développera pas ici les conditions de la cohérence interne qui reposent essentiellement sur la séparation des pouvoirs et la hiérarchie des normes, sur l’équilibre délicat à établir entre le principe d’autonomie de gestion des collectivités territoriales et celui d’unité et d’indivisibilité de la République. Il conviendrait aussi de préciser les formes nouvelles de la dualité des ordres juridictionnels administratif et judiciaire, dualité souhaitable car relevant de la distinction public-privé, classique en France. Un contrôle de constitutionalité est nécessaire. La souveraineté ne pouvant émaner que du peuple, c’est à lui ou à ses représentants qu’il revient en définitive d’assurer la conformité des lois à la Constitution ; sur les questions les plus importantes par le recours au référendum constituant en veillant à éviter toute dérive plébiscitaire ; sur des questions moins importantes par la recherche d’une compatibilité tant juridique que politique dans le cadre du Parlement puisque c’est lui qui vote la loi. Un Comité constitutionnel composé de représentants des différents groupes parlementaires auxquels s’adjoindraient des magistrats du Conseil d’État et de la Cour de cassation devrait être institué à cette fin. Il n’aurait pas le pouvoir d’empêcher la promulgation d’une loi non conforme à la Constitution, mais seulement d’identifier cette non-conformité en invitant le Parlement à la prendre en considération à l’occasion d’un nouvel examen qui conduirait soit à modifier la loi soit à provoquer l’engagement d’une procédure de révision constitutionnelle[9].

Une réflexion sur les institutions nationales ne peut aujourd’hui faire l’économie d’une prise en compte des institutions supranationales, elle doit veiller à leur cohérence externe. C’est possible grâce au principe de subsidiarité introduit à l’article 5 du Traité sur l’Union européenne aux termes duquel : « Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l’Union n’intervient que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau de l’Union ». Certes, cette formulation laisse une trop large place à l’appréciation de l’opportunité de l’intervention de l’Union et il n’y a pas lieu de faire une confiance aveugle aujourd’hui à l’appréciation de la Cour de justice de l’Union européenne. Une articulation des institutions nationales et transnationales doit cependant être recherchée sans aliénation de la souveraineté nationale. D’ailleurs, dès aujourd’hui, l’article 55 de la constitution ne dispose-t-il pas que : « Les traités régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ».

3.6. L’État et le citoyen

Nous avons vu, que l’affirmation de l’autonomie de l’État s’était accompagnée de celle des droits de l’homme et du citoyen. On ne saurait en effet dissocier une réflexion sur le rôle de l’État et celle sur le contenu de la citoyenneté.

La vocation des institutions est aussi de concourir à la formation d’une citoyenneté finalisée par des valeurs fortes, à vocation universelle : service public, droit du sol, laïcité, responsabilité publique, dans la tradition républicaine française[10]. Pour autant, des dimensions supranationales peuvent être mises en perspectives.

Une citoyenneté européenne a été décrétée par le traité de Maastricht et est explicitée dans les articles 20 et suivants du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, mais n’est qu’une citoyenneté de faible densité, de superposition, on a pu parler à son sujet d’objet politique non identifié.

On peut s’attacher également à l’enrichissement des prémices d’une citoyenneté mondiale par l’affirmation de valeurs universelles, l’émergence d’un monde commun dans le cadre d’une mondialisation qui n’est pas seulement celle du capital.

Cette ouverture sur le continent et sur le monde n’est pas pour autant contradictoire avec l’affirmation selon laquelle la nation est et demeure le niveau le plus pertinent d’articulation du particulier et de l’universel. C’est donc là que se situe pour l’essentiel notre responsabilité. Le temps doit être pris en compte dans l’esprit de ce que déclarait Ernest Renan dans son discours à la Sorbonne du 10 novembre 1882 intitulé Qu’est-ce qu’une nation ? : « Les nations ne sont pas quelque chose d’éternel. Elles ont commencé, elles finiront. La confédération européenne, probablement, les remplacera. Mais telle n’est pas la loi du siècle où nous vivons ».

Le changement de constitution ne peut intervenir que sur une base consensuelle suffisante et, jusqu’ici, ce changement a supposé des évènements historiques majeurs. Si l’on n’est que difficilement maître de ces derniers, en revanche il faut tenter de répondre majoritairement à quelques questions essentielles, suggérées par les développements qui précèdent, et notamment : Régime présidentiel ou régime parlementaire ? Dans quelle mesure des transferts de compétences, voire de souveraineté, peuvent-ils être consentis aux niveaux infra et supranationaux ? Quelles modalités de démocratie directe retenir, notamment en matière d’initiative populaire des lois ? Quelle est la place du référendum : champ, modalités ? Quel mode de scrutin retenir ? Une ou deux assemblées parlementaires ? Faut-il maintenir l’élection du Président de la République au suffrage universel, sinon selon quelles modalités ? Comment progresser sur la voie d’une citoyenneté mondiale ?

 

[1] – Tricentenaire de sa naissance le 28 juin 2012

[2] Une loi électorale sur les « apparentements » permettra d’introduire un effet majoritaire à partir de 1951, minorant la représentation parlementaire du PCF et du RPF.

[3] A. Badiou, L’hypothèse communiste, Lignes, 2009. Dans le même esprit voir aussi : A. Le Pors, Pendant la mue le serpent est aveugle, Albin Michel, 1993 et Éloge de l’échec, Éditions Le Temps des Cerises, 1999.

[4] Marcel Gauchet, « Retombées politiques de la crise », Le Débat, septembre-octobre 2009.

[5] Projet constitutionnel du PCF et Rapport d’Anicet Le Pors, l’Humanité, 18 décembre 1989.

[6] «Art. 58. – Le projet est imprimé et envoyé à toutes les communes de la République, sous ce titre : loi proposée.

Art. 59. – Quarante jour après l’envoi de la loi proposée, si, dans la moitié des départements, plus un, le dixième des assemblées primaires de chacun d’eux, régulièrement formées, n’a pas réclamé, le projet est accepté et devient loi. ».

[7] O. Duhamel, Droit constitutionnel et politique, Seuil, 1993, p. 116.

[8] A. Le Pors, « On fait clairement le choix du régime parlementaire », l’Humanité, 10 octobre 2005.

[9] A. Le Pors, « L’enjeu du contrôle de constitutionnlité », l’Humanité, 8 avril 2006.

[10] A. Le Pors, La citoyenneté, PUF, coll. Que sais-je ?, 2005 (4° éd.).

« Où va l’État ? » – Conseil d’État, 1er juillet 2015

Ce texte est la base de mon  interventionqui  fait suite à la présentation générale

réalisée par le modérateur du colloque et qui figurant à la suite du présent texte

« L’État: démantèlement ou réforme?».

 frJe répondrai monsieur le Président à votre questionnement et à votre présentation, mais pour assumer notre responsabilité d’analystes et ne pas nous confiner dans des discours généraux sur un État indéterminé, nous devons qualifier concrètement le contexte et nous situer tout aussi concrètement par rapport à notre expérience de l’évolution de l’État au cours des dernières décennies. En résumé, au regard de l’évolution de notre État, et la situation étant ce quelle est, doit-on envisager le démembrement ou la réforme de l l’État ?

Le grand intellectuel catholique René Rémond dans un petit livre « Regard sur le XX° siècle a considéré qu’il s’agissait d’un siècle « prométhéen » dont l’épopée communiste était le plus spectaculaire témoignage, mais pas le seul, s’achevant dans l’effondrement de systèmes étatiques hautement structurés et l’affaissement des idéologies messianiques entrainant une « perte des repères ».

D’une autre façon, comme cela a été évoqué de différentes manières au cours des séances précédentes, on peut considérer qu’à un cycle d’une trentaine d’années d’économie administrée après la seconde guerre mondiale, d’inspiration keynésienne, teintée de marxisme à ses débuts, a succédé un cycle d’ultralibéralisme débouchant sur une crise financière généralisée en crise de civilisation. Dans la crise, on a souligné le rôle d « amortisseur social » du service public ; certains ont annonce le « retour de l’État ».

Ces processus nous laissent aujourd’hui dans un grand désarroi, dans une situation de décomposition sociale profonde. Les partis politiques n’assument plus leurs fonctions traditionnelles (tribunitienne, consulaire, théoricienne). Edgar Morin parle avec justesse de « métamorphose ». Dès lors la question qui nous est posée est : « Où va l’État dans la métamorphose et surtout au-delà ?». Il est difficile de concevoir dans un avenir aussi incertain et cela relativise la référence aux trois modèles proposés : État modernisé (France), État minimal (pays anglo-saxons), État stratège et régulateur (pays scandinaves).

À ce stade du raisonnement je veux soulever une question qui a pour moi été permanente durant tout ce cycle de conférences : parlons nous de réforme de l’État ou de réformes administratives ? Je pense que nous nous sommes situés essentiellement sur ce second terrain alors que ce qui vient normalement à l’esprit s’agissant de la réforme de l’État dans un pays qui a connu quinze constitutions en deux siècles, c’est la réforme des institutions et, par là, de la constitution. Je comprends que le Conseil d’État n’ait pas voulu se saisir d’office de la question. Mais pour qu’elle soit évoquée dans le débat, j’ouvrirai une courte parenthèse pour dire, en ce qui me concerne, que je considère : que la souveraineté nationale n’est pas négociable ; que je suis favorable à un régime parlementaire avec un mode de scrutin aussi près que possible de la proportionnelle, pour la suppression de l’élection du Président de la République au suffrage universel; pour que le gouvernement, responsable devant l’Assemblée, détermine et conduise effectivement la politique de la nation, disposant de l’administration et de la force armée ; pour la libre administration des collectivités territoriales ; pour le maintien de la dualité juridictionnelle ; pour la refondation de la citoyenneté, etc. Je récuserai bien évidemment la contestation simpliste d’un retour à la IV° République. Telle serait ma posture dans la métamorphose, mais je ferme la parenthèse non sans souligner le caractère déterminant des institutions sur les fonctions de l’État et la réponse à la question posée.

Alors « démantèlement ou réforme ? » A priori, ni l’un ni l’autre évidemment. Le démantèlement serait irresponsable, la simple réforme insuffisante face au défi d’une nouvelle civilisation. Je me bornerai donc à évoquer quelques idées sur le terrain réaliste qui nous est proposé : un État rationnel, un État responsable, un État universaliste.

* Premièrement, un État rationnel. Il doit donner l’exemple de la démarche scientifique et démocratique. C’était l’ambition du Commissariat général du Plan en 1946. Doublé en 1997 du Conseil d’analyse économique (CAE), il a été remplacé en 2006 par le Centre d’analyse stratégique (CAS), puis en avril 2013 par le Commissariat général à la stratégie et à la Prospective(CGSP), aussitôt baptisé pompeusement France-Stratégie. Le sens de cette évolution c’est une marginalisation de l’instrument de connaissance, de prévision, de concertation.

Sur le terrain de la conduite des politiques publiques, j’ai participé à la direction de la Prévision du ministère de l’Économie et des Finances dans les années 1960-1970 à la Rationalisation des choix budgétaire (RCB) dont le fondement scientifique était incontestable. La Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en a gardé l’apparence, mais non la rigueur (la dernière conférence l’a évoquée avec un diagnostic plutôt pessimiste et sans mentionner la question de la « fongibilité asymétrique » qui en est pourtant une caractéristique importante et perverse). La Révision générale des politiques publiques (RGPP) a accumulé des centaines de meures sans la moindre cohérence et supprimé les principaux instruments de ce que j’appellerais l’ « administration rationalisante » (exemple du Conseil national d’évaluation, des Hauts conseils du secteur public ou de la coopération internationale, etc). La Modernisation de l’action publique (MAP) n’a, pour le moment produit aucun projet significatif.

Sans doute la mondialisation rend-elle la démarche de rationalisation plus difficile, elle n’en est pas moins nécessaire. Bref, il y a dégénérescence de la rationalité des politiques publiques ; on peut parler de dérive vers le modèle d’ « État minimal » anglo-saxon. Tout est à refaire en ce domaine : renforcement de la capacité d’expertise de l’État, développement de programmations en avenir aléatoire dans un contexte mondial, approfondissement théorique de l’efficacité sociale au-delà des essais d’évaluation, etc. Une intervenante dans une conférence précédente a souligné avec force que l’exigence conceptuelle était d’un niveau bien supérieur pour les politiques publiques de l’État que pour l’entreprise qui pourtant tend à être le paradigme de la gestion publique aujourd’hui.

* Deuxièmement, un État responsable. Ce qui entraine la nécessité de sa cohérence. Au cours des dernières décennies on a assisté à un processus constant de démembrement de l’État : multiplication d’autorités administratives indépendantes, d’instances dites de régulation, de délégations de services publics à des organismes mixtes ou privés, des privatisations massives, etc. Certes, au niveau microéconomique des justifications de ces opérations peuvent s’avérer pertinentes[1], mais je les conteste au niveau macroéconomique, au niveau de l’État. Ce mouvement qui se veut managérial a trouvé des encouragements dans plusieurs rapports officiels dont la philosophie est de tendre à séparer le service public du secteur public, la gestion, mieux la gouvernance, de la propriété publique. Les services publics pourraient ainsi prospérer « hors sol ».

Je considère qu’il s’agit là d’une dérive tout à fait fâcheuse et reste convaincu (sans grand espoir de convaincre dans le contexte actuel) que « Là où est la propriété là est le pouvoir », comme aurait pu dire Jean-Jacques Rousseau (Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes). Membre de la section des travaux publics du Conseil d’État, j’ai vu passer des projets de décrets proposant la transformation statutaire de services administratifs en établissements publics administratifs (EPA), d’EPA en EPIC, d’EPIC en sociétés mixtes, sociétés anonymes éventuellement chargées de missions de service public. Tous les projets de décret se situaient dans ce processus, aucun dans le processus inverse. Je suis pour une « respiration » du service public et du secteur public, mais là il ne s’agit pas là d’une respiration, mais d’une « expiration ». Par ailleurs la réforme territoriale s’effectue actuellement dans une très grande confusion nuisible aussi bien à l’unité nationale qu’à la démocratie locale.

L’appropriation sociale articulant : économie des besoins (pour reprendre le titre du livre de mon ami et collègue Jacques Fournier)-transfert juridique de propriété-intervention effective des acteurs des entreprises ou organismes concernés, est la condition de la maîtrise. Ce sont ces trois volets qu’il conviendrait d’expliciter (en dehors de la question institutionnelle, bien entendu). C’est une entreprise difficile dans la mondialisation mais encore plus nécessaire pour la gestion des biens communs (eau, ressources du sol et du sous-sol, etc.), ou biens « à destination universelle » selon la formule de Vatican II.

* Troisièmement, un État universaliste. Je considère qu’aujourd’hui nous devons inscrire notre réflexion sur l’État au sein d’une bipolarisation individuation-mondialisation.

Le pôle de l’individuation est celui de la formation de la citoyenneté au contenu déjà très riche dans notre pays, mais qui doit être approfondi sur le terrain de la responsabilité individuelle et du rejet des conformismes. Elle n’a pas de véritable prolongement au niveau de l’Union européenne le contenu des articles 20 (« Il est institué une citoyenneté de l’Union. Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre », formule juridiquement indéfendable) et suivants du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne étant particulièrement déficient.

Le pôle de la mondialisation est sans doute celui de la plus grande fécondité conceptuelle. C’est celui de l’émergence de valeurs universelles (paix, sureté, droit au développement, protection de l’écosystème …), les moyens de la gestion des biens communs (culturels, techniques, économiques, administratifs …). Celui ce la convergence ordonnée des États de droit dans l’esprit des travaux de Mireille Delmas-Marty.

Dans cette problématique la nation est et demeure le niveau le plus pertinent d’articulation du particulier et du général. L’État nation est dès lors l’opérateur de la dialectique entre citoyenneté et avènement du genre humain comme sujet de droit. D’où la nécessité de son renforcement, ce qui est en même temps une chance pour notre pays qui est en mesure d’apporter des contributions constructives à ce mouvement d’humanisation. Je pense aux conceptions relatives au service public, au droit du sol, à la France terre d’asile et pays des droits de l’homme, à sa culture juridique et institutionnelle et, bien sûr, à la laïcité. Au lieu de cela j’ai le sentiment d’une « banalisation » de la France pour reprendre l’expression de Marcel Gauchet.

Alors « démantèlement ou réforme ? ». Je dirai, pour ma part, qu’il résulte de ce qui précède que le démantèlement est déjà très avancé et qu’il faudra bien plus qu’une réforme, une transformation qualitative d’un haut niveau, pour que la « main visible » en impose à la « main invisible ».

[1] Le Conseil d’État a tôt reconnu que des organismes publics pouvaient se livrer à ces activités de gestion privée (CE, 6 février 1903, Terrier). Réciproquement que des organismes privés pouvaient être chargés de missions de service public (CE, 10 janvier 1902, Compagnie nouvellede gaz de Neuville-les-Rouen), même en dehors de tout syst§me contractuel ( CEE, Ass, 13 mai 1938, Caisse primaire et protection).

« L’État : démantèlement ou réforme ? » – Cycle de conférences du Conseil d’État sur le thème « Où va l’État? » – 2er juillet 2015

frPrésentation générale

Modérateur :

n Jean‐Ludovic Silicani,
conseiller d’État, ancien commissaire à la réforme de l’Éta.

Discours de clôture :

n Jean‐Marc Sauvé, vice‐président du Conseil d’État

Présentation
de la conférence de clôture

La treizième et dernière conférence du cycle «Ou va l’État ? » a pour thème » Démantèlement ou reforme? ».Il s’agit d’une problématique très large qui porte à la fois sur le fond‐ quel est le degré nécessaire de transformation de l’État?‐ et sur la méthode à suivre qui dépend évidemment de la radicalité de la transformation. Ces deux dimensions, indissociablement liées, seront donc abordées.

  1. Dans les sociétés contemporaines développées, l’action publique prend différentes formes correspondant aux quatre grandes catégories de missions suivantes.

1) Des missions de puissance publique qui se traduisent par des actes d’autorité, c’est‐à‐dire des décisions unilatérales (édiction de règles impératives ou souples et de décisions individuelles : autorisations, interdictions, sanctions, obligations) ou par des services d’autorité (police, justice, défense), qualifiées parfois de violence légitime ; ces missions ne se limitent pas aux seuls secteurs dits régaliens, étudiés lors de 6e conférence du cycle, mais concernent aussi beaucoup d’autres secteurs où l’État intervient sous une forme unilatérale : par exemple en matière d’environnement ou de droit du travail.

2) Des missions de prestations de services publics : il s’agit de produire et délivrer des services, souvent de masse, qui ne relèvent pas

Les intervenants :

n Hervé Gaymard,
ancien ministre, député et président du conseil départemental de Savoie

n  Éric Le Boucher, éditorialiste aux Échos

n  Anicet Le Pors,
ancien ministre, conseiller d’État (h.)

d’une activité de puissance publique, tels que l’éducation ou les soins hospitaliers ; on peut y rattacher la réalisation directe d’équipements qui sont souvent le support de ces services. 
3) Des missions de financement, de transferts

et de redistribution (allocations et subventions), notamment en matière sociale, économique ou culturelle.

4) Enfin des missions d’information ou d’influence (collecte, traitement, diffusion) à des fins pratiques ou stratégiques que certains appellent le soft power.

Il convient aussi de rappeler que si les dépenses publiques représentent, en France, depuis ces dernières années, environ 57% du PIB, l’essentiel (35 % du PIB) est consacré à la troisième catégorie de missions (transferts), notamment via la Sécurité sociale et la couverture des risques sociaux ; 19 % du PIB est consacré au fonctionnement et à l’équipement des administrations publiques civiles et militaires (masse salariale relative aux 5 300 000 agents publics, autres dépenses de fonctionnement, investissements) ; enfin, le solde (3%) correspondant aux intérêts de la dette.

La répartition du total des dépenses publiques, selon les acteurs en cause, est la suivante (en pourcentage du PIB) :

‐ État : 20%

‐ Sécurité sociale : 25%.

– Collectivités territoriales : 12%

Ainsi, pour répondre à la question de notre conférence « L’État: démantèlement ou reforme ? », il sera nécessaire de bien préciser si les analyses et préconisations concernent l’État au sens strict ou la sphère publique dans son ensemble, y compris l’État‐providence qui a été traité lors de la 7e conférence du cycle. Compte‐tenu des multiples liens financiers, juridiques et fonctionnels existant entre les différentes catégories, nationale, territoriale et socio‐sanitaire, d’acteurs publics, il est proposé de traiter l’ensemble mais en se focalisant sur l’État proprement dit.

  1. Pendant les 30 glorieuses, un consensus s’est fait sur un rôle croissant de l’action publique, notamment de l’État providence, avec une augmentation régulière des dépenses et recettes publiques, en particulier en Europe, ce mouvement étant facilité par une forte croissance économique. Mais, comme on le sait, et cela a été souligné lors de plusieurs des conférences du cycle, depuis les années soixante‐dix, des recherches, des débats et des politiques publiques se sont développées sur le thème de la réforme de l’État, que ce concept soit pris au sens strict ou au sens large. Pour résumer, il en ressort trois « écoles » qui ont chacune donné corps à des actions menées par les pouvoirs publics.

‐ La première, illustrée par la France, est celle dite de la modernisation. L’État modernisé conserve, en théorie, son périmètre exhaustif, tout en transférant des compétences croissantes aux collectivités territoriales, et la sécurité sociale se modernise tout en étendant sa couverture à de nouveaux risques. Les reformes ne portent donc pratiquement pas sur le périmètre de la sphère publique mais un peu sur la répartition entre les acteurs et surtout sur des réorganisations visant à améliorer l’efficacité de chaque acteur. Le régime juridique des agents publics n’est pas modifié et les effectifs ont continué à augmenter.

‐ La deuxième, illustrée par les pays anglo‐ saxons, notamment les États‐Unis et le Royaume‐Uni, correspond, à l’origine en tout cas, avec les réformes initiées par Ronald Reagan et Margaret Thatcher, à ce que certains ont appelé l’État minimal où l’objectif affiché est le moins d’intervention publique possible, cette rétraction touchant principalement, via les privatisations et externalisations, les 2e et 3e catégories de missions inventoriées ci‐dessus, mais parfois aussi les fonctions régaliennes, comme la régulation des infrastructures (énergie) et celle des activités bancaires, ou encore le contrôle de la navigation aérienne, dans un mouvement dit de déréglementation accélérée. Mais, aux

États‐Unis, c’est l’État fédéral qui a été principalement réduit (small gouvernement), alors qu’au Royaume‐Uni, un fort mouvement inverse de recentralisation a été opéré dans un but d’économie, par la réduction massive des autorités locales et la création d’agences nationales spécialisées, ayant ou pas la personnalité morale ; vision idéologique dans un cas, plus pragmatique dans l’autre. Par rapport aux réformes initiales, de fortes corrections sont intervenues sous la présidence Clinton ou le gouvernement Blair, avec notamment d’importantes créations d’emplois ou une augmentation des crédits de fonctionnement.

‐ La troisième, illustrée par les pays scandinaves, notamment la Suède, est celle de l’État stratège et régulateur : si le périmètre de la sphère publique est réduit, il reste cependant substantiel. C’est surtout sur la spécialisation des acteurs publics que porte l’essentiel des réformes : l’État national se réduit à l’État central, c’est‐à‐dire aux ministères qui sont eux‐mêmes ramenés à des effectifs restreints mais de cadres de haut niveau et de profils variés ; ils se spécialisent sur les missions de veille, de stratégie, de conception, de législation et d’évaluation. L’État n’est donc plus opérateur : la mise en œuvre des politiques publiques définies par le gouvernement et le parlement est confiée à des agences spécialisées, ayant des objectifs précis à atteindre sur lesquels elles sont évaluées, ou à des autorités indépendantes dans les domaines qui le justifient. D’autres missions sont transférées aux collectivités territoriales. C’est dans ce cadre où chaque organe est spécialisé et où chaque mission ne relève que d’un type d’acteur qu’est mise en œuvre une politique visant à améliorer la productivité et l’efficacité des services publics et donc à réduire les coûts. Le Canada a mené des réformes intermédiaires entre celles des États‐Unis et celles de la Suède.

Chacun pourra qualifier ces quelques exemples de démantèlement, de réforme ou d’aucun de ces deux substantifs.

Les interventions et le débat permettront de mettre en lumière les avantages et les inconvénients de ces trois « modèles », en fonction des objectifs politiques que se fixe notre pays, et compte‐tenu de notre environnement européen et mondial, en ce qui concerne :

‐ le périmètre de la sphère publique ;
‐ le degré de spécialisation des acteurs en son sein, avec notamment le rôle particulier assigné à l’État : en dehors des missions de puissance publique, l’État doit‐il, dans tous les domaines, outre ses fonctions de stratégie et d’organisation, être encore un opérateur direct, par exemple en matière d’enseignement? L’État doit‐il par ailleurs assurer une péréquation financière et fiscale entre les territoires ? ;

‐ enfin, à périmètre redéfini, les gains d’efficacité attendus et leur utilisation (réduire la dépense publique ou la maintenir en produisant plus de services?).

III. Les interventions et le débat porteront aussi sur la méthode pour concevoir, décider et mettre en œuvre la réforme.

‐ Faut‐il essayer de partir d’un diagnostic aussi partagé que possible sur l’étendue des services publics rendus, leur qualité et leurs coûts, avec des éléments de comparaison internationale? Si oui comment l’établir, par qui et dans quel délai? Ou estime‐t‐on que ce diagnostic a déjà été fait par des structures publiques ou privées et qu’il faut désormais passer du diagnostic à la détermination et l’engagement des réformes elles‐mêmes?

‐ Recherche‐t‐on, pour décider et voter ces réformes, une majorité large, dépassant les clivages politiques habituels? Associe‐t‐on la société civile à ces choix? Si oui sous quelle forme?

‐ Est‐on prêt à dégager les moyens humains et techniques nécessaires pour mettre en œuvre ces réformes?
‐ Procède‐t‐on à des expérimentations territoriales ou sectorielles? À quel rythme réforme‐t‐on (en 100 jours par ordonnances ou sur une législature)?

‐ Comment suivre le résultat des réformes et, le moment venu les évaluer et les corriger s’il y a lieu?

Biographies des intervenants

n Jean‐Marc Sauvé
 – Diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et ancien élève de l’École nationale d’administration, Jean‐Marc Sauvé entre comme auditeur au Conseil d’État en 1977. Il est conseiller technique dans les cabinets de Maurice Faure et de Robert Badinter, ministres de la justice, de 1981 à 1983. Il occupe les postes de directeur de l’administration générale et de l’équipement au ministère de la justice de 1983 à 1988, puis de directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l’intérieur de 1988 à 1994, date à laquelle il devient préfet de l’Aisne. Nommé maître des requêtes au Conseil d’État en 1983, il devient conseiller d’État et secrétaire général du Gouvernement en 1995. Depuis le 3 octobre 2006, il est le vice‐président du Conseil d’État. Il est également président du comité

prévu par l’article 255 du Traité pour le fonctionnement de l’Union européenne (comité de sélection des juges européens), président du conseil d’administration de l’ENA et président de l’Institut français des sciences administratives.

n Jean‐Ludovic Silicani – 
Ingénieur civil des mines, titulaire d’un DEA de sciences économiques, ancien élève de l’IEP de Paris et de l’ENA, Jean‐Ludovic Silicani commence sa carrière au Conseil d’État en 1980. Il est directeur à l’agence nationale de valorisation de la recherche de 1984 à 1986, avant de rejoindre le ministère de la culture et de la communication comme directeur de l’administration générale de 1986 à 1992. Il est alors nommé directeur général de la bibliothèque de France. En 1993, il devient directeur du cabinet de Simone Veil, ministre d’État, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville. En 1994, il est rapporteur général de la mission sur les responsabilités et l’organisation de l’État, puis, de 1995 à 1998, commissaire à la réforme de l’État. Réintégré au Conseil d’État en 1998, il préside la quatrième sous‐section du contentieux de 2003 à 2009. En avril 2004, il rédige pour le Premier ministre un rapport sur la rémunération des directeurs d’administration centrale. D’octobre 2007 à avril 2008, il est chargé de la rédaction du Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique, et en 2009, il est membre de la commission présidée par Édouard Balladur sur la réforme des collectivités locales. Il préside l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) de 2009 à 2015. Depuis janvier 2015, il a réintégré le Conseil d’État, comme membre de la section des finances.

n Hervé Gaymard – 
Hervé Gaymard est député et président du conseil départemental de la Savoie, membre de la Commission des affaires étrangères et de la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale. Il a exercé différentes responsabilités ministérielles : économie, finances et industrie ; santé et sécurité sociale ; agriculture, pêche, alimentation et affaires rurales.
Il a également été président du Conseil d’administration de l’Office national des forêts entre janvier 2010 et mars 2013.
Hervé Gaymard est l’auteur de plusieurs livres : essais littéraires (Pour Malraux, Pour le livre, Avec Mario Rigoni Stern), politiques (La route des Chapieux, Nation et engagement) et géopolitiques (Un nouvel usage du monde).
De nombreux rapports et articles témoignent de son engagement sur les questions sociales, l’agriculture et la forêt, pour le développement et l’Afrique, ainsi que de son implication sur les réflexions concernant les échanges internationaux et la mondialisation.

n Éric Le Boucher
 – Diplômé de l’Institut de statistique de l’université de Paris, titulaire d’un DEA de gestion et d’un doctorat d’économie de l’université Paris Dauphine, Éric Le Boucher a commencé sa carrière comme économiste à l’Institut de recherche en information économique et sociale de l’université Paris Dauphine. Il a intégré la rédaction de l’Usine nouvelle puis du Matin de Paris en 1982, avant de devenir, en 1983, journaliste économique au Monde. Il a également exercé les fonctions de correspondant de ce journal à Francfort, puis rédacteur en chef et éditorialiste. En 2008, il a intégré la rédaction du journal Les Échos. Il a été directeur de la rédaction d’Enjeux Les Échos et il est l’un des cofondateurs du magazine en ligne Slate.fr. Par ailleurs, il a été membre de la Commission pour la libération de la croissance française qui a remis son rapport en janvier 2008, et président au Conseil pour la diffusion de la culture économique créé en 2006. Aujourd’hui éditorialiste aux Échos, il est membre du conseil du Centre d’études prospectives et d’informations internationales.

n Anicet Le Pors – 
Anicet Le Pors a été successivement ingénieur à la Météorologie nationale, économiste au ministère de l’économie et des finances, sénateur et conseiller général des Hauts‐de‐ Seine, ministre de la fonction publique et des réformes administratives (1981‐1984), conseiller d’État et président de formation de jugement à la Cour nationale du droit d’asile. Il a parallèlement exercé des responsabilités associatives, syndicales et politiques. Membre, à sa création, du Haut conseil à l’intégration, il a également été membre de la Commission d’accès aux documents administratifs, du groupe d’experts sur la continuité du service public des transports, administrateur de l’Agence nationale des fréquences, vice‐ président du Conseil national du tourisme, chargé de mission sur les emplois‐jeunes, la décristallisation des pensions des anciens combattants d’outre‐mer, la situation des travailleurs saisonniers. Il a présidé le comité de pilotage pour l’égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs des fonctions publiques. Il est l’auteur de nombreux rapports officiels et d’ouvrages. Il a notamment publié deux « Que sais‐je ? » sur La citoyenneté et Le droit d’asile et, avec Gérard Aschieri en 2015, La fonction publique.

