LE DROIT D’ASILE AUJOURD4HUI EN FRANCE
’asile est-il aujourd’hui en danger en France ? Il n’y a pas de réponse catégorique à cette question. Certes, il est plus confortable, dans le culte entretenu d’une bonne conscience, de répondre péremptoirement par l’affirmative. Mais c’est quelque part sous-estimer – et aussi mépriser – l’effort de ceux qui, devant des situations complexes, ne nient pas la difficulté de rendre une justice aussi bonne que possible dans un État de droit souvent critiquable dans nombre de ses dispositions. C’est encore tenir pour inexistante une tradition de l’asile, qui a beaucoup compté dans la formation historique de notre citoyenneté, de notre identité nationale, et dont il subsiste de multiples expressions. C’est aussi un domaine où l’on ne peut trancher sous la forme du bilan « globalement » négatif ou positif. Reste alors à faire un point, inévitablement contradictoire, dans les principaux domaines d’appréciation.
Une réforme positive de la juridiction de l’asile sous des réserves avec durcissement des procédures
Rappelons tout d’abord le parcours compliqué du demandeur d’asile ; il comporte de nombreux obstacles. S’il se présente à la frontière sans visa l’étranger est mis en zone d’attente. S’il demande l’asile, un minimum d’instruction appréciera si sa demande n’est pas « manifestement infondée », le délai de placement en zone d’attente est de quatre jours, mais il peut être prolongé jusqu’à 26 jours. Si cette appréciation est favorable, il recevra un visa provisoire pour se présenter en préfecture dans les huit jours. Il y retirera un dossier de demande d’asile et se verra remettre une autorisation provisoire de séjour d’un mois pour déposer sa demande à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) sous 21 jours. Son autorisation de séjour sera ensuite renouvelée tous le trois mois. Il sera convoqué à un entretien à l’OFPRA, assisté d’un interprète. Si sa demande est rejetée, il disposera d’un mois pour faire un recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). S’il est entré irrégulièrement en France, son parcours est le même à partir du moment où il se présente en préfecture (à condition qu’il ne se soit pas fait intercepter avant, auquel cas ila procédure est dite « prioritaire » avec des garanties moindres). Délais et procédures ont été constamment durcis au cours des dernières années.
La CNDA est constituée d’un président (conseiller d’État, conseiller maître à la Cour des comptes, magistrats du judiciaire), d’un assesseur nommé par le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le HCR (sur avis conforme du vice-président du Conseil d’État ; c’est une exception à la fois dans notre État de droit et dans le monde, qu’un magistrat nommé par une instance internationale siège dans une formation de jugement nationale) et d’un assesseur nommé par le vice-président du Conseil d’État, issu des administrations concernées. Elle est assistée par un rapporteur et un secrétaire de séance. La CNDA juge les recours des demandeurs d’asile déboutés par l’OFPRA. Au-delà, une cassation est possible devant le Conseil d’État.
Depuis le 1er janvier 2008, la CNDA a remplacé la Commission des recours des réfugiés (CRR) qui était soumise administrativement, budgétairement et statutairement à l’OFPRA ; situation aberrante d’une juridiction placée sous la tutelle de l’organisme administratif dont elle contrôlait les décisions et que plusieurs rapports avaient dénoncée .
La CNDA est désormais rattachée au Conseil d’État depuis le 1er janvier 2009. C’est une normalisation et un progrès. Avec toutefois des réserves : la titularisation des rapporteurs (pour la plupart officiers de protection de l’OFPRA, mais près de la moitié des rapporteurs sont des contractuels) qui exercent une mission évidente de service public est effectuée selon des modalités trop lentes ; la titularisation des contractuels de toutes catégories n’est pas engagée et on en recrute de nouveaux ; l’effet de la nomination de dix présidents permanents sur la jurisprudence, si elle peut concourir à son unification, peut aussi en modifier la teneur, d’autant plus qu’une proposition de loi (pendante au Parlement) prévoit à partir du 1er septembre 2011, l’intervention de la CNDA en recours des décisions de refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile déposées en zone d’attente. Ces derniers éléments peuvent faire dériver le droit d’asile vers les normes de la police administrative qui prévalent dans le droit des étrangers.
Depuis le 1er décembre 2008 les demandeurs d’asile, même entrés irrégulièrement, peuvent bénéficier de l’aide juridictionnelle ; c’est un progrès incontestable. Ils sont assistés d’un interprète. Le fonctionnement de la juridiction spécialisée qu’est la CNDA souligne l’importance de l’oralité dans l’administration de la justice.
La reconnaissance de la qualité de réfugié (pour l’essentiel par référence aux motifs de persécution de la Convention de Genève : race, religion, engagement politique, nationalité, appartenance à un certain groupe social), ouvre un droit à un titre de séjour permanent de dix ans renouvelable. Le bénéfice de la protection subsidiaire (menaces graves hors Convention de Genève) à un an renouvelable sous réserve de l’actualité des craintes. La protection subsidiaire a été introduite en droit interne par le droit communautaire, mais aucune justification réellement fondée n’est apportée au fait que les durées des titres de séjour soient si inégales, les craintes étant pareillement établies, seuls différant les motifs. Dès lors la protection subsidiaire apparaît bien comme une protection … subsidiaire, dévalorisée, de substitution.
L’état statistique de la politique du droit d’asile présente des résultats contrastés
Le HCR évalue à 10 à 12 millions dans le monde le nombre de réfugiés sous sa protection au cours des dernières années (10,4 en 2009). En 2009, 76 % des réfugiés sont en Asie et en Afrique, seulement 16 % en Europe . La France en protège 196 364, soit à peine plus que son poids démographique relatif dans le monde ; c’est beaucoup moins que le Royaume Uni (269 363) et que l’Allemagne (593 799). La France est donc loin d’accueillir « toute la misère du monde ». Et si elle en prend une part, celle-ci reste modeste.
En 2009, il y a eu en France 47 690 demandes d’asile devant l’OFPRA (y compris les mineurs accompagnants et les demandes de réexamens), dont 33 275 primodemandeurs. Les flux de demandeurs d’asile sont donc repartis à la hausse car on avait observé une baisse de 52 200 en 2003 à 23 500 en 2007. Sur la base du nombre de demandes enregistrées, la France serait la première destination en Europe pour cette année.
Les entrées irrégulières sur le territoire, principalement par voie terrestre, sont très largement majoritaires. À la frontière, en 2009, le plus souvent en aéroport (la quasi-totalité des demandes examinées sont déposées à Roissy-Charles de Gaulle), l’OFPRA a eu à donner 2 796 avis d’entrée sur le territoire en zone d’attente. Il a estimé que seulement 749 des demandes correspondantes n’étaient « pas manifestement infondées ».
L’OFPRA a pris 35 420 décisions en 2009, (la CNDA 20 040). Ensemble les deux instances ont prononcé 10 373 accords (dont 23,6 % au titre de la protection subsidiaire, en hausse vive, 9 % en 2007)). Le taux d’accord global est de 29,4 % des décisions (14, 3 % directement par l’OFPRA et 15,1 % par annulation par la CNDA de décisions de rejet de l’OFPRA, le taux d’annulation de ces décisions s’étant élevé, en 2009, à 26,5 % ; en légère hausse). Ce taux est voisin de 60 % – soit le double – pour les pays d’origine sûrs (32,9 % par l’OFPRA, 26,3 % au titre des annulations de la CNDA), ce qui invalide le concept lui-même.
La procédure prioritaire (comportant de moindres garanties) représente 22, 2 % du total des affaires instruites ; elle est en baisse (30,7 % en 2008) après une vive progression.
