RAPPORT SUR LA SITUATION STATUTAIRE DES PERSONNELS
DE LA COMMISSION DES RECOURS DES RÉFUGIÉS
par Anicet LE PORS, Président de section à la CRR
SOMMAIRE
Introduction ………………………………………………………………………..…………5
1. LE RÉSULTAT D’UNE VOLONTÉ CONTRARIÉE………………………………..7
1.1. Du Conseil d’État à l’OFPRA ………………………….……….……………………….…7
1.2. Le choix du retour au Conseil d’État en 1992…………………………………………….8
1.3. La relance en 2000 ……………………..…………………………………………………9
1.4. La volte-face de 2002 ……………………………………………………………………11
1.5. Une situation détérioré ………………………………………………….……………….12
2. DES PERSONNELS INSATISFAITS, DES DYSFONCTIONNEMENTS ADMINISTRATIFS ………………………………….……………………………….15
2.1. Les enseignements de la consultation des personnels de la CRR ………….……………15
2.2. La position des organisations syndicales……………………………………………..….19
2.3. Des dysfonctionnements entre l’établissement public et la juridiction……………………22
3. DES AMÉLIORATIONS POSSIBLES MAIS DE PORTÉE LIMITÉE À SYSTÈME CONSTANT ………………………………………………………………25
3.1. La clarification des relations administratives CRR-OFPRA …………………..………..25
3.2. La titularisation des contractuels……………………………..………………………….27
3.3. Des progrès possibles dans le cadre actuel….…………..………………………………..31
4. LES FACTEURS DÉTERMINANTS D’UNE NÉCESSAIRE ÉVOLUTION…..37
4.1. Les règles de recrutement du statut général concernant les emplois permanents de la fonction publique de l’État……………………………………………………………………37
4.2. Le principe d’indépendance de la juridiction administrative vis-à-vis de l’administration……………………………………………………………………………….38
4.3. La mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF)……………..41
4.4. Le principe de dualité juridictionnelle et l’achèvement de l’autonomisation de la juridiction administrative……………………………………………………………………..44
4.5. La professionnalisation des activités de la juridiction du droit d’asile…………………..45
5. DES AMÉNAGEMENTS QUI NE RÉPONDENT QU’IMPARFAITEMENT AUX QUESTIONS POSÉES………………………………………………….………..49
5.1. La recherche d’une simple autonomie budgétaire vis-à-vis de l’OFPRA………….……49
5.2. L’autonomie budgétaire sous tutelle directe du ministère des Affaires étrangères ……..50
5.3. Le rattachement budgétaire au ministère de la Justice………………………..………… 51
6. LA VOIE DU RESPECT DES PRINCIPES ET DE LA SPÉCIFICITÉ DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE DU DROIT D’ASILE………….…………….53
6.1. Le transfert du contentieux du droit d’asile aux juridictions administratives de droit commun ne respecterait pas la spécificité du droit d’asile ……………….…………………..53
6.2. La création d’une juridiction unique du contentieux des étrangers serait contraire à l’évolution tendant à la nécessaire différenciation du droit d’asile et du droit des étrangers……………………………………………………………………………………….55
6.3. La solution préconisée : le rattachement de la juridiction administrative du droit d’asile au ministère de la Justice par l’intermédiaire du Conseil d’État ………………………………..56
. L’inclusion du budget de la CRR dans le programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives »………………………………..……………………………………………..57
. La titularisation proposée dans des corps de la juridiction administrative aux statuts particuliers remaniés…………………………………………………………………………..59
. L’encouragement à la mobilité et la création d’un statut d’emploi de rapporteur de la CRR…………………………….……………………………………………………………..62 . La création d’un service à compétence nationale (SCN) chargé de la gestion des personnels des juridictions administratives…………………….………………………………………….65
Conclusion ……………………………………….………………………………………….69
LISTE DES ANNEXES …………………………………………………………………….73
Annexe 1 – Lettre de mission
Annexe 2 – Liste des personnalités consultées
Annexe 3 – Les missions et programmes du budget général de l’État
Annexe 4 – Décret n° 2002-1151 du 9 septembre 2002 relatif à l’emploi de rapporteur extérieur à la Cour des comptes et décret n° 2002-370 du 14 mars 2002 relatif à l’emploi d’assistant de la Cour des comptes
Annexe 5 – Décret n° 97-464 du 9 mai 1997 relatif à la création et à l’organisation des services à compétence nationale et circulaire du Premier ministre du 9 mai 1997
Annexe 6 – Contribution du syndicat CGT-OFPRA/CRR
Annexe 7 – Contribution du syndicat SUD asile
Annexe 8 – Données statistiques sur la consultation du personnel de la CRR par voie de questionnaire
Introduction
La mission de réflexion pour clarifier et améliorer la situation statutaire des personnels de la Commission des recours des réfugiés (CRR) a été définie par lettre du 9 mars 2006 du Président de la CRR (Annexe 1). Elle propose de conduire cette réflexion en commençant par une description de la situation actuelle comportant une rétrospective historique, la caractérisation de la situation juridique des personnels, l’analyse des missions de la CRR. Elle recommande ensuite de dégager les possibilités d’amélioration dans le respect global du cadre juridique existant tant en ce qui concerne les compétences respectives du président de la CRR et du directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), que la préservation des intérêts des fonctionnaires de la CRR et la situation des contractuels. Elle invite enfin à explorer des voies de solutions plus novatrices.
Pour mener à bien ce travail, une consultation des personnels par voie de questionnaire a été organisée. Elle a concerné toutes les catégories dont les agents étaient invités à porter une appréciation sur leur situation actuelle et, le cas échéant, à formuler des propositions d’amélioration. Compte tenu de la proportion importante d’agents non titulaires, a priori moins enclins en raison de la précarité de leur situation à s’inscrire dans une perspective à moyen et long terme, la participation a été satisfaisante et les enseignements de cette consultation sont intéressants.
Les deux organisations syndicales représentées à la CRR : la CGT-OFPRA/CRR et SUD asile ont réservé un accueil constructif à la mission. Critiques sur la situation dans laquelle se trouvent la CRR et ses personnels aujourd’hui, elles ont fait des propositions tant d’amélioration immédiate dans les différents secteurs de la vie professionnelle des agents que de réformes statutaires respectant les principes devant régir l’emploi dans la fonction publique et le droit d’asile (Annexes 6 et 7)
De nombreuses personnalités, très diverses, ont été consultées (Annexe 2). Elles ont apporté informations, réflexions, suggestions qui ont grandement contribué à ce rapport. Les principaux responsables des services de la CRR ont fait part de leur connaissance de la juridiction et de leur expérience en son sein. D’anciens présidents de la CRR ont permis de revenir de façon éclairante sur l’histoire et les problèmes rencontrés par la CRR. Des spécialistes de l’administration et de la fonction publique ont aidé à concevoir les premières propositions avancées dans le présent document. Son élaboration a pris appui sur les contributions de Mme Nadine GUILBAUD, secrétaire générale et de Mme Sophie DEBORD, secrétaire générale adjointe de la CRR.
La lettre de mission ne comportait pas d’échéance précise pour la remise d’un rapport. Néanmoins, il est apparu nécessaire de concilier deux impératifs : d’une part, engager une réflexion aussi approfondie que possible dans un délai suffisant mais déterminé ; d’autre part, mettre à la disposition du président de la CRR des éléments utiles à une discussion éventuelle avec les pouvoirs publics dans la perspective d’échéances propices à la prise en considération des problèmes rencontrés par la CRR. Cela a conduit à la remise d’un rapport d’étape en juillet 2006.
Ce dernier ne pouvait prendre en compte que de façon très inégale les différentes recherches engagées qui se sont poursuivies depuis. Ainsi, le traitement des réponses recueillies à l’occasion de la consultation par questionnaire a nécessité une analyse méticuleuse. La discussion avec les organisations syndicales afin de recueillir leur avis sur l’analyse de la situation et les propositions avancées a été poursuivie. De nouvelles personnalités compétentes ont été consultées. Des recherches complémentaires se sont révélées nécessaires sur plusieurs points : les impacts dus à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), les voies de la titularisation des contractuels, l’appréciation de la validité des solutions juridiques et administratives proposées, d’autant plus qu’il est apparu pertinent d’évoquer certains problèmes communs aux juridictions administratives de droit commun ou spécialisées et à la CRR.
Le présent rapport rend donc compte des réflexions qui ont été conduites et des travaux que l’on a pu réaliser dans un délai raisonnable. Il rappelle ce qu’a été l’histoire d’une volonté de réforme contrariée de la CRR depuis une vingtaine d’années (1), décrit l’insatisfaction des personnels et les dysfonctionnements administratifs résultant de la dépendance de la CRR vis-à-vis de l’OFPRA (2), fait de premières propositions d’améliorations possible à système constant (3), identifie les facteurs déterminants d’une évolution nécessaire (4), étudie des aménagements du système existant mais qui ne répondent qu’imparfaitement aux questions posées (5), expose enfin des solutions conformes aux principes mais qui ne respectent pas suffisamment la spécificité du contentieux du droit d’asile pour développer enfin la voie préconisée : le rattachement de la CRR au ministère de la Justice par l’intermédiaire du Conseil d’État (6).
Les analyses et conclusions de ce rapport n’engagent que leur auteur.
1. LE RÉSULTAT D’UNE VOLONTÉ CONTRARIÉE
La loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 a créé l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), établissement public administratif doté de l’autonomie financière. Elle ne comportait, dès sa version originale, aucune disposition concernant les moyens de la Commission des recours des réfugiés. Le décret n° 53-377 du 2 mai 1953 qui en a fait application était « relatif à l’OFPRA » et ce n’est qu’en 1990, après plusieurs modifications concernant la CRR, qu’il est devenu « et à la Commission des recours » . Il disposait en son article 16 que « le secrétariat de la Commission des recours est assuré par un secrétaire général désigné par le vice-président du Conseil d’État parmi les fonctionnaires du Conseil d’État … Le directeur de l’office met à la disposition de la commission le personnel nécessaire au fonctionnement de celle-ci : l’affectation de ce personnel est décidée par le président de la commission. » Dans sa rédaction initiale, le projet de décret prévoyait simplement que « le directeur de l’office met à la disposition du secrétaire le personnel d’exécution nécessaire ».
1.1. Du Conseil d’État à l’OFPRA
Le caractère prédominant des liens de la CRR avec le Conseil d’État était donc clairement affirmé dès l’origine. Disposition assez rare, le président de la CRR était directement nommé par le vice-président du Conseil d’État qui désignait également le secrétaire général de la CRR parmi les fonctionnaires du Conseil. La commission siégeait au Conseil d’État et les seuls personnels mis à la disposition de la CRR par l’OFPRA étaient des personnels de secrétariat. Les rapporteurs, non permanents, étaient des auditeurs au Conseil d’État. La croissance progressive du nombre de demandeurs d’asile à partir de 1984 conduit, dans un premier temps, à recourir à une dizaine de rapporteurs permanents, des attachés d’administration provenant de différents ministères (le ministère des Affaires étrangères étant écarté) mis à la disposition de la CRR après négociation du président de la CRR de l’époque, M. Pierre Rivière, avec les services du Premier ministre. À partir de 1988, le nombre de demandeurs d’asile augmente considérablement, ce qui conduit à accroître les moyens de l’OFPRA qui bénéficie de crédits budgétaires supplémentaires et recrute des contractuels pour faire face au développement de son activité . Faute de la réflexion nécessaire qu’impliquait la situation nouvelle sur les relations entre l’établissement public et la juridiction de recours, cette dernière se trouve entraînée dans le sillage de l’administration : la commission quitte le Conseil d’État en 1984, siège en divers lieux (Palais de Justice, Tolbiac), pour s’établir finalement à Fontenay-sous-Bois en 1990, ses moyens étant dorénavant presque entièrement financés par l’OFPRA. La titularisation des agents contractuels en fonction à l’OFPRA et à la CRR dans des corps de l’OFPRA, décidée par la loi n° 91-1390 du 31 décembre 1991, sera un élément essentiel de la dépendance ainsi consolidée de la CRR vis-à-vis de l’OFPRA .
On rappellera que, à la même époque, les tribunaux administratifs (TA), créés également en 1953 et placés sous la tutelle du ministère de l’Intérieur connaissaient une évolution inverse. La loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, substituait comme membre de droit du Conseil supérieur des tribunaux administratifs le secrétaire général du Conseil d’État au représentant du ministère de l’Intérieur . Puis le décret du 19 décembre 1989 relatif à la gestion des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (CAA) confiait au vice-président du Conseil d’État, la gestion du corps des membres de ces juridictions administratives généralistes, dont le statut particulier avait été rénové par un décret du 28 septembre 1988 pris en application de la loi du 6 janvier 1986 .
En revanche, une telle évolution n’a pas eu lieu pour les agents des greffes qui sont demeurés des agents du cadre national des préfectures pour les juridictions de province ou des corps d’administration centrale pour les juridictions parisiennes sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. L’affectation dans les juridictions se fait depuis lors par simple mutation (et non par détachement ou mise à disposition), le retour dans les services des préfectures étant facilité afin, selon la formule du président Marceau Long à l’époque, de « compenser la trahison que constitue le passage à l’ennemi ». Ces agents sont placés sous l’autorité exclusive des présidents des juridictions pour ce qui concerne l’ensemble des attributions exercées par eux dans les greffes de leurs juridictions. De plus, le décret du 19 décembre 1989 précité a confié au vice-président du Conseil d’État le soin d’ordonner les dépenses des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel et le transfert qui s’en est suivi, à compter du 1er janvier 1991, de leurs moyens de fonctionnement en matériel et en personnel au budget du ministère de la Justice, au chapitre « juridiction administrative ». Une circulaire du ministère de l’Intérieur du 23 novembre 1990 a formalisé les bases de ce système dit, aujourd’hui, de la « double gestion ». Dans l’esprit du président Marceau Long, comme selon l’avis du comité technique paritaire du ministère de l’Intérieur en 1990, il ne s’agissait que d’une étape avant une normalisation devant intervenir ultérieurement.
1.2. Le choix du retour au Conseil d’État en 1992
Ce rappel concernant les juridictions administratives généralistes justifiait que, dans le même esprit, il convenait de préserver en toute circonstance l’indépendance des juridictions administratives spécialisées selon une exigence relevant du principe de séparation des pouvoirs. Le président Jean-Jacques de Bresson, depuis son entrée en fonction à la présidence de la CRR en 1986 demeurait favorable au rattachement de celle-ci au Conseil d’État, mais il avait choisi, dans l’intérêt immédiat des personnels de la CRR, de favoriser l’opération de titularisation sur place de ces agents dans les corps en constitution de l’OFPRA décidée à l’issue d’un mouvement social important. Toutefois, dès 1992, le vice-président du Conseil d’État, Marceau Long, se prononce en faveur du rattachement de la gestion administrative de la CRR au secrétariat général du Conseil d’État. Le gouvernement décide la même année de faire réaliser un audit de l’OFPRA et de la CRR portant sur l’organisation, le fonctionnement et les effectifs, par l’inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires étrangères. Sur la base de ces premières conclusions, un deuxième audit est décidé en juin 1994 auquel est associée l’inspection des juridictions administratives pour la partie concernant la CRR.
Le rapport réalisé sous la direction de M. Michel Boyon, conseiller d’État, est remis en juin 1994 . Il fait un diagnostic sévère de la gestion commune des personnels : « Ainsi, la gestion des personnels communs, dont la responsabilité relève de l’OFPRA, s’est faite aux dépens de la CRR, ce qui pourrait conduire à s’interroger sur la compatibilité de cette pratique avec l’autonomie de la juridiction à l’égard de l’organisme dont elle est chargée de contrôler les décisions ». Au-delà de la nécessaire clarification immédiate des responsabilités respectives de l’OFPRA et de la CRR, le rapport se prononce sans ambiguïté en faveur d’une autonomie de gestion de la CRR : « Une évolution vers l’autonomie de gestion de la commission pourrait ainsi être jugée souhaitable. Aux yeux de la mission, elle paraît même inéluctable. Dans cette perspective, l’orientation la meilleure ne serait sans doute pas de confier la responsabilité de sa gestion à la commission elle-même, qui reste de dimension modeste. Il serait sans doute plus judicieux de privilégier un transfert de la gestion au Conseil d‘État, qui a déjà la responsabilité de tout un ensemble de juridictions : cours administratives d’appel, tribunaux administratifs commission spéciale de cassation des pensions, etc. Ceci permettrait aussi d’offrir aux agents une plus grande mobilité et de meilleures perspectives de carrière. »
Cette orientation restera la solution de référence jusqu’en 2002. Le président Marceau Long l’appuie fermement par une lettre au Premier ministre du 2 septembre 1994 : « Cette suggestion, qui recueille le plein accord de M. Jean-Jacques de Bresson, président de la CRR, me paraît particulièrement intéressante… D’autre part, le Conseil d’État assure, comme vous le savez, la gestion des magistrats et des agents de greffe des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel . Regrouper la gestion des agents de greffe de ces juridictions et des agents de la CRR présenterait d’importants avantages pour le déroulement de la carrière des intéressés, qui pourraient obtenir, tant en mutation qu’en avancement, des perspectives élargies ». Cette démarche sera sans suite au cours des années suivantes, le nombre de demandeurs d’asile ayant fortement diminué ce qui rendait peut-être moins urgente une réforme structurelle du système. Quoi qu’il en soit, aucun chantier n’est ouvert sur le sujet lorsque le président de la CRR Michel Combarnous prend ses fonctions début 1998.