Ubiversité d’automne du M’PEP – Bordeaux, 9 novembre 2014

Ve RÉPUBLIQUE ET ÉLECTION DU PRÉSIDENT

DE LA RÉPUBLIQUE AU SUFFRAGE UNIVERSEL DIRECT

Vers une VI° République ?

Je vous remercie de votre accueil et je veux vous exprimer ma satisfaction d’avoir inscrit la question institutionnelle à l’ordre du jour de votre Université d’automne. Il n’est pas toujours facile aujourd’hui de parler des institutions. Ou bien vous êtes rappelé à l’ordre pour aborder un tels sujet alors qu’il en a de plus graves : le chômage, la précarité. Ou bien vous êtes entrainé dans des déclarations proclamatoires qui servent de diversion à une étude et une réflexion sérieuses nécessaires sur un sujet difficile.

Je comprends que l’on veuille aborder d’entrée les questions institutionnelles qui font aujourd’hui débat ou polémique, mais je ne pense pas qu’ il s’agisse d’une bonne méthode car toute réflexion sur les institution suppose qu’on la situe dans une histoire et qu’on veille à sa cohérence d’ensemble. Je ne manquerait pas bien sûr d’évoquer l’épuisement de la V° République, la nocivité de l’élection du Président de la République au suffrage universel et, dans la foulée, l’hypothétique VI° Réplique.

I. LA FRANCE, VÉRIRABLE LABORATOIRE INSTITUTUTIONNEL

1.1. Ube riche et longue histoire

Il n’y a pas de constitution sous l’Ancien Régime, seulement quelques textes fondamentaux concernant principalement le roi et des coutumes. Le roi détient son pouvoir « par la grâce de Dieu ». Mais l’affaiblissement du sentiment religieux, le discours des « philosophes » et l’aspiration croissante à plus de liberté et d’égalité font que le pouvoir d’État tend à se dissocier de la personne du monarque, à s’autonomiser. Philippe le Bel à la fin du XIIIème  siècle installe le pape Clément V à Avignon et crée le Conseil d’État du Roi marquant ainsi une distinction entre affaires publiques et affaires privées. François 1er impose le français comme langue administrative contre le latin, langue du sacré, il met fin au monopole de l’Église en matière d’asile. Le pouvoir politique se sécularise.

Louis XIV commence son règne en proclamant « l’État c’est moi », mais ai moment de mourir, après un règne de soixante-douze ans, il aurait déclaré « Je meurs, mais il reste d’État. Une deuxième rupture se produit donc entre la personne du Roi et l’État qui s’autonomise à son tour. Aussi, ne faut-il pas s’étonner que la première exigence des délégués aux États généraux qui se réunissent le 5 mai 1789 à Versailles soit l’élaboration d’une constitution écrite pour la France. Déjà Jean-Jacques Rousseau avait appelé à la conclusion d’un Contrat social en 1762 et il avait même rédigé lui-même deux projets de constitutions, l’une pour la Corse en 1768 et l’autre pour la Pologne en 1771[1

Tous, alors, ne mettent pas évidemment le même contenu à l’idée de constitution. Les conservateurs souhaitent une mise en ordre formelle des pouvoirs monarchiques. Les révolutionnaires veulent faire table rase de l’ordre existant. L’idée de reconnaissance et de séparation des pouvoirs de Montesquieu : exécutif, législatif, judiciaire s’impose et consacre finalement le rôle de l’État nouveau par le transfert de la souveraineté du Roi à la Nation. Alors – troisième rupture – une autre séparation s’opère simultanément : entre cet État, dépositaire de l’a volonté générale et la reconnaissance de droits de l’homme et du citoyen. Ce dernier, en conformité avec l’analyse de Jean-Jacques Rousseau est sujet du souverain – le Peuple – et autonome comme personne. La traduction  de ce double mouvement sera l’existence durable, d’une part d’une constitution écrite, d’autre part d’une Déclaration des droits – ou d’un préambule – généralement placée en tête de la constitution. C ‘est encore vrai aujourd’hui.

Depuis, la France est un  véritable laboratoire institutionnel : quinze constitutions en deux cent vingt-trois ans. La première constitution est intervenue en 1791 et nous en sommes donc à la quinzième, soit une durée de vie moyenne d’environ quinze ans. Lorsque l’on parcourt la succession de ces constitutions, on peut dégager deux lignes de forces : l’une démocratique dont le meilleur exemple est la constitution de 24 juin 1793, dite aussi de l’An I, produite par la Convention ; l’autre autoritaire ou « césarienne », dont la constitution de Louis Napoléon Bonaparte du 14 janvier 1852 me semble l’exemple le plus caractéristique. L’histoire institutionnelle de la France peut être analysée par référence à ces deux expressions opposées. Afin de caractériser les deux modèles je dirai quelques mots de chacun d’eux.

La Constitution de 1793 dans une longue déclaration des droits propose le bonheur comme finalité et donne la plus grande place à l’intervention du peuple. Anti-fédéraliste et antilibérale, elle a été souvent considérée comme référence d’un régime parlementaire. Les députés sont élus pour un an, le 1er mai. Les étrangers présents depuis au moins un an peuvent voter et sont éligibles (Thomas Peine, Anacharsis Cloots). Les citoyens participent à l’élaboration de la loi par leurs assemblées primaires. L’article 35 prévoit le droit à l’insurrection si le gouvernement viole les droits du peuple – « le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs » -. Dans la constitution est prévu le droit d’asile pour les combattants pour la liberté, refusé aux tyrans. Le gouvernement est constitué en dehors de l’Assemblée. La constitution fut réservée en attendant le retour de la paix, car il fallait un exécutif fort pour conduire la guerre. Finalement, elle ne fut jamais appliquée.

La Constitution de 1852, a été établie après le coup d’État du 2 décembre 1651 pour faire échec à l’expiration du mandat de Louis Napoléon Bonaparte qui devait s’achever en mai 1852 et n’était pas renouvelable. La constitution lui donne tous pouvoirs sur les autres organismes de l’appareil d’État pour un mandat de 10 ans. Un sénatus-consulte lui confèrera la dignité impériale le 7 novembre 1952 sans qu’il y ait besoin de modifier le dispositif institutionnel. Néanmoins on passera en 1860 de l’Empire autoritaire à l’Empire libéral sous la pression des milieux catholiques et des forces économiques.

Les deux lignes de forces marquent les diverses constitutions, mais dans des proportions variables. Ainsi la constitution de la IVème République se rattache à la première, la constitution de la Vème  est un hybride plutôt dominé par l’esprit de la seconde. Leurs analyses comparatives permettent ainsi une réflexion synthétique sur le rôle de l’État et les questions institutionnelles que je m’efforcerai de situer dans le contexte actuel.

1.2. La Constitution de la IV° République

La constitution de la IVème République aura duré douze ans, la Vème en compte cinquante-cinq cette année, en deuxième position pour la longévité après la IIIème, soixante-cinq ans.

Histoire

Le régime de Vichy a supprimé la Constitution  de la IIIème République du 25 février 1875 et s’est attaché à traduire en institutions sa conception de l’ « ordre moral » dans la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 annonçant un projet de constitution du Maréchal Pétain qui ne sera jamais adoptée. Si le régime de Vichy trouvait la constitution de la IIIème  République trop démocratique, les différents courants de la Résistance intérieure ou extérieure souhaitèrent très rapidement mettre en place des institutions fondées sur le peuple – dans une sorte de personnalisation à l’instar de Michelet-. Le poids et l’organisation du parti communiste eurent pour effet de mettre en avant la référence à la constitution de 1793, sous forme d’un régime d’assemblée unique, élue à la proportionnelle intégrale  et favorable au rôle des partis. Au plan économique, la Résistance avance une planification démocratique, des nationalisations et, au plan social, la sécurité sociale dans le cadre du programme du Conseil national de la Résistance. La situation est alors assez largement consensuelle sur cette base.

Dès 1942, le général de Gaulle admet une réforme institutionnelle profonde. Une ordonnance du 21 avril 1944, prise à Alger, prévoit une Assemblée nationale constituante. De Gaulle incline pour une dimension présidentielle sur le modèle des États Unis.

Un premier référendum a lieu le 21 octobre 1945 pour répondre à deux questions en même temps qu’était élue l’Assemblée constituante. 1/ reconnaissance de l’assemblée comme constituante. 2/ limitation de ses pouvoirs à sa fonction constituante pendant sept mois. La réponse fut oui-oui (de Gaulle, PS, MRP), contre oui-non (PCF), er non-oui (radicaux). Le PCF domine cependant l’assemblée (25 %) avec le MRP.

Aussitôt se développe une tension entre les partis, principalement de gauche,  et de Gaulle élu chef du gouvernement après maintes palabres. Il refuse de confier des ministères-clés aux communistes. Il démissionne le 20 janvier 1946. Félix Gouin, socialiste,  lui succède, Vincent Auriol est président de l’Assemblée. Finalement Pierre Cot fait adopter par l’Assemblée un projet au bout d’un vif conflit : MRP contre socialistes et communistes.

Ce projet institue un régime d’assemblée fortement marqué par le modèle de la Convention. Soumis au référendum, il est rejeté le 5 mai 1946 par 53 % des suffrages – c’est la première fois qu’un référendum rejette  la proposition soumise au vote -. La cause réside à la fois dans la crainte du régime d’assemblée et des communistes.

Une nouvelle assemblée constituante est élue. L’ordre d’importance est : MRP (28 %), communistes (26 %), socialistes (21 %). Le discours de Bayeux du général de Gaulle le 16 juin 1946, donne une esquisse d’une constitution avec un chef de l’Etat au-dessus des partis et doté de pouvoirs importants. La gauche n’en tint pas compte si elle prit soin de veiller à ce que n’intervienne pas un nouveau résultat négatif. Finalement, le projet fut adopté par référendum par 9 millions de oui, 8 de non, mais 6 d’abstentions et 1 de bulletins blancs. La constitution sera promulguée  le 27 octobre 1946.

Contenu

Cette constitution est dans la filiation des constitutions révolutionnaires : 1789, 1793, 1795, 1848. Elle ne comporte pas de Déclaration des droits comme dans le projet de 1945, mais un Préambule toujours en vigueur retenant de nombreux droits : droit d’asile, droit au travail, accès à la formation, à la gestion des entreprises, de grève, nationalisations, égalité hommes-femmes, etc. On valide, par là, des mesures prises depuis la Libération. La constitution renvoie  à la Déclaration des droits de 1789 et aux « principes fondamentaux reconnus par les lois de la république ».

Elle prévoit deux chambres : l’Assemblée nationale et le Conseil de la République. La première est élue à la proportionnelle[2], elle a l’initiative des révisions constitutionnelles et a le dernier mot en matière législative. Elle est à la source de la  composition du gouvernement et, avec le Conseil de la République, élit le Président de la République. Celui-ci garde les pouvoirs de ses prédécesseurs. Il désigne le Président du Conseil, mais celui-ci doit être investi par l’Assemblée.
Des mécanismes sont créés pour assurer la stabilité : question de confiance et motion de censure des art. 49 et 50 -. Un gouvernement renversé peut dissoudre l’Assemblée.

Évolution

La IVème  République doit faire face à de grandes difficultés : reconstruction, guerres d’Indochine et d’Algérie, décolonisation, instabilité gouvernementale, dénaturation de la représentation parlementaire par le système des apparentements – des partis apparentés avant un scrutin législatif se partagent tous les sièges si, ensemble, ils obtiennent la majorité des suffrages exprimés -. Le gouvernement Guy Mollet ne s’impose pas. Une réforme constitutionnelle  est envisagée mais sa déclaration d’investiture devant l’Assemblée le 1er juin 1954 ne porte que sur des dispositions mineures. La situation se dégrade (intervention en Egypte, détournement de l’avion de Ben Bella…). Maurice Bourgès Mauboury et Félix Gaillard lui succéderont. Le 13 mai, émeute à Alger le jour de l’investiture de Pierre Pfimlin. Le Président de la République, René Coty, appelle le général de Gaulle comme président du Conseil et l’autorise à élaborer une nouvelle constitution.

Il y eut 25 gouvernements en 12 ans de durée de la constitution de la IVème République. Le professeur J-J. Chevallier a considéré que cette constitution était  « rationnelle, mais n’était pas raisonnable « .

1.3. La Constitution de la V° République

Histoire

La loi constitutionnelle du 3 juin 1958 fixe les cadres et les limites de la révision constitutionnelle (suffrage universel, séparation des pouvoirs, responsabilité du gouvernement devant le parlement, indépendance de la justice, etc.). Le projet devra être soumis au référendum.

Un avant-projet est rédigé par un petit comité à l’instar des constitutions autoritaires. De Gaulle veille à élargir le nombre des grands électeurs – anticipation de la réforme 1962 – et aux pouvoirs du président, notamment en cas de crise – esprit de Bayeux de 1946 -. Michel Debré veille à « rationaliser » l’activité parlementaire. Le comité fait des propositions qui ne seront pas retenues. Le projet passe en Conseil des ministres le 4 septembre et est adopté le 28 septembre par référendum à 80% des voix. Seul le PCF ayant appelé à voter contre avec quelques personnalités (Mitterrand, Mendès France). La signification du vote est différente pour les territoires d’outre-mer qui se prononcent sur leur indépendance de la communauté qu’introduisait le texte (Guinée).

Contenu

La constitution commence par la souveraineté, mais ensuite l’ordre est changé par rapport à celui de la constitution de 1946 qui était : Parlement-Conseil économique et social – Président de la République -Gouvernement et qui devient : Président de la République Gouvernement – Parlement. Elu pour 7 ans, le Président est rééligible. Il est élu par un large collège de grands électeurs, quelque 75 000. Il a les prérogatives de ses prédécesseurs, mais surtout il est doté de pouvoirs nouveaux portant notamment sur deux articles : l’art. 11 qui lui permet de recourir au référendum sur le fonctionnement des pouvoirs publics et les traités, l’art. 16 en cas de guerre ou de guerre civile, le recours à cet article est  très encadré, mais cela lui confèrerait en ces circonstances un véritable pouvoir dictatorial.

Le Gouvernement est composé du Premier ministre – non le Président du conseil qui est le Président de la République -. Le Président de la République  nomme le Premier ministre et les ministres qui lui sont présentés par le Premier ministre. Le Gouvernement sollicite la confiance de l’Assemblée nationale. Le Président de la République ne peut ensuite révoquer le Premier ministre. Il y a incompatibilité pour les ministres entre la fonction et un mandat parlementaire. Le Gouvernement a des pouvoirs étendus (art. 20) : initiative des lois, nominations de hauts fonctionnaires, proposition de référendum, déclaration de l’état de siège, recours aux ordonnances, etc. Il dispose du pouvoir réglementaire (art. 34 et 37)

Le Parlement est constitué en deux chambres, composées de parlementaires élus sur des modes définis par des lois ordinaires. La rationalisation est effectuée par un président de l’Assemblée nationale élu pour la législature, le président du Sénat à chaque renouvellement. Ces présidents peuvent saisir le Conseil constitutionnel. Leur consultation est obligatoire dans certains cas. Ils ont donc des pouvoirs propres. Les pouvoirs du Parlement sont réduits par un champ législatif très circonscrit : adoption d’une loi sans vote si le Gouvernement pose une question de confiance et qu’il n’est pas renversé dans les vingt-quatre heures par une motion de censure ; le contrôle de constitutionnalité des lois est instauré ; la loi peut être adoptée par référendum. Les lois sont votées par les deux assemblées. En cas de désaccord, recours à une commission mixte paritaire et s’il n’y a pas accord vote de l’Assemblée nationale sur son texte. Le rôle du Parlement change en cas de différence des majorités aux élections législatives et présidentielle (cohabitation).

Est créé un Conseil constitutionnel composé de neuf membres désignés par tiers par le Président de la République et les présidents des assemblées. Ses compétences sont élargies par rapport à celles du « comité constitutionnel » de la constitution de 1946. Il est le juge des recours sur les référendums, les élections du Président de la République et des parlementaires. Il est encore le juge de  la qualification législative des textes. Il est consulté sur la mise en œuvre de l’article 16 et sur l’ « empêchement » du Président de la République.

Une Haute Cour est créée pour juger le Président de la République et les membres du Gouvernement  – haute trahison, puis seulement manquement du Président ; création alors d’une Cour de justice pour juger les ministres pour faits commis dans l’exercice de leurs fonctions -. Un Conseil économique et social consultatif est créé.

Une procédure de révision de la constitution est mise en place sur la base de l’article 89 de la constitution : sur la base d’un texte voté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat suivi d’un référendum. Mais le Président de la République peut également soumettre un projet au Parlement réuni en Congrès ; le texte doit alors être adopté à la majorité des trois-cinquièmes.

Evolution

Depuis son instauration, la Constitution de la Vème République a été fréquemment modifiée : 5 fois de 1958 à 1991, 19 fois depuis, soit 24 fois au total (Annexe II). On n’évoquera ci-après que les plus importantes – quatre projets de lois constitutionnelles sont en instance de vote par le Parlement réuni en Congrès.

1962 : l’élection du Président de la République au suffrage universel direct.

Voulant passer outre l’opposition probable du Sénat, de Gaulle fait réviser la constitution en utilisant l’article 11. Opposition quasi-générale et constitution du cartel des « non ». Néanmoins le prestige de de Gaulle, fait que le « oui » l’emporta avec plus de 62% des voix. Le Conseil constitutionnel se déclare incompétent. Nouvelle naissance de la Vème République.

Et le fait que le Conseil constitutionnel refuse de contrôler la constitutionnalité des lois adoptées par référendum car elles sont adoptées directement par le peuple, ont permis la mise en œuvre de cette réforme.

*** 1969 : rejet par référendum du projet de réforme du Sénat et de l’organisation territoriale

Le projet de révision de 1969 avait un  double objet : une réorganisation territoriale renforçant le rôle des régions et la réforme du Sénat devenu plus socio-ptofessionnel avec suppression du Conseil économique et social. Désavoué, de Gaulle démissionne le 28 avril 1989. Comme en 1962, mais en sens inverse, l’effet plébiscitaire a été prédominant – 2ème rejet d’un référendum.

1974 : la réforme du Conseil Constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel avait été pensé par Michel Debré dans le cadre d’un parlementarisme rationalisé (champ de l’art. 34, limitation du rôle des partis). La décision constitutionnelle n° 71-44 DC du 16 juillet 1971 Liberté d’association a donné une nouvelle place au Conseil constitutionnel. Valéry Giscard d’Estaing, nouvellement élu Président de la République, souhaite élargir la saisine du Conseil Constitutionnel aux parlementaires – 60 députés et 60 sénateurrs.

1992 : le traité de Maastricht.Cette révision avait pour but de rendre la Constitution compatible avec le traité sur l’Union européenne.

2000 : le quinquennat.

C’est la première révision constitutionnelle soumise au référendum en application de l’article 89 de la Constitution. Après 73% de « oui » le 24 septembre 2000, elle fut promulguée le 2 octobre. Son but était d’éviter les inconvénients de la cohabitation.

2003 : loi constitutionnelle relative à l’organisation décentralisée de la République

Elle porte sur : l’organisation décentralisée de la République, la démocratie locale directe – référendum pouvant être décisionnel dans certains cas -,  autonomie financière des collectivités territoriales, statut des collectivités d’outre-mer.

2005 : la charte de l’environnement.

La Constitution inclut dans son préambule, depuis le 1er  mars 2005, une charte de l’environnement en 10 articles, à la demande du Président de la République.

*** 2005 : rejet du traité sur la constitution de l’Union européenne

Le texte sera repoussé par référendum, mais le Gouvernement le fera adopter sous forme du traité de Lisbonne par le Parlement.

2008 : ratification du traité de Lisbonne

En vue de la ratification ultérieure du Traité de Lisbonne, une révision du titre XV de la Constitution a été votée par le Congrès le 4 février 2008, par 560 voix contre 181. La loi constitutionnelle a été promulguée le jour même. Les modifications apportées à la Constitution formulent les transferts de souveraineté énumérés dans le traité de Lisbonne par un renvoi direct à ce texte.

2008 : Loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 sur la réforme des institutions

Dans le prolongement des travaux du comité « Balladur », le Parlement réuni en Congrès a adopté le 21 juillet 2008 un projet de loi constitutionnelle qui crée ou modifie 47 articles de la Constitution (Annexe III). Le vote a été acquis avec 539 votes favorables, le seuil d’adoption étant de 538 votes.

Les modifications les plus importantes de la loi constitutionnelles du 23 juillet 2008 sont les suivantes : limitation à deux le nombre de mandats consécutifs du Président de la République ; possibilité pour un cinquième des membres du Parlement, soutenus par un dixième des électeurs inscrits, de demander la tenue d’un référendum sur l’un des sujets prévus dans l’article 11 ; le président de la République peut convoquer le Congrès du Parlement français pour faire une déclaration ; les parlementaires sont remplacés temporairement en cas d’acceptation par eux de fonctions gouvernementales ; la discussion des projets et propositions de loi ne porte plus devant la première assemblée saisie sur le texte présenté par le gouvernement, mais sur le texte adopté par la commission saisie, sauf pour les projets de révision constitutionnelle, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale ; les assemblées fixent maintenant elles-mêmes leur ordre du jour indépendamment du Gouvernement. Celui-ci conserve néanmoins certaines prérogatives importantes ; les justiciables ont désormais la possibilité, depuis mars 2010, de contester la constitutionnalité d’une mesure qui leur est opposée, créant ainsi la possibilité de révision constitutionnelle a posteriori (QPC) ; le Conseil économique et social devient le Conseil économique, social et environnemental ; le Défenseur des droits est créé ; les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France.

Un projet gouvernemental visant à inscrire dans la Constitution des règles prévoyant un retour progressif à l’équilibre budgétaire a été adopté le 13 juillet 2011. Ce texte institue des lois-cadres d’équilibre des finances publiques prévoyant un rythme du retour à l’équilibre budgétaire sur au moins trois ans. La question fait aujourd’hui l’objet d’une concertation européenne.

Pour conclure sur la Vème  République, on peut constater qu’elle n’est vraiment plus la même qu’aux origines. On peut distinguer trois phases : le « parlementarisme rationalisé » du début, gravement affecté en 1962 par l ‘élection du Président de la République au suffrage universel ; puis au moment des cohabitations ce que le professeur Jean-Marie Denquin a appelé la « monarchie aléatoire » à laquelle Lionel Jospin et Jacques Chirac ont tenté de remédier en instaurant le quinquennat ; enfin, depuis 2007, ce que j’ai appelé « dérive bonapartiste, tandis que Robert Badinter parlait de « monocratie » et qu’Alain Duhamel écrivait La marche consulaire, différentes expressions pour qualifier un régime autocratique qui prend d’ailleurs beaucoup de liberté avec les institutions. François Hollande semble s’être installé dans une « consécration tranquille ».

 II. CONTEXTE ET POSTURES

Une constitution est la représentation juridique, mais aussi idéologique et politique que se fait une société de l’organisation des pouvoirs pour vivre ensemble. Elle devrait donc transcender les conjonctures et mettre principalement l’accent sur les principes fondamentaux et les règles essentielles. On sait qu’il n’en est rien. Pour autant, il est utile de disposer d’une référence : ce que seraient les institutions idéales pour faire le choix le plus réaliste et le plus judicieux des institutions possibles. D’ou trois niveaux de réflexion : sur ce que serait une constitution exemplaire, ce que doit être une constitution souhaitable mais réaliste, sur les mesures ponctuelles à encourager car ont considère qu’elles vont dans le bon sens par référence aux modèles précédents.

2.1. La décomposition sociale

Nous nous posons aujourd’hui la question dans un contexte qui est celui d’une décomposition sociale profonde, de crise systémique. Les symptômes en sont multiples : désaffection politique marquée en particulier par la croissance des abstentions, montée du chômage et de la précarité, développement des jeux de hasard et des sectes, menaces contre l’écosystème mondial, crise aux dimensions multiples : financière, des matières premières, religieuse, etc.

Certaines causes  de cette situation peuvent être identifiées : la référence problématique à l’État-nation avec désaffection dans les pays anciens mais la multiplication de leur nombre et des réactions nationalistes ; la complexification et la dénaturation de la notion de classe sous l’effet du progrès technique, de la mondialisation capitaliste, de l’individualisation des statuts ; les bouleversements spatiaux marqués par l’urbanisation, le développements des voies de communication, l’émergence de nouvelles puissances économiques ; l’évolution rapide des mœurs principalement dans la formation des couples, le rôle de la famille, les relations sociales, la confrontation des cultures. Surtout, l’affaiblissement voire l’effondrement des grandes idéologies messianiques qui avaient prospéré au siècle dernier et structuré les débats politiques majeurs : la théorie néoclassique pour les libéraux de plus en plus éloignée de la représentation du réel s’est faite normative, ; l’État-providence pour les socio-démocrates voit sa démarche redistributive asphyxiée dans la crise et la récession ; le marxisme, inspirateur du mouvement communiste ne peut plus être regardé comme le paradigme des forces du changement s’il garde certaines vertus explicatives et pédagogiques.

Ce moment historique de décomposition sociale est donc tout à fait singulier et doit être analysé en tant que tel, même si nous disposons à cet effet que des outils théoriques anciens. Il donne naissance à des expression significatives comme celle d’Edgar Morin qui parle de « métamorphose »,  de Pierre Nora qui évoque le « régime des identités », ou d’Alain Badiou qui s’interroge « Qu’appelle-t-on échouer ?’ » : j’ai moi-même eu recours depuis vingt ans à des formulations de ce type[3]. D’autres moments historiques ont présenté des caractéristiques de même incertitude : Alfred de Musset n’écrivait-il pas dans Confession d’un enfant du siècle en 1836 « On ne sait, à chaque pas qu’on fait si l’on marche sur une semence ou sur un débris » .

La profondeur de la crise et la diversité de ses manifestations témoignent que nous sommes dans une période qui nous invite à sortir des schémas politiques qui ont prévalu au XXème siècle tout en tirant les enseignements de ce siècle « prométhéen ». Les trente années qui ont suivi la seconde guerre mondiale ont été celles d’une croissance soutenue et d’une politique économique administrée. C’est l’époque d’une forte intervention publique, de la « planification à la française » regardée par de Gaulle comme une « ardente obligation ». À partir de la crise pétrolière, au tournant des années 1970, l’ultralibéralisme va se développer sur une nouvelle période d’une trentaine d’année avec comme caractéristiques : concurrence, dérégulation, privatisations, culte de la performance, développement des inégalités, prévalence du court terme, récusation de toute morale civique et déboucher sur la crise des années 2007-2008. À la suite de celle-ci on en appelle de toute part au « retour de l’État ». Mais quel rôle de l’État dans quelles institutions ? Le sentiment que nous sommes dans une période de transition de civilisation donne lieu à des propositions institutionnelles variées.

2.2. Des solutions discutables

La banalisation sarkozyste

On a rappelé plus haut l’importance des modifications introduites par la loi constitutionnelles du 23 juillet 2008, votée à une voix de plus que la majorité requise.

Au-delà  existait une stratégie plus générale. Les spécificités construites par l’histoire en plusieurs siècles sont apparues sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy comme des « anomalies » dans un pays expérimenté comme la France. Anomalies que ce service public occupant un quart de la population active – privatisations, déréglementations et « révolutions culturelle » appelée dans la fonction publique statutaire – ; anomalie que ce principe de laïcité expressément inscrit dans sa constitution (discours de Latran) – anomalie que ce modèle d’intégration fondé sur le droit du sol (débat sur l’identité nationale) ; anomalie que cette réputation de « terre d’asile » (discours de Grenoble et alignement sur les directives européennes) ; anomalie  que cette succession de quinze constitutions en deux siècles (présidentialisation accrue) ; anomalie que ce pays aux 36 000 communes. (Acte III de décentralisation).Pour  ceux qui nous gouvernaient alors il s’agissat de gommer ces singularités pour mettre l’État de ce pays aux normes de l’Union européenne. Comme l’a écrit le philosophe marcel Gauchet : « Le programme initial du sarkozysme, c’est un programme de banalisation de la France »[4]

Sous le quinquennat précédent, cette déstructuration de la France est notamment recherchée par une double démarche de sens contraires. D’une part, une politique de décentralisation déstabilisatrice des collectivités publiques et nationales. D’autre part, une mondialisation qui s’exprime principalement sous la forme du mouvement des capitaux, mais sans se réduire pour autant à cet aspect. Cette situation pose le problème de l’avenir de l’État-nation, de la souveraineté nationale et populaire, de la responsabilité propre des citoyennes et des citoyens.

