Défendre l’intérêt général et le bien commun
Le statut de la fonction publique territoriale a déjà trente et un ans.. Il porte sur l’ensemble des règles régissant la carrière des agents des collectivités, devenus fonctionnaires à part entière. L’ancien ministre communiste du gouvernement Mauroy, Anicet Le Pors, a été l’instigateur de ce véritable « big bang ». À 84 ans, ce docteur en sciences économiques revient sur son combat de tous les jours pour préserver et développer le service public de la République.

« La loi fondatrice du statut de la fonction publique du 26 janvier 1984 a été pensée, écrite – avec René Bidouze mon directeur de cabinet et ancien dirigeant des fonctionnaires CGT, Robert Chéramy de la Fédération de l’éducation nationale et Jeannette Laot, dirigeante de la CFDT- et votée par l’Assemblée nationale d’union de la gauche, grâce au soutien du Premier ministre Pierre Mauroy. Le président Mitterrand, qui, disons-le franchement, se fichait comme d’une guigne de la fonction publique a fait une erreur de jugement en prédisant que cette loi n’aurait pas une longue vie. Trente-deux ans plus tard, l’architecture juridique du statut tient toujours debout. Certes, ce n’est plus tout à fait le même car les offensives libérales de la droite ont été importantes. Notamment pour tenter de renforcer la relation contractuelle contre la position statutaire du fonctionnaire. Mais le service public reste un formidable « amortisseur social » dans la crise. Aujourd’hui, se pose la question d’un grand dessein pour le service public avec la mise en place de chantiers structurels permettant son adaptation au monde moderne. Et la crise de civilisation que nous connaissons nous conduit à envisager son avenir d’une manière renouvelée. La crise et la précarisation qu’elle entraine ont pour effet, plus que dans le passé de faire apparaître la fonction publique comme une privilégiature en raison notamment de la garantie de l’emploi. Cette appréciation est injuste car nombre de fonctionnaires vivent difficilement. À l’inverse, c’est la base législative de la situation des salariés du privé qu’il convient de renforcer dans une véritable sécurisation des parcours professionnels. La crise a ainsi pour conséquence une « perte des repères » pour les citoyens qui touche spécialement les fonctionnaires dans la mesure où ils sont au premier rang pour défendre l’intérêt général et le bien commun. Chacun pourra s’interroger sur sa propre expérience, mais pour ma part, ma longue trajectoire dans la fonction publique – ingénieur à la Météorologie nationale, chargé de mission au ministère de l’Économie et des Finances et chargé de cours à l’École supérieure de sciences économiques et sociales – me conduit à considérer que notre époque est marquée par un profond délitement de l’esprit civique jusqu’aux plus hauts niveaux de l’administration. Les convictions républicaines sont hésitantes, voire fébriles et la suffisance presque justifiée. Où sont, aujourd’hui, les esprits vigiles tels que Marcel Paul, René Cassin ou François Bloch-Lainé ? Où est cette éthique républicaine nourrie du programme humaniste du Conseil national de la résistance ? Et ce n’est pas par hasard que l’on voit fleurir les prescriptions des codes de déontologie au lieu d’en appeler à la responsabilité propre de chacun, que l’idéologie managériale prétend supplanter l’esprit de service public. Comme l’a écrit Victor Hogo : « La forme c’est du fond qui remonte à la surface. » Une question se pose : de quels fonctionnaires avons-nous besoin ? Fort de mes convictions qui demeurent plus que jamais communistes, je pense que le fonctionnaire citoyen du XXI° siècle devrait être une femme, un homme, ayant une réflexion personnelle, le courage de défendre ses idées avec la volonté de les promouvoir dans la solidarité ».
Propos recueillis par Éric Bacher
Cet entretien n’a pas été relu par l’auteur
Bonjour Monsieur Le Pors,
Je tiens à vous remercier pour la publication de mon article sur votre blog. Je vois que Regards vous a été envoyé. Malade et absent je n’ai pu accompagner cet envoi d’un mot de remerciement et je m’en excuse.
Bien cordialement,
Eric Bacher
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