14, 6 % des décisions de la CNDA étaient prises par voie d’ordonnances en 2009 (9,4 % pour les ordonnances dites « nouvelles », c’est-à-dire ne comportant aucun élément jugé sérieux de contestation de la décision de l’OFPRA), par un juge unique, sans procédure orale. Ce taux est en légère baisse par rapport à 2008 (16 %).
Ainsi, si certaines données (notamment le taux global d’accords) caractérisent une relative ouverture à l’asile, d’autres comme le recours important à la procédure prioritaire, la vive hausse de la protection subsidiaire et l’importance (bien qu’en baisse) des décisions prises par ordonnances caractérisent une précarisation de la procédure et de la protection accordée.
Une évolution jurisprudentielle inquiétante
Les démarches des politiques de l’asile des États membres de l’Union européenne s’inscrivent dans une longue marche vers un régime d’asile européen commun marquée par le renforcement de préoccupations sécuritaires et de contrôle des frontières extérieures. Elles se traduisent par la définition stricte de l’État responsable de l’examen de la demande d’asile par la procédure dite de Dublin II, l’introduction de notions telles que celles de l’asile interne ou de pays d’origine sûrs. C’est aussi, plus récemment, le durcissement envisagé des conditions de rétention (durée maximale portée à dix-huit mois, possibilité d’enfermement des mineurs y compris isolés, interdiction de séjour de cinq ans), l’externalisation à l’est de l’Europe et au nord de l’Afrique des demandeurs d’asile.
Le gouvernement français a anticipé certaines de ces mesures restrictives, notamment à l’occasion de la loi du 10 décembre 2003. La création d’un ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire a contribué à mettre l’accent sur le contrôle des flux plutôt que sur la protection du demandeur d’asile. Les mesures prise au plan national ont eu pour effet de rendre plus difficile la pratique du droit d’asile : réduction des délais, durcissement des conditions de recevabilité, recours aux ordonnances et à la procédure prioritaire, restriction de l’accès aux droits sociaux, application de Dublin II sans considération des critères humanitaires et des possibilités offertes par la clause de souveraineté.
L’évolution jurisprudentielle est de plus en plus restrictive. Par décision du Conseil d’État, le principe d’unité de famille a été strictement réservé aux demandes relevant de la Convention de Genève (non à la protection subsidiaire) . Par décision de la CNDA , la reconnaissance du groupe social persécuté a été réduite (au profit de la protection subsidiaire) pour des parents maliens d’une fille née en France ; la protection subsidiaire a également été préférée à la reconnaissance de la qualité de réfugié au Sri Lanka, avant l’effondrement de la rébellion tamoule en 2009 .
À l’inverse, plusieurs décisions du Conseil constitutionnel apparaissent constructives : affirmation de la souveraineté nationale, droit de la défense, plénitude des garanties légales, indépendance de la juridiction administrative, encadrement strict des notions d’asile interne et de pays d’origine sûrs. Elles apparaissent tout à fait conformes à la tradition de la France terre d’asile, telle que la proclamait la constitution de 1793 : « le peuple français est l’ami et l’allié naturel des peuples libres » (art. 118) ; « il donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans. » (art. 120), que reprend le 4° alinéa du préambule de 1946 : « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». Ce motif caractérise l’asile dit constitutionnel, repris à l’article L. 711-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) mais il n’est malheureusement que très rarement retenu (une douzaine d’annulations en 2009).
Enfin, on relève des décisions audacieuses comme l’interprétation par les sections réunies de la CNDA de l’article 1 D de la Convention de Genève concernant des Palestiniens demandeurs d’asile , malheureusement cassée récemment par le Conseil d’État .
Malgré quelques exemples constructifs de ce type et le rappel des principes constitutionnels, on assiste donc à une dérive en faveur de la protection subsidiaire, moins protectrice (durée de séjour réduite avec comme conséquences de plus grandes difficultés en matière d’emploi et de logement notamment), qui tend à l’alignement de la France sur la moyenne européenne (51 % des décisions favorables le sont au titre de la protection subsidiaire, contre seulement 16 % en France en 2008).
La formation de l’intime conviction du juge : une question culturelle, juridique, politique
Trois questions peuvent être évoquées.
Nécessite de la preuve ou intime conviction ?
Aucun texte juridique relatif au droit d’asile n’évoque la nécessité de la preuve. Nombre de juges de l’asile admettent difficilement qu’ils forment leur intime conviction sous l’éclairage de ce que la vie les a faits, quelle que soit leur volonté d’indépendance et le souci d’honnêteté qui peuvent présider à leurs décisions. En prendre conscience est encore le meilleur moyen de faire la part de ce qui relève du subjectif dans l’appréciation des faits qui pèsent lourd en matière d’asile et d’en tirer les conséquences dans le jugement de la cause. Les convictions philosophiques, religieuses, politiques, voire les préjugés du juge jouent évidemment un rôle dans l’interprétation de cultures, des motifs et des faits eux-mêmes rapportés par le citoyen venu d’ailleurs.
Appliquer le droit ou rendre la justice ?
L’intime conviction n’est pas non plus indépendante de la situation politique générale du pays d’accueil et des campagnes qui y sont menées à un moment donné, comme celle sur l’ « identité nationale » lancée par le ministre chargé de l’immigration et de l’asile à l’automne 2009. La pratique du droit d’asile est évidemment un domaine où le poids des cultures, des mentalités, des préjugés est important. Car il ne s’agit pas seulement d’appliquer le droit existant mais de rendre la justice « Au nom du peuple français », le droit positif n’en étant que l’instrument.
Le mensonge est-il indispensable ?
De fait, on observe une forte dispersion statistique des décisions des formations de jugement selon la composition de celles-ci. Certaines études ont même caractérisé un mythe du « réfugié menteur », justifié du côté du demandeur d’asile par la difficulté à franchir des obstacles sécuritaires et juridiques de plus en plus élevés et, du côté du juge, par le confort que lui permet l’idée qu’il est détenteur d’une prérogative de souveraineté nationale et que, face au mensonge, fut-il présumé, occasionnel ou appelé par la pression des circonstances, il juge à bon droit, en juge « bien pensant » . Par ailleurs, il existe aussi des écarts notables persistants entre les taux d’accord de l’OFPRA et de la CNDA pour quelques pays (Serbie, Turquie, Angola, Sri Lanka, Bangladesh), ce qui indique une certaine résistance de l’établissement public à appliquer, pour ces pays, la jurisprudence de la juridiction. En ce domaine des mentalités, étroitement dépendantes du contexte social et politique dans lequel elles se forment et s’expriment, l’évolution ne peut se développer qu’à l’échelle de l’histoire.
En conclusion, il convient donc de prendre la mesure des atteintes, mais ne pas ignorer pour autant les points d’appui : une réforme de la juridiction de l’asile plutôt positive, mais avec des inquiétudes sur la séparation des politiques d’asile et d’immigration ; des chiffres qui caractérisent un dispositif sélectif, mais des résultats contrastés ; une évolution défavorable du droit, mais une tradition qui existe et qui résiste.
Citoyenneté d’ici, citoyenneté d’ailleurs
Le droit d’asile n’est pas seulement l’instrument juridique qui permet d’apprécier le bien fondé d’une demande d’asile. Il juge le juge lui-même. De quel droit le citoyen d’ici peut-il, en effet, se prévaloir pour donner ou refuser l’hospitalité à un étranger, si ce n’est celui de membre d’une communauté historiquement constituée sur un territoire déterminé. Le droit du premier occupant que les générations dont il est issu ont affirmé et qu’elles ont opposé avec plus ou moins de rigueur à tout nouvel arrivant. Dès lors, droit de cité et droit d’asile ne sont que les deux versions d’une même question. Il s’ensuit que le droit de cité détermine le droit d’asile tout autant que le droit d’asile rend compte du droit de cité.