Le rapport Jospin et les conséquences tirées par François Hollande`

Il ne semble pas que le pouvoir actuel soit en mesure de répondre à la nécessité d’une réforme institutionnelle profonde sur la base du rapport Jospin. Rappelons préalablement que l’on doit à l’ancien Premier ministre une vague de privatisations supérieure à celle réalisée par Alain Juppé, ainsi que la réforme du quinquennat accompagnée de l’inversion du calendrier faisant précéder les élections législatives des présidentielles.

Les mesures proposées par celui-ci ne modifient pas le caractère de la Vème  République qui se trouve ainsi consacrée. L’élection du ¨résident de la République au suffrage universel est maintenue avec seulement le remplacement du parrainage des candidatures de 500 élus par 150 000 électeurs dans 50 départements, le scrutin majoritaire uninominal à deux tours des députés est inchangé sinon l’élection de 10 % des députés à la proportionnelle nationale. La composition du Sénat serait rééquilibrée au profit des départements et des régions avec plus  d’élus à la proportionnelle. Le cumul des mandats serait réduit. Le chef de l’État pourrait être jugé au civil comme au pénal pour faits hors mandat, non dans l’exercice de ses fonctions.

De ces propositions pourtant modestes, François hollande n’a retenu que quatre réformes présentées séparément pour ne pas risquer une invalidation parlementaire du tout : réforme du Conseil supérieur de la magistrature, inscription du dialogue social dans la constitution, incompatibilités applicables aux fonctions ministérielles et réforme de la composition du Conseil constitutionnel, responsabilité juridictionnelle du Président de la République et des membres du Gouvernement. On notera, en particulier, que n’ont pas été retenues les dispositions accordant le droit de vote aux étrangers non communautaires aux élections municipales, ni l’inscription dans la constitution des dispositions majeures de la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État. Ces projets de lois constitutionnelles qui devaient être soumis au Congrès fin juillet restent pendants. Leur adoption porterait à vingt-huit le nombre de révisions de la constitution de la Vème  République, ce qui conduit à s’interroger sur sa pérennité.

La seule annonce concrète de François Hollande au cours de la cérémonie du 55ème anniversaire de la constitution a été celle d’un projet de loi pour l’application de l’initiative populaire des lois adoptée en 2008. Le Président de la République a, à cette occasion, confirmé expressément l’élection du Président de la République au suffrage universel en raison de l’attachement présumé des Français à cette élection. On est très loin du « Coup d’État permanent » de François Mitterrand qui, au demeurant, s’en était fort bien accommodé. Il semble que les mesures de caractère institutionnel comme le vote des étrangers ou l’inscription dans la constitution des principales dispositions de la loi de séparation des Églises et de l’État ne verront pas le jour sous l’actuel quinquennat.

Les réformes territoriales

Dans la matière institutionnelle on ne peut manquer d’évoquer les réformes territoriales.

Répondre à la question : où en est-on de la politique du gouvernement en matière de décentralisation sous le nom de l’Acte III n’est pas facile puisque seule la loi qui porte sur les métropoles avec focalisation dur le Grand Paris a été promulguée en attendant deux autres lois. Durant sa campagne électorale, François Hollande avait mis l’accent sur la contractualisation. Le projet de mis au point  à l’automne 2012 était très complexe, il a finalement été divisé en trois : métropoles et grandes villes, région chef de file économique, solidarités territoriales des communes et des départements. Se pose ainsi la question du champ à considérer, plusieurs lois étant concernées  au delà de l’héritage Sarkozy : les trois projets de lois résultant du découpage, la loi sur les modes de scrutin, les lois de finances, les lois sur les fonctions publiques, etc.

Les premiers textes d’aménagement territorial datent de la  fin XIX° siècle : ils concernent le département et la commune, en les conservant sous la tutelle du préfet et des services de l’État.  La déconcentration est préférée à la décentralisation. Il faut aussi évoquer le  référendum du 28 avril 1969 qui portait sur la région et la réforme du Sénat et qui entraina la chute du général de Gaulle. On distingue sommairement les trois actes suivants.

Acte I : engagé par la loi Defferre du 2 mars 1982 il a institué : le contrôle a posteriori du préfet, le recours a postériori au tribunal administratif et à la chambre régionale des comptes, institué la région en collectivité territoriale, transféré l’exécutif du préfet au département, opéré un redéploiement des compétences et des ressources, prévu un statut de l’élu et des garanties aux agents publics des collectivités territoriales.

Acte II : constitué par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, dite loi Raffarin, elle a introduit : le référendum local pouvant être décisionnel, un droit de pétition élargi, l’autonomie financière des collectivités,  l’expérimentation législative sous conditions, de nouveaux transferts.

Acte III : il a été initié par Nicolas Sarkozy (loi 16.12.2010). Il recherche une banalisation de l’aménagement du territoire français ; cette démarche avait sans doute eu une influence sur le changement de majorité au Sénat à l’automne 2012.  François Hollande ne change pas l’appellation de l’entreprise : l’acte III.

Dans ces conditions la question se pose : continuité ou rupture ? Ces réformes ne manqueront pas d’avoir des conséquences importantes sur trois volets : structures et compétences,, financement décentralisés et déconcentrés, statuts et réformes administratives.

La démarche initiale n’ayant pas été remise en cause, on rappellera le discours de Nicolas Sarkozy à St Dizier dans lequel il déclarait préférer les « pôles et les réseaux » aux « frontières et aux circonscriptions ». Il évoquait, comme beaucoup d’autres, le « mille-feuille » administratif ». Or, seuls six niveaux sont significatifs. Trois sont politiques : la commune, le département et la nations. Trois sont à dominante économique : l’intercommunalité, la région et l’Europe. Or en démocratie le politique doit l’emporter sur l’économique.

Une VI° République ?

Face à la crise du politique et des institutions traduites par de nombreuses modifications,  et à l’interrogation sur l’État, il importe de répliquer, mais comment ? L’idée la plus simple est d’opposer aux institutions actuelles une autre construction institutionnelle. C’est ce que, avec d’autres, j’avais proposé notamment à l’occasion du bicentenaire de la Révolution française sous forme d’un « projet constitutionnel » complet[5]. Celui-ci, une fois adopté, a été oublié. Je ne ferai plus cette proposition vingt-quatre ans plus tard, nous ne sommes plus dans la même situation.

Je ne suis pas partisan en effet d’une VI° République pour les raisons suivantes. D’abord, parce qu’il s’agit d’une facilité qui, le plus souvent, dispense d’une réponse sérieuse au fond. Réclamée d’Olivier Besancenot à Marine Le Pen en passant par Jean-Luc Mélenchon, Pierre Laurent et Cécile Dufflot, on espère qu’il ne s’agit pas de la même VIème  République. Ensuite, parce que les projets présentés sont le plus souvent formulés de manière sommaire et peu cohérente. L’exemple le plus frappant de cette vanité confuse est le projet de VI°  République dont Arnaud Montebourg a fait un fonds de commerce et qui, à l’examen, de contours en concessions, se révèle n’être rien d’autre qu’une Vème  République-bis (Annexe V). Enfin, il existe une autre raison qui fait de la VI°  République une revendication illusoire : aucune des cinq républiques qui ont marqué notre histoire récente n’est née d’une gestation spéculative.

La Convention déclare le 21 septembre 1792 : « La royauté est abolie en France » et un décret du 25 septembre proclame : « La République est une et indivisible » ; ainsi est née la première République parachevant la Révolution française.

La deuxième est issue des émeutes sanglantes de février 1848 accompagnées de l’abdication de Louis-Philippe et de juin (3 000 morts et 5 000 blessés), ce qui aboutit à la  constitution républicaine du 4 novembre 1848 ; elle sera, on le sait et l’on doit s’en souvenir, balayée par le coup d’État du 2 décembre 1851 et le référendum-plébiscite de Louis-Napoléon Bonaparte des 21 et 22 décembre.

La troisième émerge à une voix de majorité de la confrontation des monarchistes et des républicains cinq ans après la défaite de Sedan, moins de quatre ans après l’écrasement de la Commune de Paris.

La quatrième vient après la seconde guerre mondiale, de l’écrasement du nazisme et de la résistance, promulguée le 27 octobre 1946 comme nous l’avons vu.

La cinquième voit le jour par le référendum du 28 septembre 1958, portée par le putsch d’Alger dans un contexte de guerre coloniale.

S’il y a bien crise sociale aujourd’hui, qui oserait soutenir qu’elle s’exprime au niveau des évènements qui viennent d’être évoqués ? Jamais en France on a changé de république sans événement dramatique. Dans une société en décomposition sociale profonde, il manque encore … l’Évènement.

La même argumentation pourrait être opposée aux partisans d’une Constituante qui ne reposerait sur aucune base suffisamment consensuelle. Toutes les constituantes sont survenues après des évènements majeurs et sur les décombres de l’ordre précédent qui faisait consensus. Ce n’est pas la situation actuelle et une telle proposition permet en réalité de ne rien dire du contenu. C’est encore une facilité.

En résumé trois conditions sont nécessaires pour que pruisse être envisagée une réforme fondamentale des institutions (sans qu’il soit besoin de numéroter République et constitution) : un événement majeur créant une « nouvelle donne », la récusation de l’ordre institutionnel antérieur, un projet de caractère consensuel.

III. DE QUELLE DÉMOCRATIE INSTITUTIONNELLE AVONS NOUS BESOIN

Ainsi, plutôt que d’élaborer un projet constitutionnel complet dont l’intérêt principal serait d’établir la cohérence des différents choix institutionnels effectués, il semble aujourd’hui plus opportun, et sans doute préalable de se prononcer sur certains de ces choix majeurs. J’en retiens six sur lesquels il faudrait réaliser un accord aussi large que celui qui avait été constaté lors de l’élaboration de la constitution de la IV°, voire de la V° République.

3.1. La souveraineté

Jean-Jacques Rousseau s’efforçait de définir ainsi les citoyens dans le Contrat social : « À l’égard des sociétés, ils prennent collectivement le nom de Peuple, et s’appellent en particulier citoyens comme participant à l’autorité souveraine ». Il annonçait ainsi le transfert de la notion de souveraineté du monarque au peuple. La nation sera introduite par l’article 2 de la Déclaration des droits de 1789 : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation ». La constitution de 1793 ajoutera en son article 7 : « Le peuple souverain est l’universalité des citoyens français ». La constitution de la IVème   République retiendra la notion de souveraineté nationale  que l’on retrouve dans  la constitution de la Vème République en son article 3 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et la voie du référendum ».

La souveraineté est une en ce qu’elle légitime l’exercice du pouvoir politique et de ses instruments (création monétaire, État de droit, politiques publiques, relations internationales). Il est courant d’en distinguer deux aspects, la souveraineté nationale et la souveraineté populaire. La première ne prétend pas à la seule représentation des citoyens existants, mais veut aussi traduire les aspirations de la continuité des générations. La seconde tend à privilégier la démocratie directe par rapport à la démocratie représentative soutenue par la première. La souveraineté ne saurait être déléguée si certaines compétences peuvent l’être. C’est dans le contexte très particulier du lendemain de la deuxième guerre mondiale que le préambule de la constitution de 1946 a prévu que, sous réserve de réciprocité, « La France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l’organisation et à la défense de la paix. ». Restera constante, par ailleurs, la règle selon laquelle « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois » (article 55 de la constitution).

La souveraineté ne saurait cependant être préservée par le seul respect formel des règles du droit positif.  On a vu comment le Gouvernement a pu contourner le rejet par le peuple français  du traité sur la constitution européenne en mai 2005, pour faire ratifier ensuite le traité de Lisbonne par le Parlement. Et puis la souveraineté c’est aussi la maîtrise des bases économiques nationales.

3.2. La démocratie directe

Il  y a un champ où l’action populaire peut s’exercer directement, sans intermédiaire, c’est celui de la démocratie dite directe. Il convient cependant de dire, avant d’évoquer cet espace, que l’intervention du peuple ne saurait faire l’objet d’une réglementation excessive. La démocratie directe c’est d’abord le plein exercice des droits et des libertés existants. C’est aussi le fortuit, l’incodifiable, l’initiative, l’épopée, le talent. Il serait vain et quelque peu totalitaire de prétendre en tout point réglementer la vie, non seulement publique mais aussi privée. Pour autant, la démocratie directe ne saurait être purement spontanée, étrangère à toute forme de régulation institutionnelle. La souveraineté nationale et la souveraineté populaire doivent pouvoir être traduites partiellement dans des règles de droit, si celles qui existent n’épuisent pas le sujet.

Des progrès peuvent, en effet, être réalisés en la matière. On en donnera deux exemples. Le premier consisterait à accroître la portée du droit de pétition. Une question rédigée qui aurait réuni un certain pourcentage de signatures d’électeurs inscrits pourrait faire obligation à l’assemblée délibérante compétente pour connaître de cette question, d’en débattre et de prendre position. Cette décision pourrait ensuite, en cas d’approbation, conduire à l’élaboration des règles administratives, réglementaires ou législatives correspondantes. Le rejet du texte devrait être motivé et le débat se poursuivrait éventuellement dans l’opinion publique  – la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a amorcé le mouvement en ce sens. Le second exemple reviendrait, sous certaines conditions, à donner l’initiative des lois au peuple. Là encore un minimum de soutiens seraient exigés sur une proposition de loi entièrement formulée. Après quoi le texte pourrait être inséré dans une procédure parlementaire et devenir une loi au terme du processus qui pourrait faire intervenir des instances déconcentrées ou décentralisées. Ce ne serait à vrai dire pas une véritable novation : la Constitution de l’An I, pourtant réputée jacobine, prévoyait déjà l’intervention des communes et des assemblées primaires des départements dans l’élaboration de la loi[6]. L’annonce faite par le Président de la République le 3 octobre au Conseil constitutionnel de faire élaborer rapidement les dispositions législatives permettant l’application d’une initiative populaire des lois prévue par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 va dans le sens de ces propositions.

La démocratie participative, fréquemment présentée comme substitut ou complément de la démocratie directe et de la démocratie représentative n’a pas bénéficié jusqu’à présent d’une définition claire.

C’est la question du référendum qui constitue en matière de démocratie directe la question la plus délicate. En reconnaissant à tous les citoyens le droit de concourir personnellement à l’expression de la volonté générale et à la formation de la loi, la Déclaration des droits de 1789 en son article 6 ouvrait la voie aux consultations référendaires et à la mise en mouvement politique du peuple. Mais on a vite pressenti les dangers du référendum et les risques qu’il puisse faire courir à la démocratie dans les mains d’un pouvoir autoritaire relevant de la ligne de force césarienne évoquée plus haut. Olivier Duhamel le souligne : « le référendum peut être liberticide : les Bonaparte en ont apporté la preuve »[7]. La Constitution de 1793, on l’a vu,  prévoyait que le peuple pouvait délibérer sur les lois proposées par le corps législatif. La Constitution de 1946 ne retenait le référendum qu’en matière constitutionnelle. La Constitution de 1958 le prévoit en deux dispositions : en matière d’organisation des pouvoirs publics, de réformes relatives à la politique économique ou sociale, de ratification des traités (Art. 11, dont le champ a été élargi en 1995) et en matière constitutionnelle (Art. 89). Par ailleurs, la loi du 6 février 1992 a institué un « référendum communal » ; il est de faible portée.

Bien que les référendums sur le traité de Maastricht en 1992 et celui sur le récent projet de « traité établissant une constitution pour l’Europe », mis en échec le 29 mai 2005, aient été l’occasion de débats importants, il reste que, depuis 1793, seulement 3  référendums sur 24 ont dit « non » à ceux qui les ont organisés (Annexe IV).

Le recours au référendum relève ainsi le plus souvent d’un pouvoir exécutif autoritaire à tendance plébiscitaire. Corrélativement, il dévoie le débat en le conduisant  le plus souvent à s’écarter de la question posée – vote contre un homme ou une politique -. Appelant une réponse binaire  (oui ou non) il est peu approprié au traitement de questions complexes. Il doit donc être strictement limité aux matières constitutionnelles proprement dites.

On comprend mal que cette histoire ait été perdue de vue par les acteurs et actrices politiques actuels préconisent des référendums sur les sujets les plus divers .

3.3. La loi

Outre le référendum, le peuple exerce sa souveraineté par la médiation de ses représentants. L’article 6 de da Déclaration de 1789, qui fait partie du « bloc de constitutionnalité » actuel, proclame que la loi est l’expression de la volonté générale, tandis que l’article 34 de la constitution dispose que la loi est votée par le Parlement. En vertu du principe de séparation des pouvoirs et pour équilibrer les fonctions normatives de l’exécutif et du législatif, les articles 34 et 37 définissent les champs respectifs de la loi et du décret. Tel est du moins le schéma théorique car, dans la réalité, c’est le Gouvernement qui a largement l’initiative du travail législatif en fixant, pour l’essentiel, l’ordre du jour du Parlement et en réservant la plus grande place à ses projets, tandis que les textes d’origine parlementaire, les propositions de lois, sont réduites à la portion congrue. Une telle pratique n’est pas conforme aux principes affichés et le préjudice est d’autant plus important que la Constitution a été modifiée en 1992 par l’introduction d’un article 88-2 disposant notamment que : « la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l’établissement de l’union économique et monétaire européenne … »,  ce qui se traduit par une entrée en force du droit européen en droit interne français et limite, en conséquence, les prérogatives du Parlement national. De plus, la montée en puissance du Conseil constitutionnel à partir de 1971 en a fait un organisme politique en forme juridictionnelle qui s’est doté, au fil du temps et par voie jurisprudentielle, d’un pouvoir constituant permanent en dehors de toute source de légitimité, même si on peut considérer qu’il n’en a pas abusé et qu’il a joué parfois un rôle positif en matière de défense des libertés publiques. La représentation est donc en crise, ce qui se traduit en particulier par une hausse générale des taux d’abstentions à toutes les élections, et notamment aux élections locales qui sont pourtant celles où le citoyen est le plus proche des lieux de pouvoir et qui devraient l’intéresser davantage.

La situation est encore aggravée par le fait que si l’article 20 de la Constitution prévoit bien que « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation », cela dépend de la concordance ou non des majorités présidentielle et législative. Lorsqu’il y a concordance, c’est le Président de la République qui est maître de l’exécutif ; dans le cas contraire, celui de la cohabitation, c’est le Premier ministre qui a l’essentiel des compétences, même si son but est de devenir, à son tour, président, avec une majorité conforme. Cette constitution, si souvent rapetassée au cours des vingt dernières années, ainsi qu’il a été dit, est donc, au surplus, de caractère aléatoire, ce qui est un non-sens constitutionnel et très malsain pour la démocratie. En effet, avant les élections présidentielles et législatives, on ne sait qui du Président de la République ou du Premier ministre détiendra finalement le pouvoir exécutif selon qu’il y aura, ou non, concordance des majorités. L’instauration du quinquennat en réduisant la probabilité de cohabitation a favorisé l’interventionnisme présidentiel. C’est donc le statut du Président de la République, aujourd’hui clé de voûte des institutions, qui est le point de départ de toute réforme institutionnelle conséquente.

Le choix du régime parlementaire aurait pour conséquence que le pouvoir exécutif appartiendrait, sous la direction du Premier ministre, au Gouvernement[8]. Responsable devant le Parlement, il déterminerait et conduirait effectivement la politique de la nation. La légitimité émanerait du corps législatif, élu selon un scrutin égal, c’est-à-dire se rapprochant le plus possible de la proportionnelle. Les arguments selon lesquels cela aurait pour conséquence de faire entrer le Front national au Parlement, ou bien que la priorité est la constitution d’une majorité forte plutôt que la fidèle représentation du peuple ne sauraient y faire obstacle. C’est au débat politique et non à la technique électorale de faire les majorités, de définir la voie à suivre et d’exprimer par la loi la volonté générale. Quant à la question de savoir s’il faut une assemblée parlementaire ou deux comme aujourd’hui, le professeur Dominique Rousseau considère que cela est fonction du degré de déconcentration et de décentralisation de l’organisation de la République : plus les collectivités territoriales ont un rôle important dans le fonctionnement des institutions, pus croît la justification d’une deuxième chambre qui les représente ; c’est aujourd’hui la raison d’être du Sénat.

3.4. L’exécutif

Le rejet de l’élection du Président de la République au suffrage universel direct  repose sur plusieurs raisons.

Premièrement, le caractère plébiscitaire de cette élection l’inscrit sur la ligne de forces césarienne ; les références historiques sont celles des deux Empires.

Deuxièmement, il ne saurait y avoir deux sources de légitimité concurrentes : celle du président et celle de la représentation nationale et populaire. Or, en France, pour des raisons historiques et par le jeu naturel des pouvoirs, la légitimité d’un président élu au suffrage universel l’emportera toujours sur celle que partagent plus d’un millier de parlementaires élus localement au scrutin majoritaire. Il faut donc choisir : le Parlement ou le Président. Comment soutenir qu’est conforme à la ligne de force traditionnelle des Lumières, cette délégation massive de souveraineté que représente l’élection du Président de la République au suffrage universel.

Troisièmement, la supériorité institutionnelle du Président élu en fait le guide de la nation et dérive fatalement vers un pouvoir autocratique sur le base des pouvoirs considérables qui lui sont conférés par la constitution, notamment en situation de crise ou de guerre. Au surplus, la situation récente du précédent quinquennat a montré avec quelle désinvolture le Président pouvait user de la constitution pour s’arroger des prérogatives qui ne sont pas les siennes – celles de l’article 20, par exemple -. La présidence actuelle n’est pas à l’abri de telles critiques – « punition » de Bachar el Assad-. Il y a risque de développement d’actions au nom de la « raison d’État.

Quatrièmement, la conquête du pouvoir devient dans ces conditions le principal objectif des formations politiques et non le service de l’intérêt général, a fortiori de la transformation sociale. Dès lors, les partis se transforment en machines électorales, le cas échéant subdivisées en « écuries » présidentielles, la communication prend le pas sur le débat et la réflexion, la politique devient spectacle, la bataille s’engage sur des critères de rassemblement superficiel et se gagne au centre.

Cinquièmement, cette élection confine ainsi au déni de démocratie et soumet le citoyen à la fatalité des contraintes extérieures, au conformisme opportuniste, à la pensée unique, à la résignation et à l’abaissement.

Dans une constitution démocratique, le Président de la République garderait néanmoins un rôle prestigieux : il représenterait la France vis-à-vis de l’étranger, il serait l’expression symbolique de l’unité et de l’indivisibilité de la République et le garant de la continuité des pouvoirs publics. Il ne serait plus élu au suffrage universel direct, mais soit par un collège de grands électeurs, soit par le Congrès du Parlement ; la durée de son mandat serait dès lors secondaire, la plus longue durée, sans possibilité de renouvellement, pouvant même correspondre à la plus grande banalisation. À cet égard, le mandat de sept ans non renouvelable est sans doute la solution la plus judicieuse dans la gamme des solutions possibles. L’argument selon lequel il faudrait tenir compte de l’idée que l’on se fait de la prétendue adhésion définitive du peuple français à l’élection du Président de la République au suffrage universel n’est que l’expression d’une résignation politique, indigne de notre histoire.

3.5. L’État de droit

Face à ce schéma, certains  évoqueront un  retour au régime d’assemblée. On n’ignore rien des critiques qui sont adressées à ce régime sur la base, principalement, de l’expérience de la IVème  République. En réalité, l’instabilité de la IVème  République n’a pas été causée par un excès de démocratie, mais au contraire par les atteintes que les manœuvres des clans politiques lui ont portées. Aucune constitution ne peut être, seule, la solution des contradictions sociales. Mais à tout prendre, il faut préférer les institutions qui les révèlent à celles qui les dissimulent. Les contradictions apparaissant clairement, les conditions sont meilleures pour leur apporter une solution efficace. C’est aussi un appel à la responsabilité des élus qui doivent alors savoir constituer des majorités d’idées quand c’est nécessaire et faire preuve de courage politique en toute circonstance, plutôt que de se résigner à l’allégeance au chef qui caractérise le régime présidentiel.

Toute proposition institutionnelle  doit veiller à s’inscrire dans une scrupuleuse cohérence de l’État de droit. On ne développera pas ici les conditions de la cohérence interne qui reposent essentiellement sur la séparation des pouvoirs et la hiérarchie des normes, sur l’équilibre délicat à établir entre le principe d’autonomie de gestion des collectivités territoriales et celui d’unité et d’indivisibilité de la République. Il conviendrait aussi de préciser les formes nouvelles de la dualité des ordres juridictionnels administratif et judiciaire, dualité souhaitable car relevant de la distinction public-privé, classique en France. Un contrôle de constitutionalité est nécessaire. La souveraineté ne pouvant émaner que du peuple, c’est à lui ou à ses représentants qu’il revient en définitive d’assurer la conformité des lois à la Constitution ; sur les questions les plus importantes par le recours au référendum constituant en veillant à éviter toute dérive plébiscitaire ; sur des questions moins importantes par la recherche d’une compatibilité tant juridique que politique dans le cadre du Parlement puisque c’est lui qui vote la loi. Un Comité constitutionnel composé de représentants des différents groupes parlementaires auxquels s’adjoindraient des magistrats du Conseil d’État et de la Cour de cassation devrait être institué à cette fin. Il n’aurait pas le pouvoir d’empêcher la promulgation d’une loi non conforme à la Constitution, mais seulement d’identifier cette non-conformité en invitant le Parlement à la prendre en considération à l’occasion d’un nouvel examen qui conduirait soit à modifier la loi soit à provoquer l’engagement d’une procédure de révision constitutionnelle[9].

Une réflexion sur les institutions nationales ne peut aujourd’hui faire l’économie d’une prise en compte des institutions supranationales, elle doit veiller à leur cohérence externe. C’est possible grâce au principe de subsidiarité introduit à l’article 5 du Traité sur l’Union européenne aux termes duquel : « Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l’Union n’intervient que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau de l’Union ». Certes, cette formulation laisse une trop large place à l’appréciation de l’opportunité de l’intervention de l’Union et il n’y a pas lieu de faire une confiance aveugle aujourd’hui à l’appréciation de la Cour de justice de l’Union européenne. Une articulation des institutions nationales et transnationales doit cependant être recherchée sans aliénation de la souveraineté nationale. D’ailleurs, dès aujourd’hui, l’article 55 de la constitution ne dispose-t-il pas que : « Les traités régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ».

3.6. L’État et le citoyen

Nous avons vu, que l’affirmation de l’autonomie de l’État s’était accompagnée de celle des droits de l’homme et du citoyen. On ne saurait en effet dissocier une réflexion sur le rôle de l’État et celle sur le contenu de la citoyenneté.

La vocation des institutions est aussi de concourir à la formation d’une citoyenneté finalisée par des valeurs fortes, à vocation universelle : service public, droit du sol, laïcité, responsabilité publique, dans la tradition républicaine française[10]. Pour autant, des dimensions supranationales peuvent être mises en perspective.

Une citoyenneté européenne a été décrétée par le traité de Maastricht et est explicitée dans les articles 20 et suivants du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, mais n’est qu’une citoyenneté de faible densité, de superposition, on a pu parler à son sujet d’objet politique non identifié.

On peut s’attacher également à l’enrichissement des prémices d’une citoyenneté mondiale par l’affirmation de valeurs universelles, l’émergence d’un monde commun dans le cadre d’une mondialisation qui n’est pas seulement celle du capital.

Cette ouverture sur le continent et sur le monde n’est pas pour autant contradictoire avec l’affirmation selon laquelle la nation est et demeure le niveau le plus pertinent d’articulation du particulier et de l’universel. C’est donc là que se situe pour l’essentiel notre responsabilité. Le temps doit être pris en compte dans l’esprit de ce que déclarait Ernest Renan dans son discours à la Sorbonne du 10 novembre 1882 intitulé Qu’est-ce qu’une nation ? : « Les nations ne sont pas quelque chose d’éternel.  Elles ont commencé, elles finiront. La confédération européenne, probablement, les remplacera. Mais telle n’est pas la loi du siècle où nous vivons ».

Le changement de constitution ne peut intervenir que sur une base consensuelle suffisante et, jusqu’ici, ce changement a supposé des évènements historiques majeurs. Si l’on n’est que difficilement maître de ces derniers, en revanche il faut tenter de répondre majoritairement à quelques questions essentielles, suggérées par les développements qui précèdent, et notamment : Régime présidentiel ou régime parlementaire ? Dans quelle mesure des transferts de compétences, voire de souveraineté, peuvent-ils être consentis aux niveaux infra et supranationaux ? Quelles modalités de démocratie directe retenir, notamment en matière d’initiative populaire des lois ? Quelle est la place du référendum : champ, modalités ? Quel mode de scrutin retenir ? Une ou deux assemblées parlementaires ? Faut-il maintenir l’élection du Président de la République au suffrage universel, sinon selon quelles modalités ? Comment progresser sur la voie d’une citoyenneté européenne, voire mondiale.


[1]  – Tricentenaire de sa naissance le 28 juin 2012

[2]  Une loi électorale sur les « apparentements » permettra d’introduire un effet majoritaire à partir de 1951, minorant la représentation parlementaire  du PCF et du RPF.

[3]  A. Badiou, L’hypothèse communiste, Lignes, 2009. Dans le même esprit voir aussi : A. Le Pors, Pendant la mue le serpent est aveugle, Albin Michel, 1993 et Éloge de l’échec, Éditions Le Temps des Cerises, 1999.

[4]  Marcel Gauchet, « Retombées politiques de la crise », Le Débat, septembre-octobre 2009.

[5]  Projet constitutionnel du PCF et Rapport d’Anicet Le Pors, l’Humanité, 18 décembre 1989.

[6] «Art. 58. –  Le projet est imprimé et envoyé à toutes les communes de la République, sous ce titre : loi proposée.

Art. 59. – Quarante jour après l’envoi de la loi proposée, si, dans la moitié des départements, plus un, le dixième des assemblées primaires de chacun d’eux, régulièrement formées, n’a pas réclamé, le projet est accepté et devient loi. ».

