Le rapport de 1999 réalisé à la demande de la ministre de l’Emploi et de la Solidarité et de la secrétaire d’État au Tourisme avait, dans un cas extrême, amorcé une réflexion tendant à améliorer la situation professionnelle et sociale des travailleurs saisonniers du tourisme et réduire, par là, l’écart entre les salariés régis par un statut (fonction publique, entreprises publiques) et ceux soumis à la loi du marché par le contrat, éventuellement dans le cadre de conventions collectives de branches. Dans un cas extrême, car j’avais alors caractérisé les travailleurs saisonniers du tourisme comme les « nouveaux prolétaires des temps modernes », et il n’était pas évident, pour un ancien ministre de la fonction publique, d’évoquer comme pour les fonctionnaires, l’idée de statut à leur propos.
Avant d’en rappeler les grandes lignes et de souligner l’actualité d’une telle démarche je voudrais rappeler quelques unes des idées générales mises en avant par ce rapport qui était le résultat d’un travail collectif fondé sur de très nombreuses études et consultations. Nous avions le sentiment de travailler aussi pour d’autres saisonniers, d’autres précaires, dans l’agriculture notamment ou pour les intermittents du spectacle, avec la volonté de sortir par le haut de cette précarité. Nous avons mis d’entrée l’accent sur la nécessité d’une meilleure connaissance du secteur, aboutissant pour la première fois à une statistique des saisonniers du tourisme. 31 propositions ont finalement été mises au point, mais nous n’avons pas voulu nous contenter d’en dresser une liste, une mise en cohérence convaincante nous est apparue nécessaire, et c’est ainsi que nous avons débouché sur l’idée de statut formalisé en cinq « lignes de force ».
1. Appliquer effectivement le droit existant
Un résultat important de ce rapport a été de révéler que nombre des dispositions en vigueur n’étaient pas appliquées ou ne l’étaient que partiellement ou mal, s’agissant notamment de la présence de délégués de site, de l’existence de caisse pivot en matière de protection sociale, de médecine du travail, mais surtout de travail dissimulé parfois appelé « travail au gris » et de contournement du droit national par des opérateurs étrangers. Le rapport soulignait que l’application du droit était avant tout question de volonté et de moyens publics, en particulier en matière de médecine et d’inspection du travail. Il y a dans le tourisme de nombreux espaces de non droit.
2. Réactiver les négociations collectives
Dans un secteur aussi largement ouvert à l’initiative privée, c’est la forme la plus naturelle de l’organisation des relations entre employeurs et employés pour régler les problèmes de l’indemnisation du chômage, des formations transversales ou polyvalentes, des institutions représentatives du personnel, de la gestion du temps de travail. Malheureusement, le secteur est caractérisé par des organisations représentatives faibles et une certaine atonie du dialogue social. Le rapport proposait d’améliorer cette situation en développant l’information des saisonniers par l’élaboration d’un guide et la multiplication des maisons de saisonniers. Des progrès semblent avoir été réalisés dans ce domaine. Le rapport recommandait également de porter la recherche du dialogue social au niveau européen, où nous nous sommes exprimés à l’époque.
3. Élaborer un projet de loi relatif à la situation sociale et professionnelle des travailleurs saisonniers du tourisme
C’était une pièce maîtresse du rapport qui comportait de nombreuses modifications du code du travail, du code général des impôts, de la sécurité sociale, etc. Un tel texte devrait porter en matière professionnelle sur les modalités de reconduction des contrats, sur la façon de mieux prendre en compte l’ancienneté, d’élargir le champ de validation des acquis professionnels ; en matière sociale des dispositions devraient conduire à des exonérations de TVA et de taxes locales sur le logement, à une organisation plus sûre de la protection de la prévention médicale, à une réforme de la caisse pivot pour la protection sociale. Ces mesures pourraient donner lieu à une ou plusieurs lois élaborées en cohérence.
4. Prendre les dispositions réglementaires nécessaires
Ces mesures législatives devraient normalement avoir pour conséquence l’élaboration de nombreux textes d’application : décrets en Conseil d’État et décrets simples, circulaires, dans le détail desquels il n’est pas nécessaire d’entrer puisqu’ils devaient porter sur les matières législatives qui viennent d’être évoquées. Notons néanmoins, en surplus, la mise au point d’un programme statistique (un secteur mal connu est souvent un secteur maltraité), l’institution d’un observatoire de l’emploi touristique.
5. Développer des partenariats
Les saisonniers devraient être présents dans les contrats de plan et de ville. C’est dans le cadre de ce type de relations que pourraient être le mieux traitées les questions de transport, d’information, de soutien aux travailleurs saisonniers, de construction de maisons qui leur seraient consacrées et où ils pourraient se retrouver pour échanger et trouver les moyens de défendre leurs droits. Dans cet esprit, le rapport évoquait aussi le recours à des groupements d’employeurs, la transmission de fiches d’aptitude, l’institution d’un passeport européen, etc.
À la suite de ce rapport, quelques mesures ont été prises concernant l’information et le logement des saisonniers. Cette rencontre peut être l’occasion d’en faire le bilan. Lors d’une des dernières rencontres auxquelles j’ai participé comme président de la section des affaires européennes et internationales et vice-président du Conseil national du tourisme, il a été proposé que le classement de certaines villes touristiques soit subordonné à l’existence d’un programme d’amélioration de la situation sociale et professionnelle des travailleurs saisonniers du tourisme. Je n’ai pas connaissance que cette proposition ait été suivie d’effet. La proposition a été également faite par un responsable syndical du tourisme de réaliser, sept ans après sa publication, une évaluation des réformes engagées dans le cadre de ce rapport. Au moment où il est souvent question d’évaluation des politiques publiques et de culture du résultat cette proposition me semble toujours pertinente.
Le statut des travailleurs saisonniers reste ainsi une question d’actualité, mais presque tout est encore à faire.
Voir : Proposition pour l’amélioration de la situation sociale et professionnelle des travailleurs saisonniers du tourisme La Documentation française, 1999.
Les saisonniers devraient être présents dans les contrats de plan et de ville. C’est dans le cadre de ce type de relations que pourraient être le mieux traitées les questions de transport, d’information,
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