Lorsque la Révolution française proclame que « le peuple français est l’ami et l’allié naturel des peuples libres […]. Il donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans », ce peuple se définit autant qu’il accueille et il est heureux que l’écho s’en soit propagé à travers certaines de nos constitutions, jusqu’à quelques-unes des plus récentes décisions du Conseil constitutionnel en matière d’asile. À l’opposé de tout repli nationaliste, la vocation du droit de cité est de produire de l’universalité et de proposer en partage des valeurs, spécifiques dans leur production, à vocation universelle dans leur destination. La conception française du service public permet une approche politique de l’asile et de l’immigration, affranchie des intérêts particuliers et de la seule régulation du marché. L’affirmation du principe d’égalité, fondé sur le droit du sol et l’égalité individuelle des citoyens et des citoyennes, a forgé un modèle d’intégration récusant l’identification par le droit du sang et l’appartenance communautaire. L’exigence de responsabilité a permis de faire des citoyennes et des citoyens les seuls créateurs des règles de la vie en société sur la base du principe de laïcité et d’ouvrir ainsi à tous la voie de l’émancipation de toute fatalité, de toute oppression fondée sur la race, la nationalité, la religion ou tout autre critère arbitrairement érigé en valeur absolue et donc totalitaire.
Réciproquement, le droit d’asile interpelle le citoyen, car nul ne peut se réserver l’exclusivité d’ériger ses propres valeurs en valeurs universelles. La solidarité familiale ou villageoise qu’évoquent de nombreux demandeurs d’asile, questionne nécessairement notre conception restrictive de l’unité de famille. La compréhension des différences culturelles, sociales ou politiques à laquelle invitent les demandes d’asile, encourage la tolérance à l’égard des différences observées à l’intérieur de notre propre pays. La prise en compte dans la formation de la citoyenneté de l’infinie diversité du monde est la meilleure façon de poser la question des convergences pacifiques à opérer entre la citoyenneté d’ici et celles d’ailleurs. Pour peu qu’elle ne soit pas réduite à la chasse au mensonge, la pratique du droit d’asile est une extraordinaire expérience de connaissance de l’humanité, de la psychologie des hommes et des souffrances physiques et morales qu’ils sont capables d’endurer, de leur courage aussi que l’on peut parfois ériger en exemple. Une telle attitude n’oblige en rien à renoncer à ses propres valeurs et principes, elle ne peut que les valoriser et en favoriser l’évolution à la lumière de l’expérience et des contradictions lucidement identifiées.
« Dis-moi qui et comment tu accueilles et protèges, je te dirai qui tu es. »
PROPOSITIONS
Il ne s’agit pas ici d’exposer ce que pourrait être une autre politique de l’asile que celle qui est conduite aujourd’hui, mais d’évoquer quelques propositions que suggèrent les analyses qui précèdent dégagées d’une expérience dix années de « juge de l’asile ». On peut distinguer les trois domaines de la gestion administrative, de la procédure et du fond.
Une gestion administrative respectant rigoureusement les principes du service public
On pourra s reporter utilement à ce sujet aux conclusions du rapport que j’avais remis au président de la CRR en 2006 sur la situation statutaire des personnels de la CRR et la juridiction elle-même. Je ne retiendrai aujourd’hui que trois recommandations
Les activités concourant à l’instruction des demandes d’asile doivent être exercées par des fonctionnaires dont la professionnalisation doit être assurée. Les contractuels en fonction à la CNDA doivent être titularisés dans les corps du Conseil d’État et de nouveaux recrutements de contractuels prohibés. Une formation initiale et continue approfondie des secrétaires de séance et des rapporteurs doit être mise en place. Les conditions de travail des rapporteurs doivent être aménagées pour adapter leur charge de travail à l’importance des dossiers traités.
Les juges doivent bénéficier d’une formation et d’une information approfondies leur permettant une étude méthodique des dossiers inscrits à l’audience. La spécificité des activités juridictionnelles du droit d’asile, souligne l’importance de l’oralité et de la collégialité. La professionnalisation des juges doit être développée afin de créer les conditions d’une expérience se développant sur une période suffisamment longue. La diversité des regards des membres de la formation de jugement est indispensable à l’appréciation la plus complète des situations.
L’application de la jurisprudence du droit d’asile dégagée par la CNDA et le Conseil d’État doit être accompagnée d’une concertation soutenue entre la CNDA et l’OFPRA afin d’améliorer les fonctionnements respectifs de l’établissement public et de la juridiction. Cette concertation peut être favorisée par la coordination conjointe de moyens d’information et de traitement des données et des échanges périodiques sur les problèmes rencontrés.
La procédure pourrait connaître plusieurs aménagements
Le recours suspensif en zone d’attente doit être effectif. L’appréciation de la recevabilité de la demande d’entrée à la frontière des demandeurs d’asile ne doit pas aller au-delà de l’évaluation du simple caractère « manifestement infondé » de la demande. Le recours contre la décision refusant l’entrée sur le territoire doit pouvoir être exercé dans un délai raisonnable. L’appréciation au fond après instruction doit rester de la compétence de l’OFPRA et de la CNDA dont il n’est pas souhaitable, dans ces conditions qu’elle intervienne en recours contre les refus d’entrée sur le territoire.
Le recours à la procédure prioritaire doit être l’exception. Le recours à la procédure prioritaire qui prive le demandeur d’asile de droits essentiels s’il a diminué demeure très élevé. Les délais d’instruction doivent être élargis et un droit de recours suspensif instauré. Il convient à cette fin que soient mieux définis les critères conduisant les services préfectoraux à décider de cette procédure.
Le recours aux ordonnances nouvelles doit être strictement limité. L’expérience a maintes fois montré que le rejet par ordonnance d’un juge unique des recours qui ne présentent « aucun élément sérieux » susceptible d’infirmer la décision de l’OFPRA pouvait conduire à des appréciations erronées. Se trouve par là soulignée l’importance d’un recours effectif devant les formations collégiales de la CNDA faisant toute sa place à l’oralité des débats.
Le demandeur d’asile n’a pas la charge de la preuve ; sous réserve de la crédibilité de son récit, il doit bénéficier du doute. La spécificité du droit d’asile entraîne une exception au principe général du droit mettant la preuve à la charge du demandeur. L’établissement des faits doit résulter de l’effort conjoint du demandeur et du juge. La crainte de persécution doit être fondée sur la prise en compte simultanée de la perception subjective du demandeur et de la situation objective du pays d’origine.
Les formations de jugement doivent créer des conditions permettant à tout demandeur d’asile de comprendre la procédure pour être en mesure d’en mesurer l’enjeu, d’être complètement informé, de formuler ses observations en toute sécurité et de s’exprimer sans crainte. Les comportements de domination des membres des formations de jugement vis-à-vis des demandeurs d’asile et de leurs conseils doivent être bannis. Les règles d’un procès équitable doivent être respectées, avec impartialité et sans préjugé. L’asile est accordé « Au nom du Peuple français » ce qui confère aux formations de jugement la responsabilité importante d’assurer la continuité de la tradition de la France terre d’asile.