[7] O. Duhamel, Droit constitutionnel et politique, Seuil, 1993, p. 116.

[8] A. Le Pors, « On fait clairement le choix du régime parlementaire », l’Humanité, 10 octobre 2005.

[9] A. Le Pors, « L’enjeu du contrôle de constitutionnlité », l’Humanité, 8 avril 2006.

[10] A. Le Pors, La citoyenneté, PUF, coll. Que sais-je ?, 2002 (3° éd.).

L’Etat et la question des institutions – Université du Temps Libre IROISE – St-Renan, 8 octobre 2013

 Préambule : une riche histoire institutionnelle

Je veux tout d’abord souligner l’actualité de notre rencontre. Jeudi dernier, 3 septembre, le Président du Conseil Constitutionnel a convoqué les anciens Premiers ministres et ministres de la Vème République dont il voulait fêter le 55ème anniversaire en présence du Président François Hollande qui a prononcé à cet occasion un discours assez formel. Cela nous a permis d’apprendre qu’il y avait eu sous la Vème République : 7 Présidents de la République, 19 Premiers ministres, 35 gouvernements, 579 ministres dont 384 étaient vivants à ce jour, 205 étant effectivement présents à cette cérémonie. Nous parlons donc d’un sujet aride, l’État et les institutions, mais aussi d’une préoccupation officielle immédiate.

 Il n’y a pas de constitution sous l’Ancien Régime, seulement quelques textes fondamentaux concernant principalement le roi et des coutumes. Le roi détient son pouvoir « par la grâce de Dieu ». Mais l’affaiblissement du sentiment religieux, le discours des « philosophes » et l’aspiration croissante à plus de liberté et d’égalité font que le pouvoir d’État tend à se dissocier de la personne du monarque, à s’autonomiser. Philippe le Bel à la fin du XIIIème  siècle installe le pape Clément V à Avignon et crée le Conseil d’État du Roi marquant ainsi une distinction entre affaires publiques et affaires privées ? François 1er impose le français comme langue administrative contre le latin, langue du sacré, il met fin au monopole de l’Église en matière d’asile. Le pouvoir politique se sécularise.

 Louis XIV commence son règne en proclamant « l’État c’est moi », mais ai moment de mourir, après un règne de soixante-douze ans, il aurait déclaré « Je meurs, mais il reste d’État. Une deuxième rupture se produit donc entre la personne du Roi et l’État qui s’autonomise à son tour. Aussi, ne faut-il pas s’étonner que la première exigence des délégués aux États généraux qui se réunissent le 5 mai 1789 à Versailles soit l’élaboration d’une constitution écrite pour la France. Déjà Jean-Jacques Rousseau avait appelé à la conclusion d’un Contrat social en 1762 et il avait même rédigé lui-même deux projets de constitutions, l’une pour la Corse en 1768 et l’autre pour la Pologne en 1771[1].

Tous, alors, ne mettent pas évidemment le même contenu à l’idée de constitution. Les conservateurs souhaitent une mise en ordre formelle des pouvoirs monarchiques. Les révolutionnaires veulent faire table rase de l’ordre existant. L’idée de reconnaissance et de séparation des pouvoirs de Montesquieu : exécutif, législatif, judiciaire s’impose et consacre finalement le rôle de l’État nouveau par le transfert de la souveraineté du Roi à la Nation. Alors – troisième rupture – une autre séparation s’opère simultanément : entre cet État, dépositaire de l’a volonté générale et la reconnaissance de droits de l’homme et du citoyen. Ce dernier, en conformité avec l’analyse de Jean-Jacques Rousseau est sujet du souverain – le Peuple – et autonome comme personne. La traduction  de ce double mouvement sera l’existence durable, d’une part d’une constitution écrite, d’autre part d’une Déclaration des droits – ou d’un préambule – généralement placée en tête de la constitution. C ‘est encore vrai aujourd’hui.

 Depuis, la France est un  véritable laboratoire institutionnel : quinze constitutions en deux cent vingt-deux ans. La première constitution est intervenue en 1791 et nous en sommes donc à la quinzième, soit une durée de vie moyenne d’environ quinze ans. Lorsque l’on parcourt la succession de ces constitutions, on peut dégager deux lignes de forces : l’une démocratique dont le meilleur exemple est la constitution de 24 juin 1793, dite aussi de l’An I, produite par la Convention ; l’autre autoritaire ou « césarienne », dont la constitution de Louis Napoléon Bonaparte du 14 janvier 1852 me semble l’exemple le plus caractéristique. L’histoire institutionnelle de la France peut être analysée par référence à ces deux expressions opposées. Afin de caractériser les deux modèles je dirai quelques mots de chacun d’eux.

 La Constitution de 1793 dans une longue déclaration des droits propose le bonheur comme finalité et donne la plus grande place à l’intervention du peuple. Anti-fédéraliste et antilibérale, elle a été souvent considérée comme référence d’un régime parlementaire. Les députés sont élus pour un an, le 1er mai. Les étrangers présents depuis au moins un an peuvent voter et sont éligibles (Thomas Peine, Anacharsis Cloots). Les citoyens participent à l’élaboration de la loi par leurs assemblées primaires. L’article 35 prévoit le droit à l’insurrection si le gouvernement viole les droits du peuple – « le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs » -. Dans la constitution est prévu le droit d’asile pour les combattants pour la liberté, refusé aux tyrans. Le gouvernement est constitué en dehors de l’Assemblée. La constitution fut réservée en attendant le retour de la paix, car il fallait un exécutif fort pour conduire la guerre. Finalement, elle ne fut jamais appliquée.

 La Constitution de 1852, a été établie après le coup d’État du 2 décembre 1651 pour faire échec à l’expiration du mandat de Louis Napoléon Bonaparte qui devait s’achever en mai 1852 et n’était pas renouvelable. La constitution lui donne tous pouvoirs sur les autres organismes de l’appareil d’État pour un mandat de 10 ans. Un sénatus-consulte lui confèrera la dignité impériale le 7 novembre 1952 sans qu’il y ait besoin de modifier le dispositif institutionnel. Néanmoins on passera en 1860 de l’Empire autoritaire à l’Empire libéral sous la pression des milieux catholiques et des forces économiques.

 Les deux lignes de forces marquent les diverses constitutions, mais dans des proportions variables. Ainsi la constitution de la IVème République se rattache à la première, la constitution de la Vème  est un hybride plutôt dominé par l’esprit de la seconde. Leurs analyses comparatives permettent ainsi une réflexion synthétique sur le rôle de l’État et les questions institutionnelles que je m’efforcerai de situer dans le contexte actuel.

 

I.  DEPUIS LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE : UNE HISTOIRE TOURMENTÉE  ENTRE RATIONALITÉ ET EMPIRISME

 La constitution de la IVème République aura duré douze ans, la Vème en compte cinquante-cinq cette année, en deuxième position pour la longévité après la IIIème, soixante-cinq ans.

1.1. La Constitution de la IVème République : rationnelle mais pas raisonnable ?

Histoire

Le régime de Vichy a supprimé la Constitution  de la IIIème République du 25 février 1875 et s’est attaché à traduire en institutions sa conception de l’ « ordre moral » dans la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 annonçant un projet de constitution du Maréchal Pétain qui ne sera jamais adoptée. Si le régime de Vichy trouvait la constitution de la IIIème  République trop démocratique, les différents courants de la Résistance intérieure ou extérieure souhaitèrent très rapidement mettre en place des institutions fondées sur le peuple – dans une sorte de personnalisation à l’instar de Michelet-. Le poids et l’organisation du parti communiste eurent pour effet de mettre en avant la référence à la constitution de 1793, sous forme d’un régime d’assemblée unique, élue à la proportionnelle intégrale  et favorable au rôle des partis. Au plan économique, la Résistance avance une planification démocratique, des nationalisations et, au plan social, la sécurité sociale dans le cadre du programme du Conseil national de la Résistance. La situation est alors assez largement consensuelle sur cette base.

 Dès 1942, le général de Gaulle admet une réforme institutionnelle profonde. Une ordonnance du 21 avril 1944, prise à Alger, prévoit une Assemblée nationale constituante. De Gaulle incline pour une dimension présidentielle sur le modèle des États Unis.

 Un premier référendum a lieu le 21 octobre 1945 pour répondre à deux questions en même temps qu’était élue l’Assemblée constituante. 1/ reconnaissance de l’assemblée comme constituante. 2/ limitation de ses pouvoirs à sa fonction constituante pendant sept mois. La réponse fut oui-oui (de Gaulle, PS, MRP), contre oui-non (PCF), er non-oui (radicaux). Le PCF domine cependant l’assemblée (25 %) avec le MRP.

Aussitôt se développe une tension entre les partis, principalement de gauche,  et de Gaulle élu chef du gouvernement après maintes palabres. Il refuse de confier des ministères-clés aux communistes. Il démissionne le 20 janvier 1946. Félix Gouin, socialiste,  lui succède, Vincent Auriol est président de l’Assemblée. Finalement Pierre Cot fait adopter par l’Assemblée un projet au bout d’un vif conflit : MRP contre socialistes et communistes.

  Ce projet institue un régime d’assemblée fortement marqué par le modèle de la Convention. Soumis au référendum, il est rejeté le 5 mai 1946 par 53 % des suffrages – c’est la première fois qu’un référendum rejette  la proposition soumise au vote -. La cause réside à la fois dans la crainte du régime d’assemblée et des communistes.

  Une nouvelle assemblée constituante est élue. L’ordre d’importance est : MRP (28 %), communistes (26 %), socialistes (21 %). Le discours de Bayeux du général de Gaulle le 16 juin 1946, donne une esquisse d’une constitution avec un chef de l’Etat au-dessus des partis et doté de pouvoirs importants. La gauche n’en tint pas compte si elle prit soin de veiller à ce que n’intervienne pas un nouveau résultat négatif. Finalement, le projet fut adopté par référendum par 9 millions de oui, 8 de non, mais 6 d’abstentions et 1 de bulletins blancs. La constitution sera promulguée  le 27 octobre 1946.

Contenu

Cette constitution est dans la filiation des constitutions révolutionnaires : 1789, 1793, 1795, 1848. Elle ne comporte pas de Déclaration des droits comme dans le projet de 1945, mais un Préambule toujours en vigueur retenant de nombreux droits : droit d’asile, droit au travail, accès à la formation, à la gestion des entreprises, de grève, nationalisations, égalité hommes-femmes, etc. On valide, par là, des mesures prises depuis la Libération. La constitution renvoie  à la Déclaration des droits de 1789 et aux « principes fondamentaux reconnus par les lois de la république ».

 Elle prévoit deux chambres : l’Assemblée nationale et le Conseil de la République. La première est élue à la proportionnelle[2], elle a l’initiative des révisions constitutionnelles et a le dernier mot en matière législative. Elle est à la source de la  composition du gouvernement et, avec le Conseil de la République, élit le Président de la République. Celui-ci garde les pouvoirs de ses prédécesseurs. Il désigne le Président du Conseil, mais celui-ci doit être investi par l’Assemblée.


Des mécanismes sont créés pour assurer la stabilité : question de confiance et motion de censure des art. 49 et 50 -. Un gouvernement renversé peut dissoudre l’Assemblée.

Évolution

La IVème  République doit faire face à de grandes difficultés : reconstruction, guerres d’Indochine et d’Algérie, décolonisation, instabilité gouvernementale, dénaturation de la représentation parlementaire par le système des apparentements – des partis apparentés avant un scrutin législatif se partagent tous les sièges si, ensemble, ils obtiennent la majorité des suffrages exprimés -. Le gouvernement Guy Mollet ne s’impose pas. Une réforme constitutionnelle  est envisagée mais sa déclaration d’investiture devant l’Assemblée le 1er juin 1954 ne porte que sur des dispositions mineures. La situation se dégrade (intervention en Egypte, détournement de l’avion de Ben Bella…). Maurice Bourgès Maunoury et Félix Gaillard lui succéderont. Le 13 mai, émeute à Alger le jour de l’investiture de Pierre Pflimlin. Le Président de la République, René Coty, appelle le général de Gaulle comme président du Conseil et l’autorise à élaborer une nouvelle constitution.

 Il y eut 25 gouvernements en 12 ans de durée de la constitution de la IVème République. Le professeur J-J. Chevallier a considéré que cette constitution était  « rationnelle, mais n’était pas raisonnable ».

1.2. La Constitution de la Vème République : du « parlementarisme rationalisé » à la « dérive bonapartiste »

Histoire

La loi constitutionnelle du 3 juin 1958 fixe les cadres et les limites de la révision constitutionnelle (suffrage universel, séparation des pouvoirs, responsabilité du gouvernement devant le parlement, indépendance de la justice, etc.). Le projet devra être soumis au référendum.

Un avant-projet est rédigé par un petit comité à l’instar des constitutions autoritaires. De Gaulle veille à élargir le nombre des grands électeurs – anticipation de la réforme 1962 – et aux pouvoirs du président, notamment en cas de crise – esprit de Bayeux de 1946 -. Michel Debré veille à « rationaliser » l’activité parlementaire. Le comité fait des propositions qui ne seront pas retenues. Le projet passe en Conseil des ministres le 4 septembre et est adopté le 28 septembre par référendum à 80% des voix. Seul le PCF ayant appelé à voter contre avec quelques personnalités (Mitterrand, Mendès France). La signification du vote est différente pour les territoires d’outre-mer qui se prononcent sur leur indépendance de la communauté qu’introduisait le texte (Guinée).

 Contenu

La constitution commence par la souveraineté, mais ensuite l’ordre est changé par rapport à celui de la constitution de 1946 qui était : Parlement-Conseil économique et social – Président de la République -Gouvernement et qui devient : Président de la République Gouvernement – Parlement. Elu pour 7 ans, le Président est rééligible. Il est élu par un large collège de grands électeurs, quelque 75 000. Il a les prérogatives de ses prédécesseurs, mais surtout il est doté de pouvoirs nouveaux portant notamment sur deux articles : l’art. 11 qui lui permet de recourir au référendum sur le fonctionnement des pouvoirs publics et les traités, l’art. 16 en cas de guerre ou de guerre civile, le recours à cet article est  très encadré, mais cela lui confèrerait en ces circonstances un véritable pouvoir dictatorial.

 Le Gouvernement est composé du Premier ministre – non le Président du conseil qui est le Président de la République -. Le Président de la République  nomme le Premier ministre et les ministres qui lui sont présentés par le Premier ministre. Le Gouvernement sollicite la confiance de l’Assemblée nationale. Le Président de la République ne peut ensuite révoquer le Premier ministre. Il y a incompatibilité pour les ministres entre la fonction et un mandat parlementaire. Le Gouvernement a des pouvoirs étendus (art. 20) : initiative des lois, nominations de hauts fonctionnaires, proposition de référendum, déclaration de l’état de siège, recours aux ordonnances, etc. Il dispose du pouvoir réglementaire (art. 34 et 36)

Le Parlement est constitué en deux chambres, composées de parlementaires élus sur des modes définis par des lois ordinaires. La rationalisation est effectuée par un président de l’Assemblée nationale élu pour la législature, le président du Sénat à chaque renouvellement. Ces présidents peuvent saisir le Conseil constitutionnel. Leur consultation est obligatoire dans certains cas. Ils ont donc des pouvoirs propres. Les pouvoirs du Parlement sont réduits par un champ législatif très circonscrit : adoption d’une loi sans vote si le Gouvernement pose une question de confiance et qu’il n’est pas renversé dans les vingt-quatre heures par une motion de censure ; le contrôle de constitutionnalité des lois est instauré ; la loi peut être adoptée par référendum. Les lois sont votées par les deux assemblées. En cas de désaccord, recours à une commission mixte paritaire et s’il n’y a pas accord vote de l’Assemblée nationale sur son texte. Le rôle du Parlement change en cas de différence des majorités aux élections législatives et présidentielle (cohabitation).

 Est créé un Conseil constitutionnel composé de neuf membres désignés par tiers par le Président de la République et les présidents des assemblées. Ses compétences sont élargies par rapport à celles du « comité constitutionnel » de la constitution de 1946. Il est le juge des recours sur les référendums, les élections du Président de la République et des parlementaires. Il est encore le juge de  la qualification législative des textes. Il est consulté sur la mise en œuvre de l’article 16 et sur l’ « empêchement » du Président de la République.,

 Une Haute Cour est créée pour juger le Président de la République et les membres du Gouvernement  – haute trahison, puis seulement manquement du Président ; création alors d’une Cour de justice pour juger les ministres pour faits commis dans l’exercice de leurs fonctions -. Un Conseil économique et social consultatif est créé.

 Une procédure de révision de la constitution est mise en place sur la base de l’article 89 de la constitution : sur la base d’un texte voté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat suivi d’un référendum. Mais le Président de la République peut également soumettre un projet au Parlement réuni en Congrès ; le texte doit alors être adopté à la majorité des trois-cinquièmes.

Évolution

Depuis son instauration, la Constitution de la Vème République a été fréquemment modifiée : 5 fois de 1958 à 1991, 19 fois depuis, soit 24 fois au total. On n’évoquera ci-après que les plus importantes – quatre projets de lois constitutionnelles sont en instance de vote par le Parlement réuni en Congrès.

 1962 : l’élection du Président de la République au suffrage universel direct.

Voulant passer outre l’opposition probable du Sénat, de Gaulle fait réviser la constitution en utilisant l’article 11. Opposition quasi-générale et constitution du cartel des « non ». Néanmoins le prestige de de Gaulle, fait que le « oui » l’emporta avec plus de 62% des voix. Le Conseil constitutionnel se déclare incompétent. Nouvelle naissance de la Vème République.

 Et le fait que le Conseil constitutionnel refuse de contrôler la constitutionnalité des lois adoptées par référendum car elles sont adoptées directement par le peuple, ont permis la mise en œuvre de cette réforme

 *** 1969 : rejet par référendum du projet de réforme du Sénat et de l’organisation territoriale

Le projet de révision de 1969 avait un  double objet : une réorganisation territoriale renforçant le rôle des régions et la réforme du Sénat devenu plus socio-professionnel avec suppression du Conseil économique et social. Désavoué, de Gaulle démissionne le 28 avril 1989. Comme en 1962, mais en sens inverse, l’effet plébiscitaire a été prédominant – 2ème rejet d’un référendum.

1974 : la réforme du Conseil Constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel avait été pensé par Michel Debré dans le cadre d’un parlementarisme rationalisé (champ de l’art. 34, limitation du rôle des partis). La décision constitutionnel n° 71-44 DC du 16 juillet 1971 Liberté d’association a donné une nouvelle place au Conseil constitutionnel. Valéry Giscard d’Estaing, nouvellement élu Président de la République, souhaite élargir la saisine du Conseil Constitutionnel aux parlementaires – 60 députés et 60 sénateur -.

1992 : le traité de Maastricht.

Cette révision avait pour but de rendre la Constitution compatible avec le traité sur l’Union européenne.

2000 : le quinquennat.

C’est la première révision constitutionnelle soumise au référendum en application de l’article 89 de la Constitution. Après 73% de « oui » le 24 septembre 2000, elle fut promulguée le 2 octobre. Son but était d’éviter les inconvénients de la cohabitation.

2003 : loi constitutionnelle relative à l’organisation décentralisée de la République

Elle porte sur : l’organisation décentralisée de la République, la démocratie locale directe – référendum pouvant être décisionnel dans certains cas -,  autonomie financière des collectivités territoriales, statut des collectivités d’outre-mer.

 2005 : la charte de l’environnement.

 La Constitution inclut dans son préambule, depuis le 1er  mars 2005, une charte de l’environnement en 10 articles, à la demande du Président de la République.

 *** 2005 : rejet du traité sur la constitution de l’Union européenne

 Le texte sera repoussé par référendum, mais le Gouvernement le fera adopter sous forme du traité de Lisbonne par le Parlement.

 2008 : ratification du traité de Lisbonne

 En vue de la ratification ultérieure du Traité de Lisbonne, une révision du titre XV de la Constitution a été votée par le Congrès le 4 février 2008, par 560 voix contre 181. La loi constitutionnelle a été promulguée le jour même. Les modifications apportées à la Constitution formulent les transferts de souveraineté énumérés dans le traité de Lisbonne par un renvoi direct à ce texte.

 2008 : Loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 sur la réforme des institutions

Dans le prolongement des travaux du comité « Balladur », le Parlement réuni en Congrès a adopté le 21 juillet 2008 un projet de loi constitutionnelle qui crée ou modifie 47 articles de la Constitution. Le vote a été acquis avec 539 votes favorables, le seuil d’adoption étant de 538 votes.

 Les modifications les plus importantes de la loi constitutionnelles du 23 juillet 2008 sont les suivantes : limitation à deux le nombre de mandats consécutifs du Président de la République ; possibilité pour un cinquième des membres du Parlement, soutenus par un dixième des électeurs inscrits, de demander la tenue d’un référendum sur l’un des sujets prévus dans l’article 11 ; le président de la République peut convoquer le Congrès du Parlement français pour faire une déclaration ; les parlementaires sont remplacés temporairement en cas d’acceptation par eux de fonctions gouvernementales ; la discussion des projets et propositions de loi ne porte plus devant la première assemblée saisie sur le texte présenté par le gouvernement, mais sur le texte adopté par la commission saisie, sauf pour les projets de révision constitutionnelle, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale ; les assemblées fixent maintenant elles-mêmes leur ordre du jour indépendamment du Gouvernement. Celui-ci conserve néanmoins certaines prérogatives importantes ; les justiciables ont désormais la possibilité, depuis mars 2010, de contester la constitutionnalité d’une mesure qui leur est opposée, créant ainsi la possibilité de révision constitutionnelle a posteriori (QPC) ; le Conseil économique et social devient le Conseil économique, social et environnemental ; le Défenseur des droits est créé ; les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France.

 Un projet gouvernemental visant à inscrire dans la Constitution des règles prévoyant un retour progressif à l’équilibre budgétaire a été adopté le 13 juillet 2011. Ce texte institue des lois-cadres d’équilibre des finances publiques prévoyant un rythme du retour à l’équilibre budgétaire sur au moins trois ans. La question fait aujourd’hui l’objet d’une concertation européenne.

 Pour conclure sur la Vème  République, on peut constater qu’elle n’est vraiment plus la même qu’aux origines. On peut distinguer trois phases : le « parlementarisme rationalisé » du début, gravement affecté en 1962 par l ‘élection du Président de la République au suffrage universel ; puis au moment des cohabitations ce que le professeur Jean-Marie Denquin a appelé la « monarchie aléatoire » à laquelle Lionel Jospin et Jacques Chirac ont tenté de remédier en instaurant le quinquennat ; enfin, depuis 2007, ce que j’ai appelé « dérive bonapartiste, tandis que Robert Badinter parlait de « monocratie » et qu’Alain Duhamel écrivait La marche consulaire, différentes expressions pour qualifier un régime autocratique qui prend d’ailleurs beaucoup de liberté avec les institutions. François Hollande semble s’être installé dans une « consécration tranquille ».

II. CONTEXTE ET POSTURES SUR LES QUESTIONS INSTITUTIONNELLES

 Une constitution est la représentation juridique, mais aussi idéologique et politique que se fait une société de l’organisation des pouvoirs pour vivre ensemble. Elle devrait donc transcender les conjonctures et mettre principalement l’accent sur les principes fondamentaux et les règles essentielles. On sait qu’il n’en est rien. Pour autant, il est utile de disposer d’une référence : ce que seraient les institutions idéales pour faire le choix le plus réaliste et le plus judicieux des institutions possibles.

2.1. La décomposition sociale

 Nous nous posons aujourd’hui la question dans un contexte qui est celui d’une décomposition sociale profonde, de crise systémique. Les symptômes en sont multiples : désaffection politique marquée en particulier par la croissance des abstentions, montée du chômage et de la précarité, développement des jeux de hasard et des sectes, menaces contre l’écosystème mondial, crise aux dimensions multiples : financière, des matières premières, religieuse, etc.

Certaines causes  de cette situation peuvent être identifiées : la référence problématique à l’État-nation avec désaffection dans les pays anciens mais la multiplication de leur nombre et des réactions nationalistes ; la complexification et la dénaturation de la notion de classe sous l’effet du progrès technique, de la mondialisation capitaliste, de l’individualisation des statuts ; les bouleversements spatiaux marqués par l’urbanisation, le développements des voies de communication, l’émergence de nouvelles puissances économiques ; l’évolution rapide des mœurs principalement dans la formation des couples, le rôle de la famille, les relations sociales, la confrontation des cultures. Surtout, l’affaiblissement voire l’effondrement des grandes idéologies messianiques qui avaient prospéré au siècle dernier et structuré les débats politiques majeurs : la théorie néoclassique pour les libéraux de plus en plus éloignée de la représentation du réel s’est faite normative, ; l’État-providence pour les socio-démocrates voit sa démarche redistributive asphyxiée dans la crise et la récession ; le marxisme, inspirateur du mouvement communiste ne peut plus être regardé comme le paradigme des forces du changement s’il garde certaines vertus explicatives et pédagogiques.

Ce moment historique de décomposition sociale est donc tout à fait singulier et doit être analysé en tant que tel, même si nous disposons à cet effet que des outils théoriques anciens. Il donne naissance à des expression significatives comme celle d’Edgar Morin qui parle de « métamorphose »,  de Pierre Nora qui évoque le « régime des identités », ou d’Alain Badiou qui s’interroge « Qu’appelle-t-on échouer ?’ » : j’ai moi-même eu recours depuis vingt ans à des formulations de ce type[3]. D’autres moments historiques ont présenté des caractéristiques de même incertitude : Alfred de Musset n’écrivait-il pas dans Confession d’un enfant du siècle en 1836 « On ne sait, à chaque pas qu’on fait si l’on marche sur une semence ou sur un débris » ?

 La profondeur de la crise et la diversité de ses manifestations témoignent que nous sommes dans une période qui nous invite à sortir des schémas politiques qui ont prévalu au XXème siècle tout en tirant les enseignements de ce siècle « prométhéen ». Les trente années qui ont suivi la seconde guerre mondiale ont été celles d’une croissance soutenue et d’une politique économique administrée. C’est l’époque d’une forte intervention publique, de la « planification à la française » regardée par de Gaulle comme une « ardente obligation ». À partir de la crise pétrolière, au tournant des années 1970, l’ultralibéralisme va se développer sur une nouvelle période d’une trentaine d’année avec comme caractéristiques : concurrence, dérégulation, privatisations, culte de la performance, développement des inégalités, prévalence du court terme, récusation de toute morale civique et déboucher sur la crise des années 2007-2008. À la suite de celle-ci on en appelle de toute part au « retour de l’État ». Mais quel rôle de l’État dans quelles institutions ? Le sentiment que nous sommes dans une période de transition de civilisation donne lieu à des propositions institutionnelles variées.

2.2. Des solutions discutables

La banalisation sarkozyste

On a rappelé plus haut l’importance des modifications introduites par la loi constitutionnelles du 23 juillet 2008, votée à une voix de plus que la majorité requise.

Au-delà  existait une stratégie plus générale. Les spécificités construites par l’histoire en plusieurs siècles sont apparues sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy comme des « anomalies » dans un pays expérimenté comme la France. Anomalies que ce service public occupant un quart de la population active – privatisations, déréglementations et « révolutions culturelle » appelée dans la fonction publique statutaire – ; anomalie que ce principe de laïcité expressément inscrit dans sa constitution (discours de Latran) – anomalie que ce modèle d’intégration fondé sur le droit du sol (débat sur l’identité nationale) ; anomalie que cette réputation de « terre d’asile » (discours de Grenoble et alignement sur les directives européennes) ; anomalie  que cette succession de quinze constitutions en deux siècles (présidentialisation accrue) ; anomalie que ce pays aux 36 000 communes. (Acte III de décentralisation).Pour  ceux qui nous gouvernaient alors il s’agissait de gommer ces singularités pour mettre l’État de ce pays aux normes de l’Union européenne. Comme l’a écrit le philosophe marcel Gauchet : « Le programme initial du sarkozysme, c’est un programme de banalisation de la France »[4]

Sous le quinquennat précédent, cette déstructuration de la France est notamment recherchée par une double démarche de sens contraires. D’une part, une politique de décentralisation déstabilisatrice des collectivités publiques et nationales. D’autre part, une mondialisation qui s’exprime principalement sous la forme du mouvement des capitaux, mais sans se réduire pour autant à cet aspect. Cette situation pose le problème de l’avenir de l’État-nation, de la souveraineté nationale et populaire, de la responsabilité propre des citoyennes et des citoyens.

Le rapport Jospin et les conséquences tirées par François Hollande

Il ne semble pas que le pouvoir actuel soit en mesure de répondre à la nécessité d’une réforme institutionnelle profonde sur la base du rapport Jospin. Rappelons préalablement que l’on doit à l’ancien Premier ministre une vague de privatisations supérieure à celle réalisée par Alain Juppé, ainsi que la réforme du quinquennat accompagnée de l’inversion du calendrier faisant précéder les élections législatives des présidentielles.

Les mesures proposées par celui-ci ne modifient pas le caractère de la Vème  République qui se trouve ainsi consacrée. L’élection du ¨résident de la République au suffrage universel est maintenue avec seulement le remplacement du parrainage des candidatures de 500 élus par 150 000 électeurs dans 50 départements, le scrutin majoritaire uninominal à deux tours des députés est inchangé sinon l’élection de 10 % des députés à la proportionnelle nationale. La composition du Sénat serait rééquilibrée au profit des départements et des régions avec plus  d’élus à la proportionnelle. Le cumul des mandats serait réduit. Le chef de l’État pourrait être jugé au civil comme au pénal pour faits hors mandat, non dans l’exercice de ses fonctions.

