Dernier chapitre d’un livre « Moments d’histoire de la fonction publique », édition privée non commercialisée, en célébration de du 70° anniversaire de la loi du 19 octobre 1946 relative du statut général des fonctionnaires. On trouvera en fin de ce chapitre les dates de publication des chapitres précédents sur ce blog.
L’année 2016 est celle de la commémoration de la loi du 19 octobre 1946 relative au statut général des fonctionnaires. Il s’agit d’un texte fondateur de la conception française moderne de la fonction publique qui ne concernait alors que les fonctionnaires de l’État. Si ce texte, dont on célèbre donc en 2016 le 70e anniversaire, a posé les bases et les principes de notre système de fonction publique, ceux-ci ont été pour l’essentiel été conservés dans l’ordonnance du 4 février 1959 qui a remplacé le statut de 1946. Le statut promulgué en quatre lois de 1983, 1984 et 1986 a approfondi cette conception, complété la base législative et surtout étendu l’architecture statutaire aux trois fonctions publiques : État, territoriale , hospitalière, concernant aujourd’hui 5,4 millions de salariés, soit 20% de la population active nationale. Il s’agit là d’une exception française, contribution de notre pays au développement de services publics dans le monde.
Afin de marquer l’évènement que constitue cet anniversaire, on publiera ici, avec une périodicité mensuelle, dix chapitres « regards » et « moments » de l’histoire de la fonction publique.
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4° de couverture
Dans le cours de l’histoire pluriséculaire de la fonction publique française trois dates marquent ici des moments significatifs de l’évolution de la conception française de la fonction publique.
1946 est le moment fondateur d’une conception rompant avec un siècle et demi dominée par un principe hiérarchique faisant du fonctionnaire le sujet de l’autorité administrative. Le Statut général des fonctionnaires traduit l’avènement du fonctionnaire citoyen.
1983 est un moment fédérateur au sein d’un service public étendu. Le Statut général des fonctionnaires regroupe désormais les fonctions publiques de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics hospitaliers, soit un cinquième de la population active de la France.
2050 n’est pour le moment qu’une fiction. Elle invite chacune et chacun à s’interroger sur l’évolution des notions d’intérêt général, de service public et de fonction publique, au-delà de l’horizon menaçant d’un ultralibéralisme radical ; à donner un sens à la métamorphose dans laquelle nous vivons.
On marque ici aussi par là le 70e anniversaire du statut fondateur et on relève des expériences caractéristiques des mentalités du service public de notre temps.
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Avant-propos
Depuis la seconde guerre mondiale, des initiatives sont prises au début de chaque décennie anniversaire pour commémorer le Statut général des fonctionnaires institué par la loi du 19 octobre 1946 dans l’esprit du Conseil National de la résistance (CNR). Mais le temps passe et le souvenir de ce grand texte émancipateur s’estompe dans les mémoires quand bien même ce moment fondateur, dont c’est le 70e anniversaire, a ouvert la voie au statut fédérateur de 1983 actuellement en vigueur, plaçant sous la protection de la loi 5,4 millions de salariés, un cinquième de la population active de la France, organisés au sein d’une fonction publique « à trois versants » : de l’État, territoriale, hospitalière.
Ce livre situe ces moments parmi d’autres balisant l’histoire longue de la fonction publique française. Il s’efforce d’y approfondir la conception de l’intérêt général, du service public et de la fonction publique, composantes essentielles du pacte républicain. Dans le processus de mondialisation financière qui tend à l’affaiblissement des États-nations, la fonction publique est un enjeu politique majeur. Plus de 30 ans après sa création, ce Statut général des fonctionnaires a fait la preuve de sa solidité et de son adaptabilité. Mais il a aussi du faire face à des offensives tendant à le banaliser dans l’économie de marché et à en dénaturer des dispositions essentielles. Toutefois, la mondialisation connait aussi la montée d’exigences de coopérations et de solidarités qui ont un nom dans notre pays : le service public. C’est une chance pour la France.
Il s’agit donc ici, en rendant hommage aux concepteurs de la Libération, de dégager le sens d’une histoire pour mieux comprendre le présent, éclairer l’avenir et guider l’action.
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10. … 2050
Nous sommes déjà en 2050 et Maurice. L., fonctionnaire au ministère des Finances est à deux années de la retraite, ou plutôt de sa « conversion », situation statutaire créée il y a quelques années pour les agents ayant atteint l’âge de soixante-deux ans. Ce ne sera donc pas une rupture brutale de fonction comme c’était le cas jusque-là, mais la possibilité donnée aux fonctionnaires d’exercer pendant cinq ans des activités de service public. Cette fin de parcours n’est donc pas pour lui traumatisante, ce qui l’incline de plus en plus fréquemment à revenir sur une vie professionnelle intéressante mais dans une histoire quelque peu mouvementée au cours des dernières décennies.