Sur le fond, la France doit demeurer fidèle à sa réputation de terre d’asile
En premier lieu, la spécificité du droit d’asile au regard du droit des étrangers doit être respectée. La juridiction administrative spécialisée du droit d’asile doit demeurer distincte des juridictions administratives de droit commun traitant de l’entrée, du séjour et de la reconduite à la frontière. La différenciation du droit d’asile et du droit des étrangers qui a marqué l’évolution du système français de l’asile dans le but de soustraire le droit d’asile aux règles restrictives de la police administrative doit être préservée.
La pratique du droit d’asile doit s’inscrire dans une conception ouverte et généreuse. La France n’est en aucune manière menacée d’une invasion du Sud ou de l’Est. La part des réfugiés dont elle assure la protection est du même ordre de grandeur que son poids démographique dans le monde, la moitié de celle du Royaume Uni et le quart de celle de l’Allemagne. Le système mis en place dans les années 1950 a pour objet d’accorder l’asile conformément à une tradition ancienne de notre pays consacrée par ses dispositions constitutionnelles.
La convention de Genève doit rester le mode d’accès prioritaire à l’asile. La protection conventionnelle est la seule à offrir la garantie d’une protection internationale. Elle doit être appliquée de manière conforme à l’esprit et à la lettre de la Convention de Genève, telle qu’elle a été notamment interprétée dans le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du HCR.
L’asile constitutionnel doit exprimer l’attachement historique de la France aux combattants pour la liberté. Réintroduit par la loi en 1998 en droit positif, l’asile constitutionnel, rappelé à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel, doit faire l’objet d’une élaboration jurisprudentielle qui pourrait le conférer aux étrangers ayant manifesté un engagement exemplaire pour cette cause, quand bien même ce motif pourrait également relever de l’asile conventionnel.
La protection subsidiaire doit rester limitée aux cas ne relevant en aucune façon des motifs de la protection conventionnelle et bénéficier du même niveau de protection La loi en limite strictement le champ aux demandes des personnes qui ne remplissent pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié. Rien ne justifie que la protection accordée au titre de la protection subsidiaire soit contaminée par des considérations sécuritaires et soit inférieure à celle de la protection conventionnelle : elle doit donc ouvrir droit également à un titre de séjour de dix ans.
Le principe d’unité de famille doit s’exercer de manière étendue et sûre. Le principe d’unité de famille doit être érigé en principe général du droit d’asile et s’appliquer en matière de protection subsidiaire. La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire doivent être conservés par le conjoint et le mineur sous tutelle en cas de rupture de leur lien avec le réfugié principal.
Les catégories d’ « asile interne » et de « pays d’origine sûrs » doivent être rendues inopérantes. Ces concepts, d’origine communautaire en France, extraits de la problématique d’ensemble de la reconnaissance de la qualité de réfugié, se sont révélés d’utilisation difficile et arbitraire, susceptibles d’avoir de graves conséquences individuelles. La liste des pays d’origine sûrs établie par l’OFPRA, déjà partiellement censurée par le Conseil d’État, doit être supprimée et la notion d’asile interne réintégrée dans l’instruction générale de la demande.
Le droit d’asile n’est pas seulement l’instrument juridique qui permet d’apprécier le bien fondé d’une demande d’asile. Il juge le juge lui-même. De quel droit le citoyen d’ici peut-il, en effet, se prévaloir pour donner ou refuser l’hospitalité à un étranger, si ce n’est celui de membre d’une communauté historiquement constituée sur un territoire déterminé. Le droit du premier occupant que les générations dont il est issu ont affirmé et qu’elles ont opposé avec plus ou moins de rigueur à tout nouvel arrivant. Dès lors, droit de cité et droit d’asile ne sont que les deux versions d’une même question. Il s’ensuit que le droit de cité détermine le droit d’asile tout autant que le droit d’asile rend compte du droit de cité.
« Dis-moi qui et comment tu accueilles et protèges, je te dirai qui tu es. »
Sorbiers, le 11 mars André Bruyère
La Bouquinière
42 290 SORBIERS
Adresse électronique :
Andrebruyere12@yahoo.com
Monsieur Le Pors,
Je suis un enseignant à la retraite, qui, désireux de faire du bénévolat a finalement abouti dans une association caritative qui m’a confié la charge des Réfugiés Soudanais. J’ai découvert tout un monde que je ne connaissais qu’intellectuellement et de très loin.
En suivant le parcours de deux d’entre eux (Maowya et Djamal) à travers l’OFPRA et la CNDA, j’ai eu le sentiment qu’ils avaient affaire à une justice d’exception.
Du coup mon « bénévolat » a changé de nature, d’enseignant de Français, je voudrais leur donner accès à une justice dont vous et moi jouissons.
Je suis prêt s’il le faut, à engager le Combat devant le Conseil Constitutionnel et la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Je sais que c’est un parcours long, onéreux et incertain mais je suis prêt à le mener si toutefois mes intuitions sont exactes et pour cela je vous serais reconnaissant si vous acceptiez de m’apporter votre éclairage.
A mon sens, les Réfugiés font face à une « justice d’exception» qui me semble être un hybride entre la législation du Pouvoir Judiciaire et celle du Pouvoir Administratif, ce dernier étant inféodé directement aux pouvoirs politiques.
Dans une première partie, je voudrais, après avoir bien délimité le champ d’intervention de l’Administration et celui du Pouvoir Judiciaire, rappeler les principes qui président à la prise de décision administrative et la prise de décision judiciaire. (Je sais que vous les connaissez et cette partie vous paraitra, sans doute, longue et ennuyeuse. Mais elle permet de déblayer le débat par la suite)
Et ensuite, j’essaierai de montrer comment la législation concernant le Droit d’Asile en vigueur se sert alternativement de l’une et l’autre logique toujours au détriment du Demandeur d’Asile.
I) Rappels
1) de la définition des champs respectifs des deux pouvoir
Le champ de l’Administration est de mettre en ouvre les lois et décrets du Parlement et du Gouvernement.. Elle peut vous accorder ou refuser des titres ou des droits nouveaux dans le cadre de ces lois mais son champ d’application ne touche jamais aux droits fondamentaux de la personne, domaine réservé au Pouvoir Judiciaire.
Il est à remarquer que quand un Réfugié demande le Droit d’Asile, ce n’est pas seulement le droit d’entrer sur notre territoire qu’il demande, mais le Droit à une Identité, à une éducation, à la recherche d’un emploi, tous des Droits fondamentaux…
2) des principes qui président à la prise de décision dans l’Administration et dans la Justice
A) La procédure Administrative
a) Si vous prétendez à un titre quelconque, Il vous incombe de constituer un dossier, et de fournir un certain nombre de pièces, toujours précisées à l’avance, qui sont autant de « preuves » que vous êtes bien dans le cadre prévu par la loi. Par exemple, vous devez apporter un acte de naissance, des preuves de votre adresse réelle, etc.
Si vous vous présentez à l’Administration sans fournir toutes les pièces requises, votre prétention ne sera pas satisfaite mais votre dossier ne sera pas refusé. Il est simplement mis en attente, en quelque sorte.
Le refus de l’Administration n’est jamais définitif. Vous pouvez très bien revenir le lendemain et le surlendemain, autant de fois que vous voulez pour compléter votre dossier. Étant entendu que votre dossier ne sera accepté que quand il sera complet.
b) La décision est prise par un employé de la fonction public que vous ne connaissez pas, mais son pouvoir de décision est réduit : Le plus souvent il se borne à bien vérifier que le dossier est complet et si oui, votre prétention est accordée.