De ces propositions pourtant modestes, François hollande n’a retenu que quatre réformes présentées séparément pour ne pas risquer une invalidation parlementaire du tout : réforme du Conseil supérieur de la magistrature, inscription du dialogue social dans la constitution, incompatibilités applicables aux fonctions ministérielles et réforme de la composition du Conseil constitutionnel, responsabilité juridictionnelle du Président de la République et des membres du Gouvernement. On notera, en particulier, que n’ont pas été retenues les dispositions accordant le droit de vote aux étrangers non communautaires aux élections municipales, ni l’inscription dans la constitution des dispositions majeures de la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État. Ces projets de lois constitutionnelles qui devaient être soumis au Congrès fin juillet restent pendants. Leur adoption porterait à vingt-huit le nombre de révisions de la constitution de la Vème  République, ce qui conduit à s’interroger sur sa pérennité.

La seule annonce concrète de François Hollande au cours de la cérémonie du 55ème anniversaire de la constitution a été celle d’un projet de loi pour l’application de l’initiative populaire des lois adoptée en 2008. Le Président de la République a, à cette occasion, confirmé expressément l’élection du Président de la République au suffrage universel en raison de l’attachement présumé des Français à cette élection. On est très loin du « Coup d’État permanent » de François Mitterrand qui, au demeurant, s’en était fort bien accommodé.

Une VIème République ?

Face à la crise du politique et des institutions traduites par de nombreuses modifications,  et à l’interrogation sur l’État, il importe de répliquer, mais comment ? L’idée la plus simple est d’opposer aux institutions actuelles une autre construction institutionnelle. C’est ce que, avec d’autres, j’avais proposé notamment à l’occasion du bicentenaire de la Révolution française sous forme d’un « projet constitutionnel » complet[5]. Celui-ci, une fois adopté, a été oublié. Je ne ferai plus cette proposition vingt-quatre ans plus tard, nous ne sommes plus dans la même situation.

Je ne suis pas partisan en effet d’une VIème République pour les raisons suivantes. D’abord, parce qu’il s’agit d’une facilité qui, le plus souvent, dispense d’une réponse sérieuse au fond. Réclamée d’Olivier Besancenot à Marine Le Pen en passant par Jean-Luc Mélenchon, Pierre Laurent et Cécile Duff lot, on espère qu’il ne s’agit pas de la même VIème  République. Ensuite, parce que les projets présentés sont le plus souvent formulés de manière sommaire et peu cohérente. L’exemple le plus frappant de cette vanité confuse est le projet de VIème  République dont Arnaud Montebourg a fait un fonds de commerce et qui, à l’examen, de contours en concessions, se révèle n’être rien d’autre qu’une Vème  République-bis). Enfin, il existe une autre raison qui fait de la VIème  République une revendication illusoire : aucune des cinq républiques qui ont marqué notre histoire récente n’est née d’une gestation spéculative.

La Convention déclare le 21 septembre 1792 : « La royauté est abolie en France » et un décret du 25 septembre proclame : « La République est une et indivisible » ; ainsi est née la première République parachevant la Révolution française.

La deuxième est issue des émeutes sanglantes de février 1848 aboutissant à l’abdication de Louis-Philippe  et à la  constitution républicaine du 4 novembre 1848 ; elle sera, on le sait et l’on doit s’en souvenir, balayée par le coup d’État du 2 décembre 1851 et le référendum-plébiscite de Louis-Napoléon Bonaparte des 21 et 22 décembre.

La troisième émerge à une voix de majorité de la confrontation des monarchistes et des républicains cinq ans après la défaite de Sedan, moins de quatre ans après l’écrasement de la Commune de Paris.

La quatrième vient après la seconde guerre mondiale, de l’écrasement du nazisme et de la résistance, promulguée le 27 octobre 1946 comme nous l’avons vu.

La cinquième voit le jour par le référendum du 28 septembre 1958, portée par le putsch d’Alger dans un contexte de guerre coloniale.

S’il y a bien crise sociale aujourd’hui, qui oserait soutenir qu’elle s’exprime au niveau des évènements qui viennent d’être évoqués ? Jamais en France on a changé de république sans événement dramatique. Dans une société en décomposition sociale profonde, il manque encore … l’Évènement.

La même argumentation pourrait être opposée aux partisans d’une Constituante qui ne reposerait sur aucune base suffisamment consensuelle. Toutes les constituantes sont survenues après des évènements majeurs et sur les décombres de l’ordre précédent qui faisait consensus. Ce n’est pas la situation actuelle et une telle proposition permet en réalité de ne rien dire du contenu. C’est encore une facilité.

 

III. DE QUELLE DÉMOCRATIE INSTITUTIONNELLE AVONS NOUS BESOIN AUJOURD’HUI ?

Ainsi, plutôt que d’élaborer un projet constitutionnel complet dont l’intérêt principal serait d’établir la cohérence des différents choix institutionnels effectués, il semble aujourd’hui plus opportun, et sans doute préalable de se prononcer sur certains de ces choix majeurs.

3.1. La souveraineté

Jean-Jacques Rousseau s’efforçait de définir ainsi les citoyens dans le Contrat social : « À l’égard des sociétés, ils prennent collectivement le nom de Peuple, et s’appellent en particulier citoyens comme participant à l’autorité souveraine ». Il annonçait ainsi le transfert de la notion de souveraineté du monarque au peuple. La nation sera introduite par l’article 2 de la Déclaration des droits de 1789 : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation ». La constitution de 1793 ajoutera en son article 7 : « Le peuple souverain est l’universalité des citoyens français ». La constitution de la IVème   République retiendra la notion de souveraineté nationale  que l’on retrouve dans  la constitution de la Vème République en son article 3 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et la voie du référendum ».

La souveraineté est une en ce qu’elle légitime l’exercice du pouvoir politique et de ses instruments (création monétaire, État de droit, politiques publiques, relations internationales). Il est courant d’en distinguer deux aspects, la souveraineté nationale et la souveraineté populaire. La première ne prétend pas à la seule représentation des citoyens existants, mais veut aussi traduire les aspirations de la continuité des générations. La seconde tend à privilégier la démocratie directe par rapport à la démocratie représentative soutenue par la première. La souveraineté ne saurait être déléguée si certaines compétences peuvent l’être. C’est dans le contexte très particulier du lendemain de la deuxième guerre mondiale que le préambule de la constitution de 1946 a prévu que, sous réserve de réciprocité, « La France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l’organisation et à la défense de la paix. ». Restera constante, par ailleurs, la règle selon laquelle « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois » (article 55 de la constitution).

La souveraineté ne saurait cependant être préservée par le seul respect formel des règles du droit positif.  On a vu comment le Gouvernement a pu contourner le rejet par le peuple français  du traité sur la constitution européenne en mai 2005, pour faire ratifier ensuite le traité de Lisbonne par le Parlement. Et puis la souveraineté c’est aussi la maîtrise des bases économiques nationales.

3.2. La démocratie directe

Il  y a un champ où l’action populaire peut s’exercer directement, sans intermédiaire, c’est celui de la démocratie dite directe. Il convient cependant de dire, avant d’évoquer cet espace, que l’intervention du peuple ne saurait faire l’objet d’une réglementation excessive. La démocratie directe c’est d’abord le plein exercice des droits et des libertés existants. C’est aussi le fortuit, l’incodifiable, l’initiative, l’épopée, le talent. Il serait vain et quelque peu totalitaire de prétendre en tout point réglementer la vie, non seulement publique mais aussi privée. Pour autant, la démocratie directe ne saurait être purement spontanée, étrangère à toute forme de régulation institutionnelle. La souveraineté nationale et la souveraineté populaire doivent pouvoir être traduites partiellement dans des règles de droit, si celles qui existent n’épuisent pas le sujet.

Des progrès peuvent, en effet, être réalisés en la matière. On en donnera deux exemples. Le premier consisterait à accroître la portée du droit de pétition. Une question rédigée qui aurait réuni un certain pourcentage de signatures d’électeurs inscrits pourrait faire obligation à l’assemblée délibérante compétente pour connaître de cette question, d’en débattre et de prendre position. Cette décision pourrait ensuite, en cas d’approbation, conduire à l’élaboration des règles administratives, réglementaires ou législatives correspondantes. Le rejet du texte devrait être motivé et le débat se poursuivrait éventuellement dans l’opinion publique  – la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a amorcé le mouvement en ce sens. Le second exemple reviendrait, sous certaines conditions, à donner l’initiative des lois au peuple. Là encore un minimum de soutiens seraient exigés sur une proposition de loi entièrement formulée. Après quoi le texte pourrait être inséré dans une procédure parlementaire et devenir une loi au terme du processus qui pourrait faire intervenir des instances déconcentrées ou décentralisées. Ce ne serait à vrai dire pas une véritable novation : la Constitution de l’An I, pourtant réputée jacobine, prévoyait déjà l’intervention des communes et des assemblées primaires des départements dans l’élaboration de la loi[6]. L’annonce faite par le Président de la République le 3 octobre au Conseil constitutionnel de faire élaborer rapidement les dispositions législatives permettant l’application d’une initiative populaire des lois prévue par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 va dans le sens de ces propositions.

La démocratie participative, fréquemment présentée comme substitut ou complément de la démocratie directe et de la démocratie représentative n’a pas bénéficié jusqu’à présent d’une définition claire.

 C’est la question du référendum qui constitue en matière de démocratie directe la question la plus délicate. En reconnaissant à tous les citoyens le droit de concourir personnellement à l’expression de la volonté générale et à la formation de la loi, la Déclaration des droits de 1789 en son article 6 ouvrait la voie aux consultations référendaires et à la mise en mouvement politique du peuple. Mais on a vite pressenti les dangers du référendum et les risques qu’il puisse faire courir à la démocratie dans les mains d’un pouvoir autoritaire relevant de la ligne de force césarienne évoquée plus haut. Olivier Duhamel le souligne : « le référendum peut être liberticide : les Bonaparte en ont apporté la preuve »[7]. La Constitution de 1793, on l’a vu,  prévoyait que le peuple pouvait délibérer sur les lois proposées par le corps législatif. La Constitution de 1946 ne retenait le référendum qu’en matière constitutionnelle. La Constitution de 1958 le prévoit en deux dispositions : en matière d’organisation des pouvoirs publics, de réformes relatives à la politique économique ou sociale, de ratification des traités (Art. 11, dont le champ a été élargi en 1995) et en matière constitutionnelle (Art. 89). Par ailleurs, la loi du 6 février 1992 a institué un « référendum communal » ; il est de faible portée. 

Bien que les référendums sur le traité de Maastricht en 1992 et celui sur le récent projet de « traité établissant une constitution pour l’Europe », mis en échec le 29 mai 2005, aient été l’occasion de débats importants, il reste que, depuis 1793, seulement 3  référendums sur 24 ont dit « non » à ceux qui les ont organisés.

Le recours au référendum relève ainsi le plus souvent d’un pouvoir exécutif autoritaire à tendance plébiscitaire. Corrélativement, il dévoie le débat en le conduisant  le plus souvent à s’écarter de la question posée – vote contre un homme ou une politique -. Appelant une réponse binaire  (oui ou non) il est peu approprié au traitement de questions complexes. Il doit donc être strictement limité aux matières constitutionnelles proprement dites.

On comprend mal que cette histoire ait été perdue de vue par les acteurs et actrices politiques actuels préconisent des référendums sur les sujets les plus divers .

3.3. La loi

Outre le référendum, le peuple exerce sa souveraineté par la médiation de ses représentants. L’article 6 de da Déclaration de 1789, qui fait partie du « bloc de constitutionnalité » actuel, proclame que la loi est l’expression de la volonté générale, tandis que l’article 34 de la constitution dispose que la loi est votée par le Parlement. En vertu du principe de séparation des pouvoirs et pour équilibrer les fonctions normatives de l’exécutif et du législatif, les articles 34 et 37 définissent les champs respectifs de la loi et du décret. Tel est du moins le schéma théorique car, dans la réalité, c’est le Gouvernement qui a largement l’initiative du travail législatif en fixant, pour l’essentiel, l’ordre du jour du Parlement et en réservant la plus grande place à ses projets, tandis que les textes d’origine parlementaire, les propositions de lois, sont réduites à la portion congrue. Une telle pratique n’est pas conforme aux principes affichés et le préjudice est d’autant plus important que la Constitution a été modifiée en 1992 par l’introduction d’un article 88-2 disposant notamment que : « la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l’établissement de l’union économique et monétaire européenne … »,  ce qui se traduit par une entrée en force du droit européen en droit interne français et limite, en conséquence, les prérogatives du Parlement national. De plus, la montée en puissance du Conseil constitutionnel à partir de 1971 en a fait un organisme politique en forme juridictionnelle qui s’est doté, au fil du temps et par voie jurisprudentielle, d’un pouvoir constituant permanent en dehors de toute source de légitimité, même si on peut considérer qu’il n’en a pas abusé et qu’il a joué parfois un rôle positif en matière de défense des libertés publiques. La représentation est donc en crise, ce qui se traduit en particulier par une hausse générale des taux d’abstentions à toutes les élections, et notamment aux élections locales qui sont pourtant celles où le citoyen est le plus proche des lieux de pouvoir et qui devraient l’intéresser davantage.

La situation est encore aggravée par le fait que si l’article 20 de la Constitution prévoit bien que « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation », cela dépend de la concordance ou non des majorités présidentielle et législative. Lorsqu’il y a concordance, c’est le Président de la République qui est maître de l’exécutif ; dans le cas contraire, celui de la cohabitation, c’est le Premier ministre qui a l’essentiel des compétences, même si son but est de devenir, à son tour, président, avec une majorité conforme. Cette constitution, si souvent rapetassée au cours des vingt dernières années, ainsi qu’il a été dit, est donc, au surplus, de caractère aléatoire, ce qui est un non-sens constitutionnel et très malsain pour la démocratie. En effet, avant les élections présidentielles et législatives, on ne sait qui du Président de la République ou du Premier ministre détiendra finalement le pouvoir exécutif selon qu’il y aura, ou non, concordance des majorités. L’instauration du quinquennat en réduisant la probabilité de cohabitation a favorisé l’interventionnisme présidentiel. C’est donc le statut du Président de la République, aujourd’hui clé de voûte des institutions, qui est le point de départ de toute réforme institutionnelle conséquente.

Le choix du régime parlementaire aurait pour conséquence que le pouvoir exécutif appartiendrait, sous la direction du Premier ministre, au Gouvernement[8]. Responsable devant le Parlement, il déterminerait et conduirait effectivement la politique de la nation. La légitimité émanerait du corps législatif, élu selon un scrutin égal, c’est-à-dire se rapprochant le plus possible de la proportionnelle. Les arguments selon lesquels cela aurait pour conséquence de faire entrer le Front national au Parlement, ou bien que la priorité est la constitution d’une majorité forte plutôt que la fidèle représentation du peuple ne sauraient y faire obstacle. C’est au débat politique et non à la technique électorale de faire les majorités, de définir la voie à suivre et d’exprimer par la loi la volonté générale. Quant à la question de savoir s’il faut une assemblée parlementaire ou deux comme aujourd’hui, le professeur Dominique Rousseau considère que cela est fonction du degré de déconcentration et de décentralisation de l’organisation de la République : plus les collectivités territoriales ont un rôle important dans le fonctionnement des institutions, pus croît la justification d’une deuxième chambre qui les représente ; c’est aujourd’hui la raison d’être du Sénat.

3.4. L’exécutif

Le rejet de l’élection du Président de la République au suffrage universel direct  repose sur plusieurs raisons.

Premièrement, le caractère plébiscitaire de cette élection l’inscrit sur la ligne de forces césarienne ; les références historiques sont celles des deux Empires.

Deuxièmement, il ne saurait y avoir deux sources de légitimité concurrentes : celle du président et celle de la représentation nationale et populaire. Or, en France, pour des raisons historiques et par le jeu naturel des pouvoirs, la légitimité d’un président élu au suffrage universel l’emportera toujours sur celle que partagent plus d’un millier de parlementaires élus localement au scrutin majoritaire. Il faut donc choisir : le Parlement ou le Président. Comment soutenir qu’est conforme à la ligne de force traditionnelle des Lumières, cette délégation massive de souveraineté que représente l’élection du Président de la République au suffrage universel ?

Troisièmement, la supériorité institutionnelle du Président élu en fait le guide de la nation et dérive fatalement vers un pouvoir autocratique sur le base des pouvoirs considérables qui lui sont conférés par la constitution, notamment en situation de crise ou de guerre. Au surplus, la situation récente du précédent quinquennat a montré avec quelle désinvolture le Président pouvait user de la constitution pour s’arroger des prérogatives qui ne sont pas les siennes – celles de l’article 20, par exemple -. La présidence actuelle n’est pas à l’abri de telles critiques – « punition » de Bachar el Assad-. Il y a risque de développement d’actions au nom de la « raison d’État.

Quatrièmement, la conquête du pouvoir devient dans ces conditions le principal objectif des formations politiques et non le service de l’intérêt général, a fortiori de la transformation sociale. Dès lors, les partis se transforment en machines électorales, le cas échéant subdivisées en « écuries » présidentielles, la communication prend le pas sur le débat et la réflexion, la politique devient spectacle, la bataille s’engage sur des critères de rassemblement superficiel et se gagne au centre.

Cinquièmement, cette élection confine ainsi au déni de démocratie et soumet le citoyen à la fatalité des contraintes extérieures, au conformisme opportuniste, à la pensée unique, à la résignation et à l’abaissement.

Dans une constitution démocratique, le Président de la République garderait néanmoins un rôle prestigieux : il représenterait la France vis-à-vis de l’étranger, il serait l’expression symbolique de l’unité et de l’indivisibilité de la République et le garant de la continuité des pouvoirs publics. Il ne serait plus élu au suffrage universel direct, mais soit par un collège de grands électeurs, soit par le Congrès du Parlement ; la durée de son mandat serait dès lors secondaire, la plus longue durée, sans possibilité de renouvellement, pouvant même correspondre à la plus grande banalisation. À cet égard, le mandat de sept ans non renouvelable est sans doute la solution la plus judicieuse dans la gamme des solutions possibles. L’argument selon lequel il faudrait tenir compte de l’idée que l’on se fait de la prétendue adhésion définitive du peuple français à l’élection du Président de la République au suffrage universel n’est que l’expression d’une résignation politique, indigne de notre histoire.

3.5. L’État de droit

Face à ce schéma, certains  évoqueront un  retour au régime d’assemblée. On n’ignore rien des critiques qui sont adressées à ce régime sur la base, principalement, de l’expérience de la IVème  République. En réalité, l’instabilité de la IVème  République n’a pas été causée par un excès de démocratie, mais au contraire par les atteintes que les manœuvres des clans politiques lui ont portées. Aucune constitution ne peut être, seule, la solution des contradictions sociales. Mais à tout prendre, il faut préférer les institutions qui les révèlent à celles qui les dissimulent. Les contradictions apparaissant clairement, les conditions sont meilleures pour leur apporter une solution efficace. C’est aussi un appel à la responsabilité des élus qui doivent alors savoir constituer des majorités d’idées quand c’est nécessaire et faire preuve de courage politique en toute circonstance, plutôt que de se résigner à l’allégeance au chef qui caractérise le régime présidentiel.

Toute proposition institutionnelle  doit veiller à s’inscrire dans une scrupuleuse cohérence de l’État de droit. On ne développera pas ici les conditions de la cohérence interne qui reposent essentiellement sur la séparation des pouvoirs et la hiérarchie des normes, sur l’équilibre délicat à établir entre le principe d’autonomie de gestion des collectivités territoriales et celui d’unité et d’indivisibilité de la République. Il conviendrait aussi de préciser les formes nouvelles de la dualité des ordres juridictionnels administratif et judiciaire, dualité souhaitable car relevant de la distinction public-privé, classique en France. Un contrôle de constitutionalité est nécessaire. La souveraineté ne pouvant émaner que du peuple, c’est à lui ou à ses représentants qu’il revient en définitive d’assurer la conformité des lois à la Constitution ; sur les questions les plus importantes par le recours au référendum constituant en veillant à éviter toute dérive plébiscitaire ; sur des questions moins importantes par la recherche d’une compatibilité tant juridique que politique dans le cadre du Parlement puisque c’est lui qui vote la loi. Un Comité constitutionnel composé de représentants des différents groupes parlementaires auxquels s’adjoindraient des magistrats du Conseil d’État et de la Cour de cassation devrait être institué à cette fin. Il n’aurait pas le pouvoir d’empêcher la promulgation d’une loi non conforme à la Constitution, mais seulement d’identifier cette non-conformité en invitant le Parlement à la prendre en considération à l’occasion d’un nouvel examen qui conduirait soit à modifier la loi soit à provoquer l’engagement d’une procédure de révision constitutionnelle[9].      

Une réflexion sur les institutions nationales ne peut aujourd’hui faire l’économie d’une prise en compte des institutions supranationales, elle doit veiller à leur cohérence externe. C’est possible grâce au principe de subsidiarité introduit à l’article 5 du Traité sur l’Union européenne aux termes duquel : « Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l’Union n’intervient que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau de l’Union ». Certes, cette formulation laisse une trop large place à l’appréciation de l’opportunité de l’intervention de l’Union et il n’y a pas lieu de faire une confiance aveugle aujourd’hui à l’appréciation de la Cour de justice de l’Union européenne. Une articulation des institutions nationales et transnationales doit cependant être recherchée sans aliénation de la souveraineté nationale. D’ailleurs, dès aujourd’hui, l’article 55 de la constitution ne dispose-t-il pas que : « Les traités régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ».

3.6. L’État et le citoyen

Nous avons vu, que l’affirmation de l’autonomie de l’État s’était accompagnée de celle des droits de l’homme et du citoyen. On ne saurait en effet dissocier une réflexion sur le rôle de l’État et celle sur le contenu de la citoyenneté.

La vocation des institutions est aussi de concourir à la formation d’une citoyenneté finalisée par des valeurs fortes, à vocation universelle : service public, droit du sol, laïcité, responsabilité publique, dans la tradition républicaine française[10]. Pour autant, des dimensions supranationales peuvent être mises en perspectives.

 Une citoyenneté européenne a été décrétée par le traité de Maastricht et est explicitée dans les articles 20 et suivants du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, mais n’est qu’une citoyenneté de faible densité, de superposition, on a pu parler à son sujet d’objet politique non identifié.

On peut s’attacher également à l’enrichissement des prémices d’une citoyenneté mondiale par l’affirmation de valeurs universelles, l’émergence d’un monde commun dans le cadre d’une mondialisation qui n’est pas seulement celle du capital.

Cette ouverture sur le continent et sur le monde n’est pas pour autant contradictoire avec l’affirmation selon laquelle la nation est et demeure le niveau le plus pertinent d’articulation du particulier et de l’universel. C’est donc là que se situe pour l’essentiel notre responsabilité. Le temps doit être pris en compte dans l’esprit de ce que déclarait Ernest Renan dans son discours à la Sorbonne du 10 novembre 1882 intitulé Qu’est-ce qu’une nation ? : « Les nations ne sont pas quelque chose d’éternel.  Elles ont commencé, elles finiront. La confédération européenne, probablement, les remplacera. Mais telle n’est pas la loi du siècle où nous vivons ».

Le changement de constitution ne peut intervenir que sur une base consensuelle suffisante et, jusqu’ici, ce changement a supposé des évènements historiques majeurs. Si l’on n’est que difficilement maître de ces derniers, en revanche il faut tenter de répondre majoritairement à quelques questions essentielles, suggérées par les développements qui précèdent, et notamment : Régime présidentiel ou régime parlementaire ? Dans quelle mesure des transferts de compétences, voire de souveraineté, peuvent-ils être consentis aux niveaux infra et supranationaux ? Quelles modalités de démocratie directe retenir, notamment en matière d’initiative populaire des lois ? Quelle est la place du référendum : champ, modalités ? Quel mode de scrutin retenir ? Une ou deux assemblées parlementaires ? Faut-il maintenir l’élection du Président de la République au suffrage universel, sinon selon quelles modalités ? Comment progresser sur la voie d’une citoyenneté européenne, voire mondiale ?

 

[1]  – Tricentenaire de sa naissance le 28 juin 2012

[2]  Une loi électorale sur les « apparentements » permettra d’introduire un effet majoritaire à partir de 1951, minorant la représentation parlementaire  du PCF et du RPF.

[3]  A. Badiou, L’hypothèse communiste, Lignes, 2009. Dans le même esprit voir aussi : A. Le Pors, Pendant la mue le serpent est aveugle, Albin Michel, 1993 et Éloge de l’échec, Éditions Le Temps des Cerises, 1999.

[4]  Marcel Gauchet, « Retombées politiques de la crise », Le Débat, septembre-octobre 2009.

[5]  Projet constitutionnel du PCF et Rapport d’Anicet Le Pors, l’Humanité, 18 décembre 1989.

[6] «Art. 58. –  Le projet est imprimé et envoyé à toutes les communes de la République, sous ce titre : loi proposée.

Art. 59. – Quarante jour après l’envoi de la loi proposée, si, dans la moitié des départements, plus un, le dixième des assemblées primaires de chacun d’eux, régulièrement formées, n’a pas réclamé, le projet est accepté et devient loi. ».

[7] O. Duhamel, Droit constitutionnel et politique, Seuil, 1993, p. 116.

[8] A. Le Pors, « On fait clairement le choix du régime parlementaire », l’Humanité, 10 octobre 2005.

[9] A. Le Pors, « L’enjeu du contrôle de constitutionnalité », l’Humanité, 8 avril 2006.

[10] A. Le Pors, La citoyenneté, PUF, coll. Que sais-je ?, 2002 (3° éd.).

 

Constituante : est-ce une revendication pertinente et opportune ?

Réponse de André Bellon

Ancien Président de la Commission des Affaires étrangères

de l’Assemblée nationale,

Président de l’Association pour une Constituante

à Anicet Le Pors

Ancien ministre, Conseiller d’État honoraire

(Institut d’histoire de la CGT – 5 avril 2012).

 

Dans un texte largement diffusé le 5 avril 2012 et intitulé « Le rôle de l’État et son évolution », Anicet Le Pors analyse la question des institutions à la fois sur un plan historique et quant à l’opportunité de faire de ce problème une question centrale du moment.

Disons tout de suite que ce texte est particulièrement utile en cette période ; il prolonge d’ailleurs d’autres écrits du même auteur et je souhaite particulièrement qu’il puisse être à l’origine d’un débat bien nécessaire.

Au-delà d’un survol de l’Histoire des institutions en France, Le Pors cible sur la période actuelle en y voyant, avec raison d’ailleurs, une volonté de nos responsables de banaliser la France, d’en gommer les singularités, en particulier les options républicaines. Il déclare ainsi : « Comme l’a écrit le philosophe Marcel Gauchet : « Le programme initial du sarkozysme, c’est un programme de banalisation de la France », phrase d’ailleurs reprise dans le préambule du texte. Rien de plus vrai, mais pourquoi spécifiquement Sarkozy ? C’est là le programme de tous les gouvernements successifs depuis plusieurs décennies. Il serait plus juste de dire que le Président de la République, assez omnipotent par rapport à son peuple, est, pour l’essentiel, le porte parole de Bruxelles en matière économique et financière.

Cette remarque serait accessoire si elle n’expliquait pourquoi le peuple, en tant que tel, n’apparaît pas comme acteur dans ce texte, au-delà des références nécessaires à la démocratie. Car s’il est bon de se poser la question de l’équilibre des institutions, en particulier quant au rôle du Parlement, il conviendrait évidemment de se demander en amont si le Parlement sert encore à quelque chose. Car, s’il ne sert à rien, est-il vraiment nécessaire de se poser la question de l’équilibre des pouvoirs sur l’espace national ? J’avais moi-même posé la question de cet équilibre dans une article du Monde Diplomatique de mars 2007, ( http://www.pouruneconstituante.fr/spip.php?article130) intitulé « changer de Président ou changer de Constitution ? », mais je concluais en déclarant que l’élection d’une Assemblée Constituante au suffrage universel était à l’ordre du jour.

C’est là que réside une divergence profonde avec Anicet Le Pors. Celui-ci nous déclare : « La même argumentation (que celle opposée aux partisans de la 6ème république -souligné par nous-) pourrait être opposée aux partisans d’une Constituante. Toutes les constituantes sont survenues après des évènements majeurs et sur les décombres de l’ordre précédent. Ce n’est pas la situation actuelle et une telle proposition permet de ne rien dire du contenu. C’est encore une facilité ». Le moins qu’on puisse dire est que limiter la réponse à l’idée de Constituante  à une soixantaine de mots dans un texte qui en comporte environ douze mille est une remarquable facilité.

Dans l’Histoire, on ne peut proclamer que des évènements étaient « majeurs » qu’après ces évènements. Par exemple, comme le dit Claude Nicolet, grand Historien de la République, la Révolution de 1848 aurait sans doute pu être évitée si Louis-Philippe avait tout simplement triplé un corps électoral exsangue dans le système censitaire qu’il avait créé. Qui décide donc que les évènements justifient un changement radical ? Qui, sinon les citoyens ? Qui considère qu’ils s’accommodent très bien de la situation dramatique dans laquelle s’enfonce le pays ? N’ont-ils pas d’ailleurs répondu le 29 mai 2005 et qui a décidé que leur avis n’avait pas d’importance ?

La vraie question n’est d’ailleurs pas là. Elle est de savoir qui décidera d’un nouvel équilibre des pouvoirs. Qui, sinon le peuple ? Et qui a les moyens de passer outre aux diktats de Bruxelles ? Qui, sinon les citoyens ? Au nom de quelle enquête a-t-on décidé qu’ils n’avaient pas plus d’idées que les quelques experts qui proposent des modifications institutionnelles ? Ceux-ci ont-ils, plus que l’ensemble des citoyens, la capacité d’imposer des réformes ? En fait, la question posée par la Constituante est la reconnaissance du rôle éminent du peuple en tant que corps politique souverain dans une phase de contradictions majeures. En aucun cas, cela ne saurait signifier une vision romantique du peuple trouvant naturellement la voie du salut. Les appels aux élus, aussi bien nationaux que locaux, que nous avons lancées prouvent, de notre part, la recherche d’une solution équilibrée.

