Gala de l’Association des anciens élèves des Instituts régionaux d’administration (IRA) – 2022

Hôtel de ville de Paris – 2 avril 2022

Je vous remercie Monsieur le président Laurent Bornia ainsi que votre équipe de m’avoir invité à parrainer ce gala 2022 de l’Association des anciens élèves des Instituts régionaux d’administration (IRA). J’en suis honoré et je peux vous le dire avec sincérité très heureux de cet honneur que vous me faites car, sans doute pour me garder d’un certain élitisme, j’ai un attachement particulier pour ce moyen de recrutement et de formation des cadres de la fonction publique. J’ai traduit cette inclination pendant ma période ministérielle en posant la première pierre de l’IRA de Lyon en 1981, en inaugurant les nouveaux locaux de l’IRA de Bastia  début 1982, ceux de Lille en 1984. Et aussi, en donnant des conférences à l’IRA de Metz et en y célébrant le 30e anniversaire du statut général des fonctionnaires de 1983  avec le premier ministre  Jean-Marc Ayrault. J’ai aussi visité l’IRA de Nantes., Je justifie depuis mon intérêt pour les IRA  en raison de leurs caractéristiques propres : une base de recrutement décentralisée et socialement diversifié, un niveau de qualification initiale élevé comparable à celui exigé dans les autres écoles pourvoyant la haute fonction publique, un esprit de service public soucieux du travail de terrain et de proximité pour répondre aux besoins des populations. Bref, des marques d’authenticité susceptible de définir un véritable modèle.

Ces appréciations générales doivent évidemment être replacées dans le contexte actuel. Je note préalablement pour m’en réjouir que si l’École nationale d’administration (ENA) a été supprimée, les IRA ne l’ont pas été. Je ne m’avancerais pas cependant pour croire qu’il s’agit là d’un hommage au modèle IRA. Plus généralement la codification du statut général des fonctionnaires qui vient d’intervenir a intégré aux lois de 1983–1984–1986 déjà profondément dénaturées, la loi  dite de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 qui tend à  consacrer l’alignement du public sur le privé dont je tiens à dire que je le désapprouve. Malgré cela, je reste optimiste sur l’avenir de la fonction publique. J’ai même annoncé récemment dans un livre que le XXIe  siècle connaîtrai probablement un « nouvel âge d’or » du service public, et ceci pour les raisons suivantes. D’abord, sur le très long terme, l’existence de tendances lourdes : une sécularisation et une autonomisation de l’appareil d’État, une extension constante de la sphère administrative, ; une socialisation croissante des financements publics pour répondre à des besoins sociaux en forte expansion et maintenir la cohésion sociale ; une maturation des concepts d’intérêt général, de service public, de fonction publique. Ensuite, sur le moyen terme écoulé, on peut relever que rares sont les personnalités politiques qui proposent aujourd’hui des réductions d’effectifs de fonctionnaires ni même des réductions des crédits affectés aux services publics, des catégories de salariés des services publics ont fait, dans la pandémie, la démonstration de la nécessité de leur reconnaissance, notamment dans les services de santé, d’assistance sociale, d’éducation, de services de proximité, etc. Enfin, pour toutes ces raisons ce que nous venons de vivre porte enseignement pour l’avenir proche et lointain à partir d’un constat qui peut étonner dans toutes ces vicissitudes : le statut général continue d’exister ce qui pose la question de son évolution nécessaire..

C’est donc bien un message de confiance rationnellement fondé que j’ai  souhaité livrer en tant que parrain de ce gala. Cela suppose que l’on ait une claire conscience de la réalité de la fonction publique. La réalité de la fonction publique c’est celle d’un effort collectif qui suppose le respect du droit à la négociation prévu par le statut. La fonction publique c’est une réalité structurelle pour permettre  une gestion prévisionnelle des effectifs et des qualifications. La fonction publique est une réalité de long terme qui ne peut être conduite par le principe d’annualité budgétaire. Il est donc impératif de réaliser des progrès que je mentionne à titre indicatif : théoriques dans l’approfondissement, par exemple, de la notion d’efficacité sociale et de périmètre des services publics ; juridiques, notamment en précisant de manière opérationnelle les concepts de mobilité et de responsabilité du fonctionnaire ;  professionnels, en enrichissant les méthodes dans le domaine de l’action publique sur des bases rationnelle et participative. Dans tout cela, rien à voir avec le « nouveau management public » qui tente de transposer du privé au public des méthodes inadéquates parce que la mesure de l’efficacité sociale d’un service public est d’une exigence méthodologique bien supérieure à celle de l’entreprise privée, car elle est multidimensionnelle dans le service de l’intérêt général. Adossé au statut, le modèle IRA, en raison des caractéristiques mentionnés précédemment me semble au contraire constituer la base d’où pourrait émerger, jusqu’aux niveaux les plus élevés, une nouvelle haute fonction publique pleinement efficace et républicaine. Dans cet esprit et cette perspective je vous souhaite bon courage.

Anicet Le Pors

Ancien ministre de la Fonction publique 

et des Réformes administratives 

Conseiller d’État honoraire