Sa famille, d’origine bretonne, s’était installée dans les années 1970 en région parisienne où il avait fait de solides études supérieures en droit public et international. Il n’avait pas d’inclination particulière pour la fonction publique, mais à bac+5 il entre dans la vie active après avoir réussi le concours de l’institut régional d’administration de Metz en 2016, à vingt-six ans. Il est nommé un an plus tard attaché d’administration centrale à la direction du Trésor du ministère des Finances. Il avait bien pensé préparer l’ENA, mais accaparé par ses nouvelles fonctions qui l’intéressaient, il ne trouvera jamais assez de temps pour s’engager dans une préparation aussi astreignante. Huit ans plus tard il est nommé attaché principal, c’est toujours son titre en fin de carrière.
À ses débuts, il est chargé de la gestion de personnels du ministère exerçant à l’étranger, des jeunes embauchés sous CDD. Les gouvernements libéraux qui se succèdent évitent de s’attaquer frontalement au statut général des fonctionnaires, mais ils le contournent en diminuant le nombre de places mises aux concours, en recourant de plus en plus à des contractuels de droit privé, en renforçant la pression managériale sur l’ensemble de la fonction publique, en multipliant des dispositions de flexibilité ou relevant du « droit souple ». Maurice L. N’est pas très à l’aise dans cette ambiance, mais comme la plupart de ses collègues, il ne voit pas comment réagir. Il craint, dans cette éventualité d’être considéré par sa hiérarchie comme inapte à la modernité. Certains s’en tirent en faisant de la résistance passive, lui trop consciencieux par nature, ne veut pas tricher. Marié en 2018 à une professeure des écoles, ils ont deux enfants et, dans son mal être professionnel et pour le moment, il recherche la sérénité en se repliant sur sa vie familiale.

L’administration est alors la grande bénéficiaire d’innovations technologiques particulièrement spectaculaires. Les progrès du numérique permettent une très large dématérialisation des documents, mettant à bas le lieu commun de la bureaucratie administrative. L’e-administration entraine des mises en commun de moyens, des décloisonnements ministériels. La gestion des archives en est grandement sécurisée dans des espaces réduits. De très nombreuses tâches administratives fastidieuses de classement, d’information, de relation avec les usagers sont automatisées, de même que le conseil juridique et le contrôle fiscal. Le recours à la vidéoconférence devient le mode normal d’échange entre collaborateurs et pour les réunions de service. Dans les collectivités territoriales, élus et fonctionnaires ont un recours croissant à la 3D pour formaliser leurs réalisations sociales, vérifier automatiquement leur conformité à la réglementation de l’urbanisme ; les enquêtes publiques et le contrôle administratif de légalité en sont considérablement simplifiés, sécurisés, démocratisés. Pour la fonction publique hospitalière, les changements sont aussi considérables. D’une manière générale, les consultations peuvent désormais se faire à distance par des moyens audiovisuels et le service de robots ; les prescriptions sont délivrées de la même façon. Le fonctionnement de l’hôpital est bouleversé. Il s’ensuit que fonctions et métiers connaissent une extrême mobilité interne. Dans ce contexte, Maurice L. sera détaché pendant cinq années au ministère de la Culture où sa qualification de gestionnaire des contractuels à l’étranger sera utilisée pour tenter de résoudre l’épineux dossier des intermittents du spectacle travaillant hors métropole. Certaines activités surgissent, d’autres disparaissent. Les multi-carrières deviennent très fréquentes et constituent un réel enrichissement professionnel pour les agents concernés, mais elles les obligent à devoir se soumettre à des reconversions successives qui nécessitent un système de formation continue très élaboré dans l’ensemble de la fonction publique. Les conséquences sociales en sont multiples sur les rémunérations, le temps et les conditions de travail, le régime des congés (apparaissent des congés sabbatiques associés aux temps de formation), les perspectives de carrières en sont changées, fortement individualisées. Mais c’est aussi toute la vie quotidienne qui est affectée. Ainsi Maurice L. n’utilise plus les transports en communs pour se rendre au ministère : il a pris un abonnement auprès d’un service de location de voiture individuelle sans chauffeur et il n’a plus besoin de permis de conduire. Il s’habille aussi sur mesure en 3D.