1.3. La relance en 2000
La question est relancée à partir d’une nouvelle croissance du nombre des demandeurs d’asile de 1999 à 2003, qui met en lumière et aggrave les inconvénients de la dépendance de la CRR vis-à-vis de l’OFPRA . La CRR ne pouvant seule obtenir la réformation du système, l’appui du Conseil d’État s’avérait indispensable. Sur proposition du président de la CRR, le vice-président du Conseil d’État, M. Renaud Denoix de Saint Marc, fait entreprendre des recherches par le secrétariat général du Conseil d’État sur le rattachement administratif de la CRR au Conseil d’État . Tout en considérant que si, pour le moment, la dépendance de la CRR vis-à-vis de l’OFPRA n’expose pas ses décisions à l’annulation, le secrétariat général estime qu’ « il reste que les juridictions nationales et internationales donnent une portée sans cesse accrue au principe d’indépendance des juridictions. » Après avoir évoqué la solution de la « contractualisation des relations entre l’OFPRA et la CRR », la solution du « transfert de la gestion administrative de la commission au Conseil d’État » lui semble préférable et doit, en conséquence être privilégiée, rappelant la position prise en ce sens par le président Marceau Long. Il préconise que les emplois de la CRR soient inscrits au budget du Conseil d’État de même que les crédits de fonctionnement et d’investissement. En revanche, par crainte de changements qui pourraient être jugés excessifs par les personnels qui venaient d’être titularisés dans des corps de l’OFPRA, il ne propose pas l’intégration des agents en activité à la CRR dans les corps du Conseil d’État, mais la même solution que celle retenue pour les agents des greffes . À l’époque, le Service des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (STACAA) n’avait manifesté aucune appréhension devant la perspective d’avoir à gérer la CRR.
Sur cette base, le président de la CRR, M. Michel Combarnous, expose une démarche par laquelle il récuse une solution de simple aménagement du système en vigueur, de même que celle qui conduirait à rattacher directement la CRR au ministère des Affaires étrangères. Il écarte également la crainte de demandes reconventionnelles d’autres juridictions administratives spécialisées, aucune ne se trouvant « dépendre directement d’une instance administrative dont elle aurait pour seule mission de contrôler les décisions ». Il propose en conséquence « le rattachement à la Chancellerie, qui, pour les raisons qui ont été retenues lors du rattachement des tribunaux administratifs et des cours d’appel en 1987, devrait se faire par l’intermédiaire du Conseil d’État. » Il préconise un nouvel audit permettant d’évaluer les coûts d’une telle opération, ce qui conduirait nécessairement à identifier clairement les crédits relevant de l’OFPRA et ceux de la CRR dans la nouvelle configuration administrative .
Il s’ensuit un échange de correspondances entre le Conseil d’État, le ministère de la Justice et le ministère des Affaires étrangères, au cours du premier semestre 2001, qui conduit à approfondir les modalités de la réforme proposée et les positions des différents départements ministériels dans un climat de parfaite sérénité. Les uns et les autres soulignent leur préoccupation de voir garantie l’indépendance de la CRR face aux perspectives d’évolution possible de la jurisprudence tant nationale qu’internationale à ce sujet, notamment dans une note très approfondie du directeur des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères . On relève dans une autre note du ministère des Affaires étrangères, que celui-ci « qui n’avait été à l’époque qu’un acteur parmi d’autres de l’actuelle architecture administrative de la commission et qui n’était pas demandeur d’une responsabilité particulière dans un domaine très éloigné de ses missions, ne saurait s’opposer par principe à une réforme qui viserait à transférer de l’OFPRA à une autre administration la prise en charge du fonctionnement matériel de la CRR ». Il précise cependant que l’hypothèse d’un rattachement direct de la commission au ministère des Affaires étrangères doit être écartée et que le coût de la séparation éventuelle de l’OFPRA et de la CRR devrait être assumé par la nouvelle structure . Le ministère de la Justice ne fait aucune objection à ces remarques et les deux départements tombent d’accord pour qu’un audit soit réalisé qui permette de disposer d’éléments d’appréciation incontestables sur le volume des emplois et des crédits qui devraient faire l’objet du transfert.
Cette évolution est contrariée une première fois par une demande de l’OFPRA de pouvoir disposer d’importants moyens supplémentaires pour faire face à l’accroissement de la demande d’asile. Cette demande conduit le gouvernement à décider qu’une mission conjointe de l’inspection générale des affaires étrangères et de l’inspection générale des finances devra apprécier le bien-fondé des demandes de l’OFPRA. Cette mission étant jugée prioritaire, le président de la CRR exprime sa crainte qu’elle n’entraîne un retard dans la réalisation de l’autre mission tendant à évaluer les conséquences budgétaires de la séparation de l’OFPRA et de la CRR . Néanmoins, une lettre de mission du 3 décembre 2001, adressée à la mission permanente d’inspection des juridictions administratives, à l’inspection générale des affaires étrangères et à l’inspection générale des finances retient comme objectif de déterminer « le montant des crédits et le volume des emplois à transférer sur le budget de la juridiction administrative. »
1.4. La volte-face de 2002
Les craintes du président de la CRR ne tarderont pas cependant à être gravement confirmées. En contradiction avec l’hypothèse de travail retenue par les autorités signataires de la lettre de mission d’audit que le vice-président du Conseil d’État avait fait sienne le 10 janvier 2002 : le rattachement de la CRR au Conseil d’État , le rapport de la mission, outrepassant le mandat d’expertise des conditions de transfert, rejette la solution envisagée au motif que « le traitement des demandes de statut de réfugié forme un tout cohérent » . Le nouveau président de la CRR, Jean Massot, élève alors de nombreuses critiques contre les conclusions relatives au statut futur de la commission . Il se dit notamment « surpris de la légèreté des arguments qui sont opposés à une réforme qu’impose pourtant, à l’évidence, tant la situation actuelle, au demeurant fort bien décrite dans le rapport, que nos obligations internationales » … « choqué que le rapport se fonde sur l’opinion du milieu associatif pour dire que cette situation n’a rien d’anormal, plutôt que de réfuter les arguments très solides tirés, notamment des comparaisons internationales ».
Cependant, contre toute attente, le président Renaud Denoix de Saint Marc abonde dans le sens des conclusions du rapport dans une lettre au ministre des Affaires étrangères du 17 septembre 2002 : « Je m’associe pleinement aux conclusions qu’il formule à ce sujet et tiens à souligner auprès de vous que le rattachement de la Commission au Conseil d’État, s’il a été un temps envisagé, ne manquerait pas de créer de nouvelles difficultés : outre la charge qu’il ferait peser sur les services administratifs du Conseil, ce rattachement constituerait une source de complexité supplémentaire pour la gestion des agents de la Commission. Il pourrait en outre handicaper le Conseil d’État dans les négociations relatives au budget des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, alors que ceux-ci sont déjà confrontés à la nécessité de renforcer leurs propres moyens. Enfin, ce rattachement constituerait un précédent fâcheux, le Conseil d’État n’ayant pas pour mission de prendre en charge de manière générale, la gestion des juridictions administratives spécialisées, lesquelles sont particulièrement nombreuses et très hétérogènes. ». Le ministre des Affaires étrangères se borne à constater cette nouvelle position tout en envisageant à l’avenir une meilleure identification de la dotation budgétaire de la commission dont le président pourrait être érigé en ordonnateur secondaire du ministère des Affaires étrangères .
1.5. Une situation détériorée
Dès lors le président de la CRR se trouve dans une position très délicate, affaibli vis-à-vis du directeur de l’OFPRA puisqu’il ne peut plus compter sur le soutien du Conseil d’État. Tirant les conséquences de la situation nouvelle, il s’efforce d’accréditer l’idée qu’il doit être considéré comme ordonnateur secondaire d’un budget annexe relatif à la CRR dont il propose une définition au directeur de l’OFPRA en identifiant une liste de comptes susceptibles de faire l’objet d’une ligne budgétaire individualisée et compte tenu de la gestion d’un bâtiment indépendant alors prévue à partir de septembre 2003. Il reçoit une réponse peu amène du directeur de l’OFPRA qui constitue en réalité une fin de non-recevoir . Les relations entre l’OFPRA et la CRR ne cessent de se détériorer ce qui conduit, par exemple, le président de la CRR à formuler une succession de mises au point concernant des « accusations déplaisantes » formulées par le directeur de l’OFPRA . On notera aussi que le directeur de l’OFPRA, après avoir évalué les dépenses spécifiques de la CRR à … 3 % du budget de l’OFPRA, semblera acquiescer à l’autonomisation budgétaire de la CRR en se référant au 4ème alinéa de l’article 16 du projet de décret modificatif du décret de 1953 qui, selon lui, prévoyait alors que « le président de la commission des recours est ordonnateur secondaire des recettes et des dépenses de cette commission identifiées en tant que telles dans le budget de l’office ». Lorsque sera pris le décret du 14 août 2004, ce 4ème alinéa aura disparu .
Deux réunions interministérielles auront pour objet de dénouer une situation devenue extrêmement complexe. Au cours de la première, tenue le 8 octobre 2003 sous la présidence du conseiller diplomatique du Premier ministre, le président de la CRR renouvelle sa demande de budget propre dont il serait l’ordonnateur. Diverses solutions non conclusives sont envisagées, mais postérieurement le cabinet du Premier ministre fait savoir que le rattachement de la CRR à l’OFPRA ne sera pas remis en cause en l’état, sans pour autant fermer la perspective d’une évolution statutaire. La seconde réunion, tenue le 23 décembre sous la présidence de M. Michel Boyon, directeur du cabinet du Premier ministre mais aussi principal auteur du rapport remis en juin 1994 qui proposait clairement le transfert de la gestion de la CRR au Conseil d’État, pouvait laisser espérer une issue, mais le directeur de cabinet du Premier ministre ignorant ses positions antérieures, conclut en demandant « que soit étudiés d’ici la fin du mois de janvier (2004) les moyens de doter la CRR d’un statut budgétaire et comptable garantissant son indépendance et faisant de son président un ordonnateur principal ». Le président Jean Massot se prévaudra de cette conclusion en réclamant ce « statut d’ordonnateur principal d’un budget et d’un tableau d’effectifs propres à la commission » dans une note du 12 juillet 2004 au ministre de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale. Il demandera par la suite un statut d’autonomie équivalent à celui d’une autorité administrative indépendante au moment où, fin 2004, la CRR se sépare géographiquement de l’OFPRA pour s’installer à Montreuil-sous-Bois.
Début 2005, le président Jean Massot s’adresse à nouveau au ministre des Affaires étrangères Michel Barnier pour évoquer, entre autres questions, celle de l’autonomie de la CRR . Il ne recevra du ministre qu’une réponse dilatoire . Faute d’obtenir satisfaction, il démissionne le 21 mars .
Depuis, la question du statut de la CRR n’a pas progressé. La CRR, sous l’autorité du président François Bernard, a consacré l’essentiel de ses efforts, au cours de l’année 2005, à la résorption de l’accumulation des recours consécutive à l’afflux des demandes d’asile précédemment évoqué ; le « stock » des affaires en instances a été ramené en un an de 9 mois à 4 mois d’activité de la juridiction. Le 14 avril, le président de la CRR fait au directeur de cabinet du Premier ministre, M. Michel Boyon, une proposition de modification du 3ème alinéa de l’article 14 du décret du 14 août 2004 ainsi rédigée : « Le président de la commission des recours des réfugiés administre les services de la commission ; il assure la gestion des personnels affectés à cette juridiction. Les crédits nécessaires au fonctionnement de la commission sont inscrits au budget du ministre de la justice (affaires étrangères) ; les dépenses sont ordonnancées par le président de la commission » ; cette proposition n’aura pas de suite. L’évènement le plus important des derniers mois est sans doute la publication du rapport de M. Alvaro Gil-Robles, commissaire européen aux droits de l’homme qui s’est prononcé en ces termes sur l’autonomie de la CRR : « Le commissaire déplore le fait qu’une juridiction ait son budget à l’intérieur de l’administration qu’elle contrôle … Les autorités françaises qui sont néanmoins conscientes des limites du dispositif actuel ont cherché à plusieurs reprises à favoriser une plus grande autonomie de la CRR. Elles se sont heurtées au refus du Conseil d’État . »
2. DES PERSONNELS INSATISFAITS, DES DYSFONCTIONNEMENTS ADMINISTRATIFS
Il a semblé utile d’associer les agents de la CRR qui le désireraient à la réflexion du présent rapport sous forme, notamment, d’une consultation par voie de questionnaire auquel ils étaient invités à répondre sur plusieurs points selon une échelle de satisfaction préfixée, mais aussi à plusieurs questions ouvertes. Des échanges ont également été engagés avec les organisations syndicales représentatives à la CRR. Il ressort des informations recueillies selon ces modalités, un malaise diversifié des personnels en activité dans la juridiction et des dysfonctionnement du service tenant, en particulier, à la nature des relations entre la CRR et l’OFPRA.
2.1. Les enseignements de la consultation des personnels de la CRR
Cette consultation, organisée par voie de questionnaire pendant la première quinzaine du mois de mai, à été l’occasion pour les agents qui le souhaitaient de s’exprimer sur leur situation actuelle . 123 réponses ont été recueillies soit 53 % de l’effectif de la juridiction, ce qui peut être considéré comme satisfaisant dans la mesure où tous les agents n’avaient pas le même intérêt à se prononcer, les personnes en situation précaire, les non titulaires, pouvant ne pas se sentir concernés par les questions relatives aux carrières des corps de l’OFPRA, la question de la titularisation primant pour elles toutes les autres. Ainsi, si le taux de réponses est de 67 % pour les titulaires de catégorie A et de 58 % pour les titulaires de catégorie C, il n’est respectivement que de 49 % et de 40 % pour les catégories correspondantes de contractuels. Globalement le taux de réponse est de 61 % pour les titulaires et de 44 % pour les contractuels.
De nombreux commentaires, certains très substantiels, ont parfois accompagné les réponses formulées sur une échelle préfixée : 22 commentaires, par exemple, pour les agents titulaires de catégorie A et autant pour les non titulaires. Les réponses des catégories A et C sont évidemment prédominantes étant donné la structure des catégories à la CRR (voir tableau du point 3.2.) : 62 A, 54 C et 7 B.
On trouvera en Annexe 8 les tableaux statistiques de la consultation.
Il ne faut pas toujours tirer de ces tableaux des conclusions excessivement assurées, compte tenu du fait qu’il s’agit dans certaines rubriques de très petits nombres. De même, si l’on doit accorder un crédit à tel commentaire repris dans plusieurs réponses, il ne saurait pour autant prétendre exprimer une position majoritaire. Cela dit, il est naturel de constater que le clivage principal est celui qui existe entre titulaires et contractuels. On examinera donc, au sein de chacun ces deux ensembles, les opinions dominantes exprimées par les agents relevant des catégories A, B et C avant d’esquisser une synthèse comparative . L’auteur de ce rapport est bien conscient que les conclusions retenues, notamment lorsqu’elles sont tirées des commentaires, relèvent pour une part non négligeable de sa propre subjectivité.
Titulaires (76)
Catégorie A (34)
C’est la question de la mobilité qui constitue la préoccupation essentielle de cette catégorie, tant la mobilité interne (CRR et OFPRA) qu’externe. La situation actuelle des agents titulaires (presque exclusivement officiers de protection) leur apparaît très peu satisfaisante. Autant d’agents déclarent vouloir rester en poste à la CRR que de la quitter, tandis que les deux tiers envisagent à terme de quitter la CRR et l’OFPRA. De très nombreuses réponses concernant les évolutions des carrières personnelles envisagées donnent la préférence (dans l’ordre) : au Conseil d’État et aux tribunaux administratifs, au ministère des Affaires étrangères, à la Justice, mais il y a aussi plusieurs réponses en direction des Affaires sociales, des Finances, de l’INSEE, de la Culture, des collectivités territoriales et des organisations internationales. Peu envisagent de quitter la fonction publique. La participation aux missions ne paraît pas non plus satisfaisante à la plupart d’entre eux.
Sur les autres thèmes, ils expriment une relative satisfaction concernant les modalités de la notation, les régimes indiciaire et indemnitaire de l’OFPRA, les relations de travail avec les présidents et les assesseurs des formations de jugement, les interprètes, mais leur appréciation est nettement plus réservée vis-à-vis des avocats. Ils sont relativement insatisfaits de la circulation de l’information et du dialogue social ; ils critiquent majoritairement les modalités de l’évaluation affectant la détermination de la part variable des primes, ainsi que l’organisation de la préparation aux concours. Leur avis est mitigé sur la plupart des autres sujets : formation continue, conditions de travail, action sociale.
La fréquence des commentaires sur telle ou telle question ne correspond pas toujours aux constats statistiques. On relève ainsi plusieurs critiques concernant la « badgeuse », les bureaux sans ouverture sur l’extérieur, l’opacité dans l’évaluation et les primes. Plusieurs réponses réclament une meilleure prise en compte des travaux du CIG.
Parmi les nombreuses améliorations proposées par ces agents, on relève : plus d’autonomie pour la CRR, des formations continues diversifiées, la professionnalisation des formations de jugement. Un agent propose l’intégration des rapporteurs dans la magistrature. Un autre suggère la création d’un ministère de l’Immigration.
Catégorie B (5)
Le très petit nombre de réponses (bien qu’il s’agisse de la moitié de l’effectif des titulaires de la catégorie B) doit relativiser les conclusions à en tirer. L’organisation et la préparation aux concours qui apparaît à ces agents globalement peu satisfaisante, même si l’appréciation est plus favorable pour les programmes des concours existants. Parmi les autres points de satisfaction relative on relève les modalités de la notation, les régimes indiciaire et indemnitaire, la circulation de l’information au sein de la CRR (mais pas au sein de l’ensemble CRR-OFPRA), les relations avec les avocats et les interprètes. En revanche, le jugement est plutôt défavorable sur les autres sujets : modalités de l’évaluation affectant la détermination de la part variable des primes, participation aux missions, mobilité, dialogue social, action sociale ; il est plus équilibré sur les conditions de travail. La plupart souhaitent rester en poste à la CRR.
Les agents peu nombreux de cette catégorie ont fait cependant plusieurs propositions d’amélioration et notamment : davantage de formation, plus longues et mieux organisées, non seulement en informatique mais aussi sur les autres sujets (encadrement, gestion des conflits, ressources humaines, budget) ; amélioration des concours comportant un plus grand nombre de poste, une plus grande période de préparation ; accès aux fonctions de rapporteur ; meilleure planification des séances ; développement d’actions sociales et culturelles. Un agent réclame le « désenclavement des agents de la CRR ».
