Par Anicet LE PORS, conseiller d’État, ancien ministre de la Fonction publique

Les amitiés qui vivent pendant des décennies sont assez rares. Celle qui me liait à Henri était de celles-là. Elle était faite simplement du plaisir d’être ensemble à l’occasion d’une manifestation, d’une réunion, le plus souvent d’un repas, d’un vin dégusté en parlant des choses de la vie : nos vies de famille, la carrière professionnelle de sa fille Léa, la dernière idée d’un chroniqueur, nos souvenirs communs au Sénat, nos affiliations intellectuelles réciproques, nos anciens camarades rencontrés ou disparus.
Henri était aussi un citoyen militant, dans son comportement au sein de la société civile, mais aussi en tant que fonctionnaire-citoyen qu’à défini le statut général des fonctionnaires de la Libération en 1946 qui faisait dire au ministre de la Fonction publique de l’époque, Maurice Thorez, que le fonctionnaire était désormais – je cite – « considéré comme un homme et non comme un rouage impersonnel de la machine administrative ». Henri, comme juriste et acteur de terrain aura parfaitement incarné cette conception républicaine. C’était un ardent défenseur du service public et du statut général des fonctionnaires en particulier, approfondi en 1983-1984 dans ses garanties démocratiques et étendu aux agents publics territoriaux, hospitaliers et de recherche. Henri s’intéressait beaucoup à ces questions et nous en avons discuté souvent et longuement.
Mais Henri était fondamentalement un humaniste. Aimant la philosophie et le débat d’idées, prompt à s’enthousiasmer à propos d’un article, d’une déclaration, d’un livre qui lui semblait ouvrir une perspective progressiste dans cette période historique difficile. Cétait un optimiste qui ne négligeait pas l’utopie. Et s’il m’arrivait de le mettre en garde au sujet tel ou tel engouement qui me paraissait excessif, je n’ai jamais eu de doute sur ses principes fondamentaux : la liberté conjuguant tolérance et esprit critique, la laïcité sur ses deux piliers de la liberté de conscience et de la neutralité de l’État, la primauté de l’intérêt général et la promotion du service public, l’égalité des citoyennes et des citoyens comme au regard du devoir d’hospitalité.
Tel était Henri que j’ai connu et dont je garderai le souvenir.
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Henri HOYEZ est décédé le samedi 23 janvier 2021 à l’âge de 67 ans. Il avait été Directeur Général des Services de la ville de Méricourt (Pas-de-Calais). Un hommage lui a été rendu le vendredi 29 janvier à la médiathèque de la ville. Le texte ci-dessus y a été lu par sa fille Léa.