Préface
« LE DROIT D’ASILE EST LE MIROIR DE LA CITOYENETE »
La Convention de Genève du 28 juillet 1951 qui est la référence internationale du droit d’asile considère que la qualité de « réfugié » doit être reconnue à toute personne « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social, de sa nationalité oui de ses opinions politiques ». L’appréciation de ces critères conduisant à une décision rendue « au Nom du Peuple français » doit donc se faire selon deux dimensions, l’une subjective (« craignant » ), l’autre objective (« avec raison ») et tous les acteurs du processus conduisant à la décision ont vocation à donner leur avis. C’est donc à bon droit que ce rapport du Centre Primo Lévi apporte une sa contribution à l’approfondissement d’une question difficile.
La nécessaire conjonction des efforts des intervenants doit prendre en compte leurs différences d’approches : le temps du praticien médical n’est pas celui du fonctionnaire et du juge, la qualification de la persécution peut différer entre eux, le moment de leur diagnostic et leur poids dans la décision finale ne sont pas les mêmes, et pourtant nul ne peut contester que leur coopération soit nécessaire au rendu d’une bonne justice, au devoir d’hospitalité, au respect de la personne du citoyen venu d’ailleurs qui demande protection au citoyen d’ici, lui-même interpelé par cette rencontre avec l’étranger en souffrance. Le droit d’asile est le miroir de la citoyenneté.

Le médecin, s’il a pleine compétence pour apprécier l’état physique et psychique du demandeur d’asile, du réfugié ou du débouté ne peut s’engager qu’avec prudence dans l’appréciation des faits invoqués et des règles de droit. De son côté, le juge ne peut prétendre rendre correctement la justice s’il considère que, parce qu’il est investi d’une parcelle de souveraineté nationale, son jugement ne souffre pas la critique. Il n’a pas à exiger la preuve de la persécution car aucun texte n’institue cette obligation. Le droit, si important qu’il soit, n’est qu’un instrument au service de la justice et ne saurait dispenser le juge de s’interroger sur sa responsabilité personnelle de citoyen, déterminé par son éducation, sa philosophie, des engagements. Enfin, il doit refuser de se comporter en « débusqueur de mensonges » face aux inévitables contradictions que l’on rencontre dans tous les dossiers. Il ne doit pas être en repos constatant que, même dans les cas les plus bienveillants, le juge crée aujourd’hui plus de clandestins qu’il ne reconnaît de réfugiés.
Il revient enfin à tous les intervenants dans la procédure de s’interroger sur un droit qui a beaucoup dérivé depuis sa mise en place au lendemain de la seconde guerre mondiale d’une vocation à la protection du migrant vers des dispositions marquées de plus en plus par des motifs de sécurité, de contrôle des flux, quand ce n’est pas de refoulement. D’où le grand intérêt qu’il convient d’accorder aux recommandations de ce rapport comme base commune de réflexion et de proposition.
Anicet Le Pors
Ancien ministre – Conseiller d’État honoraire
Ancien président des formations de jugement
de la
Cour nationale du droit d’asile (CNDA)
Membre du Comité de soutien du Centre Primo Lévi