Rencontre d’été de l’Union des sociétés bretonnes de l’ile de France, sous la présidence d’Anicet Le Pors
Si cette rencontre a été placée sous le thème de la défense des services publics, c’est que la Bretagne, comme toutes les régions françaises, est très directement concernée par la place qu’ils occupent dans la vie régionale et nationale, les difficultés qu’ils rencontrent en ce moment et l’action que requiert leur défense.
La Bretagne est aujourd’hui une région développée, dynamique. Elle l’est notamment en raison de la place qu’y tiennent les services publics. Je terminais un récent article dans la publication de l’Union Bretagne-Ile de France par cette expression d’Yves Le Gallo qui parlait de la « ruée vers l’instruction » des cinquante dernières années dans le Léon comme cause de cet essor, avec en particulier la création de l’Université de Bretagne Occidentale (UBO) en 1970. La remarque vaut évidemment pour toute la Bretagne où l’Éducation nationale a joué un rôle essentiel dans l’élévation du niveau global d’instruction. Mais on pourrait en dire autant des services publics de la santé, des transports, de la poste, de la justice, de l’administration générale, qu’il s’agisse des services publics de État ou des collectivités territoriales. À quoi il convient d’ajouter les activités des entreprises publiques d’EDF, GDF, de constructions navales ou encore de télécommunications. Au total, si la région Bretagne représente 4 % de la population française, elle dispose de 4,8 % des fonctionnaires, et 6,5 % si l’on considère les 5 départements bretons. 325 000 fonctionnaires (dont 30 000 militaires) y travaillent dans les fonctions publiques de l’État, territoriale ou hospitalière créées statutairement en 1983-1984-1986. Mais l’importance des services publics de Bretagne ne se mesure pas seulement par des chiffres. Qu’il me soit permis de souligner ici le rôle de l’école publique dans l’affirmation du principe de laïcité qui demeure une question cruciale. Celui des administrations civiles et militaires dans l’expression de la citoyenneté et la conception de l’intérêt général, de la promotion de l’État de droit. Ainsi, outre de nombreux hauts fonctionnaires et d’éminents juristes issus de la région, sait-on que l’un des grands arrêts parmi les plus connus du Conseil d’État porte le nom d’Institution Notre-Dame du Kreisker ? Il date de 1954, il s’agissait du Kreisker de St Pol-de-Léon.
Or, nul n’ignore que de fortes inquiétudes pèsent aujourd’hui sur ces services publics. On s’est félicité dernièrement de constater que la Bretagne était relativement épargnée par la restructuration de la carte militaire qui prévoit une réduction de 54 000 postes au niveau national : « L’Ouest limite la casse » titrait Le Télégramme le 25 juillet. Mais c’est surtout parce que la Bretagne a déjà beaucoup donné – je veux dire plutôt, beaucoup perdu – dans le secteur avec, depuis longtemps, le déplacement de la flotte à Toulon et le démembrement des activités de construction et de réparation navales notamment. Dans la plupart des autres services publics, on doit évoquer les réductions du nombre de classes et de personnels enseignants dans plusieurs établissements, les effets désastreux de la carte judiciaire, ou de la carte hospitalière dans tous les départements bretons ; dans ce dernier secteur, non seulement à Carhaix qui a focalisé l’attention dans la dernière période, mais aussi à Dinan, Quimperlé, Concarneau, Douarnenez ou Guingamp dont le pôle de soins est menacé par la concurrence d’un projet de clinique polyvalente privée près de Saint Brieuc. À cela il convient d’ajouter les menaces de privatisation qui pèsent désormais sur le réseau routier des voies expresses bretonnes depuis la déclaration, il y a quelques semaines, du PDG de Cofiroute, proposant d’étendre à ces voies le régime de la concession de leur gestion ce qui entraînerait l’institution de péages. Ce serait alors la fin de la spécificité bretonne qui, comme d’autres régions excentrées exige, dans le cadre d’un aménagement équilibré du territoire, que l’on reconnaisse que l’application même du principe d’égalité ait comme conséquence que des mesures spécifiques soient prises en compensation de handicaps liés à l’enclavement de la région. Ce sont là les traductions bretonnes d’une politique menée au niveau national dite « Révision générale des politiques publiques (RGPP) ». Son objectif est de réduire les dépenses publiques et de remplacer les règles de l’intérêt général et du service public par celles du marché dont on sait, par expérience, qu’elles accentuent les inégalités. Cela est inadmissible pour des services publics dont la vocation est de servir les besoins essentiels de la population, de servir l’intérêt général.