Catégorie C (37)
Les agents de cette catégorie jugent très positivement leurs relations avec les membres des formations de jugement comme avec les avocats et les interprètes, très négativement le nombre de places mises aux concours, la mobilité et la circulation de l’information au sein de l’ensemble CRR-OFPRA, leurs régimes indiciaire et indemnitaire. La plupart des autres thèmes reçoivent des réponses équilibrées, plutôt favorables concernant l’action sociale, défavorable pour le dialogue social ; les avis contraires s’équilibrent approximativement sur les autres sujets.
Les trois quarts ne souhaitent pas quitter la CRR dans l’immédiat, la plupart dans la perspective d’y préparer un concours pour intégrer une catégorie supérieure dans la structure statutaire de l’OFPRA, tandis qu’au-delà, les agents de cette catégorie se partagent à part égale entre ceux qui disent vouloir quitter la CRR et l’OFPRA (pour un poste dans une autre administration ou en préfecture) et ceux qui envisagent d’y rester.
Les commentaires confirment et complètent les enseignements statistiques. Ils présentent une très grande diversité, aucun thème particulier ne focalisant une demande largement partagée qui n’aurait été évoquée. On relèvera donc parmi les appréciations formulées celles qui expriment une affirmation soutenue : des agents considèrent que cette année il y a eu une bonne préparation des concours, le thème de l’opacité des primes est repris, un agent juge l’action sociale « très sympathique et très actuelle ». On peut aussi mentionner plusieurs remarques critiques concernant les conditions de travail : bureaux sans fenêtre, escaliers dangereux, ménage laissant à désirer, manque chronique de matériel, hygiène défectueuse des toilettes, cantine de qualité insuffisante et trop chère. Quelques remarques concernent les audiences : indiscipline de certains avocats ou interprètes, solidarité déficiente de certains présidents vis-à-vis des agents qui estiment ne pas faire toujours l’objet d’une considération suffisante.
Parmi les améliorations proposées qui ne ressortiraient pas du constat précédent, on retiendra : la possibilité pour tous les agents de travailler au service de l’aide juridictionnelle ; l’élaboration de documents informatifs sur la notation, l’évaluation, les primes ; de très nombreuses demandes diversifiées en matière de formation ; l’allègement des audiences et l’amélioration de leur planification.
Contractuels (47)
Catégorie A (28)
L’insatisfaction est générale pour tout ce qui touche aux concours (à l’exception du programme et de la périodicité), à la mobilité, notamment en direction de l’OFPRA et vers l’extérieur, accessoirement à la circulation de l’information au sein de l’ensemble CRR-OFPRA. À l’inverse, franche satisfaction en ce qui concerne la collaboration avec les différents participants aux audiences des formations de jugement, les conditions de travail et les modalités de la notation voire celles de l’évaluation affectant la détermination de la part variable des primes. Les avis s’équilibrent à peu près concernant l’action sociale et le dialogue social, tandis qu’ils sont majoritairement réservés sur les régimes indiciaire et indemnitaire de l’OFPRA.
En dépit d’une opinion dans l’ensemble plutôt insatisfaite, ces agents souhaitent pour les trois quarts rester en poste à la CRR qui correspond dans l’immédiat pour eux à une garantie d’emploi. Plus de la moitié envisagent de passer un concours OFPRA afin d’être titularisés. D’autres visent les concours d’entrée des IRA ou de la fonction publique territoriale, voire de l’ENA, de l’ENM ou encore leur intégration au sein des tribunaux administratifs. On note encore des perspectives au sein d’organisations internationales ou d’ONG.
Les commentaires reprennent largement les appréciations qui se dégagent des statistiques. Ils sont nombreux sur les concours : faible nombre de postes, organisation tardive, charge de travail maintenue pendant la préparation des concours, formation continue déficiente. Leur condition de contractuels les amène aussi à déplorer les informations tardives et contradictoires sur les postes ou sur le renouvellement des contrats. Quelques observations critiquent les conditions de travail : bureaux sans fenêtre, absence de médecin, pénurie de moyens matériels, pas de salle de repos.
Ils revendiquent que les programmes des concours favorisent davantage les contractuels déjà en place ; à défaut de titularisation rapide ils demandent une amélioration de leur statut de contractuel. On note plusieurs propositions impliquant une liaison plus étroite entre agents et magistrats dans les procédures d’évaluation : prise en compte de l’avis des formations de jugement pour évaluer les agents, réunion commune avec assesseurs et les présidents, amélioration de la formation et de l’information juridique et géopolitique des magistrats, voire ouverture d’une procédure d’évaluation des magistrats eux-mêmes, avec la participation des chefs de division. Le nombre et la variété des commentaires et des propositions faites par les agents de cette catégorie témoigne d’un intérêt professionnel au travail sur le droit d’asile et d’un attachement certain à leur activité en dépit de la précarité de leur situation statutaire.
On relève une proposition tendant à l’attribution du contentieux des réfugiés aux juridictions de droit commun.
Catégorie B (2)
Il n’est pas possible de développer des considérations statistiques sur un aussi faible nombre d’agents de cette catégorie. Au demeurant leur avis ne semble pas diverger de celui exprimé par les agents titulaires de catégorie B analysés ci-dessus.
Catégorie C (17)
Quelques opinions sont franchement favorables comme celles qui concernent les relations avec les différents membres des formations de jugement ainsi que les avocats et les interprètes, ou encore l’appréciation des conditions de travail et la préparation aux concours ; d’autres, défavorables, relatives par exemple à la périodicité et au nombre de postes mis au concours ainsi qu’au régime indiciaire OFPRA. La plupart des autres réponses correspondent à des jugements plus balancés. Ainsi, et c’est ce qui les distingue des autres catégories, les réponses relatives à la mobilité, à la formation continue, à la participation aux missions, au régime indemnitaire, à la circulation de l’information s’équilibrent approximativement ; l’action sociale est jugée plutôt positive, le dialogue social plutôt négatif.
À une exception près, la totalité des agents de cette catégorie souhaitent rester en poste dans l’immédiat à la CRR et la plupart n’envisagent pas quitter la structure CRR-OFPRA au sein de laquelle ils veulent passer des concours en vue d’une titularisation.
Les commentaires corroborent ces constatations. Des critiques visent le comportement des avocats. Les améliorations concernent l’harmonisation des pratiques des divisions, l’organisation de concours réservés avec davantage de places. Un agent regrette l’impossibilité pour les secrétaires de devenir rapporteur. Un autre pense qu’une question sur la perception par les contractuels de la précarité de leur situation aurait dû être posée.
L’intérêt des conclusions que l’on peut déduire d’une telle consultation ne doit pas conduire à méconnaître ou à sous-estimer les limites d’un tel exercice. Il ne s’agit pas d’une consultation exhaustive même si les taux de réponse sont relativement importants. En outre, les agents de la CRR ne pouvaient se prononcer sur des solutions administratives globales que le questionnaire n’évoquait pas. Par ailleurs, les analyses catégorielles qui précèdent montrent que les positions peuvent fortement diverger sur telle ou telle question d’une catégorie à l’autre. Il convient donc de ne pas pousser exagérément la globalisation des conclusions.
Toutefois, il se dégage de cette consultation une démarche d’ensemble des personnels, critique certes, mais essentiellement constructive ; en témoigne l’abondance des propositions d’amélioration faites dans toutes les catégories. En dépit des différences de situation entre titulaires et contractuels et entre niveaux hiérarchiques, la quasi-totalité des agents ayant participé à la consultation, apprécient les relations existant entre et avec les membres des formations de jugement et les participants aux audiences ; une nette majorité exprime un avis favorable sur les modalités de la notation, de même que sur les conditions de travail. Les avis critiques portent principalement sur le nombre insuffisant de postes mis au concours, la mobilité externe à la CRR et la circulation de l’information OFPRA-CRR. Les activités sur le droit d’asile sont ressenties comme intéressantes et enrichissantes. Nombre de conditions semblent ainsi réunies pour que la juridiction de l’asile puisse fonctionner de manière juste et efficace et constituer un cadre d’épanouissement professionnel pour ses personnels.
Sur cette base, des améliorations sont nécessaires et possibles, rubrique par rubrique, catégorie par catégorie ; de premières propositions seront avancées ci-après (point 3.3.). Deux questions générales émergent cependant, qui apparaissent incontournables dans la perspective d’une réforme sérieuse : d’une part, la titularisation des contractuels, d’autre part, la réalisation d’une mobilité dont la revendication a sans doute pour cause la situation d’enfermement et de dépendance dans laquelle se trouve aujourd’hui la CRR.
2.2. La position des organisations syndicales
Trois rencontres ont eu lieu avec chacune des organisations syndicales représentées à la CRR : la CGT-OFPRA/CRR qui couvre l’ensemble des personnels de l’établissement public et de la juridiction ; SUD asile qui est surtout implantée à la CRR. Ces réunions ont permis un large échange de vues sur les questions relatives à la présente mission. Dans un premier temps, elles ont porté sur la consultation organisée par voie de questionnaire, le respect des principes régissant l’emploi dans la fonction publique, les dysfonctionnements CRR-OFPRA, la spécificité de la juridiction du droit d’asile, les améliorations possibles dans l’immédiat ; des contributions écrites ont été jointes au rapport d’étape établi en juillet 2006. Dans un deuxième temps, la discussion s’est centrée sur les différentes solutions avancées dans le rapport d’étape pour améliorer la situation statutaire des personnels, aussi bien celles qu’il conviendrait de réaliser sans changer les structures existantes, que celles qui impliquent des réformes plus radicales. De nouvelles contributions syndicales ont été élaborées qui sont jointes en annexe du présent rapport (Annexes 6 et 7). Les développements qui suivent ont été rédigés sous la seule responsabilité du rédacteur.
La CGT-OFPRA/CRR
De façon constante, la CGT a fait de la question des non titulaires le point principal de sa position revendicative, estimant que la proportion des contractuels dans l’ensemble des effectifs était incompatible avec l’exercice de fonctions qui relèvent du domaine régalien de l’État. Elle y voit une stratégie de l’administration dont le but serait notamment, selon elle, d’éviter aux agents de la catégorie C d’avoir l’ancienneté leur permettant de se prévaloir de la dernière loi de résorption de la précarité. Elle conteste que les concours prévus puisse constituer la solution de ce problème : les 140 postes mis au concours d’ici à 2008 (60 en catégorie A, 0 en catégorie B et 80 en catégorie C) seront tout à fait insuffisants, pense-t-elle, pour résorber les 458 non titulaires en activité dans l’ensemble OFPRA-CRR. Elle en déduit que des mesures dérogatoires de titularisation doivent être prises.
Par ailleurs, l’organisation syndicale déplorait dans sa contribution au rapport d’étape la déficience du dialogue social à l’OFPRA, estimant qu’il était meilleur à la CRR mais sans réelle portée dans la mesure où les décisions importantes se prennent à l’OFPRA. Elle dénonçait également la mauvaise gestion immobilière de l’OFPRA qui, selon cette organisation, aurait dépensé 1,4 million d’euros de location sans occupation des locaux libérés par la CRR à Fontenay-sous-Bois de l’automne 2004 jusqu’en 2005.
Dans la nouvelle contribution jointe à ce rapport, la CGT note tout d’abord le manque d’implication du ministère des Affaires étrangères et dénonce la perte de prérogatives de l’OFPRA qui connaîtrait un alignement croissant sur les objectifs du ministère de l’Intérieur. Elle revient ensuite sur la défense de la notion d’asile et l’esprit de la convention de Genève en déplorant l’amalgame fait de plus en plus couramment entre les personnes qui fuient leur pays du fait de persécutions et les migrants en général. L’application de la LOLF dans un tel contexte ne saurait conduire à traiter l’asile en termes de performance ou de compétitivité selon les lois du marché ; le raccourcissement des délais d’instruction, notamment, est contraire à un traitement humain et juridiquement rigoureux des demandes présentées, mis en cause par de nombreuses autres dispositions (influence croissante du ministère de l’Intérieur au sein de l’OFPRA, notions d’asile interne, de pays d’origine sûrs, régionalisation des titres de séjour, etc.). Dans le même esprit, la CGT se prononce pour la défense de l’autonomie de la CRR, contre son intégration aux TA, contre le recours accru aux ordonnances.
L’organisation se prononce pour le maintien de la tutelle du ministère des Affaires étrangères sur l’OFPRA et l’élargissement des débouchés des personnels de l’OFPRA dans les emplois et corps de ce ministère. Elle demande que la CRR ait un budget clairement distinct de celui de l’OFPRA et qu’elle en ait l’autonomie de gestion. Elle s’inquiète des conséquences qu’aurait, sur les corps de protection, le passage de la CRR sous une autre tutelle ministérielle. Elle préconise un renforcement du lien entre l’office et le HCR, jusqu’à accorder à ce dernier un droit de veto au sein du conseil d’administration de l’office ce qui permettrait d’adresser un signal fort de la France à ses partenaires de l’Union européenne.
La CGT estime bienvenues les pistes évoquées dans le rapport d’étape dans la mesure où elles seraient susceptibles de sortir du flou actuel et, en particulier, lorsqu’elles soulignent la nécessité de renoncer aux recrutements précaires au sein de la Fonction publique pour pourvoir aux emplois permanents. Si elle se prononce pour une plus grande autonomie budgétaire de la CRR, elle ne pense pas qu’une autonomie complète de la commission par rapport à l’OFPRA présenterait, pour les personnels, des avantages suffisant à compenser les risques que cela ferait courir à l’office qui pourrait alors plus aisément passer sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. Une intégration de la CRR aux juridictions administratives de droit commun serait, à ses yeux, la pire des solutions, surtout si elle s’accompagnait d’une dispersion régionale du dispositif d’instruction sous l’autorité des préfets, l’OFPRA voyant sa compétence se réduire à la gestion des services communs (services administratifs et financiers, informatique, documentation, suivi de l’harmonisation européenne, etc.). Elle est donc réservée sur un transfert éventuel de la CRR vers les juridictions administratives généralistes.
Par ailleurs, la CGT revendique, en faveur des contractuels, la création d’une commission consultative paritaire, en même temps que la mise en place d’un système d’évaluation et de notation transparent. Plus généralement, elle insiste sur l’urgence d’une réflexion accélérée sur le système de notation, de prime et d’avancement ; sur la nécessité de la mise en place d’un programme prévisionnel des emplois ; sur l’exigence de plus d’équité, de transparence, de moyens pour des programmes de formation ; sur le besoin de plus d’efficacité et de moyens pour le suivi médical et social ; sur les améliorations à introduire en matière d’hygiène et de sécurité.
SUD asile
Le syndicat Sud asile tient à souligner que les responsabilités des dysfonctionnements observés entre l’OFPRA et la CRR sont largement partagées et que nombre des problèmes évoqués tiennent au fait que la direction de la CRR a eu souvent tendance à rejeter sur l’OFPRA la cause de ses difficultés de fonctionnement et de gestion des personnels. Elle a été peu présente au cours des dernières années dans les instances paritaires (rares interventions du secrétaire général, pas de préparation des réunions, défaut de réponse aux questions posées, pas de défense effective des agents de la juridiction). Cette position longuement exposée dans la contribution jointe au rapport d’étape est reprise dans celle qui est annexée au présent rapport, avec à l’appui plusieurs exemples : licenciements abusifs, sanctions contre des agents ayant pris part à une action syndicale, déménagement dans des locaux mal installés, etc.
Plus généralement, l’organisation syndicale considère que le bouleversement juridique de 2003-2004 annonce des changements institutionnels dans un contexte politique général où la question des phénomènes migratoires prend une importance et une urgence nouvelles et où les instances européennes tendent à se mobiliser pour tenter d’y apporter une réponse à l’échelle de l’Union. Dans ce contexte, elle relève qu’en France le juge du recours statue le plus souvent au vu d’un dossier dont l’instruction n’est pas assez approfondie faute de moyens suffisants de l’office, ce qui entraîne un rendement excessivement élevé pour les agents de la CRR : 540 décisions par an en moyenne par rapporteur en France, contre 162 en Belgique et 154 en Suisse en 2002. Elle souligne que l’histoire de la CRR a été ponctuée de conflits sociaux, en particulier pour parvenir aux titularisations des années 1990, et que les projets d’autonomie de la CRR évoqués ont toujours été conçus en ignorant la question des statuts des personnels, en recourant à la facilité du recrutement de contractuels pour faire face aux fluctuations des demandes d’asile. Pour autant la constitution de corps spécifiques à l’OFPRA n’a pas été satisfaisante en raison de l’étroitesse des corps ainsi constitués. Les nouveaux recrutements de contractuels en 2003-2004, au mépris des dispositions du statut général des fonctionnaires, a pu conduire, à un moment, à ce que l’instruction des dossiers soit assurée à 90% par des agents contractuels.
Si SUD asile considère que beaucoup de propositions présentées au titre des améliorations immédiates de portée limitée sont positives, il reste que la situation des agents de la CRR est moins favorable en termes d’ évolution de carrière car elle est liée à l’étroitesse de la juridiction et à l’insuffisance du nombre de postes à responsabilité disponibles d’une juridiction insuffisamment étoffée. Il conviendrait donc de favoriser la mobilité vers des domaines de compétence comparables liés à l’immigration et à l’asile (dans les ministères, les administrations territoriales, les juridictions, les instituts de recherche et d’enseignement, les instances européennes et internationales).
SUD asile exprime son inquiétude que l’assouplissement des règles de mobilité pour les agents de la CRR se fasse en direction de corps du Conseil d’État d’une taille trop limitée et où les débouchés sont faibles, notamment pour les catégories A. Au-delà, l’intégration aux corps correspondants des juridictions administratives généralistes, TA et CAA, ne correspondrait pas à la formation ou aux compétences professionnelles de tous les agents de la CRR. De plus les attachés dès TA viennent du ministère de l’Intérieur et il semble plus probable que si une restructuration statutaire intervenait, elle se ferait dans les cadres du ministère de l’Intérieur plutôt que dans les corps du ministère de la Justice. Il est donc souhaitable, pour les agents de la CRR de prévoir un choix du corps de titularisation permettant à certains de choisir une voie plus conforme à leurs aspirations que le Conseil d’État ou la juridiction administrative et de prévoir, par le biais d’un travail de contacts actifs de la direction, de favoriser des débouchés de leurs agents dans les services autres que la juridiction administrative.
