Pour éviter les pièges
de la rigueur avant toute chose
Chacun est libre d’utiliser les mots qu’il veut, mais à condition de les définir pour qu’ils soient compris. C’est aussi une protection contre les manipulations. Le droit peut alors être utile, il est privilégié ici.
Il convient tout d’abord de ne pas confondre le demandeur d’asile et le réfugié. L’asile correspond à une situation de fait en même temps qu’il est un terme générique couvrant toute la matière. La qualité de réfugié est un statut juridique. Le droit d’asile permet de distinguer : l’asile constitutionnel, l’asile des réfugiés relevant du mandat du Haut commissariat des réfugiés des Nations Unies (HCR), l’asile des réfugiés au sens de la Convention de Genève, l’asile au titre de l’unité de famille, la protection subsidiaire, la protection temporaire, les asiles discrétionnaire et de fait. Le mot migrant, lui, n’a pas de signification juridique particulière.
Ce n’est pas sans raison que la France a, tout au long du XIXe et au début du XXe siècle, été regardée comme « terre d’asile ». Malgré les régressions ultérieures, nombre de demandeurs d’asile évoquent cette tradition. La constitution de 1793 proclame magnifiquement : « Le peuple français est l’ami et l’allié naturel des peuples libres » (art. 118) « il donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans » (art. 120). Le Préambule de la constitution de 1946, s’en fait l’écho : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». Enfin, cet asile dit « constitutionnel » est rappelé par l’article 53-1 de l’actuelle constitution aux termes duquel la France est libre d’accorder l’asile pour tout autre motif. Ces rappels mesurent la défaillance actuelle du Président de la République.
Le texte fondamental en matière d’asile est la Convention de Genève du 28 juillet 1951 ratifiée par plus de 150 pays. Elle donne dès son article 1er la définition du réfugié : « Le terme de “réfugié” s’applique à toute personne qui (…) craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». La qualité de réfugié n’est pas octroyée, elle est reconnue et a donc un effet rétroactif. On remarquera aussi que la reconnaissance de la qualité de réfugié repose sur deux appréciations, l’une subjective (craignant), l’autre objective (avec raison). De son côté, l’article 33 de la convention pose le principe du non-refoulement du réfugié.
La reconnaissance de la qualité de réfugié donne droit à un titre de séjour de dix ans. Depuis 2003 existe une protection dite « subsidiaire » qui concerne les personnes risquant dans leur pays la peine de mort, menacées de traitements inhumains ou dégradants, ou encore qui se trouvent dans une situation de violence généralisée (ce qui rend sans objet la proposition d’ « asile de guerre » de Nicolas Sarkozy). Il s’agit d’une protection plus faible car elle ne donne droit aux « bénéficiaires » qu’à un titre séjour d’un an renouvelable.
Ces dispositions ont été reprises en mars 2005 par le Code de l’entrée du séjour des étrangers et du droit d’asile.
La pratique de l’asile montre qu’il est erroné de distinguer radicalement les demandeurs d’asile et les migrants économiques. Tous les demandeurs d’asile au titre de l’un des critères énoncés précédemment ont aussi des raisons économiques : comment imaginer qu’un étranger persécuté dans son pays puisse y obtenir un emploi et y mener une vie normale ? Et il existe des exploitations économiques qui relèvent de la persécution ; l’esclavage existe toujours en Mauritanie, par exempe.
Pour éviter les pièges, pratiquer la rigueur des mots.