Monsieur le Maire, Mesdames, Messieurs, Chère Françoise,
Merci Monsieur le Maire pour votre accueil. Je l’apprécie d’autant plus que les relations entre Trégorois et Léonards ont souvent été méfiantes. Mon père traduisait ce sentiment en soutenant que les premiers disaient des seconds « Ceux-là ont une main sur leur chapelet et l’autre dans votre poche ». Aujourd’hui notre réunion témoigne que nous avons dépassé cet état d’esprit
Une remise de décoration est toujours le moment à la fois intime et solennel de s’interroger sur sa vie, sur ses valeurs, sur la place que l’on occupe dans la société, sur le rapport aux autres. C’est vrai surtout bien sûr pour le ou la récipiendaire mais aussi pour celui qui officie.
Se manifestent en cette occasion les opinions les plus diverses. Un éminent juriste de mes amis, conseiller d’État, Guy Braibant, avait l’habitude de dire en ces occasions : « Une décoration ça ne se demande pas, ça ne se refuse pas, ça ne se porte pas ». Moyennant quoi il portait les siennes allègrement.
Mais l’attribution d’une décoration est aussi un enjeu. J’ai connu une période où les personnes qui étaient engagées dans un mouvement associatif, syndical ou politique contestataire n’avaient jamais de décoration. Cela était le privilège des élites, d’une pratique d’un autre monde. Par suite, dans les mouvements où je militais, on ne se posait pas la question et lorsqu’il nous arrivait d’en parler c’était pour dire notre dédain. Mais nommé ministre, j’ai eu à décerner des décorations et, dès lors, j’ai eu à me poser la question des critères d’attribution. J’ai pensé alors qu’il convenait de réparer les injustices et d’en attribuer à ceux qui, jusque-là, en avaient été privés. J’appréhendais un peu leur réaction connaissant l’état d’esprit des plus rudes de certains d’entre eux. Mais à ma surprise ils ont été heureux et reconnaissants de cette proposition et, quant je leur ai remis cette décoration, certains ont même écrasé une larme. J’ai aussi l’exemple de cet ami, ancien ministre, qui avait juré également que jamais il n’accepterait une décoration ; il l’a pourtant acceptée lorsqu’on lui en a fait la proposition et se l’est fait remettre par le Premier ministre Pierre Mauroy et l’a dédiée à son père mort à Auschwitz. Une décoration touche donc souvent à l’intime quand bien même ce n’est pas un objectif de vie.
Ce qui a été pour moi décisif, c’est la demande de rencontre que m’a faite un jour, pendant la période ministérielle, le Grand Chancelier de la Légion d’honneur. Je l’ai reçu, un général bardé de décorations. Après quelques échanges convenus, il m’a tenu à peu près ce discours : « Monsieur le ministre, je suis chargé par le Conseil de l’Ordre, de vous dire que nous ne contestons pas évidemment les propositions que vous avez faites lors des dernières promotions, il s’agit sans aucun doute de personnes méritantes, mais il est d’usage d’équilibrer les catégories sociales dans les promotions et, s’agissant de celles que vous nous avez présentées, il nous semble que la catégorie des syndicalistes était sur-représentée ». Sur le coup j’ai pensé que je n’avais pas bien compris, je suis resté sans voix et il est reparti. Choqué, j’ai demandé à l’administration d’établir une statistique sur les vingt dernières années de laquelle il est ressorti que pas un seul syndicaliste n’avait été nommé durant ces deux décennies. Je m’en suis entretenu avec le Président François Mitterrand en fin de l’un des conseils des ministres qui a suivi. Il m’a dit qu’il ferait les remontrances nécessaires au Conseil de l’Ordre.
Je me suis alors attaché à rechercher les bases de légitimité des décorations. Je pense les avoir trouvées dans l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 où l’on relève la phrase suivante. « Tous les Citoyens étant égaux (aux yeux de la loi) sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. ». Recevoir une décoration ce n’est donc pas futile ; c’est exercer un droit.
Dignités, capacités, vertus, talents, nous pouvons dire, s’agissant de Françoise Le Bot, qu’ils sont surabondants. Au point que je ne pourrai qu’en donner un aperçu très limité.
Françoise est un exemple édifiant de courage et de ténacité dans l’accomplissement d’une formation professionnelle de haut niveau.
Elle débute dans sa vie professionnelle comme sage femme, diplômée d’État en 1982.
De 1983 à 1987 elle se lance dans des études de droit à la faculté de droit de Brest consacrées par une maîtrise.