L’organisation syndicale évoque encore d’autres hypothèses : la suppression de la CRR et le traitement de la demande d’asile dans les TA, ou la création, sur le modèle belge, d’une juridiction traitant de l’asile et du séjour, dotée de magistrats professionnels. Dans les deux cas, SUD asile propose que les rapporteurs aient la possibilité de devenir des juges instructeurs, ce qui constitue un débouché en A+.
2.3. Des dysfonctionnements entre l’établissement public et la juridiction
Dans le passé, en certaines circonstances, la CRR a pu bénéficier de crédits non utilisés par l’OFPRA, par exemple pour la mise en place de son réseau informatique dans les années 1980. Ce n’est généralement plus le cas depuis. La CRR est aujourd’hui très largement dépendante de l’établissement public, non seulement en raison du système de mise à la disposition de son personnel, mais également pour ses moyens de fonctionnement et d’investissement. S’agissant de la situation des personnels, il a été soutenu par certains interlocuteurs, lors de l’élaboration de ce rapport, que les agents de la CRR avaient eu à subir, au cours des dernières années, les effets des tensions entre la présidence de la CRR et la direction de l’OFPRA et que cela avait eu des effets négatifs sur leurs carrières, leurs rémunérations principales et accessoires et, plus généralement, les conditions d’exercice de leur activité professionnelle. Ce rapport n’est pas en mesure, au jour de sa remise, d’établir la pertinence de telles assertions faute d’une étude qu’il serait nécessaire de réaliser de manière rigoureuse sur chacun des désavantages évoqués.
Il n’est pas non plus nécessaire (ni agréable) de s’étendre longuement sur le très grand nombre de cas de contradictions, voire de dysfonctionnements des services dont la cause peut être imputée, selon certains, à l’état des relations entre l’établissement public et la juridiction. En se limitant aux années 2004-2005, certains des exemples signalés concernent les moyens de fonctionnement : divergences concernant l’installation du logiciel Chronos à l’occasion de la mise en place du système de gestion du temps par badgeuse, insuffisance d’installation de postes téléphoniques au moment de la création de nouvelles divisions, défaut de maintenance technique après le départ de Fontenay-sous-Bois, recrutements différés en raison de l’insuffisance d’équipements de la CRR, révision des commandes de fournitures soumises par la CRR à l’OFPRA avant d’être adressées aux fournisseurs, transit par l’OFPRA imposé pour la livraison de fournitures à la CRR, retard dans la rédaction de la convention pour le déménagement des archives, refus de communication du contenu des contrats d’entretien des locaux de la CRR gérés par l’OFPRA, suspension temporaire des envois des rôles et des notifications des décisions faute de papier et d’enveloppes, etc. La gestion du personnel a été également source de difficultés fréquentes : licenciement par l’OFPRA après entrée en fonction à la CRR d’un agent contractuel pour cause de casier judiciaire, licenciement d’un agent contractuel sans tenir compte de la date préconisée par la CRR, reprise de fonctions d’un autre agent sans tenir compte de la date retenue par la CRR, refus de mettre fin aux fonctions d’un agent contractuel en fonction à la CRR en qualifiant son départ de démission, refus d’accès à la cantine de l’OFPRA pour les agents en formation sauf s’ils sont en journée continue, refus du directeur de l’OFPRA qu’il soit mis fin par le président de la CRR à la mise à disposition d’un fonctionnaire de l’OFPRA à la CRR, etc.
En sens inverse, d’autres interlocuteurs mettent en cause la tendance des autorités de la CRR, au cours des dernières années, à se décharger sur l’OFPRA des difficultés qu’elles rencontrent et son faible dynamisme dans la défense des intérêts des personnels de la CRR auprès de l’OFPRA, notamment au sein des organismes paritaires. Le ministère des Affaires étrangères invoque l’opacité de la gestion de la CRR et l’insuffisance de sa prise en compte de la « performance » qui constitue, à ses yeux, une problématique aussi importante que l’amélioration de la situation statutaire des agents qui y travaillent, alors que les moyens qui lui ont été alloués, ont été, selon les représentants du ministère, multipliés par trois en quatre ans. Serait en cause un déficit de productivité de la juridiction auquel il pourrait être remédié, selon le ministère, par la conclusion, conforme aux conclusions du rapport du sénateur Adrien Gouteyron , d’un contrat de moyens et d’objectifs entre la CRR et le ministère des Affaires étrangères, ce dernier estimant que la CRR doit se mettre « en ordre de marche » sur la base d’une clarification de son fonctionnement et d’une professionnalisation de ses membres.
Il est secondaire de s’attarder à l’identification les responsabilités personnelles dans cet état des lieux pour s’attacher plutôt à la recherche des causes structurelles des dysfonctionnements. D’autant plus que les derniers mois ont été marqués par une certaine normalisation des relations entre l’OFPRA et la CRR. Des réunions de travail de plus en plus fréquentes ont lieu sur des sujets tels que la gestion des ressources humaines ou le budget ; les données et les informations respectives sont rapprochées, confrontées. La CRR est mieux représentée dans les réunions où sont discutés les problèmes concernant son fonctionnement ou ses personnels ; ainsi la CRR est associée au groupe de travail « numérisation » lancé par la direction de l’OFPRA avant l’été. Il reste qu’il est toujours difficile pour les responsables de la CRR de suivre les dépenses de fonctionnement ligne par ligne, les informations dont ils disposent par chapitre n’ayant qu’un caractère global dans le tableau régulièrement fourni. Quoi qu’il en soit, si l’on doit mettre en valeur ce nouveau cours des relations entre la CRR et l’OFPRA, on doit remarquer qu’il tient plus à la bonne volonté des interlocuteurs qu’à la résolution des contradictions structurelles existant entre la juridiction et l’administration dont elle dépend en même temps qu’elle en contrôle les décisions.
3. DES AMÉLIORATIONS POSSIBLES MAIS DE PORTÉE LIMITÉE À SYSTÈME CONSTANT
Si l’on fait l’hypothèse du maintien du système actuel, qui n’est pas la solution préconisée par le présent rapport mais peut aussi se justifier par la longueur de la mise en place de solutions novatrices, l’amélioration de la situation existante passe par une démarche pragmatique qui s’efforce, dans chaque domaine, de formuler des propositions concrètes. Toutefois deux questions particulièrement importantes doivent faire l’objet d’une attention spéciale et d’une réflexion préalable : la clarification statutaire des relations entre l’OFPRA et la CRR concernant, en particulier, la notion de mise à la disposition, et la titularisation des personnels contractuels.
3.1. La clarification des relations organiques CRR-OFPRA
À système constant, aucune disposition législative ne fixe les relations organiques de la CRR et de l’OFPRA. La seule disposition réglementaire existante est celle du 3° alinéa de l’article 14 du décret n° 2004-814 du 14 août 2004 relatif à l’OFPRA et à la CRR : « le directeur général de l’office met à la disposition de la commission les moyens nécessaires au fonctionnement de celle-ci. L’affectation du personnel mis à disposition est décidée par le président de la commission. »
La mise à la disposition peut être prise ici dans une double acception. Il peut s’agir, en premier lieu, d’une signification triviale : l’OFPRA est seul ordonnateur des dépenses de l’ensemble OFPRA-CRR dans le cadre d’un budget approuvé par son conseil d’administration dont il distrait une partie au bénéfice de la CRR. Celle-ci n’a donc aucune autonomie budgétaire et l’OFPRA s’est toujours refusé à identifier d’une manière ou d’une autre les moyens propres de la CRR, sinon sur le mode autoritaire, voire provocateur. Ainsi, dans une lettre du 1er juillet 2003, en réponse à une lettre du président de la CRR lui faisant des propositions pour évaluer « les dépenses induites par les missions spécifiques d’une juridiction administrative » , le directeur de l’OFPRA réaffirme qu’il a pleine compétence pour passer les marchés publics, gérer l’ensemble des personnels, conduire la politique sociale et de formation ; il rejette simultanément l’idée de créer de nouveaux postes administratifs pour mettre en place une unité administrative de gestion propre à la CRR. Il apparaît ainsi clairement que, pour le directeur de l’OFPRA, l’entité OFPRA-CRR constitue un « Établissement OFPRA-CRR » unique au sein duquel il affecte les agents, sur lesquels il a le pouvoir de nomination, laissant seulement au président de la CRR le soin de préciser subsidiairement la place que ces agents occuperont . La seule clarification possible, dans ces conditions, passe soit par la décision d’isoler réellement les dépenses relatives à la CRR à fin d’ordonnancement secondaire, soit d’engager une réforme plus radicale séparant franchement l’établissement public de la juridiction. On peut douter, compte tenu de l’expérience et de contradictions juridiques qui persisteraient en tout état de cause, que la première de ces solutions soit viable. Reste à définir la seconde.
La deuxième acception du 3° alinéa de l’article 14 du décret du 14 août 2004 concerne la mise à disposition par le directeur de l’OFPRA du personnel dont le président de la CRR décide l’affectation. Faute de toute autre interprétation possible et soutenue, il ne peut s’agir que de la situation de mise à disposition prévue par l’article 41 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 : « La mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son corps d’origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui effectue son service dans une autre administration que la sienne. Elle ne peut avoir lieu qu’en cas de nécessité de service, avec l’accord du fonctionnaire et au profit d’une administration de l’État ou d’un établissement public de l’État ». Ainsi, la mise à disposition, qui n’est pas une position spécifique du fonctionnaire mais un aménagement particulier de la position d’activité, doit correspondre à une nécessité de service d’une administration qui ne dispose pas d’emploi budgétaire lui permettant de nommer un fonctionnaire ou de l’accueillir en détachement. La CRR est bien un service de l’État, susceptible d’accueillir de telles mises à disposition, bien que la « nécessité de service » qui, à l’évidence dans l’article 41 correspond à un besoin ponctuel non susceptible d’être couvert par un autre moyen, ne soit pas de la même nature que celle de la CRR, dont la nécessité de service s’identifie au service public de la juridiction de l’asile lui-même. La mise à disposition est généralement utilisée pour pourvoir des emplois très particuliers et temporaires (cabinets ministériels, organisations internationales intergouvernementales, organismes d’intérêt général) ; c’est aussi un moyen de stimuler la mobilité. Notons également que le texte ne vise que les fonctionnaires de l’État et non les agents contractuels. Une grande liberté a donc été prise avec ces dispositions qui n’ont pas fait l’objet d’une réglementation propre à la situation d’espèce. Or il a été jugé qu’à défaut de dispositions statutaires le prévoyant, un agent public ne peut être régulièrement mis à disposition d’une autre administration en dehors des règles relatives au détachement .
L’article 41 du Titre II du statut général des fonctionnaires de l’État a, en revanche, fait l’objet d’une réglementation générale par le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 qui prévoit les conditions dans lesquelles doit être effectuée la mise à disposition. Ainsi, la mise à disposition d’un fonctionnaire doit être prononcée par arrêté du ministre dont il relève (art. 2), il doit faire l’objet d’une publication (art. 4), conduire à l’établissement d’un état inclus dans le rapport annuel aux comités techniques paritaires (art. 5) ; sa durée ne peut excéder 3 ans mais est renouvelable, elle cesse de plein droit lorsqu’un emploi de même nature devient vacant ou lorsque est créé un emploi budgétaire correspondant à la fonction remplie, elle peut prendre fin avant le terme qui lui a été fixé à la demande du fonctionnaire, de l’administration d’accueil ou du ministre ayant autorité sur le corps auquel appartient le fonctionnaire (art. 6) ; l’administration d’accueil fixe les conditions de travail des personnels mis à disposition auprès de lui, mais c’est l’administration d’origine qui délivre les autorisations de travail à temps partiel et autorise les congés de formation après accord de l’administration d’accueil qui en supporte les dépenses (art. 8) ; c’est l’autorité de l’administration d’origine qui ayant le pouvoir de nomination exerce le pouvoir disciplinaire (art. 9) et établit la notation sur rapport du supérieur hiérarchique au sein de l’administration d’accueil (art. 10).
Il ne semble pas que ces dispositions aient toutes été strictement respectées en l’espèce. Il convient donc de revenir sur chacune d’elles. Mais quand bien même les règles posées par le décret du 16 septembre 1985 seraient-elles respectées après régularisation, elles ne sont pas appropriées pour pourvoir aux besoins permanents et clairement identifiés de la juridiction administrative.
Le projet de loi de modernisation de la fonction publique actuellement en débat au Parlement se propose de modifier le régime de la mise à disposition en remplaçant les articles 41 à 44 de la loi du 11 janvier 1984 (Titre II du statut général des fonctionnaires) par de nouvelles dispositions . La nécessité de service (au sens défini ci-dessus) est supprimée, de même que l’exigence de fonctions hiérarchiques d’un niveau équivalent aux fonctions antérieurement exercées. En revanche, deux nouvelles obligations sont introduites : la conclusion d’une convention entre l’administration d’origine et l’organisme d’accueil pour toute mise à disposition et le remboursement du coût de la personne mise à disposition, sauf dérogation . Les nouvelles dispositions ne changent pas le raisonnement précédent et soulignent au contraire l’inadéquation du système de mise à disposition en vigueur entre l’OFPRA et la CRR si l’on retient l’acception de mise à disposition du statut général.
3.2. La titularisation des contractuels
On a rappelé dans la première partie dans quelles conditions ont été recrutés des agents contractuels à partir de la fin des années 1980 pour faire face à la vive croissance des demandes d’asile, ainsi que la titularisation intervenue pour certains d’entre eux au début des années 1990. On rappellera dans la partie suivante les règles du statut général des fonctionnaires de l’État qui président au recrutement dans les emplois permanents. Il ne sera question ici que de la situation actuelle des personnels contractuels de la CRR et des moyens d’envisager une normalisation de la situation décrite par le tableau suivant.
Effectifs de la CRR au 1er mai 2006
Catégories
Effectif réel
Catégorie A
titulaires
dont rapporteurs 48
29
contractuels
dont rapporteurs 57
56
détachés 2
hors cadre 1
Total A 108
Catégorie B
titulaires 10
contractuels 7
Total B 17
Catégorie C
titulaires
dont OFPRA
dont MAE 58
48
10
contractuels 35
mise à disposition justice 4
contractuels justice 8
détachés 2
Total C 107
Total général 232
À cet effectif réel de 232 agents correspond un effectif en équivalents temps plein travaillés (ETPT) de 225,6. On compte 28 vacances de postes (19 en catégorie A, 3 en catégorie B et 6 en catégorie C).
Les agents contractuels représentent ainsi 52,7 % de la catégorie A (65,8 % des rapporteurs), 41,2 % de la catégorie B et 40,2 % de la catégorie C. Ils constituent 46,1 % de l’effectif total de la CRR.
Ainsi qu’il a été dit, c’est une loi n° 91-1390 du 31 décembre 1991 qui a prévu que les agents de l’OFPRA en fonction à la date de publication des décrets pris pour l’application de la loi et qui ont été recrutés au plus tard le 31 décembre 1989 ont vocation à être, sur leur demande, titularisés dans des corps de fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères, l’accès à ces corps ayant lieu selon l’une des deux modalités suivantes : 1° par voie d’examen professionnel ; 2° par voie d’inscription sur une liste d’aptitude. Cette titularisation s’est faite essentiellement dans les corps créés par le décret n° 93-34 du 11 janvier 1993 : corps des officiers de protection des réfugiés et apatrides (A), corps des secrétaires de protection des réfugiés et apatrides (B), corps des adjoints de protection des réfugiés et apatrides et corps des agents de protection des réfugiés et apatrides (C). Ce décret a depuis été modifié à six reprises, en dernier lieu par le décret n° 2005-1685 du 27 décembre 2005.
À l’inverse, les personnels hors statut recrutés pour faire face au triplement des demandes d’asile de 1996 à 2003, ne seront pas titularisés . Il sera mis fin au contrat de 125 d’entre eux fin 2005 .
Les modalités générales de titularisation dans les corps de la fonction publique de l’État sont fixées par les articles 73 et suivants de la loi n° 84-16, intégrés au Titre II du statut général des fonctionnaires à partir des dispositions de la loi n° 83-481 du 11 juin 1983 définissant les conditions dans lesquelles doivent être pourvus les emplois civils permanents de l’État et autorisant l’intégration des agents non titulaires occupant de tels emplois.
La titularisation d’agents contractuels dans les corps de la fonction publique de l’État est une dérogation à l’article 19 du Titre II du statut général qui dispose que « les fonctionnaires sont recrutés par voie de concours » selon trois voies : concours externe, concours interne et 3° concours . La titularisation d’agents contractuels suppose donc l’existence d’une loi, soit générale (type loi du 11 juin 1983) soit spécifique (type loi du 31 décembre 1991 concernant les agents de l’OFPRA).
Le recrutement d’agents contractuels pour l’accomplissement des missions de service public dévolues à la CRR est contraire aux dispositions du statut général des fonctionnaires (voir point 4.1.). La normalisation de la situation statutaire des agents contractuels de l’OFPRA en service à la CRR par voie de titularisation pourrait donc être réalisée par une loi spécifique ou générale, éventualité qu’on ne saurait exclure au cours des prochaines années mais qui apparaît peu probable aujourd’hui.
En l’état, les concours ne peuvent donc qu’être ouverts à l’ensemble des personnes réunissant les conditions pour pouvoir faire acte de candidature. Si le choix des types d’épreuves et des sujets peut donner un avantage aux contractuels en fonction à la CRR où l’ayant été récemment, il semble très difficile d’envisager des modalités d’exception qui viseraient à leur garantir une titularisation. Celle-ci aurait évidemment une probabilité d’autant plus élevée qu’il y aurait un nombre important de places mises au concours chaque année pour les recrutements dans les corps de l’OFPRA. Or les prévisions de recrutement avancées par l’OFPRA pour les prochaines années apparaissent en tout état de cause très insuffisantes pour résorber les effectifs de contractuels existants.
