Les services publics
L’intervention liminaire à cette rencontre avait comme contenu une version proche de celle de la rencontre de Grigny que l’on trouvera ci-dessous. Cinq questions ont été posées par les organisateurs avant le débat avec la salle. Les éléments de réponse sont donnés ci-après.
- Pourquoi un statut général des fonctionnaires ?
On parle de personnels à statuts de manière globale en considérant les fonctionnaires et les salariés des entreprises publiques. Mais le statut des premiers est législatif, celui des seconds est réglementaire (décrets complétés par des conventions collectives). Le nombre d’agents publics couverts par des statuts varie beaucoup d’un pays à l’autre quand bien même la proportion d’agents publics dans la population est du même ordre de grandeur. La raison pour laquelle les fonctionnaires sont, en France, couverts par un statut général des fonctionnaires inscrit dans la loi est que les fonctionnaires servant l’intérêt général doivent voir les règles qui les régissent situées au plus au niveau de la hiérarchie des normes, c’est-à-dire par la loi. C’est la garantie pour la population d’une neutralité et d’une impartialité des décisions administratives. C’est pour le fonctionnaire une protection contre l’arbitraire administratif, les presions économiques et politiques. Pour être responsable le fonctionnaire doit être un citoyen à part entière et, pour cela, disposer de garanties de carrière. C’est aussi pour cela que le statut général est fondé sur les principes d’égalité d’accès, d’udépebdance par la séparation du grade et de l’emploi, de responsabilité.
- Comment faire progresser la démocratie dans la fonction publique ?
La démocratie dans la fonction publique est dépendante de son état dans la société toute entière. Elle est liée aux aspirations les plus hautes relevant de l’intérêt général. Elle est conditionnée par les quatre choix qui ont présidé à l’élaboration du statut fédérateur de 1983 approfondissant et étendant les dispositions du statut fondateur de 1946 : choix du fonctionnaire-citoyen contre le fonctionnaire-sujet ; choix du système de la carrière contre de l’emploi ; équilibre entre unité et diversité ; référence à des principes républicains ancrés dans l’histoire. Le statut de 1946 avait instrauré des comités techniques paritaires (CTP), des commissions administratives paritaires (CZP) et reconnu le droit syndical. Le statut de 1983 a développé ces instances et approfondi les garanties : décrets sur les CTP, CAP, CSFP, CHS, droit syndical par décrets du 28 mai 1982, reconnaissance de la capacité de négociation aux organisations syndicales, de la liberté d’opinion, du droit de grève dans le statut lui-même, etc.. Depuis, nombre de ces dispositions ont été réduites ou dénaturées. A noter que souvent les droits existants ne sont pas effectivement ou pleinement utilisés, c’est le cas, par exemple, du droit à l’heure mensuelle d’information syndicale.
3 Comment améliorer les relations entre fonctionnaires te les usagers
La conception selon laquelle il y aurait deux catégories : d’un côté les fonctionnaires, de l’autre les usagers est évidemment erronée, tout simplement parce que tous les fonctionnaires sont aussi des usagers. Cela dit il est bien évident que la vocation des fonctionnaires est de répondre à la satisfaction des besoins sociaux fondamentaux de la population. Le statut général, par exemple, prévoit de leur part un devoir d’informer les usagers. Il est donc indispensable d’écouter les usagers pour améliorer le service public et des instances peuvent être mises sur pied à cet effet, des comités d’usagers par service public, par exemple. Mais ceux-ci n’ont pas la même utilité selon le niveau auquel ils sont organisés. Personne ne peut contester l’utilité d’une représentation des parents d’élève en milieu scolaire. De même peut être très utile un comité d’usagers d’un bureau de poste ou d’une ligne de bus. Mais leur existence à des niveaux plus élevés et a fortiori au niveau national peut poser des problèmes de légitimité vis-à-vis des élus et des fonctionnaires dont les statuts sont définis par la loi. Il convient donc de se garder de toute démagogie à ce sujet car souvent l’invocation des usagers dissimule en réalité une contestation de principe des fonctionnaires.
- La comparaison vécue comme un privilège avec les salariés du secteur privé a-t-elle des justifications ?
On parle souvent de privilégiature s’agissant de la fonction publique et des fonctionnaires. S’ils disposent de garanties que justifie le service de l’intérêt général et la nécessité d’une administration neutre et efficace, les fonctionnaires ne sont pas des nantis et il y a beaucoup de précarité dans la fonction publique et des garanties moindres pour les contractuels qui représentent 19% des effectifs. En réalité, l’injustice ce n’est pas que les fonctionnaires soient trop protégés, c’est que les salariés du secteur privé ne le soient pas suffisamment. A juste raison la CGT réclame pour eux une sécurisation des parcours professionnels, une véritable sécurité sociale professionnelle. Dans la hiérarchie des normes, il faut faire remonter toutes les situations vers le haut, c’est-à-dire vers un renforcement des bases législatives pour tous. Une réforme démocratique du code travail doit organiser un nouveau statut législatif des travailleurs salariés du secteur privé.
- Quelle différence entre service public et secteur public ?
Le secteur public concerne les entreprises, le service public les voies et moyens de la réponse aux besoins fondamentaux de la population. Ainsi ; à titre d’exemple, la SNCF et la RATP sont des entreprises faisant partie du secteur public des transports pour le service public des transports terrestres de voyageurs et de marchandises. Ce service a d’ailleurs été réglementé en 1982 par une loi d’organisation des transports intérieurs, dite la LOTI, qui prévoyait un véritable droit au transport pour les citoyens. Mais cette question de vocabulaire recouvre aussi une question de fond très négligée aujourd’hui : celle de la propriété publique. Le slogan des années 1970 « Là où est la propriété, là est le pouvoir ! » est oublié. Si l’on peut considérer que les nationalisations de 1982 a été un échec en dépit d’une définition juridique convenable, c’est en raison, d’une part de la perte de finalités de politique économique consécutive au « tournant libéral » du printemps 1983, d’autre part de l’impossibilité d’intervention des travailleurs dans la gestion ; les droits correspondants n’ayant pas été acquis. Depuis l’idéologie managériale tente de dissocier la question de la propriété publique de celle de la gestion, comme s’il pouvait y avoir des services publics « hors sol » ! Il n’y aura pas de transformation sociale fondamentale sans que soit à nouveau traitée cette question de la propriété publique, question politique majeure.