Actualité et avenir du dialogue social
dans la fonction publique territoriale
’invocation du dialogue social est particulièrement fréquente lorsqu’il n’existe pas ou qu’il n’y arien à négocier.
Pour ou contre le dialogue social ?
Le débat ne peut se limiter à cette question : tout le monde est pour ; la question est donc superflue.
Le contenu du dialogue social est fondamental. Il n’est valide qu’à condition qu’il ne soit pas une diversion pour éviter de parler de l’essentiel. Il ne se légitime qu’à cette condition : on ne dialogue pas pour dialoguer
J’ai pour ma part rencontré le dialogue social comme syndicaliste (CFTC puis CGT), comme fonctionnaire dans différentes administrations (membre de CAP de CTP), comme ministre en conduisant avec mon cabinet et l’administration une concertation sans précédent sur l’ensemble des textes législatifs et réglementaires de la fonction publique.
Le dialogue social dans la fonction publique en 1981-1984
Le fonctionnaire est dans une position statutaire et réglementaire et non contractuelle parce qu’il est au service de l’intérêt général. Sa situation doit donc être définie par la loi et le décret et son indépendance garantie contre l’arbitraire et les pressions de toute sorte.
Néanmoins, malgré ce caractère statutaire du fonctionnaire, la concertation sur le statut et les autres textes a été de grande ampleur. Elle a pu porter sur de simples circulaires en août 1981 (relance des CTP, utilisation des locaux administratifs pour des motifs autres que de service), sur les projets de décrets du 28 mai 1982 relatifs au droit syndical et aux organismes paritaires. On a introduit alors dans le statut la compétence de négociation reconnue aux organisations syndicales (art. 8 Titre I – abrogé en 2010)
Des négociations annuelles sur les rémunérations avaient lieu alors, elles prévoyaient des clauses de sauvegarde jusqu’en 1983-1984. Elle a été abandonnée ensuite, affaiblissant d’autant le dialogue social sur un sujet majeur.
Mais cette pratique a été profondément dénaturée
Les dénaturation se sont appliquées surtout dans la fonction publique territoriale avec, notamment, la loi Galland du 13 juillet 1987. Par ailleurs, un amendement dit « Lamassourre » a abrogé la loi du 19 octobre 1982 réglementant d’une manière juste le droit de grève dans les service public.. De même a été supprimée la 3° voie d’accès à l’ENA. Les réactions syndicales à ces atteintes ont été faibles.
Depuis, il y a eu, au 31 mars 2014 ; 225 « transformations souterraines » législatives et plus de 300 réglementaires en 30 ans (selon Christian Vigouroux, AJDA, 17 juin 2013) dont 84 pour la fonction publique territoriale (FPT) contre 30 du Titre I sur les droits et obligations, 50 pour la fonction publique de l’État (FPE) et 61 pour la fonction publique hospitalière (FPH)
Peut-on aujourd’hui parler de dialogue social sur l’essentiel : sur les traitements (gel jusqu’en 2017), sur les actes successifs de la réforme territoriale dont on sait que le plus récent projet va se traduire par une diminution des emplois de la FPT et le transfert de certains de ceux-ci au privé, sur le paritarisme (CTP fuis par partie administrative), sur l’autoritarisme (principe hiérarchique, obligation de réserve, devoir d’obéissance), sur l’assainissement nécessairement à l’ordre du jour, sur quels chantiers structurels de moyen et long terme ? Certes il y a des points d’appui, ceux que propose le rapport Pêcheur, par exemple, mais dans un contexte très aléatoire.
Le débat peut se poursuivre sur des bases sérieuses
Nous sommes donc contraints de prendre acte de la faiblesse du dialogue social aujourd’hui. Il reste dans ces conditions à tenter de pratiquer le dialogue social sur le dialogue social. C’est d’une certaine façon ce que vous nous proposez et ça n’est pas inutile. Ainsi, le Livre blanc J. Fournier de 2002 a fait un certain nombre de propositions : institutionnaliser la négociation (définir ses thèmes et ses niveaux), donner une valeur juridique aux accords intervenant en matière réglementaire (homologation par décret), définir de nouvelles règles de représentativité et d’adoption des accords (accords majoritaires ? révision des mécanismes de concertation, notamment la composition non paritaire des CTP.
La loi sur le dialogue social du 5 juillet 2010 (suite aux accords de Bercy de 2008) a prévu : le renforcement de la place de la négociation, l’élection comme base de la représentativité, la réforme des comités techniques, la création d’un conseil commun de la fonction publique, la création de comités d’hygiène, de sécurité dans la FPE et la FPT, le renforcement des garanties de carrière aux agents investis de mandats syndicaux.
Je suis hostile à la validation législative d’accords-contrats du type de l’Accord national interprofessionnel (ANI). L’homologation en matière réglementaire est davantage admissible si le pouvoir réglementaire reste maitre de la décision. Je ne suis pas non plus partisan non plus de cette dérive que l’on observe depuis un certain tendant à rendre moins normatives les règles de droit dans la fonction publique dont les éléments sont : la contractualisation, la mode déontologique, la notion de « droit souple » actuellement mise en avant par le Conseil d’État.
En conclusion, le dialogue social pose la question de la responsabilité syndicale : quelle contestation a été apportée aux dénaturations ? L’établissement d’un rapport de forces fait partie du dialogue social.