Il existe des fonctionnaires d’autorité, Proviseurs de Lycée, Préfets etc., qui eux, ont une marge d’appréciation plus grande mais elle ne consiste qu’au bon fonctionnement d’un service de l’État, sans jamais avoir à se prononcer sur les Droits d’une personne.
c) Aucune loi ne vous empêche d’aller voir un employé de l’Administration avec un ami qui peut servir de témoin, avec une caméra (cachée même) ou avec un avocat.
La chose est rare, parce que le besoin ne s’en fait généralement pas sentir, mais pas du tout illégale.
En tant qu’enseignant, il m’est arrivé de recevoir le frère de l’élève ou le Président de la Fédération de Parents d’élèves. Et je trouvais cela très bien parce qu’ils pouvaient mieux formuler les problèmes…
d) Si la personne estime que ses Droits fondamentaux –ne serait-ce que l’égalité de traitement – sont atteints par la décision administrative, il peut toujours contester les actes de l’Administration devant une juridiction de Première Instance qui s’impose, alors à l’Administration. Il peut éventuellement faire appel.
2) Tout autre est la procédure suivie par le Pouvoir Judiciaire dans sa prise de décision
a) Pour s’assurer qu’elle soit juste et non discriminatoire,
– elle est prise par un Juge et 2 assesseurs, tous trois indépendants puisqu’ils relèvent d’un 3ème Pouvoir, le Pouvoir Judiciaire..
– elle est normalement publique
b) C’est au Tribunal qu’il incombe d’établir les faits, autant que faire se peut. – Une enquête est généralement menée auparavant par la police
– La recherche de la Vérité est contradictoire tout au long du processus
– La personne concernée a droit à l’assistance d’un avocat, tout au long de la procédure.
– Celui-ci plaide après l’interrogatoire par les Juges, ce qui lui permet de compléter ou modifier les déclarations du justiciable.
– Des témoins peuvent être cités pour apporter un éclairage supplémentaire.
– Jusqu’à la dernière minute, le Juge peut demander un complément d’enquête s’il estime qu’une voie n’a pas encore été explorée.
c) Si malgré tous ses efforts, les faits ne peuvent être établis avec un degré de certitude raisonnable, Le Tribunal prononce un non-lieu, qui accorde le traitement le plus favorable au justiciable, le principe étant qu’il vaut mieux laisser échapper 10 coupables que de punir un seul innocent
3) Sa décision est définitive. Aucune Cour ne juge deux fois la même affaire (sauf le cas exceptionnel du Fait Nouveau). Elle ne peut être contestée qu’une fois par une autre Cour dite d’Appel.
Ai-je bien résumé les principes directeurs des deux types de décision ?
Voyons voir maintenant le parcours d’un réfugié. On voit tout de suite que l’OFPRA se comporte tantôt comme une Administration, tantôt comme une Cour, retenant chaque fois l’élément le plus défavorable..
II) Législation concernant les Réfugiés
1) Il doit déposer une demande auprès de l’OFPRA qui est une administration puisque
– la plupart des membres du Conseil d’Administration sont nommés par le Pouvoir Exécutif ou Législatif,
– le Directeur de l’OFPRA est nommé par le Premier ministre
– Les Officiers de Protection, embauchés sur des contrats de 3 ans renouvelables, sont entièrement dépendants des souhaits de leurs Supérieurs hiérarchiques, ne serait-ce que pour le renouvellement de leur contrat de travail !.
2) Mais comme une Cour, l’Office intervient dans un champ qui touche aux droits fondamentaux d’une personne puisque il touche non seulement au droit d’entrer et de séjourner sur le territoire, mais aussi à l’établissement d’une Identité, au droit au Travail, à la Formation, à l’Éducation, au Logement etc.
Alors,
a) une Administration est-elle en droit d’intervenir dans ce champ ?
b) De qui l’OFPRA tient-il le droit d’interdire que le Demandeur d’Asile soit accompagné, voire assisté, pendant l’entrevue
d’une loi ?
d’un règlement intérieur ?
et dans ce cas-là,
L’Office n’outrepasse-t-il pas le Droit général ?
Ne peut-on pas le considérer comme une Administration d’exception ?
3) A la différence de toute autre Administration, l’Office s’affranchit de détailler les éléments de « preuves » dont elle a besoin. Mais il le reproche au Demandeur d’Asile s’il ne les fournit pas !
3 exemples :
Dans son compte-rendu, l’Officier de Protection s’indigne du fait qu’il ait dû « finalement poser directement [la question] de savoir quel était le nom exact [du] mouvement [de rébellion] dont [Maowya[ était membre » pour qu’il le donne. Mais à qui la faute ? Maowya ne savait pas qu’on attendait de lui qu’il donne ce nom !… Mais il savait ce détail depuis le début de l’entretien, personne ne le lui a soufflé entre temps puisqu’il le dit quand la question lui est posée !
De la même manière, il ne savait pas qu’il devait mentionner les différentes familles composant sa tribu pour prouver qu’il appartenait à cette tribu.
Il ne savait pas qu’il devait faire valoir sa connaissance du Dajo, langue de sa tribu, même s’il était arabisé.
Il interdit au Réfugié tout accompagnement (ami ou avocat). N’est-ce pas une pratique d’exception ? Est-elle en vigueur nulle part ailleurs ?
Comme dans une Administration, l’Officier de Protection se cache derrière l’anonymat. Son rapport peut être modifié par son Supérieur Hiérarchique, lui aussi anonyme, alors que ce dernier n’a pas assisté à l’entretien !
On peut parler de véritable piège ! Qu’on en juge :
J’ai personnellement accompagné Maowya à l’OFPRA. Lorsqu’il en est sorti, il était fort satisfait. « Je leur ai tout dit. » ma-t-il dit.
Ce qu’il ne savait pas, c’est que « tout ce qu’il] disait pouvait être retenu contre [lui] », ce droit fondamental qu’on rappelle aux criminels et assassins ne lui a à aucun moment été signifié.
Qu’en résulte-il ?
Un rapport bourré d’erreurs, de contradictions internes et de sous-entendus tendancieux…
Une étude détaillée du rapport fait sur la demande de Maowya le montre clairement. Voici un échantillon :
Contradictions internes :
Maowya, par exemple, affirme être né et vivre à Omdurman (banlieue de Khartoum) et fait partie de la tribu Dajo, originaire du Darfour.
L’OFPRA met successivement en doute le fait qu’il soit né et vit à Khartoum, mais l’accuse de ne pas être originaire du Darfour parce qu’il désigne cette région par un mot typique de Khartoum : « l’Ouest ».
Alors où, d’après l’OFPRA, Maowya a-t-il vécu ?
De même, elle l’accuse de ne jamais utiliser le mot Darfour pendant tout l’entretien alors qu’elle le met 2 fois dans sa bouche dans un résumé de 5 pages.sur un entretien d’1 heure 50 (Combien de fois plus dans la réalité ?)
Erreurs :
Quand on lui demande de parler de sa tribu, Maowya, dans sa réponse, insiste qu’il a été arabisé, ce qui n’est pas exceptionnel au Soudan. L’OFPRA en déduit que « L’intéressé ne sait rien de l’ethnie Dajo.», alors que il suffit d’insister pour qu’il parle de sa tribu et il vous citera les nombreuses familles qui en font partie !
De même, l’Office lui reproche de ne pas parler la langue de sa tribu. Certes, sa langue usuelle est l’Arabe. Mais il connaît des mots Dajo. Il peut même faire des phrases simples. Il sait que le mot « Nyala », qui est le nom de la ville dont son père est originaire, signifie « la grande place » en Dajo. Où a-t-il appris le Dajo qu’il connaît ?