En revanche, le refus de donner la parole aux citoyens, au nom d’une situation qui ne le justifierait pas, porte en germe des révoltes qu’on déclarera plus tard ne pas avoir voulues.

 

Réponse d’Anicet Le Pors

 Bonjour André,

Merci pour ta réponse au texte qui m’ait servi de base à une intervention devant l’Institut d’histoire de la CGT, le 5 avril dernier.

Nous avons sans doute une divergence quant à l’importance à accorder  au thème de la constituante dans le débat sur les institutions, mais sur un fond d’intérêt commun accordé à la question institutionnelle.  C’est à mes yeux l’essentiel et on peut dire que, dans le contexte actuel, cet intérêt n’est pas largement partagé.

Ton intervention discute de la reconnaissance du caractère « majeur » à accorder à un événement. Sur ce point je suis d’accord avec toi : c’est ex-post que l’on peut en reconnaître, mais cela n’empêche pas d’en envisager l’occurrence si on ne peut en décrire l’importance et le contenu.  C’est bien aussi le peuple qui doit faire l’histoire s’il ne sait pas toujours l’histoire qu’il fait.

Mais l’importance n’est pas dans le mot-valise « constituante », il est dans le contenu qu’on envisage de lui donner. C’était le but de mon texte dans lequel je prenais position sur : souveraineté nationale et populaire, démocratie directe (place du référendum), parlement et élaboration de la loi, exécutif, État et citoyenneté, etc. Se contenter d’évoquer, ou de privilégier, le mot par rapport au contenu fait écran aux choix fondamentaux et au débat à leur sujet. Je fais la même remarque concernant l’invocation, (de Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen) d’une VIe République.

Il y aura sans doute un jour une Constituante. Pas plus que je ne sais reconnaître ex-ante le caractère majeur d’un événement à venir, tu ne saurais identifier une constituante aujourd’hui indéterminée. L’essentiel est donc de dire ce que nous mettrions dans ce projet pour que, le moment venu, nous soyons prêts à l’écrire.

Bien amicalement à toi.

 

Anicet

 

LE RÔLE DE L’ÉTAT ET SON ÉVOLUTION

Institut d’histoire de la CGT – 5 avril 2012
La France est un véritable laboratoire institutionnel : quinze constitutions en deux cent vingt ans (Annexe I). Il n’y a pas de constitution sous l’Ancien Régime, seulement quelques lois fondamentales concernant principalement le roi et des coutumes. Le roi détient son pouvoir « par la grâce de Dieu ». Mais l’affaiblissement du sentiment religieux, le discours des « philosophes » et l’aspiration croissante à plus de liberté et d’égalité font que le pouvoir d’État se sécularise : Philippe le Bel installe le pape Clément V en Avignon, il crée le Conseil d’État du roi, décapite ses créanciers. Puis le pouvoir politique tend à se dissocier de la personne du monarque (Louis XIV aurait soutenu tout à la fois que « l’État c’est moi » et « Je meurs, mais il reste l’État »). Aussi, ne faut-il pas s’étonner que la première exigence des délégués aux États généraux qui se réunissent le 5 mai 1789 soit l’élaboration d’une constitution écrite. Déjà Jean-Jacques Rousseau avait appelé à la conclusion du Contrat social en 1762 et il avait même rédigé deux projets de constitutions, l’une pour la Corse en 1768 et l’autre pour la Pologne en 1771 (1).

Tous ne mettent pas évidemment le même contenu à l’idée de constitution. Les conservateurs souhaitent une mise en ordre formelle des pouvoirs. Les révolutionnaires veulent faire table rase de l’ordre existant. L’idée de reconnaissance et de séparation des pouvoirs de Montesquieu dans L’esprit des lois : exécutif, législatif, judiciaire, s’impose et consacre finalement le rôle de l’État nouveau par le transfert de la souveraineté du Roi à la Nation. Mais une autre séparation s’opère simultanément : celle de cet État, dépositaire de l’a volonté générale et la reconnaissance de droits de l’homme et du citoyen. La traduction de ce double mouvement sera l’existence durable, d’une part d’une constitution écrite, d’autre part d’une Déclaration des droits généralement placée en tête de la constitution. C ‘est encore vrai aujourd’hui.

La première constitution, encore monarchique, intervient en 1791 et nous en sommes à la quinzième, soit une durée de vie moyenne d’environ quinze ans. Lorsque l’on parcourt la succession de ces constitutions, on peut dégager deux lignes de forces : l’une démocratique dont le meilleur exemple est la constitution de 24 juin 1793 ,dite aussi de l’An I, produite par la Convention ; l’autre autoritaire ou « césarienne », dont la constitution de Louis Napoléon Bonaparte du 14 janvier 1852 est l’exemple le plus caractéristique. L’histoire institutionnelle de la France peut être analysée par référence à ces deux expressions opposées. Afin de caractériser les deux modèles, on peut évoquer quelques-unes de leurs caractéristiques.

La Constitution de 1793, dans une longue Déclaration des droits propose le bonheur comme finalité et donne la plus grande place à l’intervention du peuple. Anti-fédéraliste et antilibérale, il ne s’agit pas pour autant d’un régime parlementaire. Les députés sont élus pour un an, le 1er mai. Les étrangers présents depuis au moins un an peuvent voter et sont éligibles (Thomas Peine, Américain, et Anarchasis Cloots, Prussien seront députés à la Concention. Les citoyens participent à l’élaboration de la loi par leurs assemblées primaires. L’artcle 35 prévoit le droit à l’insurrection si le gouvernement viole les droits du peuple (« le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs »). Dans la constitution est prévu le droit d’asile pour les combattants pour la liberté, refusé aux tyrans. Le gouvernement est constitué en dehors de l’Assemblée. La constitution fut réservée en attendant le retour de la paix, car il fallait un exécutif fort pour conduire la guerre. Finalement, elle ne fut jamais appliquée.

La Constitution de 1852, a été établie après le coup d’État du 2 décembre 1951 pour faire échec à l’expiration du mandat de Louis Napoléon Bonaparte qui devait s’achever en mai 1852 et n’était pas renouvelable. La constitution lui donne tous pouvoirs sur les autres organismes de l’appareil d’État pour un mandat de 10 ans. Un sénatus-consulte lui confèrera la dignité impériale le 7 novembre 1852 sans qu’il y ait besoin de modifier le dispositif institutionnel. Néanmoins, on passera en 1860 de l’Empire autoritaire à l’Empire libéral sous la pression des milieux catholiques et des forces économiques.

Les deux lignes de forces marquent les diverses constitutions, mais dans des proportions variables. Ainsi la constitution de la IVème République se rattache à la première, la constitution de la Vème est un hybride plutôt dominé par l’esprit de la seconde.

I. DEPUIS LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE : UNE HISTOIRE TOURMENTÉE ENTRE RATIONALITÉ ET EMPIRISME

La constitution de la IVème R »publique aura duré douze ans, la Vème cinquante-quatre ans cette année,, en deuxième position pour la longévité après la IIIème .

1.1. La Constitution de la IVème République : rationnelle mais pas raisonnable ?

Histoire

Le régime de Vichy a supprimé la Constitution de la IIIème République du 25 février 1875 et s’est attaché à traduire en institutions sa conception de l’ « ordre moral » dans la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 annonçant un projet de constitution du Maréchal Pétain qui ne sera jamais adoptée. Si le régime de Vichy trouvait la constitution de la IIIème République trop démocratique, les différents courants de la Résistance intérieure ou extérieure souhaitent très rapidement mettre en place des institutions fondées sur le peuple (dans une sorte de personnalisation à l’instar de Michelet). Le poids et l’organisation du parti communiste ont pour effet de mettre en avant la référence à la constitution de 1793, sous forme d’un régime d’assemblée unique, élue à la proportionnelle intégrale et favorable au rôle des partis. Au plan économique, la Résistance avance des nationalisations et, au plan social, la sécurité sociale dans le cadre du programme du Conseil national de la Résistance.

Dès 1942, le général de Gaulle avait admis une réforme institutionnelle profonde. Une ordonnance du 21 avril 1944, prise à Alger, avait prévu une Assemblée nationale constituante. De Gaulle incline pour une dimension présidentielle sur le modèle des États Unis.

Un premier référendum a lieu le 21 octobre 1945 pour répondre à deux questions en même temps qu’était élue l’Assemblée constituante. 1/ reconnaissance de l’assemblée comme constituante. 2/ limitation de ses pouvoirs à sa fonction constituante pendant sept mois. La réponse fut oui-oui (de Gaulle, PS, MRP), contre oui-non (PCF), er radicaux (non-oui). Le PCF domine cependant l’assemblée (25 %) avec le MRP.

Aussitôt se développe une tension entre les partis (principalement de gauche) et de Gaulle élu chef du gouvernement après maintes palabres. Il refuse de confier des ministères-clés aux communistes. Il démissionne le 20 janvier 1946. Félix Gouin, socialiste, lui succède, Vincent Auriol est président de l’Assemblée. Finalement Pierre Cot fait adopter par l’Assemblée un projet au bout d’un vif conflit entre MRP contre socialistes et communistes.

Ce projet institue un régime d’assemblée fortement marqué par le modèle de la Convention. Soumis au référendum, il est rejeté le 5 mai 1946 par 53 % des suffrages (c’est la première fois qu’un référendum rejette la proposition soumise au vote). La cause réside à la fois dans la crainte du régime d’assemblée et des communistes.

Une nouvelle assemblée constituante est élue. L’ordre d’importance est : MRP (28 %), communistes (26 %), socialistes (21 %). Le discours de Bayeux du général de Gaulle le 16 juin, donne une esquisse d’une constitution avec un chef de l’Etat au-dessus des partis et doté de pouvoirs importants. La gauche n’en tient pas compte si elle prend soin de veiller à ce que n’intervienne pas un nouveau résultat négatif. Finalement, le projet est adopté par référendum : 9 millions de oui, 8 de non, mais 6 d’abstentions et 1 de bulletins blancs. La constitution est promulguée le 27 octobre 1946.

Contenu

Le professeur J-J. Chevallier a considéré que cette constitution « était rationnelle mais n’était pas raisonnable ».

Cette constitution est dans la filiation des constitutions révolutionnaires : 1789, 1793, 1795, 1848. Elle ne comporte pas de Déclaration des droits de l’homme comme dans le projet de 1945 mais un Préambule toujours en vigueur retenant de nombreux droits : droit d’asile, droit au travail, accès à la formation, à la gestion des entreprises, de grève, nationalisations, égalité hommes-femmes, etc. Elle valide, par là, les mesures prises depuis la Libération. La constitution renvoie à la Déclaration des droits de 1789 et aux « principes fondamentaux reconnus par les lois de la république ».

Elle prévoit deux chambres : l’Assemblée nationale et le Conseil de la République. La première est élue à la proportionnelle (2), elle a l’initiative des révisions constitutionnelles et a le dernier mot en matière législative. Elle est à la source de la composition du gouvernement et avec le Conseil élit le Président de la République pour un mandat de sept ans renouvelnable une fois. Celui-ci garde les pouvoirs de ses prédécesseurs. Il désigne le Président du Conseil, mais ce dernier doit être néanmoins investi par l’Assemblée.

Des mécanismes sont créés pour assurer la stabilité (question de confiance et motion de censure des art. 49 et 50). Un gouvernement renversé peut dissoudre l’Assemblée. Il y eut 25 gouvernements en 12 ans.

Évolution

La IVème République doit faire face à de grandes difficultés : reconstruction, guerres d’Indochine et d’Algérie, décolonisation, instabilité gouvernementale, dénaturation de la représentation parlementaire par le système des apparentements. Le gouvernement Guy Mollet ne s’impose pas. Une réforme constitutionnelle est envisagée mais sa déclaration d’investiture devant l’Assemblée le 1er juin 1954 ne porte que sur des dispositions mineures. La situation se dégrade (intervention en Egypte, détournement de l’avion de Ben Bella…). Le 13 mai, émeute à Alger le jour de l’investiture de Pierre Pfimlin qui démissionne. Le Président de la République, René Coty, appelle le général de Gaulle comme président du Conseil et l’autorise à élaborer une nouvelle constitution.

1.2. La Constitution de la Vème République : du parlementarisme rationalisé à la dérive bonapartiste

Hitoirere

La loi constitutionnelle du 3 juin 1958 fixe les cadres et les limites de la révision constitutionnelle (suffrage universel, séparation des pouvoirs, responsabilité du gouvernement devant le parlement, indépendance de la justice, etc.). Le projet devra être soumis au référendum.

Un avant-projet est rédigé par un petit comité à l’instar des constitutions autoritaires. De Gaulle veille à élargir le nombre des grands électeurs (anticipation de la réforme 1962) et aux pouvoirs du président, notamment en cas de crise (esprit de Bayeux de 1946). Michel Debré veille à la « rationaliser » l’activité parlementaire. Le comité fait des propositions qui ne seront pas retenues. Le projet passe en Conseil des ministres le 4 septembre et est adopté le 28 septembre par référendum à 80% des voix, seul le PCF ayant appelé à voter contre avec quelques personnalités (Mitterrand, Mendès France).

La signification du vote est différente pour les territoires d’outre-mer qui se prononcent sur leur indépendance de la communauté qu’introduisait le texte (Guinée).

Contenu

La constitution commence par la souveraineté, mais ensuite l’ordre est changé par rapport à celui de la constitution de 1946 qui était : Parlement – Conseil économique et social – Président de la République -Gouvernement et qui devient : Président de la République – Gouvernement – Parlement. Élu pour 7 ans, le Président est rééligible. Il est élu par un large collège de grands électeurs. Il a les prérogatives de ses prédécesseurs, mais surtout des pouvoirs nouveaux portant notamment sur deux articles : l’art. 11 qui lui permet de recourir au référendum sur le fonctionnement des pouvoirs publics et les traités, l’art. 16 en cas de guerre ou de guerre civile, le recours à cet article est très encadré, mais cela lui confèrerait en ces circonstances un véritable pouvoir dictatorial.

Le Gouvernement est composé du Premier ministre (non le Président du conseil qui est le Président de la République). Le Président de la République nomme le Premier ministre et les ministres qui lui sont présentés par le Premier ministre. Le Gouvernement sollicite la confiance de l’Assemblée nationale. Le Président de la République ne peut ensuite révoquer le Premier ministre. Il y a incompatibilité pour les ministres entre la fonction et et un mandat parlementaire. Le Gouvernement a des pouvoirs étendus (art. 20) : initiative des lois, nominations de hauts fonctionnaires, proposition le référendum, déclaration de l’état de siège, recours aux ordonnances, etc. Il dispose du pouvoir réglementaire (art. 34 et 36)

Le Parlement est constitué en deux chambres, composées de parlementaires élus sur des modes définis par des lois ordinaires. La rationalisation est effectuée par un président de l’Assemblée nationale élu pour la législature, le président du Sénat à chaque renouvellement. Ces présidents peuvent saisir le Conseil constitutionnel. Leur consultation est obligatoire dans certains cas. Ils ont donc des pouvoirs propres. Les pouvoirs du Parlement sont réduits par un champ législatif très circonscrit : adoption d’une loi sans vote si le Gouvernement pose une question de confiance et qu’il n’est pas renversé dans les vingt-quatre heures par une motion de censure ; le contrôle de constitutionnalité des lois est instauré ; la loi peut être votée par référendum. Les lois sont votées par les deux assemblées. En cas de désaccord, recours à une commission mixte paritaire et s’il n’y a pas accord vote de l’Assemblée nationale sur son texte. Le rôle du Parlement change en cas de différence des majorités aux élections législatives et présidentielle.

Est créé un Conseil constitutionnel (neuf membres désignés par tiers par le Président de la République et les préside,ts des chambres). Ses compétences sont élargies par rapport à celles du « comité constitutionnel » de la constitution de 1946. Il est le juge des recours sur les référendums, les élections du Président de la République et des parlementaires. Il est encore le juge de la qualification législative des textes. Il est consulté sur la mise en œuvre de l’article 16 et sur l’ « empêchement » du Président de la République.,

Une Haute Cour est créée pour juger le Président de la République et les membres du Gouvernement. Un Conseil économique et social consultatif est créé.

Une procédure de révision de la constitution est mise en place sur la base de l’article 89 de la constitution : sur la base d’un texte voté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat suivi d’un référendum. Mais le Président de la République peut également soumettre un projet au Parlement réuni en Congrès, le texte doit alors être adopté à la majorité des trois-cinquièmes.

Evolution

Depuis son instauration, la Constitution de la Vème République a été fréquemment modifiée : 5 fois de 1958 à 1991, 19 fois depuis, soit 24 fois au total (Annexe II). On n’évoquera ci-après que les plus importantes.

1962 : l’élection du Président de la République au suffrage universel direct.

Voulant passer outre l’opposition probable du Sénat, de Gaulle fait réviser la constitution en utilisant l’article 11. Opposition quasi-générale et constitution du « cartel des non » (ne comprend pas le PCF). Néanmoins le prestige de de Gaulle, fait que le « oui » l’emporte avec plus de 62% des voix. Le Conseil constitutionnel se déclare incompétent. Nouvelle naissance de la Vème République.

Le fait que le Conseil constitutionnel refuse de contrôler la constitutionnalité des lois adoptées par référendum (car elles sont adoptées directement par le peuple), permet la mise en œuvre de cette réforme.

*** 1969 : rejet par référendum du projet de réforme du Sénat et de l’organisation territoriale

Le projet de révision de 1969 avait un double objet : une réorganisation territoriale renforçant le rôle des régions et la réforme du Sénat devenu plus socio-ptofessionnel avec la suppression du Conseil économique et social. Désavoué, de Gaulle démissionne le 28 avril 1989. Comme en 1962, mais en sens inverse, l’effet plébiscitaire a été prédominant (2ème rejet d’un référendum).

1974 : la réforme du Conseil Constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel avait été pensé par Michel Debré dans le cadre d’un parlementarisme rationalisé (champ de l’art. 34,, limitation du rôle des partis). La décision constitutionnelle n° 71-44 DC du 16 juillet 1971 Liberté d’association a donné une nouvelle place au Conseil constitutionnel. La notion de « bloc de constitutionnalité » étend son champ d’appréciation. Valéry Giscard d’Estaing, nouvellement élu Président de la République, souhaite élargir la saisine du Conseil Constitutionnel aux parlementaires (60 députés et 60 sénateurs

1992 : le traité de Maastricht.

Cette révision avait pour but de rendre la Constitution compatible avec le traité sur l’Union européenne.

1995 : Élargissement des possibilités de recours au référendum.

Modification de l’article 11 de la constitution.

2000 : le quinquennat.

C’est la première révision constitutionnelle soumise au référendum en application de l’article 89 de la Constitution. Après 73% de « oui » le 24 septembre 2000, elle fut promulguée le 2 octobre. Son but était d’éviter les inconvénients de la cohabitation.

2003 : loi constitutionnelle relative à l’organisation décentralisée de la République

Elle porte sur : l’organisation décentralisée de la République, la démocratie locale directe (référendum pouvant être décisionnel dans certains cas), autonomie financière des collectivités territoriales, statut des collectivités d’outre-mer. L’expérimentation législative est introduite dans certaines conditions.

2005 : la charte de l’environnement.

La Constitution inclut dans son préambule, depuis le 1er mars 2005, une charte de l’environnement en 10 articles, à la demande du Président de la République.

*** 2005 : rejet du traité sur la constitution de l’Union européenne

Le texte est repoussé par référendum, mais le Gouvernement le fera adopter sous forme du traité de Lisbonne par le Parlement.

2008 : ratification du traité de Lisbonne

En vue de la ratification ultérieure du Traité de Lisbonne, une révision du titre XV de la Constitution a été votée par le Congrès le 4 février 2008, par 560 voix contre 181. La loi constitutionnelle a été promulguée le jour même. Les modifications apportées à la Constitution formulent les transferts de souveraineté énumérés dans le traité de Lisbonne (par un renvoi direct à ce texte).

2008 : Loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 sur la réforme des institutions

Dans le prolongement des travaux du comité « Balladur », le Parlement réuni en Congrès a adopté le 21 juillet 2008 un projet de loi constitutionnelle qui crée ou modifie 47 articles de la Constitution (Annexe III). Le vote a été acquis avec 539 votes favorables, le seuil d’adoption étant de 538 votes.

Les modifications les plus importantes de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 sont les suivantes : limitation à deux du nombre de mandats consécutifs du Président de la République ; possibilité pour un cinquième des membres du Parlement, soutenus par un dixième des électeurs inscrits, de demander la tenue d’un référendum sur l’un des sujets prévus dans l’article 11 ; le président de la République peut convoquer le Congrès du Parlement français pour faire une déclaration ; les parlementaires sont remplacés temporairement en cas d’acceptation par eux de fonctions gouvernementales ; la discussion des projets et propositions de lois ne porte plus devant la première assemblée saisie sur le texte présenté par le Gouvernement, mais sur le texte adopté par la commission saisie, sauf pour les projets de révision constitutionnelle, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale ; les assemblées fixent maintenant elles-mêmes leur ordre du jour indépendamment du Gouvernement. Celui-ci conserve néanmoins certaines prérogatives importantes ; les justiciables ont désormais la possibilité, depuis mars 2010, de contester la constitutionnalité d’une mesure qui leur est opposée, créant ainsi la possibilité de révision constitutionnelle a posteriori (QPC) ; le Conseil économique et social devient le Conseil économique, social et environnemental ; le Défenseur des droits est créé ; les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France.

Un projet gouvernemental visant à inscrire dans la Constitution des règles prévoyant un retour progressif à l’équilibre budgétaire a été adopté le 13 juillet 2011. Ce texte institue des lois-cadres d’équilibre des finances publiques prévoyant un rythme du retour à l’équilibre budgétaire sur au moins trois ans. La question fait aujourd’hui l’objet d’une concertation européenne.

Pour conclure sur la Vème République, on peut constater qu’elle n’est vraiment plus la même qu’aux origines. On peut distinguer trois moments : le « parlementarisme rationalisé » du début, gravement affecté en 1962 par l ‘élection du Président de la République au suffrage universel ; puis au moment des cohabitations ce que le professeur Jean-Marie Denquin a appelé la « monarchie aléatoire » à laquelle Lionel Jospin et Jacques Chirac ont tenté de remédier en instaurant le quinquennat ; enfin, depuis 2007, ce que j’ai appelé une « dérive bonapartiste », tandis que Robert Badinter parle de « monocratie » et qu’Alain Duhamel ecrit « La marche consulaire, différentes expressions pour qualifier un régime autocratique qui prend d’ailleurs beaucoup de liberté avec les institutions.

II. DES ENSEIGNEMENYS SUR LE RÔLE DE L’ÉTAT POUR L’ÉTABLISSEMENT D’UNE DÉMOCRATIE INSTITUTIONNELLE

Une constitution est la représentation juridique, mais aussi idéologique et politique que se fait une société de l’organisation des pouvoirs pour vivre ensemble. Elle devrait donc transcender les conjonctures et mettre principalement l’accent sur les principes fondamentaux et les règles essentielles. On sait qu’il n’en est rien. Pour autant, il est utile de disposer d’une référence : ce que seraient les institutions idéales pour faire le choix des institutions possibles.

2.1. Le contexte

La décomposition sociale

Nous nous posons aujourd’hui la question dans un contexte qui est celui d’une décomposition sociale profonde, de crise systémique. Les symptômes en sont multiples : désaffection politique marquée en particulier par la croissance des abstentions, montée du chômage et de la précarité, développement des jeux de hasard et des sectes, menaces contre l’écosystème mondial, crise aux dimensions multiples : financière, des matières premières, religieuse, etc. Certaines causes de cette situation peuvent être identifiées : la référence problématique à l’État-nation avec désaffection dans les pays ancien,s mais aussi la multiplication de leur nombre et des réactions nationalistes ; la complexification et la dénaturation de la notion de classe sous l’effet du progrès technique, de la mondialisation capitaliste, de l’individualisation des statuts ; les bouleversements spatiaux marqués par l’urbanisation, le développements des voies de communication, l’émergence de nouvelles puissances économiques ; l’évolution rapide des mœurs principalement dans la famille, les relations sociales, la confrontation des cultures. Surtout, l’affaiblissement voire l’effondrement des grandes idéologies messianiques qui avaient prospéré au siècle dernier et structuré les débats politiques majeurs : la théorie néoclassique pour les libéraux de plus en plus éloignée de la représentation du réel s’est faite normative, ; l’État-providence pour les socio-démocrates voit sa démarche redistributive asphyxiée dans la crise et la récession ; le marxisme, inspirateur du mouvement communiste ne peut plus être regarfé comme le paradigme des forces du changement s’il garde certaines vertus explicatives et pédagogiques. Ce moment historique de décomposition sociale est donc tout à fait singulier et doit être analysé en tant que tel, même si nous ne disposons à cet effet que des outils théoriques anciens. Il donne naissance à des expression significatives comme celle d’Edgar Morin qui parle de « métamorphose », de Pierre Nora qui évoque le « régime des identités », ou d’Alain Badiou qui s’interroge «Qu’appelle-t-on échouer ?’ » (3). D’autres moments historiques ont présenté des caractéristiques de même incertitude : Alfred de Musset n’écrivait-il pas dans Confession d’un enfant du siècle en 1836 « On ne sait, à chaque pas qu’on fait si l’on marche sur une semence ou sur un débris » ?

La banalisation sarkozyste

La profondeur de la crise et la diversité de ses manifestations témoignent que nous sommes dans une période historique tout à fait singulière qui nous invite à sortir des schémas politiques qui ont prévalu au XXème siècle tout en tirant les enseignements de ce siècle « prométhéen ». L’ultralibéralisme dominant depuis une trentaine d’années (faisant suite à une période d’environ trente ans d’économe administrée) tend à soumettre l’ensemble de la société à ses règles : concurrence, dérégulation, privatisation, culte de la performance, développement des inégalités, prévalence du court terme, récusation de toute morale civique. Dans ces conditions, les spécificités construites par l’histoire en plusieurs siècles apparaissent comme des « anomalies » dans un pays expérimenté comme la France. Anomalies que ce service public occupant un quart de la population active, que ce principe de laïcité expressément inscrit dans sa constitution, que ce modèle d’intégration fondé sur le droit du sol, que cette réputation de « terre d’asile », que cette succession de quinze constitutions en deux siècles, que ce pays aux 36 000 communes. Pour ceux qui nous gouvernent il s’agit de gommer ces singularités pour mettre l’État de ce pays aux normes de l’Union européenne. Comme l’a écrit le philosophe Marcel Gauchet : « Le programme initial du sarkozysme, c’est un programme de banalisation de la France » (4).

Cette déstructuration de la France est notamment recherchée par une double démarche de sens contraires. D’une part, une politique de décentralisation déstabilisatrice des collectivités publiques et nationale. D’autre part, une mondialisation qui s’exprime principalement sous la forme du mouvement des capitaux, mais sans se réduire pour autant à cet aspect. Cette situation pose le problème de l’avenir de l’État-nation, de la souveraineté nationale et populaire, de la responsabilité propre des citoyennes et des citoyens. Mais cette période trentenaire d’ultralibéralisme débouche sur une crise où on en appelle de toute part au « retour de l’État ». Cela crée des conditions favorables pour développer la réflexion sur la question du rôle de l’État et de la nature des institutions.

Une VIème République ?

Face à la crise des institutions et à l’interrogation sur l’État, il importe de répliquer, mais comment ? L’idée la plus simple est d’opposer aux institutions actuelles une autre construction institutionnelle. C’est ce que, avec d’autres, j’avais proposé notamment à l’occasion du bicentenaire de la Révolution française sous forme d’un projet constitutionnel complet .(5) Celui-ci, une fois adopté a été oublié. Je ne ferai plus cette proposition plus de vingt ans plus tard, nous ne sommes plus dans la même situation et l’attitude des uns et des autres vis-à-vis des institutions actuelles a beaucoup changé et débouche sur une grande confusion.

Je ne suis pas partisan en effet d’une VIème République pour les raisons suivantes. D’abord, parce qu’il s’agit d’une facilité qui, le plus souvent, dispense d’une réponse sérieuse au fond. Réclamée d’Olivier Besancenot à Marine Le Pen en passant par Pierre Laurent et Cécile Dufflot, on espère qu’il ne s’agit pas de la même VIème République. Ensuite, parce que les projets présentés sont le plus souvent formulés de manière sommaire et peu cohérente (6). L’exemple le plus frappant de cette vanité confuse est le projet de VIème République dont Arnaud Montebourg a fait un fonds de commerce et qui, à l’examen, de contours en concession, se révèle n’être rien d’autre qu’une Vème République-bis (Annexe V). Enfin, il existe une autre raison qui fait de la VIème République une revendication illusoire : aucune des cinq républiques qui ont marqué notre histoire récente n’est née d’une gestation spéculative. La Convention déclare le 21 septembre 1792 : « La royauté est abolie en France » et un décret du 25 septembre proclame : « La République est une et indivisible » ; ainsi est née la première République parachevant la Révolution française. La deuxième est issue des émeutes de février 1848 aboutissant à l’abdication de Louis-Philippe et à la constitution républicaine du 4 novembre 1848 ; elle sera, on le sait, et l’on doit s’en souvenir, balayée par le coup d’État du 2 décembre 1851 et le référendum-plébiscite de Louis-Napoléon Bonaparte des 21 et 22 décembre. La troisième émerge à une voix de majorité de la confrontation des monarchistes et des républicains après la chute du Second Empire et l’écrasement de la Commune de Paris. La quatrième est issue de la seconde guerre mondiale, de l’écrasement du nazisme et de la résistance, promulguée le 27 octobre 1946. La cinquième voit le jour par le référendum du 28 septembre 1958, portée par le putsch d’Alger dans un contexte de guerre coloniale. S’il y a bien crise sociale aujourd’hui, qui oserait soutenir qu’elle s’exprime au niveau des évènements qui viennent d’être évoqués ? Jamais en France on a changé de république sans événement dramatique. Dans une société en décomposition sociale profonde, il manque encore l’Évènement.