Par ailleurs, deux suggestions ont été faites au cours des consultations réalisées. La première consisterait à prévoir dans l’arrêté autorisant l’ouverture de concours, outre les concours interne et externe, un troisième concours réservé aux agents contractuels en fonction à la date du concours et ayant une ancienneté à déterminer ; il n’est pas certain qu’une telle disposition respecterait le principe d’égalité d’accès aux emplois publics. La seconde serait d’élargir les possibilités offertes aux agents contractuels réunissant certaines conditions de durée de services publics pour concourir au titre du concours interne ; cette possibilité dont les conditions doivent être prévues par les statuts particuliers existe en vertu des dispositions du 2° de l’article 19 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 . Aucune de ces suggestions ne semble cependant à la mesure de la normalisation à effectuer, c’est-à-dire la résorption complète des personnels non titulaires en fonction à la CRR.
Les résultats des concours de l’année 2006 pour le recrutement de 14 adjoints de protection et de 20 officiers de protection, retracés par les tableaux ci-dessous, montrent bien que ces types de concours ne constituent pas une solution pour résorber la précarité des emplois à l’OFPRA et à la CRR quand bien même ils seraient renouvelés au cours des deux prochaines années.
Concours d’adjoint de protection de l’OFPRA 2006
Inscrits
Présents
Écrit
Admissibles
Présents
Oral
Admis
Concours
Interne
OFPRA
CRR
333
42
43
255
40
41
25
4
9
17
4
9
7
2
*4
Concours externe
OFPRA
CRR
2278
3
2
1203
3
2
25
0
0
24
0
0
7
0
0
Total
OFPRA
CRR 2611
45
45 1458
43
43 50
4
9 41
4
9 14
2
*4
* plus 2 sur liste complémentaire
Concours d’officier de protection de l’OFPRA 2006
Inscrits
Présents
Écrit
Admissibles
Présents
Oral
Admis
Concours
interne
OFPRA
CRR
122
73
22
15
2
19
13
2
10
7
*1
Concours externe
OFPRA
CRR
1144
471
36
5
0
28
5
0
10
2
0
Total
OFPRA
CRR 1266 544
499
**45 58
20
2 47
18
2 20
9
*1
Source : OFPRA et CRR
* plus 1 sur liste complémentaire
** dont 4 C et 3 B
On doit toutefois rappeler une exception notable. Deux décrets n° 95-1179 et n° 95-1180 du 6 novembre 1995 (qualifiés de « folkoriques » par un interlocuteur compétent) ont organisé des concours exceptionnels pour le recrutement d’officiers et de secrétaires de protection de l’OFPRA dans la limite de 69 postes offerts en catégorie A et 17 en catégorie B, ouverts limitativement aux fonctionnaires et agents non titulaires du ministère des Affaires étrangères, de l’OFPRA et de la CRR en activité à la date de clôture des inscriptions et comptant au 31 décembre de l’année du concours au moins quatre années de services publics accomplis sur le territoire métropolitain de la France. Ces concours ont été décidés sans base législative. La direction générale de l’OFPRA a interpellé la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) le 21 janvier 2006 sur la possibilité de rééditer de tels concours. Elle s’est opposée à un refus de la DGAFP. Il semble très peu probable que de tels décrets puissent à nouveau être pris, ils constituent des exceptions dans l’ensemble de la fonction publique .
Au moins, aucun emploi de contractuel ne devrait dorénavant être accepté par le président de la CRR lors des mises à disposition de personnel par le directeur général de l’OFPRA.
3.3. Des progrès possibles dans le cadre actuel
Quels que soient les défauts et les difficultés de la situation actuelle, il est indispensable de rechercher quelles modifications pourraient lui être apportées pour améliorer l’efficacité du service public de l’asile et les conditions matérielles et morales de ses agents. Les propositions qui suivent ne constituent qu’une première récapitulation de suggestions reposant certes sur l’expérience, mais qui n’ont pas fait l’objet d’une expertise suffisante. Elles ne sont donc présentées de manière analytique que sous réserve.
Une fois mises au point, ces propositions pourraient faire l’objet d’une circulaire préparée par les parties intéressées , d’un « mandat de gestion » entre la CRR et l’OFPRA ou d’une « délégation de gestion » dans le cadre de la LOLF en fonction de l’évolution des relations et des structures liant ces organismes .
Recrutement
Pour rééquilibrer la sujétion résultant du système de mise à disposition de la CRR d’agents de l’OFPRA (auquel il ne devrait normalement être recouru que pour de courtes durées selon cette modalité) et outre le renoncement définitif au recrutement de personnels contractuels dans quelque catégorie que ce soit, il conviendrait d’avoir davantage recours désormais, en cas de vacance de poste, au détachement de fonctionnaires en provenance d’autres administrations, ce qui implique un important effort d’information de ces dernières sur ce que sont les activités de la CRR. Ces détachements pourraient être réalisés sur fiches de postes.
S’il n’est pas envisageable, dans les circonstances actuelles, que la CRR organise ses propres concours, il conviendrait de revoir les programmes des concours de l’OFPRA pour tenir compte des missions spécifiques de la CRR. Il est souhaitable que continue d’être identifiée la part des places mises au concours revenant à la CRR et que les affectations dérogent au choix de l’ordre du mérite pour privilégier l’affectation à la CRR des agents y ayant déjà exercé, s’ils le souhaitent.
Il convient de veiller à la présence constante de représentants de la CRR dans les jurys de concours et au respect de la règle d’une représentation d’au moins un tiers de l’un ou l’autre sexe.
Le plan de recrutement 2006-2008 doit être poursuivi et amplifié car, en l’état, il n’est pas de nature à résorber l’emploi précaire. Les marges de manœuvre de recrutements sans concours d’agents titulaires de catégorie C doivent être élargies.
Avancement
Il n’est pas possible de faire des distinctions à l’intérieur d’un même corps à moins que des circonstances exceptionnelles ne légitiment l’établissement de telles mesures dans l’intérêt du service . Il ne peut donc y avoir qu’un seul tableau d’avancement dans un même corps. Reste à adapter le contenu de l’examen professionnel, lorsqu’il est requis pour un avancement de grade, aux postes d’avancement offerts.
Il convient de prévoir, comme pour les concours, la présence de représentants de la CRR dans les jurys.
La transparence doit être exigée de l’OFPRA permettant, notamment, la comparaison entre les potentiels de promouvables et la part des agents promus respectivement à l’OFPRA et à la CRR. La notion de quota ne peut qu’être indicative, ex post, et sur une certaine période. Les promotions de grade doivent, sur une période pluriannuelle, respecter l’équilibre OFPRA/CRR.
Notation
Il ne semble pas y avoir de distorsion entre l’OFPRA et la CRR dans l’application du décret n° 2002-682 du 29 avril 2002 relatif aux conditions générales d’évaluation, de notation et d’avancement des fonctionnaires de l’État ; le rapprochement des deux ensembles de notation est donc directement possible après harmonisation à la CRR et à l’OFPRA.
Ce rapport n’étant pas le lieu de discussion du bien fondé de la réforme intervenue en 2002 qui a fait passer la procédure de notation d’un système de péréquation a posteriori à celui de l’harmonisation préalable, il reste à veiller à ce que les services de ressources humaines du ministère des Affaires étrangères et de l’OFPRA procèdent à l’attribution des réductions et majorations d’ancienneté de manière équitable.
Formation
La procédure d’évaluation et de notation doit être l’occasion de préciser les missions des agents de la CRR, d’autant plus que leurs statuts particuliers ne les mentionnent pas. Elle doit aussi conduire à déterminer les objectifs des services et la contribution qu’apportent les agents à leur réalisation. Elle est également l’occasion d’évaluer les besoins en formation.
L’OFPRA n’a établi aucun plan de formation. Les opérations de formation n’y sont réalisées qu’au coup par coup et les besoins spécifiques de la CRR semblent y être sous-estimés, en raison d’une insuffisante évaluation au sein de la CRR elle-même. Il convient donc de partir d’une identification sérieuse des besoins propres de la CRR, notamment dans le domaine du droit administratif et d’établir un plan de formation de la CRR dont l’inclusion dans un plan de formation de l’OFPRA sera revendiquée.
Sans attendre cette réorganisation, la CRR pourrait appuyer sa propre politique de formation sur le réseau des présidents et assesseurs de section.
Classement indiciaire
Dans l’ensemble, les classements indiciaires des corps des agents de l’OFPRA sont conformes à ceux des corps interministériels types, à l’exception du corps des officiers de protection pour les indices de début des deux classes du principalat par comparaison avec ceux du corps des attachés d’administration centrale (officier de protection principal de 2° classe : indice brut 563, de 1ère classe : 852 ; attaché d’administration centrale de 2° classe : 504, de 1ère classe : 864). Ces différences restent, pour le moment, inexpliquées.
Les postes de débouché des rapporteurs (chefs de service) représentent quelque 20 % de l’effectif ce qui n’est pas négligeable. Pour autant, ces postes n’ont pas été reconnus comme bénéficiaires de la nouvelle bonification indiciaire (NBI), ce qui serait cependant possible (20 à 50 points en catégorie A). Ils ne peuvent pas non plus accéder aux postes de débouché qui existent dans d’autres administrations : indice 985 brut voire hors échelle A3 pour les chefs de service du Conseil d’État et les greffiers en chef des services judiciaires ; on peut penser toutefois qu’une telle demande reconventionnelle trouverait davantage sa place à l’occasion d’une réforme de plus grande envergure.
La perspective de fusion des corps d’attachés en un corps interministériel unique à l’instar du corps des administrateurs civils risque d’isoler le corps des officiers de protection dont il serait nécessaire qu’il puisse, par une voie ministérielle ou une autre, être partie prenante de la réforme.
Indemnités
Le régime indemnitaire en vigueur au ministère des Affaires étrangères, et en son sein à l’OFPRA, semble relativement avantageux. L’enveloppe globale des primes est gérée par l’OFPRA et une certaine transparence devrait être instaurée afin de vérifier qu’aucune discrimination ne pénalise les agents en fonction à la CRR.
La valorisation des fonctions des agents de la CRR serait de nature à légitimer la revalorisation de leur régime indemnitaire.
Discipline
Le pouvoir disciplinaire appartenant à l’autorité ayant pouvoir de nomination, c’est le directeur général de l’OFPRA qui dispose de ce pouvoir, le président de la CRR n’ayant qu’un pouvoir de proposition. Néanmoins, le pouvoir de prononcer les sanctions du premier et du deuxième groupe (avertissement, blâme, radiation du tableau d’avancement, abaissement d’échelon, exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours, déplacement d’office) peut être délégué indépendamment du pouvoir de nomination par décret en Conseil d’État. Le président de la CRR devrait donc bénéficier de cette délégation.
Représentation
La plupart des propositions se situant dans le cadre de la gestion des corps, il importe de voir quelles sont les possibilités de représentation de la CRR au sein des organismes paritaires définis par les décrets du 28 mai 1982. En ce qui concerne les commissions administratives paritaires (CAP) , il n’est pas possible d’imposer une représentation de la CRR en tant que telle dans l’une ou l’autre des parités des CAP des corps de l’OFPRA. Un décret de même niveau que celui du 28 mai 1982 sur les CAP serait nécessaire pour y déroger comme cela a été fait pour le corps des administrateurs civils ; il n’est pas possible de l’envisager pour des corps d’aussi faibles effectifs que ceux de l’OFPRA. La création d’une CAP locale ne correspond pas non plus au cas de figure prévu par l’article 4 du décret de 1982 : elle n’est en rapport avec aucune autorité publique déconcentrée et n’aurait en tout état de cause qu’un caractère préparatoire. Des aménagements pourraient être imaginés pour faire une place à la CRR (prévoir la présence d’une représentation du président de la CRR dans la parité administrative, établir un code de bonne conduite, encourager une présence plus importante de représentants des agents de la CRR), mais leur mise en place est difficile. C’est donc, aujourd’hui, dans une préparation sérieuse des CAP à la CRR et une transparence des travaux que se trouve sans doute le moyen le plus efficace d’assurer la défense des intérêts des agents de la CRR.
En ce qui concerne les comités techniques paritaires (CTP) les possibilités sont plus importantes. La création d’un CTP spécial à la CRR par application des articles 4 et 4 bis du décret relatif aux CTP du 28 mai 1982 semble possible.
Une autre solution serait de définir et de faire fonctionner des assemblées générales prévues tant par le code de la justice administrative en son article R 222-4 (présidence du président de TA ou de CAA, avis consultatif sur des questions d’intérêt commun) et par le code de l’organisation judiciaire dans ses articles R 761-1 et suivants. Les assemblées générales ont la possibilité de donner des avis dans un large champ de compétence : calendrier des audiences, répartition des emplois, heures d’ouverture et de fermeture, prévisions et affectations budgétaires, entretien des locaux, conditions de travail et de sécurité, etc. À la différence d’un CTP, l’assemblée générale de la CRR serait composée de l’ensemble des agents. Elle pourrait constituer une commission permanente en son sein. Cette solution semble particulièrement appropriée à la CRR, ce qui ne dispenserait pas sa présidence, voire des représentants du personnel de la CRR, d’intervenir activement au sein du CTP de l’OFPRA.
Conditions de travail
La plupart des problèmes relatifs aux conditions de travail devraient pouvoir être traités au sein des instances qui viennent d’être examinées. Parmi les problèmes dont elles pourraient se saisir on peut évoquer : le travail dans les bureaux ne donnant pas sur l’extérieur, l’usage rationnel de la badgeuse, etc.
Action sociale
L’absence d’action sociale à la CRR n’est que la conséquence de la faiblesse de l’action sociale de l’OFPRA subventionné par le ministère des Affaires étrangères. Si elle est relativement appréciée par les agents de catégorie C et peu par les autres catégories, c’est sans doute en raison d’un plafond de dépassement de ressources relativement bas.
L’utilisation des crédits devrait faire l’objet d’informations plus précises et connues de la CRR.
La CRR pourrait prendre l’initiative de réalisations concrètes dont le financement correspondant serait demandé à l’OFPRA après chiffrage (exemple de réservation d’un certain nombre de places dans une crèche d’entreprise existant dans le quartier de Montreuil-sous-Bois où se situe le siège de la CRR).
Détachements et mobilité
Les possibilités de détachement des agents de la CRR dans d’autres administrations sont très faibles. Elles pourraient être encouragées par une prospection plus active, notamment auprès du ministère de l’Intérieur, du ministère des Affaires sociales, du ministère des Affaires étrangères et des autres juridictions administratives.
Les agents de la CRR participent peu aux missions extérieures qui sont décidées par l’OFPRA, bien que l’on observe une amélioration récente en ce domaine. Une plus grande transparence devrait être instituée sur les possibilités offertes qui devraient faire l’objet d’une programmation.
Dialogue social et communication
Un bulletin périodique pourrait améliorer la communication au sein de la CRR et dans son réseau de proximité. À défaut, le site informatique pourrait être plus systématiquement utilisé par le secrétariat général.
Le dialogue social est, dans l’ensemble, jugé positivement à la CRR, mais des améliorations sont sans doute possibles, grâce notamment aux organismes de concertation (CTP, assemblée générale) évoqués ci-dessus.
4. LES FACTEURS DÉTERMINANTS D’UNE NÉCESSAIRE ÉVOLUTION
Le rappel des principes d’accès aux emplois permanents de la fonction publique et d’indépendance des juridictions administratives, la réforme budgétaire mise en place par la LOLF, la nécessité d’une réorganisation d’ensemble des personnels non magistrats de la juridiction administrative, l’approfondissement de la réflexion sur les fonctions des personnels en activité à la CRR et leur professionnalisation constituent autant de facteurs qui vont ou doivent conduire la réflexion permettant de dégager la solution la plus pertinente.
4.1. Les règles de recrutement du statut général concernant les emplois permanents de la Fonction publique de l’État
La doctrine comme la jurisprudence ont toujours considéré comme élément fondamental de la définition du fonctionnaire, la permanence de l’emploi et la participation à un service public. Les règles du statut général des fonctionnaires sont claires. La loi du 13 juillet 1983 constituant le Titre premier du statut général dispose, en effet, en son article 3 que « sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l’État, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont … occupés … par des fonctionnaires régis par le présent titre ». Tandis que l’article 2 de la loi du 11 janvier 1984 précise que « le présent titre s’applique aux personnes qui, régies par les dispositions du Titre 1er du statut général ont été nommées dans un emploi permanent à temps complet et titularisés dans un grade des administrations centrales de l’État, des services déconcentrés en dépendant ou des établissements publics de l’État. » Le fonctionnaire est, vis-à-vis de l’administration, « dans une situation statutaire et réglementaire » (art. 4 du Titre 1er).
Des dérogations sont prévues par deux articles du Titre II ; elles sont strictement circonscrites. L’article 4 dispose ainsi que « par dérogation au principe énoncé à l’article 3 du titre 1er du statut général, des agents contractuels peuvent être recrutés dans les cas suivants : « 1° Lorsqu’il n’existe pas de corps de fonctionnaires susceptible d’assurer les fonctions correspondantes ; 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A … lorsque la nature des fonctions ou les besoins le justifient. ». Selon l’article 6 « les fonctions qui correspondant à un besoin permanent, impliquent un service à temps incomplet d’une durée n’excédant pas 70 % d’un service à temps complet, sont assurées par des agents contractuels. Les fonctions correspondant à un besoin saisonnier ou occasionnel sont assurées par des agents contractuels, lorsqu’elles ne peuvent être assurées par des fonctionnaires titulaires. » Aucune catégorie d’emploi de la CRR ne correspond à l’une ou l’autre de ces dérogations.
On rappellera que, jusqu’en 1986, le Conseil d’État a gardé la maîtrise de la gestion budgétaire et statutaire du personnel de la CRR. Seuls les personnels de secrétariat étaient alors mis à la disposition de la CRR, tandis que les rapporteurs et les personnels administratifs d’encadrement étaient soit des auditeurs au Conseil d’État, soit provenaient des corps d’attachés ou assimilés d’autres administrations, à l’exception du ministère des Affaires étrangères. C’est le recrutement massif de contractuels par l’OFPRA pour faire face à la croissance des demandes d’asile à la fin des années 1980 et au début des années 1990, suivi de leur titularisation décidée en 1991 dans les nouveaux corps de protection de l’OFPRA créés en 1993 , qui a placé la CRR dans une situation de fait devant laquelle le Conseil d’État ne réagira qu’à partir de 1992.
