Contre la république « bonapartiste » – PCF, Assemblée nationale 6 décembre 2007

À l’origine la question posée était : « Transformer les institutions, est-ce une condition du changement ? ».

Ma réponse est : non. Les mutations institutionnelles interviennent comme consécration de changements politiques et non l’inverse. Les institutions ne sont pas tout l’État de droit et l’État de droit n’est pas toute la société.

Il convient donc de conserver sa spécificité au débat sur les institutions et de ne pas le noyer dans des considérations humanitaires ou relatives à la démocratie en général ou à la citoyenneté qui, pour être tout aussi importantes, sont parfois utilisées pour éviter de prendre ses responsabilités sur les questions institutionnelles.

Le travail sur les institutions doit être important et permanent, car les institutions résument une conception de l’organisation des pouvoirs : césarienne comme la constitution du 14 janvier 1852, démocratique comme la constitution du 24 juin 1793. En 1989, le PCF avait adopté un Projet constitutionnel complet précédé d’une Déclaration des libertés qui faisait le point sur l’ensemble des questions institutionnelles. Les principes sur lesquels il était fondé demeurent valables, même s’il conviendrait aujourd’hui d’approfondir l’articulation des dispositions institutionnelles nationales et internationales en ayant recours, à mon avis, à une conception démocratiques de la subsidiarité dans l’esprit de ce qu’en disaient Rousseau et Robespierre.

La France est un important laboratoire institutionnel : une quinzaine de constitutions en deux siècles.

1. Comment caractériser le moment institutionnel actuel ?

* Peut-on parler de « république bonapartiste » ?

J’ai utilisé fin août l’expression de « dérive bonapartiste » dans l’Humanité avec prudence. L’approfondissement du « bonapartisme m’a montré que ce qualificatif n’est pas dépourvu de pertinence, mais appelle à en maîtriser l’usage : démarche autocratique, démagogique et aventurière (pour la justification voir ma conférence devant la Nouvelle Action Royaliste du 24 octobre 2007 sur http://www.anicetlepors.blog.lemonde.fr )

* L’analyse séquentielle d’Édouard Balladur

Dans Le Monde du 25 septembre il distingue quatre étapes vers un régime présidentiel : 1/ 1962 (élection du PR au suffrage universel) ; 2/ 2000 (instauration du quinquennat avec inversion) ; 3/ la réforme actuelle centrée sur le thème-clé du renforcement des droits du Parlement, c’est « l’essentiel de nos réflexions » déclare-t-il ; 4/ l’étape à venir qui donne sens à l’actuelle : la suppression de la responsabilité du gouvernement devant le Parlement. Je pense qu’il est important d’analyser le projet de loi constitutionnel qui sera soumis prochainement au Parlement sous l’éclairage de ce processus : il n’est pas étonnant que dans la perspective d’un régime franchement présidentiel (déconnection de la responsabilité de l’exécutif devant le Parlement) la phase actuelle soit celle d’un renforcement (relatif et essentiellement formel) des prérogatives du Parlement. Une critique intrinsèque manquerait son but sans cet éclairage.

On est dont amené à caractériser trois phases dans l’évolution des institutions de la V° République : Le parlementarisme rationalisé (1958-1986)/ La monarchie aléatoire(1986-2000)/ La dérive bonapartiste (préparée par la réforme du quinquennat en 2000 et amorcée en 2007).

2. Le mot d’ordre de VI° République n’est pas pertinent

La réponse à cette évolution et aux menaces qu’elle contient est-elle l’ivocation d’une VI° République ? Non, pour les raisons suivantes :

* La vacuité de nombre de propositions de VI° République

C’est une facilité recouvrant souvent la confusion ou le vide des propositions.

* Les contenus contradictoires ôtent toute signification au thème

D’O. Besancenot à J-M. Le Pen en passant par M-G. Buffet et D. Voynet on peut espérer qu’il ne s’agit pas du même projet. Dès lors une proposition recouvrant tant de contenus différents et contradictoires est disqualifiée.

* Il s’agit d’un contresens historique

Toutes les républiques antérieures sont nées dans le drame, la fureur et le sang : I° , Révolution française le 21 septembre 1792 ; II°, émeutes de février 1848 et abdication de Louis-Philippe, constitution républicaine du 4 novembre 1848 : III°, la Commune de Paris et la République de haute lutte ; IV°, la seconde guerre mondiale ; V°, la constitution de la V° République consécutive au putsch d’Alger. Il manque aujourd’hui l’Événement. On ne doit pas parler avec tant de légèreté du changement de République.

Il faut donc se préoccuper du contenu avant du numéro, ce qui est une facilité.

3 . Les trois questions qui appellent une réponse franche et préalable

Le projet constitutionnel du PCF en 1989 était inspiré de la Constitution du 24 juin 1793, réputée « jacobine ». Or, je veux rappeler que cette constitution comportait des dispositions décentralisatrices jamais retrouvées depuis :

Art. 58 – Le projet [de loi] est imprimé et envoyé à toutes les communes sous ce titre : loi proposée.
Art. 59 – Quarante jour après l’envoi de la loi proposée, si, dans la moitié des départements, plus un, le dixième des assemblées primaires, de chacun d’eux, régulièrement formées, n’a pas réclamé, le projet est accepté et devient loi.