La même argumentation pourrait être opposée aux partisans d’une Constituante. Toutes les constituantes sont survenues après des évènements majeurs et sur les décombres de l’ordre précédent. Ce n’est pas la situation actuelle et une telle proposition permet de ne rien dire du contenu. C’est encore une facilité.

2.2. Des questions à débattre

Ainsi, plutôt que d’élaborer un projet constitutionnel complet dont l’intérêt principal serait d’établir la cohérence des différents choix institutionnels effectués, il semble aujourd’hui plus opportun, et sans doute préalable de se prononcer sur certains de ces choix majeurs.

La souveraineté

Jean-Jacques Rousseau s’efforçait de définir ainsi les citoyens dans le Contrat social : « À l’égard des sociétés, ils prennent collectivement le nom de Peuple, et s’appellent en particulier citoyens comme participant à l’autorité souveraine ». Il annonçait ainsi le transfert de la notion de souveraineté du monarque au peuple. La nation sera introduite par l’article 2 de la Déclaration des droits de 1789 : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation ». La constitution de 1793 ajoutera en son article 7 : « Le peuple souverain est l’universalité des citoyens français ». La constitution de la IVème République retiendra la notion de souveraineté nationale que l’on retrouve dans la constitution de la Vème République en son article 3 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et la voie du référendum ».

La souveraineté est une en ce qu’elle légitime l’exercice du pouvoir politique et de ses instruments (création monétaire, État de droit, politiques publiques, relations internationales). Il est courant d’en distinguer deux aspects, la souveraineté nationale et la souveraineté populaire. La première ne prétend pas à la seule représentation des citoyens existants, mais veut aussi traduire les aspirations de la continuité des générations. La seconde tend à privilégier la démocratie directe par rapport à la démocratie représentative soutenue par la première. La souveraineté ne saurait être déléguée si certaines compétences peuvent l’être. C’est dans le contexte très particulier du lendemain de la deuxième guerre mondiale que le Préambule de la constitution de 1946 a prévu que, sous réserve de réciprocité, « La France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l’organisation et à la défense de la paix. ». Restera constante, par ailleurs, la règle selon laquelle « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois » (article 55 de la constitution).

La souveraineté ne saurait cependant être préservée par le seul respect formel des règles du droit positif. On a vu comment le Gouvernement a pu contourner le rejet par le peuple français du traité sur la constitution européenne en mai 2005, pour faire ratifier ensuite le traité de Lisbonne par le Parlement. Et puis, la souveraineté c’est aussi la maîtrise des bases économiques nationales.

La démocratie directe

Il y a un champ où l’action populaire peut s’exercer directement, sans intermédiaire, c’est celui de la démocratie dite directe. Il convient cependant de dire, avant d’évoquer cet espace, que l’intervention du peuple ne saurait faire l’objet d’une réglementation excessive. La démocratie directe c’est d’abord le plein exercice des droits et des libertés existants. C’est aussi le fortuit, l’incodifiable, l’initiative, l’épopée, talent, l’engagement. Il serait vain et quelque peu totalitaire de prétendre en tout point réglementer la vie, non seulement privée mais aussi publique. Pour autant, la démocratie directe ne saurait être purement spontanée, étrangère à toute forme de régulation institutionnelle. La souveraineté nationale et la souveraineté populaire doivent pouvoir être traduites partiellement dans des règles de droit, si celles qui existent n’épuisent pas le sujet.

Des progrès peuvent, en effet, être réalisés en la matière. On en donnera deux exemples. Le premier consisterait à accroître la portée du droit de pétition. Une question rédigée qui aurait réuni un certain pourcentage de signatures d’électeurs inscrits pourrait faire obligation à l’assemblée délibérante compétente pour connaître de cette question, d’en débattre et de prendre position. La pétition pourrait aussi déboucher directement sur un référendum décisif. Cette décision pourrait ensuite, en cas d’approbation, conduire à l’élaboration des règles administratives, réglementaires ou législatives correspondantes. Le rejet du texte devrait être motivé et le débat se poursuivrait éventuellement dans l’opinion publique (la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 amorce le mouvement en ce sens). Le second exemple reviendrait, sous certaines conditions, à donner l’initiative des lois au peuple. Là encore un minimum de soutiens seraient exigés sur une proposition de loi entièrement formulée. Après quoi le texte pourrait être inséré dans une procédure parlementaire et devenir une loi au terme du processus qui pourrait faire intervenir des instances déconcentrées ou décentralisées. Ce ne serait à vrai dire pas une véritable novation : la Constitution de l’An I, pourtant réputée jacobine, prévoyait déjà l’intervention des communes et des assemblées primaires des départements dans l’élaboration de la loi (7). Dans de telles conditions la notion de démocratie participative n’est d’aucune utilité.

C’est cependant la question du référendum qui constitue en matière de démocratie directe la question la plus délicate. En reconnaissant à tous les citoyens le droit de concourir personnellement à l’expression de la volonté générale et à la formation de la loi, la Déclaration des droits de 1789 ouvrait la voie aux consultations référendaires et à la mise en mouvement politique du peuple. Mais on a vite pressenti les dangers du référendum et les risques qu’il pouvait faire courir à la démocratie dans les mains d’un pouvoir autoritaire relevant de la ligne de force césarienne évoquée plus haut. Olivier Duhamel le souligne : « le référendum peut être liberticide : les Bonaparte en ont apporté la preuve » (8). Nous avons vu que la Constitution de 1793 prévoyait que le peuple pouvait délibérer sur les lois proposées par le corps législatif. La Constitution de 1946 ne retenait le référendum qu’en matière constitutionnelle. La Constitution de 1958 le prévoit en deux dispositions : en matière d’organisation des pouvoirs publics, de réformes relatives à la politique économique ou sociale, de ratification des traités (Art. 11, dont le champ a été élargi en 1995 aux questions économiques et sociales) et en matière constitutionnelle (Art. 89). Par ailleurs, la loi du 6 février 1992 a institué un « référendum communal » ; il est de faible portée.

Bien que les référendums sur le traité de Maastricht en 1992 et celui sur le récent projet de « traité établissant une constitution pour l’Europe », mis en échec le 29 mai 2005, aient été l’occasion de débats importants, il reste que, depuis 1793, seulement trois référendums sur vingt-quatre ont dit « non » à ceux qui les ont organisés (Annexe IV).

Le recours au référendum relève ainsi le plus souvent d’un pouvoir exécutif autoritaire à tendance plébiscitaire. Corrélativement, il dévoie le débat en le conduisant le plus souvent à s’écarter de la question posée (vote pour ou contre un homme ou une politique). Appelant une réponse binaire (oui ou non) il est peu approprié au traitement de questions complexes. Il doit donc être strictement limité aux matières constitutionnelles proprement dites.

La loi

Outre le référendum, le peuple exerce sa souveraineté par la médiation de ses représentants. L’article 6 de da Déclaration de 1789, qui fait partie du bloc de constitutionnalité actuel, proclame que la loi est l’expression de la volonté générale, tandis que l’article 34 de la constitution dispose que la loi est votée par le Parlement. En vertu du principe de séparation des pouvoirs et pour équilibrer les fonctions normatives de l’exécutif et du législatif, les articles 34 et 37 définissent les champs respectifs de la loi et du décret. Tel est du moins le schéma théorique car, dans la réalité, c’est le Gouvernement qui a largement l’initiative du travail législatif en fixant, pour l’essentiel, l’ordre du jour du Parlement et en réservant la plus grande place à ses projets, tandis que les textes d’origine parlementaire, les propositions de lois, sont réduites à la portion congrue. Une telle pratique n’est pas conforme aux principes affichés et le préjudice est d’autant plus important que la Constitution a été modifiée en 1992 par l’introduction d’un article 88-2 disposant notamment que : « la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l’établissement de l’union économique et monétaire européenne … », ce qui se traduit par une entrée en force du droit européen en droit interne français et limite, en conséquence, les prérogatives du Parlement national. De plus, la montée en puissance du Conseil constitutionnel à partir de 1971 en a fait un organisme politique en forme juridictionnelle qui s’est doté, au fil du temps et par voie jurisprudentielle, d’un pouvoir constituant permanent en dehors de toute source de légitimité, même si l’on peut considérer qu’il n’en a pas abusé et qu’il a joué parfois un rôle positif en matière de défense des libertés publiques. La représentation est donc en crise, ce qui se traduit en particulier par une hausse générale des taux d’abstentions à toutes les élections, et notamment aux élections locales qui sont pourtant celles où le citoyen est le plus proche des lieux de pouvoir et qui devraient l’intéresser davantage.

La situation est encore aggravée par le fait que si l’article 20 de la Constitution prévoit bien que « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation », cela dépend de la concordance ou non des majorités présidentielle et législative. Lorsqu’il y a concordance, c’est le Président de la République qui est maître de l’exécutif ; dans le cas contraire, celui de la cohabitation, c’est le Premier ministre qui a l’essentiel des compétences, même si son but est de devenir, à son tour, président, avec une majorité conforme. Cette constitution, si souvent rapetassée au cours de la dernière période, ainsi qu’il a été dit, est donc, au surplus, de caractère aléatoire, ce qui est un non-sens constitutionnel et très malsain pour la démocratie. En effet, avant les élections présidentielles et législatives, on ne sait qui du Président de la République ou du Premier ministre détiendra finalement le pouvoir exécutif selon qu’il y aura, ou non, concordance des majorités. L’instauration du quinquennat a aggravé le phénomène. Alors que Michel Debré promoteur de la Constitution de la Vème République, prétendait instaurer un « parlementarisme rationalisé » le professeur Jean-Marie Denquin, pourtant gaulliste, a défini ce contexte de « monarchie aléatoire » (9), prélude à la « dérive bonapartiste » dont nous avons parlé. C’est donc le statut du Président de la République, aujourd’hui clé de voûte des institutions, qui est le point de départ de toute réforme institutionnelle conséquente.

C’est pourquoi le choix fait ici, est celui du régime parlementaire (10). Selon cette conception, le pouvoir exécutif appartient, sous la direction du Premier ministre, au Gouvernement. Responsable devant le Parlement, il détermine et conduit effectivement la politique de la nation. La légitimité émane du corps législatif, élu selon un scrutin égal, c’est-à-dire se rapprochant le plus possible de la proportionnelle. Les arguments selon lesquels cela aurait pour conséquence de faire entrer le Front national au Parlement, ou bien que la priorité est la constitution d’une majorité forte plutôt que la fidèle représentation du peuple ne sauraient y faire obstacle. C’est au débat politique et non à la technique électorale de faire les majorités, de définir la voie à suivre et d’exprimer par la loi la volonté générale.

L’exécutif

Le rejet de l’élection du Président de la République repose sur plusieurs raisons.

Premièrement, le caractère plébiscitaire de cette élection l’inscrit sur la ligne de forces césarienne ; les références historiques sont celles des deux Empires.

Deuxièmement, il ne saurait y avoir deux sources de légitimité concurrentes de la représentation nationale et populaire. Or, en France, pour des raisons historiques et par le jeu naturel des pouvoirs, la légitimité d’un président élu au suffrage universel l’emportera toujours sur celle que partagent plusieurs centaines de parlementaires élus localement au scrutin majoritaire. Il faut donc choisir : le Parlement ou le Président. Comment soutenir qu’est conforme à la ligne de force traditionnelle des Lumières, cette délégation massive de souveraineté que représente l’élection du Président de la République au suffrage universel ?

Troisièmement, la supériorité institutionnelle du Président élu en fait le guide de la nation et dérive fatalement vers un pouvoir autocratique sur le base des pouvoirs considérables qui lui sont conférés par la constitution, notamment en situation de crise. Au surplus la situation actuelle montre avec quelle désinvolture le Président use de la constitution pour s’arroger des prérogatives qui ne sont pas les siennes (art. 20, par exemple).

Quatrièmement, la conquête du pouvoir devient dans ces conditions le principal objectif des formations politiques et non le service de l’intérêt général, à fortiori la transformation sociale. Dès lors, les partis se transforment en machines électorales, le cas échéant subdivisées en « écuries » présidentielles, la communication prend le pas sur le débat et la réflexion, la politique devient spectacle, la bataille s’engage sur des critères de rassemblement superficiel et se gagne au centre.

Cinquièmement, cette élection confine ainsi au déni de démocratie et soumet le citoyen à la fatalité des contraintes extérieures, au conformisme opportuniste, à la pensée unique, à la résignation et à l’abaissement.

Dans une constitution démocratique, le Président de la République garderait néanmoins un rôle prestigieux : il représente la France vis-à-vis de l’étranger, il est l’expression symbolique de l’unité et de l’indivisibilité de la République et le garant de la continuité des pouvoirs publics. Il n’est plus élu au suffrage universel direct, mais soit par un collège de grands électeurs soit par le Congrès du Parlement ; la durée de son mandat est dès lors secondaire, la plus longue durée, sans possibilité de renouvellement, pouvant même correspondre à la plus grande banalisation. À cet égard, le mandat de sept ans non renouvelable est sans doute la solution la plus judicieuse dans la gamme des solutions possibles. L’argument selon lequel il faudrait tenir compte de l’idée que l’on se fait de la prétendue adhésion définitive du peuple français à l’élection du Président de la République au suffrage universel n’est que l’expression d’une résignation politique, indigne de notre histoire.

L’État de droit

Face à ce schéma, certains évoqueront un retour au régime d’assemblée. On n’ignore rien des critiques qui sont adressées à ce régime sur la base, principalement, de l’expérience de la IVème République. En réalité, l’instabilité de la IVème République n’a pas été causée par un excès de démocratie, mais au contraire par les atteintes que les manœuvres des clans politiques lui ont portées. Aucune constitution ne peut être, seule, la solution des contradictions sociales. Mais à tout prendre, il faut préférer les institutions qui les révèlent à celles qui les dissimulent. Les contradictions apparaissant clairement, les conditions sont meilleures pour leur apporter une solution efficace. C’est aussi un appel à la responsabilité des élus qui doivent alors savoir constituer des majorités d’idées quand c’est nécessaire et faire preuve de courage politique en toute circonstance, plutôt que de se résigner à l’allégeance au chef qui caractérise le régime présidentiel.

Toute proposition institutionnelle doit veiller à s’inscrire dans une scrupuleuse cohérence de l’État de droit. On ne développera pas ici les conditions de la cohérence interne qui reposent essentiellement sur la séparation des pouvoirs et sur l’équilibre délicat à établir entre le principe d’autonomie de gestion des collectivités territoriales et celui d’unité et d’indivisibilité de la République. Il conviendrait aussi de préciser les formes nouvelles de la dualité des ordres juridictionnels (administratif et judiciaire), dualité souhaitable car relevant de la distinction public-privé, classique en France. Un contrôle de constitutionalité est nécessaire. La souveraineté ne pouvant émaner que du peuple, c’est à lui ou à ses représentants qu’il revient en définitive d’assurer la conformité des lois à la Constitution ; sur les questions les plus importantes par le recours au référendum constituant en veillant à éviter toute dérive plébiscitaire ; sur des questions moins importantes par la recherche d’une compatibilité tant juridique que politique dans le cadre du Parlement puisque c’est lui qui vote la loi. Un Comité constitutionnel composé de représentants des différents groupes parlementaires auxquels s’adjoindraient des magistrats du Conseil d’État et de la Cour de cassation devrait être institué à cette fin. Il n’aurait pas le pouvoir d’empêcher la promulgation d’une loi non conforme à la Constitution, mais seulement d’identifier cette non-conformité en invitant le Parlement à la prendre en considération à l’occasion d’un nouvel examen qui conduirait soit à modifier la loi soit à provoquer l’engagement d’une procédure de révision constitutionnelle (11).

Une réflexion sur les institutions nationales ne peut aujourd’hui faire l’économie d’une prise en compte des institutions supranationales, elle doit veiller à leur cohérence externe. C’est possible grâce au principe de subsidiarité introduit à l’article 5 du Traité sur l’Unioneuropéenne à aux termes duquel : « Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n’intervient que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire ». Certes, cette formulation laisse une trop large place à l’appréciation de l’opportunité de l’intervention communautaire et il n’y a pas lieu de faire une confiance aveugle aujourd’hui à l’appréciation de la Cour de justice de l’Union européenne. Une articulation des institutions nationales et transnationales doit cependant être recherchée sans aliénation de la souveraineté nationale. D’ailleurs, dès aujourd’hui, l’article 55 de la constitution ne dispose-t-il pas que : « Les traités régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ».

L’État et le citoyen

Nous avons vu, au début, que l’affirmation de l’autonomie de l’État s’était accompagnée de celle des droits de l’homme et du citoyen. On ne saurait en effet dissocier une réflexion sur le rôle de l’État de celle sur le contenu de la citoyenneté.

La vocation des institutions est aussi de concourir à la formation d’une citoyenneté finalisée par des valeurs fortes, à vocation universelle : service public, droit du sol, laïcité, responsabilité publique, dans la tradition républicaine française (12). Pour autant, des dimensions supranationales peuvent être mises en perspective.

Une citoyenneté européenne a été décrétée par le traité de Maastricht et est explicitée dans les articles 20 et suivants du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, mais n’est qu’une citoyenneté de faible densité, de superposition, on a pu parler à son sujet d’objet politique non identifié.

On peut s’attacher également à l’enrichissement des prémices d’une citoyenneté mondiale par l’affirmation de valeurs universelles, l’émergence d’un monde commun dans le cadre d’une mondialisation qui n’est pas seulement celle du capital.

Cette ouverture sur le continent et sur le monde n’est pas pour autant contradictoire avec l’affirmation selon laquelle la nation est et demeure le niveau le plus pertinent d’articulation du particulier et de l’universel. C’est donc là que se situe pour l’essentiel notre responsabilité.

(1) – Tricentenaire de sa naissance le 28 juin 2012
(2) Une loi électorale sur les « apparentements » permettra d’introduire un effet majoritaire à partir de 1951, minorant la représentation parlementaire du PCF et du RPF.
(3) A. Badiou, L’hypothèse communiste, Lignes, 2009. Dans le même esprit voir aussi : A. Le Pors, Pendant la mue le serpent est aveugle, Albin Michel, 1993 et Éloge de l’échec, Éditions Le Temps des Cerises, 1999.
(4) Marcel Gauchet, « Retombées politiques de la crise », Le Débat, septembre-octobre 2009.
(5) Projet constitutionnel du PCF et Rapport d’Anicet Le Pors, l’Humanité, 18 décembre 1989.
(6) Quelle VIème République ? Auteur collectif, Le Temps dses cerises, 2007.
(7) «Art. 58. – Le projet est imprimé et envoyé à toutes les communes de la République, sous ce titre : loi proposée.
Art. 59. – Quarante jour après l’envoi de la loi proposée, si, dans la moitié des départements, plus un, le dixième des assemblées primaires de chacun d’eux, régulièrement formées, n’a pas réclamé, le projet est accepté et devient loi. ».
(8) O. Duhamel, Droit constitutionnel et politique, Seuil, 1993, p. 116.
(9)J-M. Denquin, La monarchie aléatoire, PUF, 2001.
(10) A. Le Pors, « On fait clairement le choix du régime parlementaire », l’Humanité, 10 octobre 2005.
(11) A. Le Pors, « L’enjeu du contrôle de constitutionnlité », l’Humanité, 8 avril 2006.
(12)A. Le Pors, La citoyenneté, PUF, coll. Que sais-je ?, 2002 (3° éd.).

ANNEXE I

Les constitutions de la France

* Constitution de 1791 – 3 et 4 septembre 1791

* Constitution de l’An I – Première République – 24 juin 1793

* Constitution de l’An III – Directoire – 5 fructidor An III, 22 août 1795

* Constitution de l’An VIII – Consulat – 22 frimaire An VIII, 13 décembre 1799

* Constitution de l’An X – Consulat à vie – 16 thermidor An X, 4 août 1802

* Constitution de l’An XII – Empire – 28 floréal An XII, 18 mai 1804

* Charte de 1814 – 1ère Restauration – 4 juin 1814

* Acte additionnel aux Constitutions de l’Empire – Cent-jours – 23 avril 1815

* Charte de 1830, monarchie de Juillet – 14 août 1830

* Constitution de 1848, IIe République – 4 novembre 1848

* Constitution de 1852, Second Empire – 14 janvier 1852

* Lois constitutionnelles de 1875, IIIe République – 24, 25 février et 16 juillet 1875

* Loi constitutionnelle du 2 nov. 1945 – Gouvernement provisoire

* Constitution de 1946, IVe République – 27 octobre 1946

* Constitution de 1958, Ve République – 4 octobre 1958

ANNEXE II

Modifications de la constitution
du 4 octobre 1958

1. Loi constitutionnelle n° 60-525 du 4 juin 1960 – [États de la communauté]

2. Loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 – [Élection du Président de la République au suffrage universel]

3. Loi constitutionnelle n° 63-1327 du 30 décembre 1963 – [Session parlementaire]

4. Loi constitutionnelle n° 74-904 du 29 octobre 1974 – [Possibilité pour 60 députés ou 60 sénateurs de déférer une loi au Conseil constitutionnel]

5. Loi constitutionnelle n° 76-527 du 18 juin 1976 – [Intérim de la Présidence de la République]

6. Loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992 – [Dispositions permettant de ratifier le traité de Maastricht (Union économique et monétaire, vote des ressortissants européens aux élections municipales, politique commune des visas); langue française, lois organiques relatives aux TOM, résolutions parlementaires sur les actes communautaires]

7. Loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993 – [Cour de justice de la République)]

8. Loi constitutionnelle n° 93-1256 du 25 nov. 1993 – [Droit d’asile]

9. Loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995 – [Session parlementaire unique (du premier jour ouvrable d’octobre au dernier jour ouvrable de juin), aménagement des « immunités » parlementaires et élargissement des possibilités de recours au référendum]

10. Loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 – [Loi de financement de la sécurité sociale]

11. Loi constitutionnelle n° 98-610 du 20 juillet 1998 – [Avenir de la Nouvelle-Calédonie]

12. Loi constitutionnelle n° 99-49 du 25 janvier 1999 – [Traité d’Amsterdam]

13. Loi constitutionnelle n° 99-568 du 8 juillet 1999 – [Cour Pénale Internationale]

14. Loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 – [Égalité entre les femmes et les hommes]

15. Loi constitutionnelle n° 2000-964 du 2 octobre 2000 – [Durée du mandat du Président de la République]

16. Loi constitutionnelle n° 2003-267 du 25 mars 2003 – [Mandat d’arrêt européen]

17. Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 – [Organisation décentralisée de la République]

18. Loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 – [Traité établissant une Constitution pour l’Europe]

19. Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 – [Charte de l’environnement]

20. Loi constitutionnelle n° 2007-237 du 23 février 2007 – [Corps électoral de la Nouvelle-Calédonie]

21. Loi constitutionnelle n° 2007-238 du 23 février 2007 – [Responsabilité du Président de la République]

22. Loi constitutionnelle n° 2007-239 du 23 février 2007 – [Interdiction de la peine de mort]

23. Loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 modifiant le titre XV de la Constitution – [Traité de Lisbonne]

24. Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République – [Modernisation des institutions de la Vème République, dont QPC]

ANNEXE III

Modifications de la loi constitutionnelle
du 23 juillet 2008

* Article 1er
o Ajout de l’alinéa suivant « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».

* Article 3
o transfert vers l’article 1er du dernier alinéa : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».

* Article 6 : Définition du président de la République française
o Le président de la République ne peut dorénavant exercer plus de deux mandats consécutifs.

* Article 11 : référendum
o Le référendum peut également porter sur des questions d’ordre environnemental
o Possibilité pour un cinquième des membres du Parlement, soutenus par un dixième des électeurs inscrits, de demander la tenue d’un référendum sur l’un des sujets prévus dans cet article. Cette demande ferait l’objet d’une proposition de loi, de sorte que le Parlement pourrait s’opposer à la tenue du référendum, en procédant à une lecture du texte.

* Article 13 : nominations par le Chef de l’État
o Les commissions parlementaires peuvent s’opposer à des nominations présidentielles à la majorité des 3/5èmes des suffrages exprimées.

* Article 16 : pleins pouvoirs du Chef de l’État
o Limitation du pouvoir exceptionnel du président de la République après 30 et 60 jours d’exercice dans des circonstances exceptionnelles

* Article 17 : droit de grâce
o Le droit de grâce ne peut plus être exercé par le président de la République qu’à titre individuel. La grâce collective lui est désormais impossible.

* Article 18 : communication du président de la République avec le Parlement
o Le président de la République peut convoquer le Congrès du parlement français pour faire une déclaration. Un débat peut suivre sa déclaration, hors présence de ce dernier.

* Article 24 : composition du Parlement
o Le nombre des députés et des sénateurs est fixé par la constitution. Les Français vivant à l’étranger sont dorénavant représentés au Sénat et à l’Assemblée nationale.

* Article 25 : organisation de l’élection des parlementaires
o Les parlementaires sont remplacés temporairement en cas d’acceptation par eux de fonctions gouvernementales.
o Nouvel alinéa : « Une commission indépendante, dont la loi fixe la composition et les règles d’organisation et de fonctionnement, se prononce par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l’élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs ».

* Article 34 : définition de la loi
o La loi fixe désormais les règles concernant « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ».
o La loi fixe désormais les règles concernant le régime électoral des assemblées locales et des instances représentatives des Français établis hors de France ainsi que les conditions d’exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales.
o L’avant-dernier alinéa est remplacé par les deux alinéas suivants : « Des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État » et « Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ».
o Un article 34-1 est ajouté. Il permet aux assemblées de voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique, à condition qu’elles ne remettent pas en cause la responsabilité du gouvernement, ni qu’elles contiennent des injonctions à son égard.

* Article 35 : autorisation de la déclaration de guerre par le Parlement
o Le gouvernement doit dorénavant informer le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote. Lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement. Il peut demander à l’Assemblée nationale de décider en dernier ressort.

* Article 38 : fonctionnement des ordonnances
o Les ordonnances ne pourront plus être ratifiées que de manière expresse.
* Article 42 : Vote de la loi
o La discussion des projets et propositions de loi ne porte plus devant la première assemblée saisie sur le texte présenté par le gouvernement, mais sur le texte adopté par la commission saisie, sauf pour les projets de révision constitutionnelle, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale.
o Un délai de six semaines doit s’écouler entre le dépôt du projet ou de la proposition et la discussion du texte, sauf urgence.

* Article 44 : le droit d’amendement doit être défini par le règlement des assemblées dans le cadre fixé par une loi organique. Celle-ci permet aux assemblées d’instaurer un temps global pour l’examen des textes de loi en séance publique.

* Article 47-2 : nouvel article sur la Cour des comptes
o La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du gouvernement. Elle assiste le Parlement et le gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l’évaluation des politiques publiques. Elle contribue à l’information des citoyens via des rapports publics.
o Les comptes des administrations publiques doivent être réguliers et sincères, et donner une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière.

* Article 48 : ordre du jour des
assemblées
o Les assemblées fixent maintenant elles-mêmes leur ordre du jour indépendamment du gouvernement.
o Deux semaines de séance sur quatre sont réservées par priorité, et dans l’ordre que le gouvernement a fixé, à l’examen des textes et aux débats dont il demande l’inscription à l’ordre du jour.
o Le gouvernement peut inscrire à l’ordre du jour, par priorité, l’examen des projets de loi de finances, des projets de loi de financement de la sécurité sociale et, sous réserve, des textes transmis par l’autre assemblée depuis six semaines au moins, des projets relatifs aux états de crise et des demandes d’autorisation visées à l’article 35.

* article 49 alinéa 3 : l’usage de cette disposition, qui permettait au gouvernement de faire adopter un projet de loi sans vote du Parlement en engageant sa responsabilité, est limité: le gouvernement ne peut désormais faire appel au 49-3 que pour les projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale ainsi, dans la limite d’une fois par session parlementaire, pour un autre projet de loi.

* Article 51-1 : nouvel article sur les groupes parlementaires
o Dans chaque assemblée, les droits des groupes parlementaires sont désormais fixés par leur règlement.
o Ce même règlement doit reconnaître des droits spécifiques aux groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’aux groupes minoritaires.

* Article 51-2 : nouvel article sur les commissions d’enquête
o Pour l’exercice des missions de contrôle et d’évaluation définies au premier alinéa de l’article 24, des commissions d’enquête peuvent maintenant être créées au sein de chaque assemblée pour recueillir, dans les conditions prévues par la loi, des éléments d’information.
o Leurs règles d’organisation et de fonctionnement sont fixées par la loi.
o Leurs conditions de création sont fixées par le règlement de chaque assemblée.

* Article 61 : saisine sur proposition de loi référendaire
o Dans le cas d’un référendum (référendum législatif, article 11), contrôle de la proposition de loi par le Conseil constitutionnel avant la présentation de la proposition au peuple. Ce contrôle ne concerne que les propositions de lois, c’est-à-dire celles de provenance législative, et donc que les nouvelles dispositions de l’article 11 introduites par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. Un projet de loi soumis à référendum ne serait donc toujours pas contrôlé (jurisprudence du Conseil Constitutionnel du 6 novembre 1962)

* Article 61-1 : saisine par voie d’exception
o Les justiciables ont désormais la possibilité de contester la constitutionnalité d’une mesure qui leur est opposée, créant ainsi la possibilité de revue constitutionnelle a posteriori (précédemment, la constitutionnalité d’une loi était uniquement revue a priori, sans le bénéfice de l’expérience pratique de son application et des dérives potentielles associées), et la possibilité de revue constitutionnelle de jurisprudences (i.e. d’interprétation de la loi par un ou plusieurs juges). Les demandes sont toutefois filtrées par la cour de Cassation et le Conseil d’État qui décident de renvoyer le recours au Conseil constitutionnel. La Loi organique rajoute également le contrôle préalable, selon les cas, du juge judiciaire ou administratif (c’est le « double-filtre »).

* Article 65 :
o La composition du Conseil supérieur de la magistrature est modifiée pour lui donner davantage d’indépendance face au pouvoir exécutif.