Rapport tendancieux :
On a vu comment Maowya n’a pas spontanément éprouvé le besoin de dire le nom officiel du Mouvement de Libération qu’il a rejoint.
Pourquoi l’Officier de Protection a éprouvé le besoin de noter ce détail dans un résumé de 5 pages d’un entretien d’une heure 50 ? Qu’implique-t-il ?… Qu’il ment ?
L’OFPRA écrit que Maowya a prétendu « Avec quelque embarras il est vrai », [avoir été chargé d’] espionner les taupes du gouvernement. », alors que l’étudiant qui l’avait enrôlé lui avait simplement demandé de surveiller certains policiers de son quartier pour savoir si c’étaient des mouchards.
D’abord, utiliser l’expression « taupe du gouvernement » c’est lui faire jouer un rôle qu’il n’a jamais prétendu jouer. Et ensuite comment l’Officier de Protection a-t-il détecté le « quelque embarras » ? Maowya m’a raconté cette péripétie sans jamais marquer la moindre gêne…
Et que penser de cette insistance, sur une petite hésitation de Maowya qui dit être resté en prison « 3 nuits », « pas la journée ? », il précise « 3 jours et 3 nuits » bien sûr ! Cela devient dans la rédaction de l’Officier de Protection et de son Supérieur
«Déclaration surprenante « 3 nuits » Puis conscient de sa bévue, il corrige : c’est trois jours et trois nuits. » Tous ces mots impliquent le mensonge alors que je suis prêt-à-porter serment que Maowya n’est pas un menteur.
L’analyse de l’OFPRA dans sa Proposition de Rejet continue ainsi d’erreur en erreur jusqu’à devenir même ubuesque !
A propos du commerçant qui a permis à Maowya de s’évader l’OFPRA note ;
« Rappelons que la famille de l’intéressé vit toujours à Omdurman et qu’elle serait en droit de poursuivre en justice ce marchand si les choses s’étaient réellement passées ainsi. »
Certes, comparaison n’est pas raison mais que penserait on si, à propos des centaines d’enfants Juifs qu’un pasteur et quelques paysans ont sauvé dans un village près d’ici à Boën-sur-Lignon (Haute Loire) durant la guerre de 1940, quelqu’un avait fait le commentaire suivant :
Cette histoire n’est pas « très crédible » car « les familles de [ces enfants] vivent toujours [en France] et qu’elles seraient en droit de poursuivre en justice ce [pasteur et ces paysans] si les choses s’étaient réellement passées ainsi. »
Aller voir le Gouvernement de Vichy ? La Kommandantur ?
….
Or comme pour une Cour, la décision de l’OFPRA se veut définitive ; elle ne complète et ne rectifie jamais un rapport qu’elle rédige : même s’il est truffé d’erreurs comme celui de Maowya
Mais ce rapport est-il vraiment incontestable ?
Je ne parle pas de la décision, mais du rapport lui-même si entaché d’erreurs, de partialité, bref si peu professionnel.
A ma connaissance tout citoyen, y compris un étranger et … un Réfugié est en droit de contester un acte de l’Administration devant une instance judiciaire de Première Instance
Ai-je tort ?
Quand Maowya est revenu sur Saint-Etienne, Il est retourné voir la PADA qui est une association qui aide les réfugiés à faire leur dossier. Il doit y avoir une association semblable dans chaque Département.
Je croyais que c’était une association humaniste au service des réfugiés. Mais mes recherches sur cette Association m’ont amené aux découvertes suivantes :
-Elle est subventionnée à 100% par la Préfecture.
– Du coup, les gens qui y travaillent n’ont pas la liberté de parole, sinon ils risquent de perdre la subvention et par ricocher pour certains d’entre eux … leur emploi !
– C’est donc une Administration Bis dont les employés sont entièrement dépendants du Pouvoir Politique du moment.
– Les assistantes sociales et les Juristes ont pour consigne stricte de n’aider les Demandeurs d’Asile qu’en vue de l’OFFRPRA et la CNDA.
– Les Juristes doivent orienter le Demandeur D’Asile vers la CNDA, à l’exclusion du Tribunal de Première Instance, qui, pour Maowya aurait été la chose à faire.
– Le préfet a enjoint les Assistantes sociales de n’accorder l’Aide Judiciaire et de n’aider Maowya que pour un avocat à la CNDA, à l’exclusion de la Conseil d’État ou d’un Tribunal de Première Instance. N’outrepasse-t-il pas ses droits ?
Bref, on s’aperçoit que le Préfet – c’est-à-dire l’Administration –manipule les ficelles de la Défense même des Réfugiés !
J’ai, néanmoins, constitué avec Maowya un dossier qui répond point par point aux objections de l’OFPRA. Et je le considérais « en béton ».
J’ai assisté à un 1er procès à la CNDA.
Il est à remarquer que la CNDA est elle-même un hybride entre le Pouvoir Judiciaire et Exécutif puisqu’elle est présidée par un Juge dépendant su Siège mais les deux assesseurs sont nommés par le Gouvernement et l’un d’entre eux est un Membre de L’OFPRA. On ne peut donc parler de Justice totalement indépendante ! En outre, plusieurs règles qui ont cours dans une Cour normale n’y sont pas appliquées :
a) Le Rapporteur se permet d’apporter des éléments nouveaux importants dans l’instruction du Dossier le jour même du procès alors qu’il me semble de bonne justice que tous les arguments doivent être échangés avant de façon de permettre à la Défense d’étudier et d’organiser éventuellement une riposte.
Pour Maowya, quelle ne fut pas ma surprise, de voir le Rapporteur mettre en avant l’existence d’un couvre-feu en vigueur à Khartoum qui rendait toute fuite impossible. Évidemment, je n’avais pas interrogé Maowya sur ce sujet. Lui-même n’était pas au courant de ce couvre-feu !
Heureusement, ce procès a été reporté parce que l’avocate qui parle l’Arabe s’est aperçue que l’interprète traduisait mal les questions !
Du coup, nous avons pu faire des recherches sur ce couvre-feu et nous nous sommes aperçus qu’il avait été levé la veille de sa fuite. Un document de l’ONU en fait foi !
L’objection, qui était cruciale pour l’issue du procès était donc erronée
De la même manière, dès le début du procès de Djamal, j’ai entendu la Juge déclarer : « Pourquoi vous a-t-on emmené à l’hôpital d’El Fâcher qui est à deux jours de voyage, alors qu’on aurait pu vous soigner au Tchad dans un centre qui ne se trouvait qu’à quelques heures. La frontière est poreuse à cet endroit là. Les gens vont faire leurs courses de part et d’autre. »
Dans le train du retour, j’ai demandé à Djamal « Toi qui habitais Tina, Soudan, es-tu allé à Tina, Tchad ? »
– Jamais ! J’ai voulu franchir la rivière, une fois. Mais il y avait quelqu’un de l’autre côté qui m’a dit : ici Tchad. Je ne l’ai pas franchie. »
– Tes parents y sont-ils allés ?
– Jamais ! »
Permettez-moi de douter de la pertinence du savoir de la Juge. Et c’est sur une connaissance plus que douteuse qu’il a été rejeté, contrairement à toute règle de Justice !
b) A la CNDA, ce n’est pas la présomption d’innocence qui est appliquée mais l’intime conviction du Juge ! Règle one peut plus subjective. Il suffit de voir comment de nombreuses personnes sont intimement convaincues que Dieu existe et d’autres sont intimement convaincues qu’il n’existe pas !