Néanmoins, cette administration pleine de promesses, évolue dans une société en profonde crise de système qui se signale même dans les progrès évoqués. Le numérique est si complexe que, s’il présente des avantages administratifs indéniables, il est également porteur de dangers pour les libertés individuelles et collectives. Les exigences toujours plus sévères du fonctionnement managérial ont des conséquences de plus en plus désastreuses sur la santé physique et psychique des fonctionnaires : les finalités de l’intérêt général sont occultées par des objectifs d’ « ici et maintenant », la définition unilatérale des missions, des programmes et des critères mettent les agents en concurrence dans leur accomplissement, la souffrance au travail devient une question majeure de société à l’évocation des cas de suicides en croissance. Les campagnes anti-fonctionnaires sont multipliées et approfondies pour dresser contre eux une opinion publique elle-même souffrante. D’autres questions prennent une ampleur inégalée dans le passé. La masse des informations administratives et privées collectées est telle que ces données tendent à devenir un bien appropriable (certains n’hésitent pas à les considérer comme le « pétrole » du XXIe siècle !). La surveillance généralisée de la société fait courir des risques de manipulation et d’accaparement par un pouvoir dictatorial. Le thème du « retour de l’État » qui avait émergé lors de la crise financière de 2008 revient sans cesse dans les débats, mais dans quel but ? Les politiques publiques, au sein d’un libéralisme économique exacerbé, prennent un caractère de plus en plus autoritaire, sapant les bases du contrat social. Dans un tel contexte, l’existence d’un statut général des fonctionnaire est pour les autorités publiques de plus en plus insupportable : il est décidé en 2022 qu’il ne s’applique plus aux agents d’exécution et à ceux qui n’exercent pas de fonctions d’encadrement d’un certain niveau. Maurice L. échappe à cette réforme qui apparaitra plus tard n’être qu’une première offensive anti-statutaire. Des conventions collectives couvriront désormais les catégories écartées du statut. L’ensemble de la société connaît ainsi une perte généralisée de repères et chacun prend conscience que la crise du début du siècle, au-delà de ses aspects financiers, révélait en réalité une situation de décomposition sociale inédite ayant le sens d’une véritable mutation dont il était difficile de dégager la signification à ses débuts, mais qui avait conduit Edgar Morin en 2014 à parler de « métamorphose ». La grande généralité des changements et le mal vivre qui en est une conséquence affectent nombre de destins individuels : Maurice L. divorce en 2034 et doit dès lors accorder sa plus grande attention à la garde alternée de ses enfants.
Il prend cependant conscience de la nécessité de réagir, individuellement mais surtout collectivement, vu l’égoïsme que les comportements individualistes de beaucoup de ses collègues révèlent alors. Plusieurs de ceux dont il se sent le plus proche sont adhérents à la CGT dont la tradition d’implantation au ministère des Finances remonte au début du siècle précédent. Pourtant, il adhère à la CFDT que les médias et la rumeur présentent alors comme moins dogmatique, plus pragmatique, par là plus efficace ; il reviendra plus tard sur cette appréciation. En réalité, le mouvement syndical n’a cessé de s’affaiblir depuis les années 1970 en raison de la parcellisation des tâches, de l’arrogance hiérarchique, de la dilution du sens de l’intérêt collectif, des démembrements successifs du service public soumis aux contraintes de la concurrence. Les militants syndicaux les plus conscients font preuve d’une grande abnégation et demeurent des techniciens de qualité du droit de la fonction publique et des techniques de la gestion administrative, mais ils doivent faire face avec courage à des autorités administratives qui les méprisent et ne les ménagent pas. Il y aura une réaction de principe lorsque le statut de 1983 sera abrogé en 2028, mais la mobilisation limitée des personnels sera sans portée. Dépourvues des compétences que leur conférait le statut, les organisations syndicales seront mises en extinction au profit d’associations corporatistes étroitement liées à la hiérarchie administrative.
Dans la mondialisation, l’Union européenne est en perte de vitesse depuis le début du siècle, à la fois du fait de son hétérogénéité, de ses dissensions internes, des profondes inégalités entre ses États membres mais surtout en raison de sa configuration arbitraire héritée d’une histoire chaotique et d’une mondialisation qui prend de plus en plus le pas sur des dispositifs institutionnels complexes et incertains. Dans ces conditions, ses autorités exécutives pratiquent dans tous les domaines une sorte de fuite en avant désordonnée et parfois dérisoire. C’est ainsi qu’en ce qui concerne la fonction publique, après avoir exigé en 2020 la suppression du statut des fonctionnaires français (on a vu comment le gouvernement français a obtempéré), une recommandation déconseille en 2028 l’usage même du mot « fonctionnaire » dans les textes administratifs. Sans considération des questions de souveraineté nationale et d’autorité des États qui sont demeurée vivaces et s’opposent au fédéralisme, de hauts responsables de l’Union proposent que tout fonctionnaire puisse exercer dans un autre pays sur simple demande d’une région, ou de remplacer certains ministères par des agences européennes. Mais l’heure n’est plus à ces fantaisies.