Au tournant des années 1980-1990, le recrutement d’agents contractuels par l’OFPRA pour ses besoins propres pouvait être admis, à la rigueur, pour faire face à l’afflux soudain et sans précédent des demandes d’asile, et si leur titularisation dans de nouveaux corps pouvait être considérée comme conforme aux dispositions législatives précitées, bien que d’autres solutions telles que l’appel à des fonctionnaires des ministères représentés au conseil d’administration de l’OFPRA, eussent sans doute été préférables, ce n’était plus le cas ensuite. Le recrutement de contractuels pour faire face à des variations de flux de demandeurs, consubstantielles à l’asile, n’était pas admissible et contrevenait aux règles du statut général. La pratique qui consiste à recruter massivement des agents contractuels, comme cela a été pratiqué en 2004-2005, afin de liquider un « stock » de demandes et de recours pour les renvoyer ensuite est un expédient hautement critiquable, tant sur le plan du droit que sur celui de la morale, s’agissant au surplus de l’exercice d’une mission de service public aussi caractérisée que le traitement du droit d’asile.
Si, de l’avis général, les agents contractuels recrutés en CDD sur la période d’octobre 2004 à décembre 2005 ont fait preuve dans leur grande majorité de qualités indéniables, laisser supposer, notamment, qu’il est possible pour une personne juste issue d’études supérieures, d’assurer sur le champ la fonction de rapporteur sans formation conséquente, discrédite les fonctions des titulaires de catégorie A rapporteurs depuis plusieurs années et nuit gravement à l’exigence de professionnalisation comme à la crédibilité de la justice de l’asile.
Un récent rapport de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation du Sénat sur le contrôle relatif à l’OFPRA, a jugé que ce recours à des contractuels par l’établissement public était une « démarche de gestion contestable ». Il en a dénoncé les « effets pervers », les contractuels pouvant avoir « davantage tendance à ressentir les contraintes de délais posées par la direction de l’OFPRA » . Le fait que le recours aux contractuels dans de nombreux secteurs de la fonction publique soit une pratique récurrente n’est en rien une justification d’une mauvaise gestion.
Il s’ensuit une conclusion et une règle simple : l’ensemble des agents contractuels en fonction à la CRR et réunissant des conditions d’ancienneté suffisante à préciser, devrait faire l’objet d’une titularisation, et à l’avenir aucun des emplois de la CRR ne devrait plus être occupé par le recours à un agent contractuel, ce qui impose, en gestion, la recherche d’une autre solution pour faire face aux variations de plan de charge.
4.2. Le principe d’indépendance de la juridiction administrative vis-à-vis de l’administration
Le principe d’indépendance de la juridiction a été évoqué de façon constante depuis qu’existe une liaison organique entre l’OFPRA et la CRR. La question ne se posait guère lorsque les seuls moyens mis à la disposition de la CRR par l’OFPRA étaient des personnels de secrétariat. Elle ne cesse d’être évoquée depuis que la CRR est sous la dépendance budgétaire, statutaire et administrative de l’OFPRA. Dès 1992, le président Marceau Long considérait qu’ « une telle situation n’est pas satisfaisante sur le plan des principes, puisqu’elle fait dépendre, quant à son personnel, une juridiction de l’administration dont elle juge les décisions. » Pourtant, en dépit de ce constat d’évidence et d’excellentes analyses réalisées sur le sujet , ni le droit européen ni le droit interne n’ont, pour le moment, sanctionné ce type de situation.
L’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme dispose que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ». La Cour européenne en a fait une large application dans les domaines considérés , mais en veillant à ne pas statuer sur les matières n’ayant pas un caractère civil ou pénal .
Toutefois, on relèvera que le projet de directive du Conseil dite « procédure » adoptée le 1er décembre 2005 , comportait une orientation sans ambiguïté sur la nécessité d’une distinction claire entre l’administration qui prend la décision de rejet d’une demande d’asile et la juridiction de recours contre cette décision. L’ « organe de recours » était ainsi défini : « tout organisme juridictionnel, quasi-juridictionnel ou administratif d’un État membre, indépendant et distinct de l’autorité responsable de la détermination dans ce même État membre, et responsable du réexamen, en fait et en droit, de décisions rendues par cette dernière ». Dans le même esprit, la « juridiction d’appel » était ainsi définie : « instance juridictionnelle d’un État membre, indépendante de l’administration de cet État membre et compétente pour connaître des appels introduits à l’encontre des décisions rendues par les organes de recours ». Les analystes comme les présidents successifs de la CRR, se sont résolument appuyés sur ces dispositions envisagées pour souligner l’importance et l’urgence de créer les conditions de l’indépendance de la CRR. Mais dans le texte de la directive finalement adoptée ces dispositions ont disparu.
Pour autant, si l’on ignore dans quelles conditions ces dispositions ont été enlevées de la directive applicable, on ne saurait en déduire que la question relative à l’impartialité des juridictions ait disparu des préoccupations des instances européennes. En témoigne, la décision récente du 12 avril 2006 de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Martinie c. France qui a conclu à la violation de l’article 6 § 1, d’une part étant donné la place du procureur dans la procédure devant la Cour des comptes, d’autre part en raison de la présence du commissaire du gouvernement au délibéré de la formation de jugement du Conseil d’État. Le fait également que le droit européen s’attache au justiciable, en réalité et en apparence (la « théorie des apparences »), plutôt qu’aux conditions d’impartialité recherchées dans l’organisation et le fonctionnement même de la justice est un facteur de risque juridique supplémentaire s’agissant du droit d’asile.
En droit interne, le Conseil constitutionnel ne manque pas de considérer que l’indépendance de la CRR vis-à-vis de l’OFPRA « constitue une garantie essentielle du droit d’asile » .
La Cour de cassation fait une large application de l’article 6 § 1 de la convention en matière civile. Ainsi a-t-elle cassé plusieurs décisions de tribunaux du contentieux de l’incapacité du fait d’accidents du travail en raison de la présence au sein du tribunal d’un représentant de l’administration sanitaire et sociale . En revanche, elle a rejeté une requête en relèvement d’interdiction du territoire français au motif qu’il ne s’agissait pas d’un droit de caractère civil au sens de l’article 6 § 1 de la convention .
De façon constante, le Conseil d’État a jugé que « la commission des recours des réfugiés ne statuant pas sur les contestations de caractère civil ni sur des accusations en matière pénale », l’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne lui est pas applicable . Il utilise cette disposition de façon générale pour écarter « en tout état de cause » tout moyen se référant à cet article tenant à la procédure, à la régularité de la composition de la formation de jugement ou au statut de la CRR : présence d’un représentant du conseil de l’OFPRA , nomination du rapporteur , rejet par ordonnance , respect du contradictoire , convocation du requérant . En revanche, une étude du Conseil d’État relative à l’avenir des juridictions spécialisées dans le domaine social a montré que ces juridictions étaient naturellement confrontées aux exigences de l’article 6 § 1 ce qui avait pour ces juridictions des conséquences importantes, notamment la remise en cause de leur composition .
De façon plus autonome, le Conseil d’État a anciennement considéré que ne porte pas atteinte à l’indépendance de la CRR la circonstance que l’OFPRA mette à la disposition de la juridiction les moyens nécessaires à son fonctionnement et, plus précisément, qu’il n’est pas contraire aux principes généraux du droit que le rapporteur fasse partie du personnel affecté par le directeur de l’OFPRA à la commission et soit présent au délibéré . Il a également précisé qu’outre le fait que l’invocation de l’article 6 § 1 soit en la matière inopérant, la composition de la commission étant fixée par la loi du 25 juillet 1952, « le requérant ne saurait utilement soutenir que la présence en son sein d’un représentant du conseil de l’OFPRA méconnaîtrait le principe d’impartialité des juridictions administratives » . Ces jurisprudences ont été récemment confirmées à propos d’une requête en annulation du décret du 14 août 2004 de plusieurs associations en « considérant que la circonstance que le directeur général de l’OFPRA mette à disposition de la CRR les moyens nécessaires à son fonctionnement, dans des conditions qu’il appartient au pouvoir réglementaire de déterminer, n’est pas de nature à porter atteinte à l’indépendance de cette juridiction » .
Il reste que la disposition qui prévoyait que la composition des formations de jugement de la CRR comprenait, outre le président et un représentant du HCR, « un représentant du conseil de l’office » a été remplacée prudemment par « une personnalité qualifiée nommée par le vice-président du Conseil d’État sur proposition de l’un des ministres représentés au conseil d’administration de l’office ».
En dernier lieu, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) s’est prononcée, le 29 juin 2006, en faveur de l’indépendance de la CRR vis-à-vis du ministère des Affaires étrangères et de l’OFPRA dans les termes suivants : « le rattachement actuel de la CRR au ministère des Affaires étrangères et sa dépendance vis-à-vis de l’OFPRA ne sont pas satisfaisants au regard des principes et de la pratique. La CNCDH demande que soit reconnue l’indépendance de la CRR, conforme au principe d’indépendance de la juridiction administrative réaffirmé par le Conseil constitutionnel et nécessaire à son bon fonctionnement. La CNCDH souhaite souligner que le rattachement de l’instance de recours au ministère de la Justice, et plus spécifiquement au Conseil d’État, sous le contrôle duquel elle est en tout état de cause placée, semble à terme la solution la plus satisfaisante . »
Il apparaît ainsi conforme à la fois au bon sens et au principe d’indépendance de la juridiction administrative, que soient plus clairement définies les situations respectives de l’administration relevant du ministère des Affaires étrangères et de la juridiction dont elle juge les décisions. La même conclusion avait été tirée dans le rapport relatif à la situation des personnels des greffes de la juridiction administrative dépendant statutairement du ministère de l’Intérieur dont la juridiction administrative généraliste juge également les décisions, notamment celles des préfets. Il y aurait ainsi intérêt à anticiper des évolutions du droit européen et du droit interne qui semblent aujourd’hui inéluctables.
4.3. La mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF)
Il a été parfois reproché à la CRR (point 2.3.) de n’avoir pas une préoccupation suffisante de la performance. Ce reproche semble méconnaître la nature spécifique d’une juridiction qui ne s’apparente en aucune façon à un service ou à un établissement administratif. Dans ces conditions, les indicateurs de résultats qui lui sont assignés et dont elle n’a pu débattre valablement n’ont aucun sens ; elle n’a d’ailleurs pas les moyens de les calculer avec pertinence. L’application d’une démarche managériale à la juridiction de l’asile est particulièrement incongrue ; elle ne tient aucun compte de l’attention qu’il convient d’accorder au justiciable, du temps très variable et parfois très long que requièrent certaines affaires, des délais qu’entraîne le respect du caractère contradictoire de la procédure . L’encadrement de la gestion de la CRR par des règles relevant de la plus sommaire optique bureaucratique ne peut avoir pour conséquence, en définitive, que le limiter le nombre d’annulations de décisions de l’OFPRA et, par là, de réduire le taux global de reconnaissance du droit d’asile. Les causes des difficultés de gestion rencontrées par la CRR doivent plutôt être recherchées dans l’inadéquation de l’emplacement de ses crédits dans la maquette budgétaire d’ensemble, les dysfonctionnements inhérents à la subordination de la CRR vis-à-vis de l’OFPRA et les mouvements successifs de recrutement et de renvoi des personnels contractuels. Si l’on ne peut écarter la notion d’efficacité sociale s’agissant d’une juridiction telle que la CRR qui s’efforce de répondre au mieux à sa mission : rendre la justice « au nom du peuple français », il est vain, tant que ses handicaps ne seront pas levés, d’évoquer une notion de performance dépourvue de toute signification dans les conditions actuelles
La loi organique n° 2001-692 relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001 est entrée en vigueur le 1er janvier 2006. Elle substitue à une présentation du budget général par types de dépenses (personnel, fonctionnement, investissement) une présentation fonctionnelle en 34 missions correspondant aux grandes politiques de l’État (Justice, Enseignement scolaire, Action extérieure de l’État, etc.), 132 programmes constituant les cadres de la mise en œuvre des politiques publiques (Accès au droit et à la justice, Administration pénitentiaire, Justice judiciaire, etc. au sein de la mission « Justice »), et 620 actions qui précisent à quoi sont destinés les crédits. Cette réforme s’est donné pour objectif de renforcer le rôle du Parlement, de passer d’une administration de moyens à une administration de résultats, de développer une culture de la performance.
Il ne s’agit pas ici de faire une présentation d’ensemble de la LOLF, mais d’évoquer les conséquences de sa mise en œuvre sur la situation des personnels de la CRR dans le cadre plus général de l’organisation des ministères concernés. L’entrée en vigueur de la LOLF n’a pas d’incidence directe sur le statut général des fonctionnaires, mais elle en a sur la politique des ressources humaines. L’accent mis sur la performance conduit à définir de nouveaux comportements et de nouvelles pratiques : définition des besoins en qualifications et compétences à moyen terme, recrutements plus libres et organisation de parcours professionnels, évaluation des agents plus individualisée avec des conséquences sur leur régime indemnitaire, révision des conditions de promotion avec remplacement des règles d’avancement statutaires par des ratios promus/promouvables , etc.
L’une des conséquences majeures, s’agissant de la gestion des ressources humaines, est le passage d’une présentation en emplois budgétaires à une présentation en masse salariale sous la contrainte d’un plafond d’emplois exprimé en équivalents temps plein travaillés (ETPT). Pour le responsable d’un programme, la gestion des crédits correspondants est plus libre car est introduite la notion de « fongibilité asymétrique ». La fongibilité des crédits entre actions d’un programme en cours d’exercice budgétaire est possible quelle que soit la nature des dépenses, mais si le gestionnaire peut transformer des crédits de personnel en dépenses de fonctionnement ou d’investissement, l’inverse n’est pas possible.
Dans la maquette en vigueur pour la loi de finances de l’année 2006 (Annexe 3), la place de la CRR relève de l’action « Garantie de l’exercice du droit d’asile » dans laquelle se situe la subvention de l’OFPRA (donc les moyens de la CRR) qui à ce titre est opérateur du ministère des Affaires étrangères, une des quatre actions du programme « Français à l’étranger et étrangers en France » de la mission « Action extérieure de l’État » conduite par le ministère des Affaires étrangères. Si l’introduction de la LOLF ne remet pas en cause le principe du recrutement par concours, elle risque toutefois, dans le cadre des ETPT budgétairement alloués, de faciliter le recrutement de personnels contractuels dont les avantages sont fréquemment évoqués dans les documents préparatoires (moindre coût, recrutement plus rapide, efficacité plus grande à court terme). La fongibilité budgétaire pourrait ainsi se doubler d’une fongibilité statutaire qui serait de nature à contrarier la titularisation des agents contractuels de la CRR.
Par ailleurs, dans la logique de la LOLF, la mise à disposition d’un agent conduit à ce qu’il soit rémunéré par son ministère d’origine tout en étant affecté dans une autre administration pour exercer son activité . Cet agent est donc inclus dans le plafond d’emplois autorisé pour la mission et le programme correspondants sans que ces derniers bénéficient de l’activité de l’agent. Cela conduit à ce que les mises à disposition effectuées dans de telles conditions ne puissent être réalisées que de manière tout à fait exceptionnelle car elles nuisent à la performance des administrations d’origine. Cette logique est donc celle de l’unicité de gestion, elle condamne en fait les systèmes de double gestion tels que celui actuellement en vigueur pour les personnels des greffes des juridictions administratives (ETPT inscrits au programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » pour des personnels des cadres des préfectures, même si le Conseil d’État rembourse en définitive le ministère de l’Intérieur pour les personnels qu’il emploie). Elle ne pose pas de problème actuellement pour les personnels de la CRR, puisque la mise à disposition s’effectue au sein d’un même programme. Elle en poserait si la CRR était placée dans un autre programme sans que soit effectuée simultanément une transformation statutaire. Elle pourrait aussi en poser pour les agents du ministère de la Justice mis à disposition au greffe de la CRR.
En tout état de cause, la notion de performance oblige à identifier clairement les crédits correspondant aux missions, programmes, actions et sous-actions qui prennent la forme d’indicateurs de résultats. Ainsi, on a fait correspondre à l’action « garantie de l’exercice du droit d’asile » deux sous-actions qui concernent l’OFPRA : délai de traitement d’un dossier de demande d’asile par l’OFPRA, coût de l’examen d’une demande d’asile par l’OFPRA. Deux sous-actions concernent spécifiquement la CRR : délai de traitement d’un dossier de recours, coût de traitement d’un dossier de recours par la CRR. 749 ETPT ont été affectés à l’OFPRA pour un budget de 49,3 millions d’euros sans que soit identifiée la part correspondant à la CRR, ce qui est un non-sens budgétaire au sens de la LOLF. Cette évaluation devra être réalisée avec précision. On rappellera que c’était la demande récurrente des présidents successifs de la CRR. Il est toutefois possible d’en donner une bonne approximation sous différentes hypothèses de clés de répartition qui pourront être affinées mais sans modifier considérablement les évaluations ici présentées.
Budget de la CRR pour l’année 2006 (en euros)
Nature de la dépense
CRR
OFPRA
Total
Personnel
Fonctionnement
Investissement
10 159 723
8 923 116
325 279
18 595 131
10 573 030
730 721
28 754 854
19 496 146
1 056 000
Total
19 408 118
29 898 882
49 307 000
La part de la CRR dans les effectifs théoriques de l’ensemble OFPRA-CRR est de 35,7 %. Elle est de 39,4 % dans le budget global en raison d’une part plus élevée de la CRR dans le compte « Achats sous-traitance et services extérieurs » (55,2 %).
4.4. Le principe de dualité juridictionnelle et l’autonomisation de la juridiction administrative
Le principe de dualité des juridictions judiciaire et administrative auquel notre pays est attaché repose sur l’idée que les litiges relevant du respect de l’intérêt général mis en œuvre par les services publics nécessitent l’intervention d’un droit et d’un juge spécifiques, le droit et le juge administratifs. Cela suppose que les deux juridictions soient aussi clairement que possible identifiées et que chacune d’elles présente une jurisprudence maîtrisée qui n’est pas sans rapport avec son unité de gestion et de fonctionnement. Telle a été la préoccupation constante des artisans de la réunion des juridictions administratives généralistes, entre 1987 et 1991 qui a confié, ainsi qu’il a été dit, au vice-président du Conseil d’État, la gestion budgétaire de ces juridictions et la gestion statutaire de ses membres, à l’exception des agents des greffes dont la réforme statutaire était renvoyée à une étape ultérieure. Un groupe de travail a alors estimé qu’il convenait d’éviter des bouleversements excessifs et le président Marceau Long s’est excusé du caractère insuffisamment « révolutionnaire » de la réforme. L’adoption par l’ordonnance n° 2000-387 et le décret n° 2000-389 du 4 mai 2000 du code de la justice administrative a cependant marqué un aboutissement, bien qu’inachevé, de cette volonté de réunir les trois degrés de juridictions administratives sous une même identité.