Mais il n’y a là rien d’une fatalité. Il est possible de faire échec à cette dérive ; la preuve en a été apportée par Carhaix, où une puissante mobilisation populaire, entraînant la participation d’élus de tous bords, y compris de membres de la majorité présidentielle actuelle, est parvenue à empêcher la fermeture des services de maternité et de chirurgie de l’hôpital. Cette action rejoint celle conduite pour mener à bien, par priorité du plan routier breton, la mise à deux fois deux voies de la RN 164, l’axe routier central de la Bretagne que cofinancent les collectivités territoriales et l’État pour continuer de garantir, dans les meilleures conditions de service public, la gratuité d’usage des voies routières en Bretagne. Elle rejoint également l’action dans laquelle l’Union des sociétés bretonnes de l’Ile de France s’est impliquée : trouver une solution technique et manifester une volonté politique de mettre Brest et Quimper à 3 heures de Paris par transport ferroviaire, action qui a connu un premier succès important le 29 juillet avec la signature de l’engagement financier de l’État à hauteur d’un milliard d’euros sur le projet permettant de mettre Quimper et Brest à 3 h 08 de Paris à partir de 2014, les travaux commençant en 2010. Nous sommes donc tout près du but et je veux souligner, à ce sujet, l’action de Gérard Lahellec, vice-président de la Région en charge des transports, dont le rôle a été déterminant en cette affaire. Pour autant, cet exemple nous montre aussi, que même en comptant que de nouvelles forces vont se lever dans la région pour défendre les services publics qui s’y trouvent, il faut bien avoir conscience que la Bretagne ne sauvera pas toute seule ses services publics. Puisque leur mise en cause est nationale, la réaction doit être nationale et les Bretonnes et les Bretons, où qu’ils se trouvent, en Bretagne comme en Ile de France, doivent conjuguer leurs efforts – comme nous le faisons en réalité aujourd’hui – pour qu’une politique de développement et non de régression des services publics soit mise en place, ce qui implique que les fonctionnaires et les agents des entreprises publiques soient confortés dans une position statutaire et réglementaire et non contractuelle. Et ceci, non seulement pour défendre ce qui existe, dont j’ai dit les qualités, mais pour porter à un niveau encore plus élevé la satisfaction des besoins fondamentaux de la population en mettant en oeuvre les techniques les plus développées après un débat démocratique. Ma conviction est que pour la Bretagne, pour la France et pour le Monde, le XXI° siècle pourrait être et devra être « l’âge d’or » du service public.
Déjà, un fort mouvement s’est mis en marche depuis le printemps dernier avec le lancement d’une pétition sur le thème : « Le service public est notre richesse ». Cette pétition – comme à Carhaix – a été lancée par une soixantaine de personnalités d’horizons très divers. Elle a recueilli pour le moment plus de 60 000 signatures et sera prolongée par de nombreuses initiatives publiques au cours des prochains mois, afin de donner au mouvement toute l’ampleur nécessaire. Je vous invite à la signer et je souhaite que l’Union des sociétés bretonnes de l’Ile de France s’associe elle-même, en tant que telle, à cette action (1).
(1) Pour tout contact : contact@service-public-notre-richesse.fr ainsi que http://www.service-public-notre-richesse.fr