Car la situation s’aggrave sur toute la planète et dans tous les secteurs. Les contradictions qui, pour l’essentiel, agissaient souterrainement jusque là, et ne se révélaient que par symptômes, préparent un dénouement au niveau mondial. Alors que la production de richesses atteint des niveaux extrêmes, aussi bien globalement qu’en moyenne, par individu, les inégalités n’ont jamais été aussi grandes : un pour cent de la population mondiale possède les trois quarts des biens. L’écosystème se détériore de manière accélérée : les inondations concernent des zones de plus en plus étendues et certains pays voient disparaitre sous les eaux des parties importantes de leur territoire, les accidents climatiques sont des plus en plus fréquents, la biodiversité est fortement menacée, la surface des forêts diminue, la pollution des villes n’est plus contenue, les ressources naturelles sont menacées en quantité et qualité. Une partie importante des populations des pays les plus pauvres est abandonnée dans une arriération qui explique pour une large part la radicalisation religieuse ou ethnique et la réaction violente de ces laissés pour compte de la modernisation. Dans les pays les plus développés, les atteintes aux droits et aux libertés par des États policiers deviennent insupportables. Des foyers de guerre se multiplient en de nombreux points du globe aux causes diverses et enchevêtrés qu’aucune instance supranationale ne parvient à contrôler. Les flux migratoires se développent et prennent un caractère permanent ; leurs causes sont très nombreuses : persécutions, guerres, dérèglements climatiques, exploitation économique, choix de mobilité. Dans un monde multipolaire aucune grande puissance n’est plus en mesure d’imposer un ordre quelconque. Dans cette anarchie généralisée grandit le risque de gestes fous, désespérés, irréversibles, mettant en cause la survie du genre humain, le risque que se nouent dans un complexe unique toutes ces contradictions et que se libèrent leurs charges de violences trop longtemps niées et contenues jusqu’à leur explosion finale.
La déflagration se produit en juillet 2036 dévastant un cinquième de la planète et supprimant un milliard de ses occupants.
Après, c’est la sidération universelle. Personne n’aurait pu imaginer un tel cataclysme. Mais une chose apparaît clairement : il n’est pas possible d’envisager de revenir à l’ordre, oui plutôt au désordre antérieur. La main invisible a été meurtrière, assassine. L’avenir ne prendra pas pour modèle Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley, on est désormais prévenu contre la foi aveugle dans un progrès non maîtrisé. La nouvelle pensée refuse tout autant de s’engager aveuglement dans une reprise et une extrapolation telle que George Orwell avait pu l’imaginer avec 1984 ; Big Brother a déjà sévi. Et Boualem Sansal a prévenu contre les extravagances religieuses qui pourraient déferler en 2084. Maurice L. sorti indemne de l’évènement, se découvre un intérêt, presque un enthousiasme, pour une réflexion générale sur le sens de l’histoire dont il a été un témoin, un acteur, certes modeste, mais indiscutablement solidaire de son époque.
Des valeurs universelles sortent renforcées du traumatisme enduré : la paix, la protection de l’écosystème, la réduction des inégalités, la maitrise des progrès scientifiques… Progresse aussi le principe de laïcité, la notion d’intérêt général élevée au niveau du genre humain.
L’Organisation des nations unies revoit ses textes fondamentaux sur la base renforcée d’un consensus international bien plus conscient et assuré que par le passé. Les moyens de juguler les conflits sont considérablement renforcés et des conventions plus normatives qu’autrefois sont étables et imposées lorsqu’elles recueillent le soutien d’une majorité qualifiée des populations.
La notion d’intérêt général progresse dans la conscience mondiale et avec elle celle du service public qui se trouve ainsi réhabilité. Des agences mondiales sont créées pour gérer les biens communs formellement reconnus et fondés sur les appropriations publiques nécessaires : l’eau, la forêt, certaines ressources du sol et du sous-sol, les biens de haute nécessité, le traitement des données.
Une compétence particulière est dévolue à une instance chargée de la protection effective de l’écosystème mondial, dotée des moyens permettant d’imposer aux États de se conformer aux prescriptions mondiales.
