Hommage à Marcel RIGOUT

DSC_0240Allocution de Claude Poperen, lors des obsèques de Marcel Rigout

à Pierre Buffière le 27 août 2014

 

Messieurs les Ministres, Monsieur le Préfet,

Mesdames, Messieurs les élus,

Chers amis, chers camarades,

Chère Danièle,

 

 

Nous sommes réunis pour rendre hommage à l’homme d’Etat, l’homme de courage, l’homme de fidélité que fut notre ami et camarade Marcel RIGOUT, un homme dont on est fier d’avoir été l’ami des bons et des moins bons moments, fier d’avoir partagés avec beaucoup d’autres des périodes difficiles, mais aussi des périodes de joie et de succès.

Marcel fut avec Charles FITERMAN, Anicet LE PORS et Jack RALITE ministre dans les deux gouvernements de Pierre MAUROY sous la présidence de François MIETTERAND.

Ils furent des ministres dont la République peut s’honorer, formés dans le souci d’être au service des citoyens de ce pays, mettant leur expérience, leur énergie, leurs connaissances au cœur des décisions qu’ils avaient à prendre, défendant leurs convictions dans un contexte qui ne leur était pas toujours favorable.

Pierre MAUROY confia à Marcel RIGOUT la responsabilité de la formation professionnelle des jeunes.

Il fut un précurseur et un pionnier dans la mise en place de la formation par l’alternance. Il décida de l’obligation de négocier les plans de formation et de l’extension à tous les salariés du congé individuel de formation.

Il le fit avec la détermination d’aider des centaines de milliers de jeunes : 300 000 à accéder au BTS et au CAP et contribua à l’embauche de 300 000 autres, grâce à la loi du 24 février 1984 portant réforme de la formation continue.

Ouvrier professionnel, formé à l’A.F.P.A.(1), il savait le soin qu’il faut apporter pour permettre à l’homme, au jeune d’avoir confiance en soi, de s’épanouir dans sa formation, son métier, de le faire avec sérieux et même avec amour.

Homme d’état, il avait acquis une riche et longue expérience d’élu en terre limousine lui, le fils de scieur de long, dernier enfant d’une famille nombreuse et modeste.

(1) Association pour la formation professionnelle des adultes

Conseiller général ici à Pierre-Buffière puis vice-président du Conseil général, Conseiller régional, député de 1967 à 1968, de 1973 à 1981, puis de nouveau de 1986 à 1988 après avoir quitté le gouvernement.

Il fut vice-président du groupe communiste à l’Assemblée nationale et membre entre autre de la commission d’enquête sur l’information publique. Il a été un des piliers de ce groupe durant de longues années.

Ses liens ténus avec sa terre natale, sa connaissance de l’agriculture, plus particulièrement de l’élevage, sa connaissance des préoccupations des travailleurs de la terre, en firent un porte-parole reconnu des aspirations et des besoins d’une grande partie de la population de ce département et de cette région.

C’est donc tout naturellement que lors de sa nomination au Conseil économique et social de l’époque, il fut membre de la section agriculture et alimentation, prenant en compte également l’environnement.

Tout au long de ses mandats et de sa vie politique, il s’efforça d’allier la fermeté pour défendre les positions de son parti, les idées auxquelles il était attaché, et les nécessaires efforts pour réaliser, maintenir, développer le rassemblement des forces démocratiques, l’union des forces de gauche.

La vie de Marcel RIGOUT est marquée par le courage. Il en fallait à 15 ans en 1944 pour s’engager dans la Résistance, dans les rangs des F. T. P. puis dans les rangs des clandestins du PCF.

Embauché dès 1945 à l’Arsenal de Limoges, il en fut licencié en 1951 pour activités syndicales et politiques. C’est donc ensuite qu’il fit sa formation à l’A.F.P.A. C’était formation professionnelle et activité politique.

Dès 1948, il est élu au Comité fédéral du P.C.F., tout en consacrant une large partie de son activité politique à l’U.J.R.F. (2), organisation regroupant de jeunes communistes, mais aussi au lendemain de la libération et de la guerre, de jeunes antifascistes, progressistes, républicains. Cette organisation durement frappée en 1952 par ce qu’on appela « le complot des pigeons » l’injustifiable et ridicule « complot » vit sa direction nationale décapitée. Certains de ses responsables furent arrêtés et emprisonnés près d’une année, d’autres contraints de plonger ou replonger dans la clandestinité.

C’est alors qu’il fut demandé à Marcel de –comme on le dit- « monter à Paris » et

(2) Union des Jeunesses Républicaines de France

de s’atteler avec quelques autres responsables de province et de la région parisienne avec ténacité à la reconstitution d’une direction nationale de l’U.J.R.F.

C’est à cette époque que nous nous sommes rencontrés.

Marcel poursuivait ainsi l’engagement qu’il avait embrassé dès 1944 : le combat pour la liberté, pour la démocratie, la justice et le progrès, pour un monde sans guerre.

Objectifs combien ambitieux au regard de la dure réalité que nous connaissons aujourd’hui aussi bien dans notre pays que dans le monde.

Objectifs ambitieux mais qui connurent des succès. Cela prouve que l’ambition en politique ne relève pas de l’utopie, mais de la clairvoyance, du courage, de la volonté, de ce que nous appelons la lutte ou le combat.

Après cette période d’activité au niveau national, Marcel revint au pays.