Je croyais que tous les efforts de la Justice avaient justement pour but d’éliminer la part subjective du Jugement pour la remplacer par une part objective ; des faits aussi incontestables que possible. Mais ai-je tort ?
Est-il une autre Juridiction où cette disposition est en vigueur ?
Sinon, n’est-elle pas une disposition d’exception ?
Pour les procès des politiciens, le Juge doit-il est intimement convaincu de leur honnêteté ?
c) La plaidoirie a lieu avant l’interrogation du Réfugié et non après. L’avocat pourrait apporter des éclairages, voire commenter le contenu de l’interrogatoire.
Pour Maowya, Il aurait pu leur demander, par exemple, s’ils se rendaient compte qu’ils jugeaient un malade, comme je vais vous l’expliquer plus loin.
d) Il n’y a pas de témoins qui pourtant pourraient apporter un éclairage précieux (J’ai le sentiment de savoir beaucoup plus que la Cour si Maowya est un réfugié ou non ; Je vis avec lui depuis 2 ans. Ils ne l’ont vu qu’à peine une heure !). Je sais qu’il ne ment pas ou alors, embauchons le comme acteur parce qu’il joue superbement bien son rôle depuis près de deux ans que je le connais !
e) Le Verdict de l’OFPRA
A aucun moment, l’Office ne dit qu’il n’est pas un réfugié. Is dit simplement qu’il n’ « est pas convaincus » qu’il en soit un.
Comme une Administration, l’OFPRA n’accorde pas le droit. Mais le dossier n’est pas en attente. Il avance pour un deuxième et dernier jugement. Peu importe la qualité du Travail !
Certains anciens Officiers de Protection – dont notamment un qui a fait une enquête pour le compte d’Amnesty international – nous disent qu’il n’y a pas de quotas de dossiers admis ou refusés à l’OFPRA. Mais le maitre mot est la rapidité (ce qui, en soit pose question. (La justice ne doit-elle pas « se hâter lentement ? ») : Il faut faire 2,2 dossiers par demi-journée. S’ils ne sont pas efficaces, leur contrat n’est pas renouvelé. Or le chef de Section passe beaucoup plus de temps à scruter un dossier admis qu’un dossier refusé, ce qui implique, s’ils veulent garder leur emploi que la masse soit refusée.
Pourquoi le Directeur de Section passe-t-il plus de temps à scruter un dossier admis qu’un dossier refusé ?
J’ai assisté au 2ème procès à la CNDA.
Nous n’étions pas les premiers à passer.
Nous avons vu comment le Représentant de l’OFPRA « se lâchait » contre les cas précédents, marquant son impatience, prenant un ton tantôt indigné tantôt hostile, ne laissant pas au Demandeur d’Asile le temps de réfléchir à sa réponse ;
Détail qui m’a frappé : il s’est curé les ongles – qui étaient sans doute très propres – entre deux affaires !
J’ai vu Maowya, qui, par tempérament, manque déjà de confiance en lui, devenir de plus en plus déprimé : je pouvais voir des perles de sueur pointer à la racine de ses cheveux. Il ne comprenait sans doute pas les propos échangés mais il sentait le ton.
Il ne comprenait rien à ce procès. Il disait sans cesse « Je leur ai déjà raconté ce que j’ai vécu,. Ils ne me croient pas. Que puis-je faire ? »
Il s’est fait littéralement laminé par le Représentant de l’OFPRA qui dès le début a affiché son hostilité à son égard :
« Il n’y a rien de vrai, que du vent… » A-t-il dit…
Il maniait à tour à tour l’indignation, l’impatience, l’exaspération avec des « C’est tout? C’est tout ? C’est tout ? ». Lui reprochant de ne pas avoir participé à l’action militaire des Rebelles « Oui… vous laissez le sale boulot aux autres… » etc.
Maowya se repliait de plus en plus sur lui-même, finissant même par réciter des bribes de son récit qu’il avait rédigé à l’hôtel. Il avait en effet passé les jours précédents enfermé dans sa chambre, à dire et redire son récit.
J’avais beau lui dire que ça ne servait à rien, que ça jouerait même contre lui, qu’il fallait être naturel. Il maintenait :
« Je ne dois rien oublier… »
Je cite de mémoire le déroulement. (Je n’ai pas pris de notes malheureusement.)
Question « Vous avez déclaré appartenir à la branche politique du Mouvement, que voulez vous en tant que Mouvement ?»
1) Non ! Maowya n’a rien déclaré du tout. C’est moi qui ai dit cela. J’ai rédigé le rapport en mon nom. C’est moi qui parle de lui, ce qui m’a permis de parler de sa personnalité.
Or, Il y a eu un coup militaire des rebelles à Omdurman. Mais Maowya a été sensibilisé aux problèmes du Darfour par un étudiant qui lui donnait des cours de soutien. J’ai précisé qu’il n’a pas participé à l’opération militaire. Mais tout mouvement, même terroriste, « a une aile politique. » et que donc, il était vraisemblable qu’à Omdurman des étudiants fassent ce travail de sensibilisation.
2) J’avais pointé, dans le rapport, que Maowya n’était pas un intellectuel. Par conséquent lui demander une déclaration politique abstraite était un non-sens ! Le discours abstrait maitrisé commence à s’enseigner à partir de la Seconde en France et se poursuit à l’Université !
Par contre, j’ai affirmé que c’était un combattant de la Liberté. Oui ! Je le maintiens.
a) Il a essayé de sensibiliser certains camarades de classe et des compagnons de jeu (il jouait au foot.), en prenant des risques considérables, qu’il a d’ailleurs sans doute sous estimés. Ce n’est pas un grand fait d’arme. Mais c’est suffisant. Il n’avait qu’une vingtaine d’années à l’époque. Pouvait-il faire plus ?
b) Autour du 14 Juillet 2009, je crois. J’ai décidé – à tort, c’était bien trop difficile pour leur niveau de Français- de leur enseigner la Marseillaise. J’ai simplifié bien sûr. J’ai montré que c’était un chant pour défendre la République et la Liberté contre les Nobles revanchards et les rois étrangers.
J’ai eu un succès fou ! Ils chantaient à tue-tête, me demandant sans cesse d’expliquer approuvant à coup d’exclamation ! Et quand je leur ai montré que, sur l’extrait de film que je leur montrais, les gens se levaient quand ils la chantaient, ils se sont levés d’un seul homme ! Je leur ai dit que ce n’était pas nécessaire en classe, … mais c’était plus fort qu’eux ils se levaient tout de même. C’est à ça que je vois que la Liberté n’est pas un vain mot chez eux – on est loin du Stade de France.
A aucun moment, je n’ai eu le sentiment que le Représentant de l’OFPRA était à la recherche d’une quelconque Vérité.
A un moment donné, il s’est aperçu qu’un malentendu persistait depuis 5 minutes : Maowya parlait de son arrestation alors qu’il l’interrogeait sur son évasion.
Maowya a-t-il mal compris la question ?, confusion dans la traduction ? Je ne sais.
Mais on aurait pu s’attendre à ce que le Représentant de l’OFPRA reprenne la question à son point de départ.
Eh bien non ! Il semblait satisfait de cette confusion générale !
Le Représentant de l’OFPRA a relevé une contradiction entre son entretien à l’OFPRA, où il a déclaré être arrêté dans la rue, .et dans mon rapport, j’ai écrit « chez lui ». Je n’ai pas fait attention à ce détail.