La volonté de parachever cette réforme en remettant sur le chantier la question statutaire des agents des greffes de la juridiction administrative a conduit le vice-président du Conseil d’État Renaud Denoix de Saint Marc a commander un « rapport sur l’amélioration de la situation statutaire et des modalités de gestion des personnels des greffes des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ». Ce rapport a établi un bilan détaillé de l’expérimentation de la double gestion (budgétaire par le Conseil d’État et statutaire par le ministère de l’Intérieur) et a étudié une large gamme de solutions pour dégager finalement deux d’entre elles. La première consistait en un aménagement du système en vigueur ; le rapport énumérait les diverses améliorations possibles, il pouvait s’agir d’une solution d’attente. Car le rapport retenait finalement la solution de la restructuration des corps de l’ensemble de la juridiction administrative, seule à permettre le rétablissement d’une pleine cohérence entre la situation statutaire et les modalités de gestion des agents des greffes. Cette réforme ne créerait aucun corps supplémentaire et devrait être accompagnée de mesures novatrices : mise en place de passerelles avec d’autres corps pour conforter la garantie fondamentale de mobilité, refonte du dispositif de formation initiale et continue, remise en ordre des rémunérations principales et accessoires. Les conclusions de ce rapport avaient fait l’objet d’un très large accord, tant des organisations syndicales des personnels que des magistrats. Le ministère de l’Intérieur avait lui-même finalement donné son accord à l’abandon du système de la double gestion .
Dans cette ligne de réflexion, la prise en compte des agents de la CRR dans le cadre d’une réforme globale de l’ensemble des personnels des juridictions administratives, outre qu’elle conduirait à revenir simplement à la situation administrative antérieure à la fin des années 1980, ne changerait pas considérablement les données du problème de gestion. Si, au nombre des affaires entrées, la CRR est la première juridiction administrative avec 38 563 affaires en 2005, ce chiffre est à mettre en rapport avec les 156 994 affaires enregistrées par l’ensemble des tribunaux administratifs (20 226 pour le tribunal administratif de Paris), 20 208 pour les cours administratives d’appel, 11 196 pour le Conseil d’État. La CRR apparaît ainsi comme l’équivalent d’un important tribunal administratif. Elle ne saurait être comparée à d’autres juridictions administratives spécialisées, les plus importantes d’entre elles, au niveau national, ne connaissent qu’un nombre d’affaires entrées très faible : 1725 pour la Commission centrale d’aide sociale, 108 pour la Commission spéciale de la taxe d’apprentissage, 492 pour l’ensemble des onze juridictions disciplinaires .
4.5. La professionnalisation des activités de la juridiction du droit d’asile
Si seuls les présidents et assesseurs des formations de jugement exercent une fonction juridictionnelle directe, tous des agents de la CRR participent au fonctionnement de cette juridiction administrative spécialisée et concourent à la qualité de la justice rendue « au nom du peuple français » sur une question politiquement et socialement très sensible en raison de ses implications dans la conception de la citoyenneté et de la relation de la France au monde. Le droit d’asile a une très longue histoire dans notre pays parfois considéré comme « terre d’asile » par excellence, en raison de la contribution historique de la France à la défense des droits de l’homme. C’est dire que les personnels de la CRR, dont les décisions se réfèrent tant au 4° alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 accordant le droit d’asile aux combattants pour la liberté, qu’à la Convention de Genève reconnaissant la qualité de réfugié aux personnes fuyant des persécutions, ou aux menaces graves de la protection subsidiaire, exercent une mission de service public qui fait appel à des qualités professionnelles et humaines importantes et diverses.
L’encadrement est assuré par une administration légère constituée du président de la CRR, nommé par le vice-président du Conseil d’État et la secrétaire générale, nommée par le président et assistée de deux secrétaires généraux adjoints. La secrétaire générale a sous son autorité des chefs de service chargés de la mise en état des affaires en vue de leur jugement et de l’expédition des décisions rendues.
Il y a deux catégories de chefs de service. Les premiers dirigent les 10 divisions existantes, chacune d’elles comprenant en moyenne 8 rapporteurs et 5 secrétaires. Ils organisent et encadrent leurs équipes, vérifient la mise en état des dossiers, préparent les rôles en tenant compte de la disponibilité des avocats et des interprètes. Ils sont les interlocuteurs des présidents et des assesseurs dont ils préparent les programmes des séances et avec lesquels ils sont amenés à discuter de la conformité des décisions prises à la jurisprudence, ainsi que des rédactions des jugements retenues. Ils participent à l’activité juridictionnelle en contrôlant les dossiers durant toute la procédure. Ils assurent leur responsabilité hiérarchique vis-à-vis des agents placés sous leur autorité, mais n’exercent pas de contrôle hiérarchique sur les rapports des rapporteurs qui en discutent cependant avec eux, mais aussi avec les présidents des formations de jugement. Ces chefs de service sont le plus souvent d’anciens rapporteurs. Les qualités requises sont : la maîtrise du droit administratif et du droit d’asile, un grand sens des responsabilités, un intérêt affirmé pour la direction d’équipe et un sens aigu de la communication. Il existe en outre des chefs de service qui ont la responsabilité des services suivants dont les effectifs sont très variables : greffe, sécurité, accueil des avocats et des l’interprètes, aide juridictionnelle, ordonnances, centre d’information géopolitique (CIG), centre d’information juridique (CIJ). Les trois derniers services sont placés, non administrativement mais eu égard au contenu de leurs missions, sous l’autorité du président de la CRR avec lequel ils travaillent directement. Ils jouent par conséquent un rôle important dans le dialogue interne à la commission.
Les rapporteurs représentent la catégorie la plus nombreuse et la plus caractéristique de la CRR : 85 rapporteurs au 1er mai 2006 (dont 57 contractuels recrutés sur CDD), sur un effectif de 108 agents de catégorie A rapporté à l’effectif total de la CRR de 232 agents (dont 17 agents de catégorie B et 107 agents de catégorie C) . Autrefois occasionnels (auditeurs au Conseil d’État), ils ont été progressivement professionnalisés, comme il a été dit précédemment, et intégrés dans le corps des officiers de protection de l’OFPRA. Ils sont la clé de voûte de la procédure puisque toute l’instruction du dossier leur est confiée après décision de rejet du directeur de l’OFPRA et recours du demandeur. Après étude du dossier, ils rédigent et présentent un rapport de synthèse en séance publique de jugement ou en séance d’ordonnances et concluent à l’annulation de la décision de l’administration ou au rejet de la demande. Ils assistent au délibéré de la formation de jugement à la suite duquel ils élaborent les projets des décisions prises. La formation des rapporteurs est, pour l’essentiel, juridique avec souvent une formation internationale poussée, justifiée par le contexte d’européanisation voire d’internationalisation croissante du droit d’asile (niveau master ou doctorat). Certains ont une expérience en milieu associatif. Experts des dossiers de demandes d’asile, leur expérience leur permet d’acquérir une connaissance approfondie de la situation géopolitique des pays, de leur politique intérieure, des problèmes des minorités et, le cas échéant, du droit applicable dans ces pays . À la somme des connaissances juridiques et géopolitiques requises, s’ajoutent d’autres qualités nécessaires : une aptitude à la synthèse, à la rédaction, à l’expression en public, à l’initiative dans une activité qui, contrairement aux autres catégories, est conduite individuellement. Malgré cela, leurs possibilités de mobilité ou de débouchés internes sont limitées (chef de service à la CRR ou de division à l’OFPRA) et les occasions de détachement dans d’autres administrations si réduites que plusieurs d’entre eux ne voient guère d’autre possibilité de promotion que de quitter la CRR. Comme pour les chefs de services, il existe des rapporteurs du centre d’information géopolitique (actualisation des dossiers « pays », réponse aux demandes notamment de plus en plus nombreuses des TA et des CAA, formation) et du centre d’information juridique (recueils de jurisprudence, recherches, préparation des sections réunies, formation) ; ce sont en général d’anciens rapporteurs de division.
Des agents de catégorie B, peu nombreux à la CRR (17 dont 7 contractuels), occupent certaines fonctions de rapporteurs. Au service des ordonnances, ils vérifient la régularité de la procédure et rédigent les projets d’ordonnances ; ils doivent avoir une bonne culture juridique de base et des qualités d’analyse et de rédaction, le sens du travail en équipe. Au secrétariat du greffe, il s’agit de participer à l’enregistrement des recours, à leur analyse, au contrôle de recevabilité, ce qui implique un intérêt pour les procédures juridiques et un bon esprit de synthèse. Le bureau d’aide juridictionnelle (BAJ) est composé d’agents mis à disposition par le ministère de la Justice ; son secrétaire anime le bureau sous l’autorité de son président et en conformité avec la loi relative à l’aide juridictionnelle ; il doit avoir de solides connaissances en procédure, des qualités relationnelles et faire preuve de disponibilité.
Les secrétaires de la CRR sont des agents de catégorie C (107 dont 43 contractuels). Les secrétaires des formations de jugement jouent un rôle important dans la préparation administrative des séances de jugement. Le jour de l’audience, ils assurent l’accueil des requérants, des avocats et des interprètes ; ils organisent le déroulement de l’audience. Ils sont responsables de la mise en forme et de l’expédition des décisions. Ces fonctions supposent une bonne présentation, un sens relationnel, de la rigueur, de l’organisation, et en même temps une certaine capacité d’autonomie. Par ailleurs, des secrétaires du service de gestion des ressources humaines participent à la gestion des effectifs, au suivi des positions administratives et des régimes indemnitaires, au recensement des commandes et au contrôle des consommations de dépenses, à la gestion des locaux et du matériel, ce qui requiert rigueur, sens relationnel, discrétion et goût du travail en équipe.
Quelles que soient les catégories considérées, on vérifie ainsi que les tâches de la juridiction administrative du droit d’asile relèvent d’une importante mission de service public et sont susceptibles de présenter un grand intérêt professionnel pour les agents qui y participent. L’expérience acquise dans la fonction de rapporteur, notamment, présente un triple intérêt de compétence juridique, géographique et de synthèse qui pourrait et devrait trouver à se valoriser dans bien d’autres administrations et, en particulier, au sein des administrations représentées au conseil d’administration de l’OFPRA comme dans l’ensemble des juridictions administratives. Ces remarques valent également pour les autres catégories. Malheureusement les conditions d’enfermement statutaire actuelles ne permettent pas de recourir à ces débouchés, ce qui porte préjudice tant aux intéressés, jeunes dans l’ensemble, qu’aux administrations qui pourraient bénéficier de leur expérience. Il en va ainsi de l’intérêt général qu’une issue soit trouvée dans les meilleurs délais, sauf à engendrer la sclérose du service, le désenchantement du personnel et le départ de ses éléments les plus dynamiques.
5. DES AMÉNAGEMENTS QUI NE RÉPONDENT QU’IMPARFAITEMENT AUX QUESTIONS POSÉES
Pour sortir des difficultés rencontrées au cours des vingt dernières années, plusieurs solutions ont été avancées. Elles tendent toutes, bien que de façon fort inégale, à affirmer l’identité de la juridiction administrative spécialisée tout en la situant dans un ensemble plus vaste qui lui donne une assise administrative mieux assurée dans le respect de son indépendance. Cela va de la simple revendication d’une plus grande autonomie budgétaire à cadre actuel inchangé à la reconnaissance du caractère spécialisé de la juridiction du droit d’asile au sein de la juridiction administrative prise dans son ensemble.
5.1. La recherche d’une simple autonomie budgétaire vis-à-vis de l’OFPRA
À partir du moment où, en septembre 2002, le vice-président du Conseil d’État a abandonné l’objectif qui était poursuivi jusque-là au sein de la juridiction administrative du rattachement de la CRR au Conseil d’État, les responsables de la CRR, privés de ce soutien, se sont repliés sur la revendication d’un minimum d’autonomie budgétaire au sein du budget de l’OFPRA. Cette démarche supposait que soient distingués clairement les crédits de toute nature (investissement, fonctionnement, personnel) imputables d’une part à l’établissement public, d’autre part à la juridiction administrative spécialisée. Cela conduisait à l’établissement d’un budget annexe et à la désignation du président de la CRR comme ordonnateur secondaire des crédits alloués à la CRR, le directeur de l’établissement public administratif demeurant ordonnateur principal.
Cette orientation a été particulièrement mise en avant par le président de la CRR au cours de l’été 2003 en vue de la préparation du budget 2004. À cette fin étaient identifiés les comptes susceptibles de faire l’objet d’une ligne budgétaire spécialisée. Le directeur de l’OFPRA s’est alors borné à prendre acte de ces suggestions en annonçant que des propositions définitives seraient faites « une fois connus les textes de la réforme en cours et le budget de l’OFPRA pour 2004 . » Il donnait suite à cette réponse en présentant ainsi la décomposition des dépenses de l’ « Établissement OFPRA-CRR » :
– dépenses de personnel : 67 %
– dépenses informatiques : 3 %
– marchés et contrats : 23 %
– dépenses spécifiques OFPRA : 4 %
– dépenses spécifiques CRR : 3 %
Le directeur de l’OFPRA en déduisait qu’il avait pleine autorité sur 97 % du budget OFPRA-CRR tandis que la base d’un budget annexe pour lequel le président de la CRR pourrait éventuellement être ordonnateur secondaire s’élevait à 3 % de ce budget soit 1,275 million d’euros . On rappellera que nous avons évalué (point 4.3.), en 2006, à 19,4 millions d’euros la part de la CRR dans le budget de l’OFPRA dont elle représente 39,4 %.
Ce blocage a pu suggérer un moment qu’il conviendrait de pousser la revendication d’autonomie budgétaire jusqu’à donner à la CRR la personnalité morale équivalente à celle d’une autorité administrative indépendante faisant par là du président de la CRR un ordonnateur principal. On trouve cette idée exprimée dans le « bleu » de la réunion interministérielle du 24 décembre 2003 tenue sous la présidence du directeur de cabinet du Premier ministre M. Michel Boyon qui demande que soient étudiés, d’ici à la fin du mois de janvier 2004, les moyens de doter la CRR d’un statut budgétaire et comptable garantissant son indépendance et faisant de son président un ordonnateur principal. Elle sera évidemment reprise par le président de la CRR lui-même . Mais il est apparu, d’une part qu’il n’était pas possible de transformer un service de l’État tel que la CRR en autorité administrative indépendante, ni de lui conférer la personnalité morale (ainsi les chambres régionales des comptes ne sont pas dotées de la personnalité morale), d’autre part que seuls les chefs des juridictions suprêmes pouvaient être ordonnateurs principaux, ce qui est le cas de la Cour de cassation et du Conseil d’État (art. R 121-14 du code de la justice administrative) . Le premier président de la Cour des comptes ordonnance les dépenses de la Cour (art. R 112-4 du code des juridictions financières).
Finalement, il n’y a rien à ajouter, aujourd’hui, à l’appréciation que portait déjà le président Michel Combarnous sur cette solution à la fin de l’année 2000 : « En vue de remédier à cette situation, on pourrait imaginer en premier lieu des aménagements du système actuel, en vue d’assurer à la commission une plus grande autonomie de gestion sans mettre en cause son rattachement à l’OFPRA : individualisation du budget (au moins dans un document annexe), procédure de concertation pour la définition des besoins et l’allocation des moyens, délégation au secrétariat de la Commission des recours des réfugiés pour la gestion des affaires courantes. L’expérience de ces dernières années montre que seuls des progrès limités peuvent être réalisés dans cette voie. Ils seront d’ailleurs subordonnés à des questions de personnes et ne changeront rien, ni dans l’apparence ni dans la réalité aux inconvénients liés à la situation de dépendance de la Commission vis-à-vis de l’Office . »
5.2. L’autonomie budgétaire sous tutelle directe du ministère des Affaires étrangères
Cette solution consisterait à distinguer, au sein du programme « Français à l’étranger et étrangers en France » de la mission « Action extérieure de l’État » rattachée au ministère des Affaires étrangères, l’enveloppe des crédits affectés à la CRR. Elle s’appuie sur l’affirmation que ce ministère serait naturellement le ministère de tutelle de la juridiction compétente en matière de droit d’asile, d’autres juridictions spécialisées, en particulier dans le domaine social, étant gérées par les ministères compétents en ces matières. Cette solution semblait être celle auquel le ministère faisait référence lorsqu’il subordonnait cette réforme budgétaire à la résorption par la CRR du stock de dossiers en instance . Pour autant, cet objectif atteint, le ministère n’est pas passé à l ‘acte. Une simple modification du décret du 14 août 2004 permettait pourtant de réaliser cette réforme.
Des échanges qui ont eu lieu au cours de la dernière décennie se dégage l’idée que le ministère des Affaires étrangères ne souhaite pas prendre en charge ce transfert et cette autonomisation budgétaires de la CRR. Ainsi, dans une note déjà citée, tout en se déclarant sensible aux exigences croissantes de l’opinion et aux perspectives d’évolution de la jurisprudence, il considérait qu’il n’avait pas de responsabilité dans la situation et qu’il n’était pas demandeur d’une responsabilité particulière dans un domaine très éloigné de ses missions, mais qu’il ne saurait s’opposer par principe à une réforme qui viserait à transférer de l’OFPRA à une autre administration la prise en charge du fonctionnement matériel de la CRR. Il rejetait fermement l’hypothèse d’un rattachement direct de la commission au ministère des Affaires étrangères. Dès la décision du vice-président du Conseil d’État de renoncer au rattachement de la CRR au Conseil d’État connue, à l’été 2002, le ministère des Affaires étrangères en a pris acte en précisant toutefois que la procédure budgétaire pourrait être aménagée à l’occasion du projet de loi de finances pour 2004 : « Il est prévu, en particulier, qu’un article spécifique soit ajouté au sein du chapitre d’imputation concerné, pour identifier la dotation de la Commission. De fait, son président pourra être érigé en ordonnateur secondaire du ministère des Affaires étrangères » . Sans suite.