Le Conseil supérieur de la magistrature pourrait être saisi par un justiciable dans les conditions fixées par une loi organique.

La loi organique détermine les conditions d’application de l’article 65 ainsi révisé.
Modifications du titre XI[modifier]

* Titre XI : le Conseil économique et social devient le Conseil économique, social et environnemental.
o Il peut maintenant être saisi par voie de pétition.
o Le gouvernement et le Parlement peuvent maintenant le consulter sur tout problème à caractère environnemental. Tout plan ou tout projet de loi de programmation à caractère environnemental lui est désormais soumis pour avis.
o Le nombre de ses membres ne peut maintenant excéder deux cent trente-trois.

* Titre XI bis (nouveau) : Le Défenseur des droits est créé avec un nouvel article 71-1.
o Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public, ou à l’égard duquel la loi organique lui attribue des compétences.
o N’importe quel citoyen s’estimant lésé dans un de ces domaines peut le saisir d’office.
o Il peut être assisté par un collège pour l’exercice de certaines de ses attributions.
o Nommé par le président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable (ce qui a suscité des critiques sur son indépendance), il ne peut faire partie du gouvernement ni du Parlement. Il rend compte de son activité à ce dernier ainsi qu’au chef de l’État.
o Son périmètre est fixé par une Loi organique. Il pourrait concentrer notamment les prérogatives du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, et de la Halde.

* Article 75-1 : nouvel article
o « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ».
* Article 87 : nouvel article sur la francophonie
o La République participe désormais au développement de la solidarité et de la coopération entre les États et les peuples ayant le français en partage.

* Article 88-4 : relations entre l’Union européenne et le Parlement
o Chaque assemblée doit maintenant disposer d’une commission chargée des affaires européennes.

* Article 88-5 : adhésion d’un État à l’Union européenne
o Les projets de loi autorisant la ratification d’un traité relatif à l’adhésion d’un État à l’Union européenne et aux Communautés européennes sont toujours soumis au référendum par le président de la République. Toutefois, par le vote d’une motion adoptée en termes identiques par chaque assemblée à la majorité des trois cinquièmes, le Parlement peut désormais autoriser l’adoption du projet de loi selon la procédure prévue au troisième alinéa de l’article 89.

ANNEXE IV

Les référendums nationaux en France depuis 1793

1. juillet 1793 Projet de Constitution de l’An I – adoption, mais jamais appliquée

2. septembre 1795 Projet de Constitution de l’An III – adoption

3. septembre 1795 Sur le décret des deux tiers – adoption

4. janvier 1800 Projet de Constitution de l’An VIII – adoption

5. juin 1802 Sur le consulat viager de Napoléon Bonaparte – adoption

7. novembre 1804 Projet de Constitution de l’An XII – adoption

7 – avril 1815 Sur l’acte additionnel aux constitutions de l’Empire (les Cent-Jours – adoption

8. 21 décembre 1851 Sur les pouvoirs de Louis-Napoléon Bonaparte – adoption (coup d’État entériné)

9. 21 novembre 1852 Sur le rétablissement de la dignité impériale en France (Second Empire) – adoption

10. 8 mai 1870 Sur le projet de Constitution du 20 avril 1870 – adoption (ne sera appliqué qu’un mois, puisqu’en juillet éclate la guerre)

11. 21 octobre 1945 Sur l’élection d’une assemblée constituante (et donc la fin de la IIIe République) – adoption

12. 21 octobre 1945 Sur le projet de loi constitutionnelle provisoire – adoption, loi promulguée le 2 novembre

13. 5 mai 1946 Premier Projet de Constitution du 19 avril 1946 – rejet

14. 13 octobre 1946 Second projet de Constitution pour la IVe République – adoption

15. 28 septembre 1958 Projet de Constitution de la Ve République (Référendum du 28 septembre 1958) – adoption

16. 8 janvier 1961 Référendum sur l’autodétermination en Algérie – adoption

17. 8 avril 1962 Référendum sur les accords d’Évian – adoption

18. 28 octobre 1962 Élection du président de la République au suffrage universel direct – adoption

19. 27 avril 1969 Référendum sur la réforme du Sénat et la régionalisation – rejet (démission du Général de Gaulle)

20. 23 avril 1972 Référendum sur l’élargissement de la CEE aux Royaume-Uni, Irlande, Danemark et Norvège – adoption (la Norvège refusa par référendum)

21. 6 novembre 1988 Référendum sur l’autodétermination en Nouvelle-Calédonie – adoption

22. 20 septembre 1992 Référendum sur le traité de Maastricht – adoption

23. 24 septembre 2000 Réduction de 7 à 5 ans de la durée du mandat du président de la République – adoption

24. 6 juillet 2003 Modification des limites territoriales de la Corse – rejet (par les électeurs corses)

25. 29 mai 2005 Référendum français sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe – rejet

Soit trois rejets sur vingt-quatre (exception du référendum sur la Corse)


ANNEXE V

Sur le livre de Arnaud MONTEBOURG et Bastien FRANCOIS

LA CONSTITUTION
DE LA VIe RÉPUBLIQUE
(Odile Jacob, 2005)

1. Pour l’essentiel la VIe République proposée conserve les caractéristiques majeures de la Ve

– élection du président de la République au suffrage universel (article 7)
– scrutin majoritaire à deux tours pour l’élection des députés (a. 22), à la proportionnelle pour les sénateurs ( ?!)
– le recours massif au référendum (a. 37)

2. Les novations sont limitées, il ne s’agit en aucun cas de « révolutions » comme ils le soutiennent

– réductions mineures des prérogatives du président de la République : fixation de l’ordre du jour du conseil des ministres (a. 10) et nomination aux emplois civils et militaires par le Premier ministre (a. 39), faible réduction du « domaine réservé »
– demande au Premier ministre d’organiser un référendum si 10% des citoyens le demandent (a. A12)
– initiative populaire des lois (a. 53)
– élection des membres de la Cour constitutionnelle … mais sur proposition du président de la République qui choisit le président (a. 76)

3. Sur certains points, il y a conservation voire aggravation des dispositions existantes

– maintien du « vote bloqué » (a. 58)
– choix du « spoil system » pour la fonction publique (a. 40)
– reprise de la réforme Raffarin « l’organisation de la République est décentralisée » (a. 1)
– « transferts » de souveraineté, et non « limitations » comme dans le préambule de la constitution de 1946 (a. 2)
– c’est le Premier ministre qui détermine et conduit la politique de la nation et non le gouvernement comme dans l’actuelle constitution (a. 35)
– création étendue d’autorités administratives indépendantes (a. 14 et a. 46)
– reprise du caractère expérimental des lois et règlements (a. 51 et a. 99)
– reprise de la procédure des ordonnances (a. 52)
– assujettissement accru au droit européen (a. 75)

Les institutions dans la présidentielle (Schéma)

Café politique du Front de gauche « Le fil rouge » de Malakoff – 19 mars 2012

La France est un véritable laboratoire institutionnel. Sécularisation progressive du pouvoir royal (Philippe le Bel, Louis XIV). La revendication d’une constitution écrite aux États généraux du 5 mai 1789 (les constitutions et le Contrat social de J-J. Rousseau, 1962).

Transfert de la souveraineté du roi à la nation avec bipolarisation de l’État et des droits du citoyen (constitution et déclaration des droits).

Première constitution en 1791 et républicaine en 1793. Quinze constitutions en deux siècles avec deux lignes de forces :constitutions du 24 juin 1793 et du 14 janvier 1852 –


I. DEPUIS LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE : UNE HISTOIRE TOURMENTÉE ENTRE RATIONALITÉ ET EMPIRISME

La constitution de la IVème République aura duré douze ans, la Vème cinquante-quatre ans cette année,, en deuxième position pour la longévité après la IIIème (65 ans).

1.1. La Constitution de la IVème République

Histoire

Vichy : loi constitutionnelle du 10 juillet 1940.annonçant un projet de constitution du Maréchal Pétain qui ne sera jamais adopté.

Les différents courants de la Résistance ne souhaitent pas revenir à la constitution de la IIIe République. Poids du PCF en faveur d’une référence à 1793. Importance économique et sociale du programme du CNR. Inclination de de Gaulle vers une constitution du type de celle des États Unis.

Un premier référendum a lieu le 21 octobre 1945 ; deux questions : 1/ reconnaissance de l’assemblée comme constituante. 2/ limitation de ses pouvoirs à sa fonction constituante pendant sept mois. Le oui-oui l’emporte. Le PCF domine cependant l’assemblée (25 %) avec le MRP. Tension avec de Gaulle, chef du gouvernement, qui démissionne le 20 janvier 1946. V. Auriol élu Président de la République. Un projet fondant un régime d’assemblée est soumis au référendum et rejeté le 5 mai 1946.

Une nouvelle assemblée constituante est élue : MRP (28 %), communistes (26 %), socialistes (21 %). Le discours de Bayeux du général de Gaulle le 16 juin, donne une esquisse d’une constitution avec un chef de l’Etat au-dessus des partis et doté de pouvoirs importants. Nouveau projet adopté par référendum. La constitution sera promulguée le 27 octobre 1946.

Contenu

Filiation 1793, 1848 néanmoins. Pas de Déclaration des droits mais un Préambule (toujours en vigueur) et renvoie à la Déclaration de 1789 et aux « principes fondamentaux reconnus par les lois de la république ».

Deux chambres : l’Assemblée nationale et le Conseil de la République. La première élue à la proportionnelle (mais loi sur les apparentements en 1951) et décisive en matière législative. Détermine la composition du gouvernement et élit le P de la R avec le Conseil. Le PR garde les pouvoirs de ses prédécesseurs, nomme le Président du Conseil qui doit être investi par l’AN.

Création de la question de confiance et motion de censure (art. 49 et 50). Un gouvernement renversé peut dissoudre l’Assemblée. Il y eut 25 gouvernements en 12 ans.

Évolution

La IVème République doit faire face à de grandes difficultés : reconstruction, guerres d’Indochine et d’Algérie, décolonisation, instabilité gouvernementale, dénaturation de la représentation parlementaire par le système des apparentements. Le gouvernement Guy Mollet ne s’impose pas. La situation se dégrade (intervention en Egypte, détournement de l’avion de Ben Bella…).

Le 13 mai, émeute à Alger le jour de l’investiture de Pierre Pfimlin. Le Président de la République, René Coty, appelle le général de Gaulle comme président du Conseil et l’autorise à élaborer une nouvelle constitution.

Modèle constitutionnel clair mais dénaturé par les circonstances et la pratique politique. Pr J-J. Chevallier : une constitution « rationnelle mais pas raisonnable ».

1.2. La Constitution de la Vème République

Hitoire

La loi constitutionnelle du 3 juin 1958 fixe les cadres et les limites de la révision constitutionnelle (suffrage universel, séparation des pouvoirs, etc.).

Rédaction en petit comité. De Gaulle pèse dans l’esprit de Bayeux. Michel Debré pour un « parlementarisme rationalisé ». Projet adopté par référendum le 28 septembre 1958. PCF et personnalités contre 80%.

Signification différente pour les territoires d’outre mer (Guinée).

Contenu

Ordre : Parlement-Conseil économique et social-Président de la République-Gouvernement sous la IVème et qui devient : Président de la République-Gouvernement-Parlement.

Elu pour 7 ans, le Président est rééligible par un ollège de grands électeurs. Pouvoirs considérables sur la base des art. 11 et 16 qui confinent au pouvoir dictatorial.

Le PR nomme le Premier ministre et les ministres. Ne peut le révoquer. Incompatibilité ministre et parlementaire. Pouvoirs étendus du gouvernement (art. 20 : initiative des lois, proposition de référendum, pouvoir réglementaire art 34 et 37).

Parlement en deux chambres AN et Sénat (modes d’élections par lois ordinaires). Rationalisation par présidents élus avec irréversibilité de mandats, saisine du Conseil const., consultation obligatoire dans certains cas . Pouvoirs réduits du Parlement. Le Gouvernement peut légiférer par voie d’ordonnances, poser la question de confiance s’il n’est pas renversé par une motion de censure. La loi votée par les deux chambres (commission mixte paritaire) ou par référendum.

Conseil constitutionnel. Juge des élections PR, législatives et référendums. Qualification législative. Consultation dans certains cas, dont l’empêchement PR.

Créations : Haute cour de justice (PR et ministres). CES.

Révision constitution sur la base art. 89 : texte voté dans les mêmes termes par les assemblées puis référendum ou 3/5 du congrès.

Evolution

24 modifications (5 + 19 depuis 92).

1962 : l’élection du Président de la République au suffrage universel direct.

Opposition du Sénat : référendum art. 11. Opposition corps constitués et « cartel des non ». 62 %. CC se déclare incompétent.

*** 1969 : rejet par référendum du projet de réforme du Sénat et de l’organisation territoriale

Effet plébiscitaire inverse.

1974 : la réforme du Conseil Constitutionnel.

DC du 16 juillet 1971 Liberté d’association . VGE donne possibilité de saisine à 60 députés ou sénateurs.

1992 : le traité de Maastricht.

Constitution compatible avec le traité sur l’Union européenne.

1995 : élargissement des possibilités de recours au référendum

2000 : le quinquennat.

Pour éviter cohabitation. Adoptée à 73%.

2003 : loi constitutionnelle relative à l’organisation décentralisée de la République

Organisation décentralisée. Référendum pouvant être décisionnel dans certains cas. Autonomie financière des collectivités territoriales, statut des collectivités d’outre-mer.

2005 : la charte de l’environnement.

Inclue dans son préambule.

*** 2005 : rejet du traité sur la constitution de l’Union européenne

Rejet par référendum.

2008 : ratification du traité de Lisbonne

Révision du titre XV de la constitution par le Congrès (560 c. 181). Loi constitutionnelle promulguée le jour même. Transferts de souveraineté par renvoi direct au traité.

2008 : Loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 sur la réforme des institutions

Comité « Balladur ». Le Parlement réuni en Congrès a adopté le 21 juillet 2008 un projet de loi constitutionnelle qui crée ou modifie 47 articles de la Constitution. Le vote a été acquis avec 539 votes favorables, le seuil d’adoption étant de 538 votes.

Les modifications les plus importantes de la loi constitutionnelles du 23 juillet 2008 sont les suivantes : limitation à deux mandats du PR, 1/5 du Parlement + 1/10 électeurs = référendum (base art. 11) sauf autosaisine du Parlement. Discours du PR devant le Congrès. Les ministres peuvent retrouver leur siège de parlementaire. QPC, etc.

>>> Trois phases : le « parlementarisme rationalisé » du début, gravement affecté en 1962 par l ‘élection du Président de la République au suffrage universel ; puis au moment des cohabitations ce que le professeur Jean-Marie Denquin a appelé la « monarchie aléatoire » à laquelle Lionel Jospin et Jacques Chirac ont tenté de remédier en instaurant le quinquennat ; enfin, depuis 2007, ce que j’ai appelé « dérive bonapartiste, tandis que Robert Badinter parlait de « monocratie » et qu’Alain Duhamel ecrivait « La marche consulaire », différentes expressions pour qualifier un régime autocratique qui prend d’ailleurs beaucoup de liberté avec les institutions.


II. DES ENSEIGNEMENYS SUR LE RÔLE DE L’ÉTAT ET L’ÉTABLISSEMENT D’UNE DÉMOCRATIE INSTITUTIONNELLE

Modèle social. Institutions idéales et possibles.

2.1. Le contexte

La décomposition sociale

Symptômes multipkes. Crises multidimensionnelles. Causes : désaffection États-nations et nationalismes, dénaturation des classes, géopolitique et mœurs, affaissement des idéologies messianiques.

Edgar Morin, Pierre Noran Alain Badiou, Alfred de Musset (Anicet Le Pors : Penfant la mue …, Éloge de l’échec).

La banalisation sarkozyste

Marcel Gauchet : « Le programme initial du sarkozysme, c’est un programme de banalisation de la France ». Pragmatisme destructeur d’anomalies : laïcité, service public, asile, intégration, collectivités territoriales, institutions. Contrefeu : campagne sur l’identité française. Double déstabilisation : décentralisation et mondialisation.

Cycle prométhéen, marqué sur la période d’un cycle trentenaire d’économie administrée (planification à la française) puis d’un autre d’ultralibéralisme qui s’achève par la crise et appelle le « retour de l’État » et pose la question des institutions.

Une VIème République ?

Le projet constitutionnel de 1989 du PCF.

Pas partisan en effet d’une VIème République pour les raisons suivantes : éclectisme, vacuité, l’événement n’est pas là.

La même argumentation pourrait être opposée aux partisans d’une Constituante.

***Le Front de gauche (FG) ne justifie pas la VIe République. Constituante distincte de l’Assemblée en exercice : confusion de légitimités. Peocessus constituant discutable (inéligibilité future des constituants ?)

2.2. Des questions à débattre

La souveraineté

Rousseau (peuple) Déclaration 1789 (nation) Vème R (La souveraineté nationale …).

La souveraineté fonde la légitimité des pouvoirs d’État. Délégations de compétences non de souveraineté. Art. 55 de la constitution. Règles de droit contournées en 2005 et défense des bases économiques.

***Il n’est pas question de souveraineté nationale dans le projet institutionnel du FG. Partant de la subsidiarité à établir entre niveaux supra-, national et infranational. Suppression de la réforme des collectivités territoriales, mais propositions peu précises.

La démocratie directe

Tout ne saurait être réglementé. Plein exercice des droits et libertés. Elargissement du droit de pétition et initiative populaire des lois. Exemple de la constitution de l’An I.

La question du référendum. Ouvert par art. 6 déclaration des droits. 46 en matière constitutionnelle. Elargissement en 1958 et après (art.11). Référendum communal en 1992 et 2003.

1. Exemples constitutionnels de 1992 et 2005. 2. Mais seulement 3 désaveux sur 24 depuis 1793. 3. O. Duhamel et Sarkozy et la Suisse 4. Matière constitutionnelle sur champ restreint.

***FG : pour la démocratie participative sans un mot pour la démocratie directe. Le FG pour le référendum sans limitation. Statut du bénévolat non défini.

La loi

Art. 6 déclaration des droits. Art. 34 sur le vote par le Parlement. Art. 99-2 sur les transferts de compétences vers l’UE introduit en 1992. Montée en puissance du CC à partir de 1971 mais défense des principes démocratiques néanmoins. Montée générale des taux d’abstention à partir de la crise de la représentation.

Détournement de l’art. 20 par le PR. Rappel des 3 phases de la constitution de 1958.

Choix du régime parlementaire. Le gouvernement est l’exécutif responsable devant le Parlement. Scrutin proportionnel. C’est le débat qui doit faire les majorités gouvernantes. Cas du FN.

***Pour le FG : initiative populaire des lois indéterminée. Suppression ou réforme ( ?) du Sénat aux compétences inchangées.

L’exécutif

Nocivité de l’élection du PR au suffrage universel : 1. Caractère césarien et plébiscitaire. 2. Pas deux sources de légitimité inégales. 3. Importance des pouvoirs et dérive autocratique. 4. Dévoiement des partis en écuries et politique spectacle. 5. résignation du citoyen, fatalité et affaiblissement de citoyenneté et de la démocratie.

Le PR doit avoir une fonction symbolique : représentation extérieure, continuité de l’État, etc. Election en collège restreint. 7 ans non renouvelables. Point central du débat institutionnel sur le rôle de l’État.

***Pour le FG : pas de remise en cause de l’élection du Président de la République au suffrage universel dont seulement les pouvoirs sont réduits. Question de légitimité non soulevée.

La citoyenneté dans ’État de droit

Renouer avec la rationalité de la IVème République. Révéler les contradictions pour un débat clair devant le peuple. Appel à la responsabilité des élus et aux majorités d’idées.

Cohérence nécessaire de l’État de droit. Séparation des pouvoirs, unité de la République, libre administration des collectivités territoriales, dualité juridictionnelle et public-privé, contrôle de constitutionnalité.

Prise en compte des niveaux supranationaux. Principe de subsidiarité démocratique. Art. 55.
Autonomie de l’État et promotion des droits de l’homme et du citoyen : valeurs-exercice-dynamique.

Une citoyenneté européenne a été décrétée par le traité de Maastricht, faible densité, de superposition.

Mise en perspective d’une citoyenneté mondiale sur la base d’une émergence de l’en-commun : valeurs universelles, superstructures et infrastructures mondiales, mouvement d’hominisation d’un monde commun.

Mais la nation est et demeure … C’est là que se situe notre responsabilité politique.

***Pas de modalités du contrôle de constitutionnalité pour le FG. La QPC existe déjà. Pour le FG : citoyenneté de résidence non définie. Citoyenneté elle-même indéterminée.

En résumé : répondre préalablement (au mot d’ordre de VIe République et de constituante) à quelques questions simples mais essentielles :

1 – quelle souveraineté et répartition des pouvoirs ? quelle subsidiarité ?

2 – quelle démocratie directe et plus particulièrement quelle place au référendum ?

3 – quelle démocratie représentative : mode de scrutin, une ou deux assemblées, légitimité ?

4 – quel exécutif et plus particulièrement quelle élection du PR et quel rôle pour le gouvernement ?

5 – quelle citoyenneté dans quel État de droit ?

Référendum liberticide

LES DANGERS DU RÉFÉRENDUM DANS LES MAINS D’UN POUVOIR AUTORITAIRE – l’Humanité, 5 mars 2012
Président de la République en tête, c’est à qui proposera aujourd’hui son référendum : sur l’immigration, le chômage, les retraites, le nucléaire, le mécanisme européen de stabilité, la moralisation de la vie publique. Il s’ensuit un manque de discernement qui peut être grave de conséquences.

Aux termes de l’article 3 de la constitution de la Ve République « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Cette rédaction, habile pour lier souveraineté nationale et souveraineté populaire, présente le défaut de réduire la démocratie directe au référendum.

La démocratie directe couvre un champ infiniment plus vaste. C’est essentiellement le plein exercice des libertés et des droits existants et la lutte pour en conquérir de nouveaux. La démocratie directe ne doit pas être excessivement réglementée : l’initiative, la compétence, le dévouement, l’engagement relèvent de la responsabilité du citoyen. Pour autant, il est possible de progresser par la loi : élargir la portée du droit de pétition, favoriser l’initiative populaire des lois par exemple. Ce ne serait pas, à vrai dire, une véritable novation : la Constitution de 1793, réputée jacobine, prévoyait déjà l’intervention des communes et des assemblées primaires des citoyens dans les départements pour l’élaboration de la loi – « Art. 59. – Quarante jour après l’envoi de la loi proposée, si, dans la moitié des départements, plus un, le dixième des assemblées primaires de chacun d’eux, régulièrement formées, n’a pas réclamé, le projet est accepté et devient loi. ».

En reconnaissant à tous les citoyens le droit de concourir personnellement à l’expression de la volonté générale et à la formation de la loi, la Déclaration des droits de 1789 ouvrait la voie aux consultations populaires. Mais on a vite pressenti et pu vérifier au cours du XIXe siècle les dangers du référendum et les risques qu’il pouvait faire courir à la démocratie dans les mains d’un pouvoir autoritaire. La Constitution de 1946 ne retenait le référendum qu’en matière constitutionnelle. La Constitution de 1958, dès l’origine, le prévoyait en son article 89 pour modifier la constitution sur la base d’un texte voté par les deux Assemblées en termes identiques. Mais elle l’envisageait également en son article 11 en ce qui concerne l’ « organisation des pouvoirs publics ». C’est sur la base de cet article que, pour tourner l’opposition du Sénat, le général de Gaulle, par une véritable « forfaiture » selon la qualification du président du Sénat de l’époque, Gaston Monnerville, et malgré l’opposition de la quasi-totalité des corps constitués – avis négatif du Conseil d’État à l’unanimité moins une voix – a fait adopter l’élection du président de la République au suffrage universel – 62 % des suffrages. En 1995, le champ de l’article 11 a été élargi à la « politique économique et sociale » ce qui permet en réalité de soumettre n’importe quelle question au référendum.

Le référendum ainsi conçu a la couleur de la démocratie, mais ce n’est pas la démocratie. Bien que les référendums sur le traité de Maastricht en 1992 et celui sur le projet de « traité établissant une constitution pour l’Europe », mis en échec le 29 mai 2005, aient été l’occasion de débats importants, il reste que, depuis 1793, seulement trois référendums sur vingt-quatre ont dit « non » à ceux qui les ont organisés (1946, 1969, 2005). Les procédures référendaires prévues au niveau local par les lois du 6 février 1992 et du 28 mars 2003 ou au niveau national par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 sont à la fois de faible portée réformatrice et aisément contrôlables par le pouvoir exécutif.

Le recours au référendum, présenté comme un appel direct au peuple est généralement d’inspiration autocratique à tendance plébiscitaire. Il dévoie le débat politique en le conduisant à s’écarter de la question posée – vote pour ou contre un homme ou une politique. Appelant une réponse binaire – oui ou non – il est peu approprié au traitement de questions complexes. Toutefois, la République laïque, ne reconnaissant aucune autorité transcendantale dans l’organisation des pouvoirs publics, doit nécessairement s’adresser au peuple pour définir la loi suprême. Le référendum doit donc être strictement réservé aux matières constitutionnelles et les dispositions de l’actuel article 11 récusées.

Il n’est pas étonnant de voir aujourd’hui Nicolas Sarkozy, fortement contesté, envisager des référendums tous azimuts. Il est ainsi dans la droite ligne de la constitution césarienne du 14 janvier 1852 de Louis Napoléon Bonaparte. J’avais caractérisé dans ces colonnes, quelques semaines après l’élection présidentielle – L’Humanité, 27 août 2007 – la « Dérive bonapartiste » du pouvoir sarkozyste. Au cours de son histoire, le parti communiste français a toujours été – sauf en matière constitutionnelle – résolument hostile au référendum en raison des risques plébiscitaires qu’il présente. Il est surprenant et inquiétant de voir aujourd’hui nombre de républicains surenchérir imprudemment face aux manipulations présidentielles. Car, comme l’a écrit le constitutionnaliste Olivier Duhamel : « Le référendum peut être liberticide : les Bonaparte en ont apporté la preuve ».

Nous, peuple souverain, sommes citoyens, non sujets européens – l’Humanité Dimanche, 18 décembre 2011

Jean-Jacques Rousseau s’efforçait de définir ainsi les citoyens dans le Contrat social : « À l’égard des sociétés, ils prennent collectivement le nom de Peuple, et s’appellent en particulier citoyens comme participant à l’autorité souveraine ». Il annonçait ainsi le transfert de la notion de souveraineté du monarque au peuple. La nation sera introduite par l’article 2 de la Déclaration des droits de 1789 : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation ». La constitution de 1793 ajoutera en son article 7 : « Le peuple souverain est l’universalité des citoyens français ». La constitution de la IVème République retiendra la notion de souveraineté nationale que l’on retrouve dans la constitution de la Vème République en son article 3 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et la voie du référendum ».

La souveraineté est une en ce qu’elle légitime l’exercice du pouvoir politique et de ses instruments (création monétaire, État de droit, politiques publiques, relations internationales). Il est courant d’en distinguer deux aspects, la souveraineté nationale et la souveraineté populaire. La première ne prétend pas à la seule représentation des citoyens existants, mais veut aussi traduire les aspirations de la continuité des générations. La seconde tend à privilégier la démocratie directe par rapport à la démocratie représentative soutenue par la première. La souveraineté ne saurait être déléguée si certaines compétences peuvent l’être. C’est dans le contexte très particulier du lendemain de la deuxième guerre mondiale que le préambule de la constitution de 1946 a prévu que, sous réserve de réciprocité, « La France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l’organisation et à la défense de la paix. ». Restera constante, par ailleurs, la règle selon laquelle « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois » (article 55 de la constitution).

La souveraineté ne saurait cependant être préservée par le seul respect formel des règles du droit positif. On a vu comment le gouvernement est parvenu à contourner par la voie parlementaire le rejet par le peuple français, en 2005, du traité constitutionnel de l’Union européenne pour aboutir à ses fins avec le traité de Lisbonne qui serait aujourd’hui complété dans les mêmes conditions. Au-delà de ces manœuvres juridiques, il y a aussi perte de souveraineté sur le plan économique. La France a abandonné à la Banque centrale européenne son pouvoir monétaire. Avec l’inscription dans les traités européens de la « règle d’or » de l’équilibre budgétaire sous peine de sanctions, elle perdrait aussi son pouvoir budgétaire, c’est-à-dire la conduite de l’ensemble des politiques publiques et, par là, serait mise en cause l’existence même de ses services publics et la notion d’intérêt général qui fonde leur existence. Y compris en ce qui concerne le problème de la dette, la France perdrait la maîtrise de sa gestion sous couvert de coordination des politiques budgétaires et financières soumises aujourd’hui au diktat des marchés financiers mondiaux et de leurs agences de notation dépourvus de toute légitimité politique. La souveraineté, c’est donc aussi la reprise en mains par la nation de sa politique économique : le Japon est deux fois et demie plus endetté que la France et pourtant il ne connaît pas les tourments européens pour la simple raison que les titres de la dette japonaise sont possédés, non par les marchés financiers mondiaux, mais par … les Japonais.

L’abandon de la souveraineté c’est aussi, pour le pouvoir sarkozyste, l’occasion de mettre la France aux nomes exigées par l’ultralibéralisme prévalant au sein de l’Union européenne. La souveraineté nationale et populaire a permis : un service public occupant un quart de la population active, un système de protection sociale basé sur la solidarité, un principe de laïcité fondant la responsabilité civique, un modèle d’intégration établi sur le droit du sol, une démocratie locale aux multiples foyers. Ce sont pour le pouvoir actuel autant d’ « anomalies » qu’’il veut supprimer. Comme l’écrit le philosophe Maecel Gauchet : « Le programme initial du sarkozysme, c’est un programme de banalisation de la France ». À l’inverse, la défense de la souveraineté nationale c’est, pour le peuple français, le moyen de se réapproprier son histoire, la démarche rationnelle et la morale républicaine.