Sans entrer dans la complexité d’un débat juridique, trois questions sont en réalité discriminantes des positions politiques :

* Quelle place faire au référendum dans la démocratie directe ?

Je suis, pour ma part, pour un usage strictement limité au domaine constituant. O. Duhamel a écrit : « Le référendum peut être liberticide, les Bonaparte en ont apporté la preuve ».

Dans le même esprit, je suis contre le référendum d’initiative populaire, mais pour l’initiative populaire des lois et un droit de pétition élargi.

* Quel mode de scrutin pour quelle démocratie représentative ?

La démocratie représentative doit-elle avoir pour objectif la représentation fidèle des citoyens ou être l’instrument de constitution des majorités ? Je considère que la représentation doit être aussi fidèle que possible, c’est au débat politique de faire les majorités et non à la technique électorale.

D’où mon option en faveur du mode de scrutin proportionnel, qui règle par la même occasion la question de la parité femmes-hommes.

* Quel exécutif selon quel mode de désignation ?

C’est le gouvernement qui doit être responsable devant le Parlement (et non le Premier ministre, je n’utiliserai donc pas l’expression régime primoministériel).

Et surtout je suis contre l’élection du Président de la République au suffrage universel. C’est aujourd’hui la question centrale de tout positionnement politique en matière constitutionnelle. Certes, ce mode de scrutin est pratiqué dans d’autres pays sans se traduire par une évolution présidentialiste. Mais la tendance césarienne a toujours été présente en France et demeure aujourd’hui. Il faut donc que la position soit claire sur ce point.

Un commentaire sur “Contre la république « bonapartiste » – PCF, Assemblée nationale 6 décembre 2007

  1. bonjour,

    Constitution ; la trahison annoncée.

    Notre Constitution a été modifiée vingt-trois fois depuis son adoption et le peuple, les citoyens n’ont été associés que deux fois à ses révisions. Dans le cadre formel de l’article 89 portant sur la révision de la Constitution (donc mis à part le référendum de De Gaulle par l’article 11), une seule d’entre elles, celle relative au quinquennat, a été soumise à référendum et approuvée en 2000. Les autres modifications ont été adoptées par la voie parlementaire et donc par la voie du Congrès. La vingt-quatrième révision actuelle, malgré son importance étant donné le nombre d’articles concernés, semble s’inscrire dans la continuité « despotique » de la Ve République.

    Il fallait s’y attendre, dans cette affaire institutionnelle vers la démocratie irréprochable de Sarkozy, les élus, et en particulier les élus démocrates et de gauche, préparent leur trahison démocratique. Montebourg parle d’un compromis bi-partisan, comme si la Constitution était affaire de partis.

    Elle est affaire de citoyens (article 2 et 3 « par le peuple et pour le peuple »).
    · selon l’article 2 de la Constitution : « Son principe est : le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. »
    · selon l’article 3 : « La souveraineté nationale appartient au peuple, qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. »

    Or sur des points essentiels, le PS, les autres partis de gauche et le Modem sont en train de renier leurs projets présidentiels qui, nous l’espérons, exprimaient leurs convictions démocratiques.

    1) Trahison sur le renoncement au référendum de révision (prévu dans le projet présidentiel de tous les candidats de gauche). ( le sénat a droit de veto actuellement).

    2) Trahison sur le non-cumul des mandats et des fonctions pour les parlementaires (exigence première d’après le comité Balladur dans une démocratie moderne)

    3) Trahison sur la dose de proportionnelle et la réforme du sénat.

    4) Trahison sur la démocratie participative (dixit les « citoyens experts ») qui, pour le moins, conduit à demander l’avis du citoyen, du peuple…

    Le PS et les élus de gauche, et plus généralement les élus « démocrates », doivent se ressaisir et refuser cette réforme « en peau de lapin » afin de permettre l’ouverture d’un vrai débat public.

    Se souviennent-ils seulement, ces élus, qu’il est aussi prévu de refonder le préambule de la Constitution, de supprimer les départements (texte UMP sur le rapport Attali), de modifier les modalités de l’élection des conseillers régionaux ?

    Notre démocratie va subir une profonde modification touche après touche, et les citoyens n’auraient pas leur mot à dire ?

    Après le « viol de la démocratie » (seul le peuple peut défaire ce qu’il a fait, seul un référendum peut revenir sur un référendum) lors de l’adoption du traité de Lisbonne, les élus s’amusent avec le texte fondamental de notre société dite démocratique.

    Nous devons signer et faire signer l’appel de Rénovation démocratique.org sur le site pour un débat public et un référendum sur la réforme. ( complément d‘infos sur http://changerlarepublique.over-blog.com ).

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