Ainsi, le genre humain tend à s’affirmer comme sujet de droit et le concept de citoyenneté mondiale prend corps. Les organisations internationales crées au XXe siècle dans certaines régions font place à des institutions continentales (l’Europe de Brest à Vladivostok) chargées de mettre en œuvre les règles établies au niveau mondial.
Mais la nation, produit d’une histoire plus ou moins longue et dense, est et demeure le niveau le plus pertinent d’articulation dialectique du particulier (le citoyen) et du général (le genre humain).
Dans ces conditions la France, en raison de son histoire longue et riche, joue un grand rôle dans la mutation. Les concepts d’intérêt général, de service public, de fonction publique, de laïcité, au cœur de son pacte républicain se révèlent d’une grande portée dans la période historique qui s’ouvre. Le XXIe siècle s’y présente à mi-parcours comme un « âge d’or » de la promotion d’une nouvelle civilisation menant à son accomplissement la « métamorphose ».
Maurice L. embrassant l’ensemble de son parcours constate ainsi que l’histoire ne se déroule pas de façon linéaire et qu’il faut tout autant être attentif aux contradictions et aux ruptures qu’elles entrainent qu’aux théories et aux modèles qui en représentent les séquences successives. Il se réjouit de terminer ce parcours au moment de la réhabilitation de la notion de service public. Le champ du secteur public a été étendu pour pallier l’incapacité de l’économie de marché à satisfaire des besoins essentiels et doter les pouvoirs publics des moyens nécessaires à la conduite de politiques volontaristes et rationnelles. Le statut général des fonctionnaires a été rétabli et étendu au-delà des trois fonctions publiques qu’il regroupait avant son abrogation en 2028 ; renforcé dans son unité, il prend mieux en compte la diversité des situations. Ce rétablissement a été effectué en étroite liaison avec l’élaboration d’un statut législatif des travailleurs salariés du secteur privé, afin de sécuriser les parcours professionnels et réduire la différence des situations entre le public et le privé. Les organisations syndicales se sont reconstituées et, réunifiées, elles jouent un rôle constructif dans la mise en œuvre des réformes. Un vaste plan de titularisation a été mis en pace pour pourvoir aux nouveaux métiers et au développement de l’activité de services requérant des qualifications inusitées jusque là. Les fonctionnaires, comme Maurice L. sont invités à poursuivre une activité à plein temps ou a temps partiel afin d’assurer au mieux la transition. Il va profiter de la nouvelle position statutaire, la conversion, offerte aux fonctionnaires désirant poursuivre leur activité au-delà de l’âge officiel de la retraite : gardant un bon souvenir de son détachement durant quelques années au ministère de la Culture, il a postulé pour un emploi de conseiller à l’association Forum des cultures du monde sous la tutelle du ministère des Finances. Il est aussi engagé dans plusieurs associations et mouvements au sein desquels il milite plus activement qu’il ne l’a jamais fait. Par ailleurs, depuis quelques années, il a consacré une bonne partie de ses loisirs à des recherches généalogique sur ses ancêtres bretons. Il en a déjà recensé plusieurs centaines dont la présentation en un arbre généalogique ascendant semble suggérer que tous ces gens n’ont existé en treize générations que pour aboutir à sa personne. Il n’est pas dupe de cette interprétation narcissique. Il cherche seulement, dans le même esprit que celui qui l’a conduit à revenir sur l’ensemble de sa carrière, à donner une base à ses réflexions et à ses rêves, persuadé, avec Alexis de Tocqueville, que « quand le passé n’éclaire plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres ».
SOMMAIRE
Récapitulation de la publication des chapitres
Dates de publication sur ce site
Avant-propos ………. 24 novembre 2016
1. 1L’expansion administrative ………. 24 mars 2016
2. La longue marche des fonctionnaires ………. 7 avril 2016
3. 1946 : moment fondateur ………. 8 mai 2016
4. Le piège de l’élitisme ……… 8 juin 2016
5. 1983 : moment fédérateur ………. 8 juillet 2016
6. L’énarque du troisième type ………. 21 juillet 2016
7. L’enjeu fonction publique ………. 3 septembre 2016
8. Réforme administrative, mode managériale ……… 7 octobre 2016
9. Éclairer l’avenir ………. 4 novembre 2016
10. 2050 ………. 15 décembre 2016
Anicet Le Pors et Gérard Aschieri, La fonction publique du XXIe siècle, Éditions de l’Atelier, Paris, janvier 2015.