Le Centre départemental de gestion de Haute-Garonne a organisé le 30 septembre dans les locaux de la Dépêche du midi de Toulouse une table ronde sur le thème indiqué ci-dessous. Après une introduction de la Présidente Madame Sandrine Giel-Gomez, sont intervenus : Clémence Lapuelle avocate, Irène Gaillard maître de conférence, Laurent Rey consultant, Adrien Cazako dirigeant d’entreprise. Anicet Le Pors grand témoin devait faire la conclusion dont on trouvera ci-après un résumé.


« Quel service public territorial en 2030 ? »
J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt les différentes interventions de la table ronde, contributions positives et dynamiques sous le thème proposé de l’avenir de la fonction publique territoriale : sociologie du travail, éducation, ergonomie, management des organisations publiques et privées, transformations digitales, droit de la fonction publique. À ce sujet je voudrais apporter une information : aujourd’hui même se tient une réunion importante du conseil supérieur commun des trois fonctions publiques pour qu’il formule un avis sur le projet de code de la fonction publique qui intègre à droit constant les quatre lois de 1983-1986. Pour des raisons tenant à la nocivité de la loi du 6 août 2019 modifiant le statut et en raison des conditions de la concertation, une partie des organisations syndicales a refusé de participer à cette réunion, les autres y ont participé en récusant le projet. Tel est aujourd’hui l’état des lieux.
Témoignages
Convoqué dans ce débat comme grand témoin j’évoquerai de simples constats qui me semblent significatifs de l’évolution sur la période.
Avant 1983 les agents publics des communes se eux vivaient en position humiliante par rapport à leurs homologues de l’État. Ils se disaient souvent eux-mêmes « assimilés fonctionnaires ». Couverts par le nouveau statut ils sont alors reconnus fonctionnaires de plein droit. Malheureusement, la majorité des fonctionnaires territoriaux étant féminine et classée en catégorie C . Ils ont subi particulièrement les effets des politiques d’austérité et la précarité les a gravement pénalisés. Pour autant la fonction publique territoriale a trouvé sa place, notamment grâce aux centres départementaux de gestion.
Le contraste entre le début et la fin de la période est particulièrement fort s’agissant du rôle des organisations syndicales. Après des centaines d’heures de discussions et en dépit au départ d’hésitations et de réserves, toutes les organisations syndicales auxquelles le statut avait reconnu leur droit à la négociation ont soutenu le statut. Aujourd’hui, toutes les organisations syndicales sont opposées à la politique de l’exécutif dans la fonction publique, notamment sa politique statutaire.
Beaucoup d’élus s’inquiétaient des répercussions possibles des réformes engagées au début des années 1980 et notamment des effets du nouveau statut sur leurs compétences. Au fil du temps ils ont pu être rassurés en constatant que le statut conférait une sécurité juridique à l’exercice de leurs prérogatives et je ne reçois plus de doléances à ce sujet. Au contraire j’ai rencontré une compréhension chez les élus lors des assemblées des centres de gestion et du congrès de la Rédération nationale des centres de gestion en 2018 sous la présidence de Michel Hirriart. Je me suis aussi toujours trouvé en accord avec Philippe Laurent maire UDI de Sceaux qui a présidé pendant de nombreuses années le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Je note aussi le désaccord manifesté par toutes les associations d’élus locaux vis-à-vis de la politique territoriale de l’exécutif.
Enfin, je rappellerai que le Parlement d’alors avait approuvé toutes les réformes proposées. J’ai même pu espérer un moment que le statut nouveau pourrait, comme en 1946, être adopté à l’unanimité de l’Assemblée nationale. Ce ne fut pas le cas pour des raisons de tactique politicienne, mis plusieurs députés de l’opposition le votèrent néanmoins.
Réalités
On ne peut avoir l’ambition de dire l’avenir du service public territorial en 2030 sans s’interroger préalablement sur la réalité multidimensionnelle de la fonction publique.
La fonction publique, une réalité historique. Le statut fondateur de 1946 a fait le choix du fonctionnaire-citoyen responsable contre la conception du fonctionnaire-sujet qui avait prévalu durant le XIXe et la première moitié du XXe siècle. Le statut fédérateur se 1983 a fait le choix du système de la carrière pour tous contre celui de l’emploi lié au seul métier, la recherche d’un équilibre entre unité et diversité, le choix de fonder la fonction publique « à trois versants » sur des principes ancrés dans l’histoire : égalité, indépendance, responsabilité.
La fonction publique, une réalité collective. Comme la crise sanitaire l’a bien montré le service public c’est un ensemble de travailleurs collectifs représentant 25% de la population active en France. Toute réforme importante implique donc un large accord des fonctionnaire et l’appui par la négociation de leurs organisations représentatives. C’est dans ces conditions qu’une codification aurait un sens, la matière législative ayant été préalablement épurée des dénaturations des quatre dernières décennies.
La fonction publique, une réalité structurelle. Au service de l’intérêt général elle doit en permanence s’adapter aux évolutions, : besoins sociaux, technologies, cultures, territoires, relations internationales, etc. Cela doit conduire à une révision générale du classement des qualifications et des grilles indiciaires correspondantes. Ce n’est qu’à cette condition que l’on peut réaliser une gestion prévisionnelle sérieuse des effectifs et des compétences alors que ces structures n’ont pas changé depuis des dizaines d’années que l’on pourra donner sens à la mobilité et à l’adaptabilité grâce à un système de formation continue de grande ampleur.
La fonction publique, une réalité de long terme. Les grandes fonctions du service public (éducation, santé, recherche, sécurité, défense…) ne peuvent être définies que sur le long terme. Ainsi est-il nécessaire de faire des hypothèses rationnelles sur ce que devront être les effectifs et les compétences des enseignants à échéance de dix ou vingt ans. Or la fonction publique demeure sous la contrainte du principe de l’annualité budgétaire et gérée en fait par la direction du Budget. Il y a peu la fonction publique avait même disparu des intitulés ministériels et ses services intégrés au ministère des comptes publics, conception archaïque aberrante, le service public ainsi réduit à un coût comptable. Une remiseen cause complète doit donc être opérée.