« Alors, Monsieur, vous étiez dedans ou dehors ? On ne peut être dedans ou dehors ! »
A ce moment-là, il était complètement écrasé. Et sa réponse n’a pas été claire. Je lui ai demandé de préciser par la suite. Il a été arrêté au seuil de sa maison, la porte d’entrée donnant sur une cour intérieure !
Le Verdict
1) Comme l’OFPRA, la CNDA ne dit à aucun moment, qu’il n’est pas un réfugié. La Cour dit simplement que « les faits ne sont pas établis ». Mais qu’elle les établisse ! C’est son travail.
Et si elle n’y arrive pas qu’elle déclare non-lieu et accorde le statut de réfugié, au bénéfice du doute. Il vaut mieux en effet que dix immigrés économiques entrent en trichant qu’un seul vrai Réfugié soit refusé avec les conséquences que nous verrons plus loin…
2) la motivation du Jugement
Tout Jugement doit être justifié et expliqué au Justiciable.
Or Amnesty international a fait ressortir dans son enquête comment la CNDA utilise 2 ou 3 formules stéréotypées, dont celle utilisée pour le Jugement de Maowya,
« Les faits ne sont pas établis. »
Que signifie « établir un fait» ?
Voici les principaux :
a) origine contestées par l’OFPRA, mais plus par la CNDA, suite au dossier. Donc établie
b) a-t-il fait partie du MJE ?
Maowya dans son entretien avec l’OFPRA parle de « séparation de la Religion et de l’État », qui est la traduction soudanaise de la laïcité.
Étant littéraire de formation, je sais qu’une idée ne vient jamais spontanément mais qu’il lui faut des siècles et une série de contextes pour émerger.
La notion de laïcité a été posée dès les guerres de Religion, en France. Elle s’est poursuivie par l’Édit de Nantes, pour finir, après de nombreux combats entre les anticléricaux, les Protestants et l’Église catholique par être proclamée au début du 20ème siècle. La France et la Turquie – qui a copié la France – sont les seuls pays au monde à l’avoir adoptée
Comment Maowya, musulman, fils de tailleur à Omdurman (près de Khartoum), est il parvenu à cette idée ? Le contexte ? Mais il est musulman dans un État musulman. Il n’en avait nulle besoin.
Pour moi, c’est claire : quelqu’un lui a dit cette idée. Et qui ? Celui qui lui a enseigné le Coran ? bien sûr que non ! Un intellectuel rebelle.
Oui, Maowya est entré en contact avec le MJE.
Tant que le Tribunal, dans ses motifs, ne fournit aucune autre piste pour expliquer sa déclaration. On peut tenir cette adhésion pour établie.
Le fait qu’il n’ait été « qu’à 3 réunions » – objection fournie par le Tribunal dans ses motifs – ne change rien à l’affaire
c) Son arrestation et son évasion ne peuvent être prouvées in fine.
Mais Le récit qu’en fait Maowya est très vraisemblable.
Il y a bel et bien eu une attaque militaire de la part des Rebelles d’Omdurman.
Dire, comme le dit l’OFPRA, qu’il est peu plausible qu’il y ait eu des arrestations massives ce jour-là est simplement incompréhensible. Le Tribunal n’étaye aucun de ses doutes
Que la foule défende leurs voisins, leurs amis, leurs enfants en courant des risques considérables est tout à fait plausible.
Le Tribunal n’est pas en mesure d’affirmer que toutes les rues étaient surveillées à tout moment. Les américains n’y arrivent pas à Baghdâd, Khartoum y arriverait à Omdurman ?
La présomption d’innocence ne doit-elle pas s’imposer dans ce cas là ?
d) J’ai fait remarquer au Tribunal que pour nous, qui travaillons sur le terrain et vivons avec eux, la différence entre l’immigré économique illégal et le Réfugié est assez facile à faire : L’immigré économique est globalement heureux d’être en France, alors que le Réfugié, lui, est foncièrement malheureux, même s’il a le statut parce qu’il vit en exil.
J’ai posé la question à Maowya : « Est-ce que la France t’attirait quand tu étais à Khartoum ? As-tu eu envie de venir en France ?
– Jamais ! »
Et à Djamal,
« S’il y avait un bon régime au Soudan, et que tu puisses revenir. Que ferais-tu ? Rester ici et être bien plus riche ou repartir et être pauvre ?
– Je repartirai demain ! »
Le rêve de Maowya ? Aller se promener avec ses copains le long du Nil Bleu parce qu’il draguait les filles ! Ici, il est perdu. Il ne connaît pas le jeu entre filles et garçons…
Mon témoignage n’a compté pour rien.
Cela ne dénote-t-il pas pour le moins une certaine arrogance, voire un certain parti-pris qu’on ne prendrait pas si on jugeait un politicien important ?
Arrogance qu’on retrouve quand le Juge estime que les propos de Maowya sont « indigents », simples oui, peu clairs à un moment donné, oui. Mais arrêtons le mépris.
J’accepte d’avoir tort, mais je veux qu’on me le montre.
Utiliser une phrase tampon, se contenter d’appréciations générales qui n’expliquent rien, qui cachent sans doute les vrais motifs qu’on ne met pas en avant parce qu’on a peur d’une contradiction écrasante, utiliser des termes méprisants ne peuvent former la motivation d’un jugement.
3) Conséquence de tels Jugements.
Il est surprenant de voir comment la situation du pays d’origine ne semble absolument pas prise en compte.
a) Rappelons-nous les Réfugiés Afghans qui vivaient dans la Jungle de Calais. 700 environ ont été arrêtés. On beaucoup parlé des 3 que le Gouvernement a renvoyé « avec leur accord » ‘dixit le gouvernement). Mais les autres ?
Pourquoi n’a-t-il pas renvoyé les autres ?
Ils étaient pourtant sans papier.
La seule explication entendue a été donnée par un Journaliste qui disait que « C’était une coutume en France. On ne renvoie pas les ressortissants de pays en guerre»
Une coutume ? Depuis quand la Gouvernement Français obéit-il à des coutumes ?
Non, le Gouvernement obéit aux lois que le Parlement vote et aux traités qu’il signe et dont il est le garant.
En la circonstance, le gouvernement accorde, sans jamais le dire, honteusement, le Droit d’Asile à ces personnes alors même qu’elles ne le demandent pas. Ce sont des Réfugiés de fait.
b) Le Gouvernement a-t-il jamais renvoyé des Réfugiés au Soudan ?
Je crois que non. Donc Maowya est un réfugié de facto.
Du coup, quelle est la situation de Maowya, maintenant ?
On lui demande de quitter le Territoire, mais on le prive d’argent et de passeport ! D’ailleurs où peut-il aller ?
… Au Soudan ?
Appelons un chat un chat. Il est, de fait, un apatride, sans droit.
Les décisions de l’OFPRA et de la CNDA aboutissent à une apatridie qui ne dit pas son nom.
Je suis tellement révolté par cette justice que je suis prêt à payer un procès auprès du Conseil d’État, voire (Mais est-ce possible ?) poser la question de Constitutionalité de toute cette législation devant le Conseil Constitutionnel. J’ai également pensé que la Cour Européenne des Droits de l’Homme devrait juger cette affaire.
Pouvez-vous me donner un éclairage et des conseils ?
J’envisage même, si je suis soutenu de faire une grève de la faim pour obliger le Gouvernement à voir le problème en face.
Je sais que ce sera difficile (je me suis déjà entrainé quelques jours). Je m’estime Français moyen, donc faible. Mais si c’est le prix à payer pour contrer un peu la vague de xénophobie actuelle,. Je le paierai.
Avec mes remerciements
.
André Bruyère
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