Puis c’est un diplôme d’études supérieures d’économie et de gestion en 1988 à l’Université de Paris I.
1989-1990, moment important dans son cursus : elle est étudiante à l’IPAG, Institut de préparation à l’administration générale, de Brest où elle rencontre son directeur, notre ami commun, Yves Moraud, qui nous a quitté en septembre dernier, ami aussi de plusieurs personnes ici présentes. Françoise m’a dit qu’elle souhaitait évoquer sa mémoire, je souscris par avance à l’hommage sui lui est du mais que nous n’avons malheureusement pas eu l’occasion de lui rendre.
En 1991, elle devient inspectrice des affaires sanitaires et sociales, principale en 1997
En2005, elle réussit le concours sur titre pour les fonctions de directeur d’hôpital dont elle suit la formation à l’École nationale de la santé à Rennes.
C’est donc une ascension sociale tout à fait remarquable, faite d’intelligence, de ténacité débouchant sur une compétence de haut niveau.
C’est dans le cadre de sa vie professionnelle qu’elle donne aujourd’hui sa pleine mesure. La situation est mieux connue, c’est pourquoi je me bornerai à quelques repères.
Elle exercera donc pendant huit années les activités de sage-femme dans plusieurs établissement, à Landerneau et Brest notamment.
Comme inspectrice des affaires sanitaires et sociales, elle sera chargée de missions importantes en direction des personnes handicapées, de l’enfance handicapée. Comme inspectrice principale ses fonctions se porteront au niveau ministériel concernant les questions juridiques liées à la mise en œuvre des politiques sociales.
Elle revient ensuite au terrain local de 1999 à 2005 à la DDASS du Morbihan comme chef su service « offre de soins » et prend une place croissante dans le cadre de l’ARH dans tous les domaines : gestion prévisionnelle, animation d’équipes, restructurations d’établissements, présidence de CAP, etc.
À sa sortie de l’École de la Santé, en 2005, ses activités se situeront naturellement à la direction d’Établissements publics hospitaliers.
’abord au CH de Douarnenez. Puis à partir de 2008 comme directrice de l’hôpital local de Lanmeur devenu depuis CH. La plupart des personnes ici présentes en savent beaucoup plus que moi sur l’importance de cet établissement dans la vie de la cité comme dans leur vie personnelle, c’est pourquoi je ne m’y attarderai pas. J’ai été impressionné par la description des projets en cours, l’importance des sommes engagées exigeant une haute idée de sa responsabilité, l’ambition du recours aux nouvelles technologies, l’intérêt porté aux activités culturelles et artistiques consacrées par de nombreux prix, l’ouverture sur l’extérieur (l’école publique de Lanmeur, le musée de Morlaix, le Conseil général-départemental).
Tout en restant très incomplet je pourrai encore évoqué à de nombreuses activités et responsabilités externes : participation à des groupes de travail, à des colloques, instances de formation, soutien aux étudiants et membre de conseil d’administration et du bureau de l’Association nationale des hôpitaux locaux.
Je salue les nombreux membres de sa famille aujourd’hui honorés dans son sillage.
« Françoise Le Bot, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Chevalier de la Légion d’Honneur ».
Photo du haut : intervention de Jean-Luc Fichet, maire de Lanmeur
Photo du bas : avec les maires du canton
Au nom des « membres de sa famille, aujourd’hui honorés dans le sillage » tracé par Françoise, je vous exprime toute ma gratitude pour la mission que vous avez accepté, au prix d’un long déplacement » Au bout du Monde », de remplir à la mairie de Lanmeur, devant un auditoire, impressionné et captivé par la hauteur et le ton de vos propos, tant durant la cérémonie que tout au long de la journée que vous avez tenu à partager avec les proches de Françoise. Tous ont recueilli avec attention et profit l’exposé des droits du citoyen, au regard de « toutes dignités, places et emplois publics » que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 réserve à ses enfants. Ils y étaient d’autant plus sensibles que la Bretagne est terre de fonctionnaires, que nombre de ceux qui vous écoutaient ont consacré leur vie et continuent encore à exercer des responsabilités, à tous niveaux, dans la fonction publique ou le service public ; et que parmi les plus jeunes et non moins attentifs, plusieurs ont déjà suivi ou s’apprêtent à suivre le « sillage » de leurs parents, proches ou amis. Cette remise de décoration sera, pour eux, un stimulant à faire valoir, dans leur travail au service du Pays, leurs vertus et leurs talents, et à enrichir avec confiance leur « génome de citoyenneté ».
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