Il devient rapidement le secrétaire fédéral du PCF en Haute-Vienne, secrétaire d’une fédération les plus solidement implantées pour une large part en milieu rural. C’est dans ces années, dès 1960, que Marcel devint directeur politique de « l’Echo du Centre ».

Je crois que l’on peut dire, sans exagération, que « l’Echo » fut une grand part de sa vie et que en retour la vie et la survie du journal sont liées aussi pour une grande part à l’activité et l’attachement de son directeur.

En 1959, une décision venant d’en haut, découlant des difficultés financières, entraîna la suppression de nombreux quotidiens régionaux, issus pour la plupart de la Résistance et se situant dans la mouvance progressiste et communiste.

Marcel et ses camarades de la Haute-Vienne mais aussi ceux des départements voisins dans lesquels « l’Echo » était diffusé firent preuve de clairvoyance. Ils mesurèrent que la disparition de cette presse contribuerait au recul de la l’influence des idées démocratiques et de progrès.
Ils avaient vu juste. Ils relevèrent le défit que représentait le maintien de ce quotidien et prirent à bras le corps les décisions qui s’imposaient :

  • Mise en place d’un système de démarchage systématique et constant ;
  • Soutien financier par une collecte de fonds auprès d’une population aux revenus modestes mais dont l’attachement au pluralisme de la presse et à la démocratie restait vivace.

Marcel RIGOUT était aussi l’homme de la fidélité, de la loyauté, fidèle à ses engagements de jeunesse, loyal avec ses camarades et ses amis, y compris avec ses adversaires politiques, respectueux des décisions prises, s’efforçant, ce qui hélas n’est pas toujours le cas, de mettre ses actes en conformité avec ses idées et ses propos.

Après beaucoup d’autres et avant beaucoup d’autres, il demanda un changement d’orientation et de fonctionnement du PCF, parti auquel il était viscéralement attaché depuis des décennies, une prise de distance avec la politique de l’Union Soviétique. Comme beaucoup d’autres, il ne fut pas écouté mais au contraire il devint rapidement suspect, mis en cause de façon malsaine, mis de façon déloyale sur la touche.

Son intervention lucide à Rome en juin 1984 portant sur la démarche que je viens de rappeler, se résuma pour la majorité de la direction du PCF comme une atteinte à l’autorité du secrétaire général.

A l’occasion d’un changement de gouvernement la décision est prise que les ministres communistes doivent partir.

Cela évitait toute analyse sérieuse des causes des difficultés.

Tout propos contestataire fut interprété comme une pression de l’extérieur du « château », c’est-à-dire de l’Elysée avec je cite « ses relais à l’intérieur ». La théorie du complot renaissait.

Marcel RIGOUT et moi partirent au même moment sans même nous être concertés. Nous nous connaissions, je l’ai dit, depuis 1953 à l’U.J.R.F.

Responsable de cette organisation à la Régie Renault à Billancourt, Marcel me fit venir un soir à la sortie du travail rue Humblot, au siège National. Il me demandé de rejoindre la direction, ce qui, bien entendu, ne se refusait pas. Depuis, malgré l’éloignement géographique, nous étions restés proches dans la démarche politique et nous eûmes de multiples occasions de confronter nos idées, d’échanger nos expériences, nous efforçant de tirer dans le même sens.

Lorsque que l’Arsenal de Limoges ferma et que le site fut repris par la SAVIEM, filiale de la Régie Renault, Marcel me demanda en tant que secrétaire du syndicat à la Régie Renault de venir rencontrer les syndicalistes CGT. Avec eux nous étions appelés à travailler ensemble face à « l’état patron » selon la formule de l’époque.

Nous nous sommes retrouvés ensuite aux sessions du Comité central dans lesquelles siégeait bien avant moi Marcel.

J’ai beaucoup appris à son contact. Il faut savoir porter un jugement raisonné, lucide, et modeste sur le cours de nos activités, sur notre vie politique, sur nos engagements. Notre sortie de la direction du PCF ne nous découragea pas.

Avec d’autres militants au niveau national, beaucoup de militantes et de militants de Haute-Vienne, nous avons créé ADS pour tenter d’influer sur le cours et la vie du PCF, tout en affirmant notre totale indépendance.

Chers amis et camarades,

Toute la vie de Marcel RIGOUT fut marquée par le respect des valeurs de la République, les valeurs inculquées par l’école de la République. Celle-ci est sans doute une des plus belles conquêtes de la démocratie, un bien précieux à préserver. Ce sont la fidélité aux valeurs de la République, à l’amour du travail bien fait, à sa loyauté en toute circonstance, au courage de ses engagements qui lui valurent l’attribution

  • de la croix du combattant 1939-1945,
  • de la croix du combattant volontaire de la Résistance,
  • la nomination dans l’ordre de la Légion l’honneur.

A Danièle, sa compagne qui de longues années, fut de tous ses combats dont Marcel disait avec beaucoup d’amour et une pointe d’humour ces derniers temps, « elle est mon bâton » à son fils Alain, à ses petits enfants Marie-Céline et Bastien, à Corinne, à toute sa famille et à tous ses proches, je voudrais dire au nom de toutes celles et ceux qui ont connu et apprécié Marcel, nous partageons votre peine, votre deuil et nous vous assurons de toute notre amitié.

Nous vous embrassons.

Au revoir mon ami, mon camarade.

 de d a g  popren sylvain halbeher treppo

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