Cinq ans plus tard on peut conclure à l’échec de cette démarche qui semblait pourtant la plus aisée de toutes puisqu’il s’agissait simplement de déplacer le rattachement de la CRR de l’OFPRA au ministère, sans changer de tutelle. La raison principale en est que cette solution, en dépit des dernières assurances non honorées, n’intéresse pas le ministère des Affaires étrangères, ce qui ne garantirait ni une amélioration significative des relations entre la CRR et son autorité de rattachement, ni une compétence importante et viable du président de la CRR malgré son élévation au rang d’ordonnateur secondaire. D’autant plus que le ministère des Affaires étrangères s’oppose à toute remise en cause de l’unité statutaire des personnels de l’OFPRA et de la CRR, ce qui le dispense dans le même temps, d’opérer une remise en ordre statutaire interne de ces personnels dont les corps créés de manière circonstancielle en 1993 pourraient avantageusement être regroupés avec les corps normalisés correspondants du ministère (attachés, secrétaires, adjoints et agents) dans l’esprit de la réforme statutaire générale tendant à la réduction du nombre de corps dans la fonction publique de l’État et selon les règles de la LOLF.
Plus fondamentalement, le rattachement direct au ministère des Affaires étrangères est une impasse, dans la mesure où il ne répond pas à l’objectif d’indépendance et de séparation de la juridiction et de l’administration dont elle contrôle les décisions. On renvoie là à l’ensemble des inconvénients et dysfonctionnements évoqués à propos des personnels des greffes avant leur rattachement budgétaire au ministère de la Justice. Solution de facilité, elle aurait pour effet de placer la CRR de manière ostentatoire dans une position qui l’exposerait, à terme, à une remise en cause rendue encore plus difficile par cette erreur stratégique.
5.3. Le rattachement budgétaire au ministère de la Justice
Solution limitée, mais la plus logique : le rattachement de la CRR au ministère de la Justice, a été soutenue de manière constante par le vice-président du Conseil d’État Marceau Long et les présidents successifs de la CRR : Pierre Rivière, Jean-Jacques de Bresson, Michel Combarnous et Jean Massot, jusqu’au changement d’orientation du vice-président du Conseil d’État à l’été 2002. C’était aussi le sens de la rédaction proposée au directeur de cabinet du Premier ministre par le président François Bernard d’un nouvel alinéa de l’article 14 du décret du 14 août 2004 : « Le président de la commission des recours des réfugiés administre les services de la commission ; il assure la gestion des personnels qui sont attachés à cette juridiction. Les crédits nécessaires au fonctionnement de la commission sont inscrits au budget du ministre de la justice (affaires étrangères) ; les dépenses sont ordonnancées par le président de la commission . »
L’avantage d’une telle solution serait essentiellement de pouvoir être réalisée, sans disposition législative nouvelle, sur le modèle de la réforme concernant les personnels des greffes des juridictions administratives intervenue par décret du 19 décembre 1989 et entrée en vigueur le 1er janvier 1991 après qu’une longue circulaire du 23 novembre 1990 du ministère de l’Intérieur (qui continuait de gérer statutairement ces personnels) eût analysé les modalités et conséquences de cette réforme. L’opération pourrait se faire à coût constant, les économies (hypothétiques dans les conditions actuelles) résultant d’une gestion commune OFPRA-CRR se retrouveraient sans doute en cas de rattachement au Conseil d’État dont les services ont une grande expérience en ce domaine (Service des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, Direction des systèmes d’information). Des demandes reconventionnelles en provenance d’autres juridictions administratives spécialisées, dont nous avons précédemment indiqué qu’elles sont d’une dimension sans commune mesure avec la CRR comme avec les juridictions administratives généralistes, ne seraient pas à craindre et il pourrait aisément, le cas échéant, y être fait opposition : aucune n’est de structure comparable à la CRR et aucune ne dépend directement d’une instance administrative dont elle aurait pour seule mission de contrôler les décisions.
On peut penser que les inconvénients de cette solution seraient ceux qui ont été analysés à propos des greffes de la juridiction administrative, ceux d’une double gestion (statutaire et budgétaire) aujourd’hui condamnée par la LOLF, et qui ne dissocie pas la juridiction de l’administration dont elle contrôle les décisions : le ministère des Affaires étrangères (directement ou par l’intermédiaire de l’OFPRA). Le rapport relatif aux personnels des greffes des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, précédemment évoqué, considérait que le système de double gestion, qui ne devait être que provisoire, s’était révélé complexe et n’avait pu fonctionner que grâce aux bonnes volontés, que le bénéficiaire incontestable avait été le ministère de l’Intérieur, que cela se traduisait par un profond malaise des agents au sujet de la parité et de la mobilité, que les besoins cruciaux des juridictions en matière de recrutement et de formation étaient mal pris en compte .
Quoi qu’il en soit, en dépit de ces inconvénients auxquels le Conseil d’État aurait entrepris de remédier à partir des préconisations du rapport précité, cet aménagement serait préférable à ceux qui ont été précédemment évoqués. En effet, il peut s’inscrire comme une étape dans la perspective d’une gestion harmonisée et regroupée de l’ensemble des personnels de la juridiction administrative dans le respect des spécificités ; il ouvre un large champ à la garantie statutaire de mobilité ; il permet grâce à un effet d’échelle une gestion plus efficace des moyens ; il renforce enfin l’identité de la juridiction administrative et le principe de dualité des juridictions. Reste à définir ce que pourrait être l’objectif final de cette réforme ambitieuse.
6. LA VOIE DU RESPECT DES PRINCIPES ET DE LA SPÉCIFICITÉ DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE DU DROIT D’ASILE
Les analyses précédentes montrent que les tentatives pour dissocier la situation statutaire de la situation budgétaire ne peuvent aboutir à un résultat satisfaisant ni pour les personnels ni pour le fonctionnement de la juridiction administrative du droit d’asile. Pour autant, il n’y a pas de solution unique qui respecte à la fois les principes évoqués et qui rationalise l’organisation de la juridiction, mais les solutions imaginables ne présentent pas toutes le même réalisme et ne résolvent pas de la même façon les contradictions qui peuvent subsister entre juridictions, administrations, voire intérêts divergents. Chaque solution-type présente en outre une grande quantité de variantes qui peuvent être mises en œuvre de manière plus ou moins complète et à des rythmes variables. On n’entrera ici pas dans le détail et la complexité de ces différentes problématiques. Trois solutions-types semblent pouvoir être distinguées qui correspondent à différents degrés de respect de la spécificité du contentieux du droit d’asile.
6.1. Le transfert du contentieux du droit d’asile aux juridictions administratives de droit commun ne respecterait pas la spécificité du droit d’asile
La diversité des contentieux traités par les juridictions administratives généralistes ou de droit commun est extrême et elle ne serait pas excessivement accrue par l’adjonction du contentieux du droit d’asile ; elle le serait encore moins si le contentieux du droit d’asile était traité par un tribunal administratif spécialisé. D’autant plus que ces juridictions statuent déjà sur des contentieux connexes : l’apatridie, les refus d’enregistrement des demandes d’asile par l’OFPRA, les refus de titres de séjour, les décisions préfectorales de reconduite à la frontière. Il convient donc d’examiner sans a priori les avantages et les inconvénients d’une telle solution qui conduirait finalement à supprimer la Commission des recours des réfugiés.
Le principal des avantages de cette solution est sa simplicité.
Le principe d’indépendance de la juridiction vis-à-vis de l’administration dont elle contrôle les décisions se trouve automatiquement respecté. Il ne tient qu’à l’administration de tutelle de respecter le principe d’occupation des emplois permanents de l’État par des fonctionnaires.
Le contentieux de l’asile sous ses différents aspects peut alors être traité de manière cohérente par un système juridictionnel éprouvé et des personnels (magistrats et administratifs) qualifiés. On peut en espérer une professionnalisation accrue et, partant, une meilleure qualité de la justice rendue.
Il serait alors possible d’aborder de manière globale les problèmes de même nature rencontrés par d’autres juridictions administratives spécialisées, telles que les juridictions sociales ou les juridictions disciplinaires des ordres professionnels qui font intervenir de plus en plus des magistrats de l’ordre administratif.
Mais s’agissant du droit d’asile, les inconvénients sont nombreux.
Une telle solution serait sans doute défavorable aux demandeurs d’asile en tant qu’ils constituent dans leur ensemble une population de requérants fragiles du fait des situations de détresse dans lesquelles se trouvent nombre d’entre eux, de leur faible degré d’alphabétisation et d’instruction, d’une familiarisation limitée avec les procédures écrites, des particularités culturelles qui déterminent leurs comportements. La place faite à l’expression orale des requérants au cours de l’audience devant les formations de jugement de la CRR, caractérise la juridiction du droit d’asile comme juridiction de contact, de proximité, de compréhension psychologique dont les caractères doivent être respectés.
L’échevinage qui est la marque des formations de jugement de la CRR est étroitement lié à ces caractères. La présence d’un juge-assesseur nommé par le HCR, c’est-à-dire par une instance internationale (quand bien même cette nomination intervient sur avis conforme du vice-président du Conseil d’État) constitue une « exception française » qui a jusqu’à présent été jugée positivement. La présence d’un autre juge-assesseur nommé par le vice-président du Conseil d’État sur proposition de l’une des administrations représentées au conseil d’administration de l’OFPRA est également une particularité intéressante en raison de l’appel à des compétences variées (notamment la connaissance des pays d’origine) que permet ce système.
Le rôle des rapporteurs de la CRR est essentiel et caractéristique de ce type de contentieux. Les qualités requises, non seulement en droit administratif mais en géopolitique n’ont pas leur équivalent dans d’autres secteurs de la juridiction administrative.
Le transfert du contentieux du droit d’asile aux juridictions de droit commun se traduirait par une plus grande difficulté pour assurer l’unité de la jurisprudence du droit d’asile, par une surcharge des juridictions et le recours au double degré de juridiction (TA et CAA). Cela aurait pour conséquence immédiate un rallongement considérable des délais de jugement puisque les délais moyens devant les TA dépassent déjà de beaucoup ceux qui sont pratiqués devant la CRR, auxquels il conviendrait donc d’ajouter ceux, également considérables, observés devant les CAA. Ce résultat contredirait totalement les efforts réalisés au sein de l’administration et de la juridiction du droit d’asile pour ramener à quelques mois les délais de traitement et de jugement des affaires selon les objectifs fixés par le Président de la République lui-même.
Ces différents inconvénients ne constituent pas tous des objections indépassables. Ainsi pourrait-on imaginer d’instaurer une certaine spécialisation des TA lorsqu’ils interviennent sur le droit d’asile, d’adapter les formations de jugement pour y introduire, notamment, le représentant du HCR, de rapprocher les fonctions de rapporteurs des contributions demandées aux assistants de justice, etc. Mais outre que ces adaptations apparaissent complexes, voire de validité juridique incertaine, la réforme dans son ensemble nous semble porter au droit d’asile une atteinte réelle et excessive en ne distinguant pas clairement le sort des demandeurs d’asile et des réfugiés du sort commun des étrangers.
On objectera que, pour autant, cette solution n’est pas irréaliste puisqu’elle existe, par exemple, en Allemagne et aux Pays-Bas où le contentieux de l’asile est géré par les juridictions administratives de droit commun. Il conviendrait d’approfondir les conditions exactes de fonctionnement des juridictions de ces deux pays lorsqu’elles se prononcent sur le droit d’asile ; en réalité, ils apparaissent plus comme des exceptions que comme des modèles à suivre.
C’est à la même conclusion qu’était parvenu le Conseil d’État dans son étude sur l’avenir des juridictions administratives spécialisées dans le domaine social, déjà évoquée : la nécessité de conserver sa spécificité au contentieux social . Cette nécessité nous semble encore plus fortement justifiée s’agissant du droit d’asile. Cette solution doit donc être écartée.
6.2. La création d’une juridiction unique du contentieux des étrangers serait contraire à l’évolution tendant à la nécessaire différenciation du droit d’asile et du droit des étrangers
Il s’agirait, à l’inverse de la solution précédente, de donner compétence à une juridiction unique pour traiter les contentieux relatifs à l’entrée et au séjour des étrangers et au droit d’asile dans le cadre des dispositions législatives du code relatif à ces questions, le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Au-delà, cette solution pourrait accompagner la création d’un ministère de l’immigration.
Les avantages de cette solution résident surtout dans la cohérence et l’identification claire du traitement du droit des étrangers par une juridiction unique, alors qu’il relève aujourd’hui de différentes instances qui doivent néanmoins collaborer et veiller à l’unité de démarche des pouvoirs publics dans des domaines connexes. Pour autant, la spécialisation interne de cette juridiction selon les différents livres du CESEDA resterait à préciser.
Le principe de séparation de la juridiction et de l’administration qu’elle contrôle serait strictement respecté et on pourrait attendre de ce regroupement des moyens une économie d’échelle et une meilleure qualité administrative et juridictionnelle des décisions prises. En revanche, comme dans la solution précédente, il reviendrait à l’administration de tutelle de respecter le principe d’occupation des emplois permanents de l’État par des fonctionnaires.
Cette solution pourrait également être regardée comme favorable à une professionnalisation des formations de jugement, sans qu’elle en soit pour autant le cadre nécessaire. Cette professionnalisation est notamment préconisée par le ministère des Affaires étrangères dans une recherche, on l’a vu (points 2.3. et 4.3.), de la performance (tout en considérant que les activités de la juridiction sont éloignées de ses missions traditionnelles). Le ministère avance comme caractéristiques : le recours à un nombre limité de magistrats à plein temps (20 à 30), une spécialisation par zones géographiques, un suivi plus strict du nombre des renvois aujourd’hui jugé excessif, une réduction à dix jours du délai de lecture des décisions, une clarification des tâches de secrétariat. La justification de la professionnalisation par la performance ne saurait être retenue pour les raisons dites aux points précités.
Pour autant les inconvénients sont sérieux. Ils sont de deux ordres.
En premier lieu, la création d’une juridiction unique du contentieux des étrangers institutionnaliserait une certaine confusion entre les problèmes de l’immigration et ceux de l’asile alors que cette confusion est déjà déplorée de fait dans le système actuel.
En second lieu, la nouvelle configuration juridictionnelle verrait, par rapport à la juridiction actuelle du droit d’asile, son centre de gravité déplacé vers les questions de police administrative qui dominent l’entrée, le séjour, et la reconduite à la frontière des étrangers, aujourd’hui placées sous le contrôle des juridictions administratives de droit commun. Or la différenciation du droit d’asile et du droit des étrangers a marqué l’évolution du système français de l’asile, dans le but précisément, de soustraire le droit d’asile aux règles restrictives frappant l’entrée et le séjour des étrangers en général . Un tel regroupement, dans cet esprit, serait donc totalement inapproprié.
Cette solution mérite néanmoins un examen attentif en raison de l’adoption par le Parlement belge en juillet 2006, d’une loi réformant profondément le système en vigueur. Jusqu’à présent le système belge est caractérisé par une procédure de recevabilité particulièrement rigoureuse mise en œuvre par l’Office des étrangers (OE), mais susceptible de recours devant le Commissariat général aux réfugiés et apatrides (CGRA) qui instruit également les demandes recevables, ces deux organismes étant sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. La décision négative du CGRA est susceptible de recours devant une juridiction : la Commission permanente de recours des réfugiés (CPRR) sous tutelle du ministère de la Justice ; ces recours sont normalement examinés et tranchés par un juge unique. Un recours en cassation est possible devant le Conseil d’État dans des conditions telles qu’il a été submergé par le nombre des affaires ce qui a été une des justifications importantes de la réforme.
Celle-ci supprime la procédure de recevabilité. Toutes les demandes feront l’objet d’une décision du CGRA (à l’exception des demandes tombant sous le coup de Dublin II). Un recours de plein contentieux sera alors possible devant une nouvelle juridiction : le Conseil du contentieux des étrangers (CCE) qui, à la différence de l’actuelle CPRR aura une compétence étendue à tout le contentieux administratif en matière de séjour, d’accès au territoire, d’établissement et d’éloignement des étrangers. Le recours en cassation contre les décisions du CCE auprès du Conseil d’État sera soumis à un mécanisme de filtre mis en œuvre au sein même du Conseil d’État.
Le contentieux du droit d’asile se trouve ainsi étroitement associé au contentieux de droit commun des étrangers ce qui est contraire à l’évolution observée en France au cours des dernières décennies et ne semble pas conforme à une claire identification de la responsabilité des institutions administratives ou juridictionnelles en charge de l’asile. Cette solution doit donc également être écartée.
6.3. La solution préconisée : le rattachement de la juridiction administrative du droit d’asile au ministère de la justice par l’intermédiaire du Conseil d’État
S’il ne faut pas négliger les améliorations ponctuelles qui peuvent être réalisées sans modifier les structures existantes ; si les aménagements qui viennent d’être examinés contribuent à la réflexion sur la clarification et l’amélioration de la situation statutaire des personnels de la CRR, c’est dans les deux cas en laissant de côté des aspects essentiels : la résorption des agents contractuels par titularisation, l’indépendance de la juridiction administrative vis-à-vis de l’administration dont elle contrôle les décisions, la place de cette juridiction administrative spécialisée – comparable à aucune autre – dans le champ d’ensemble de la juridiction administrative, la mise en œuvre rigoureuse de la LOLF. Autant de problèmes qu’une réforme digne de ce nom ne peut esquiver.
Il importe donc, comme y invite la lettre de mission, de réfléchir à une solution novatrice en tenant compte des facteurs déterminants d’une évolution jugée nécessaire que nous avons analysés (Partie 4), des réflexions qui ont été développées sur des sujets voisins (les agents des greffes de la juridiction administrative) et des expériences de même type qui ont pu avoir lieu dans les juridictions judiciaires ou financières. Cette solution nous semble devoir être articulée autour de quatre réformes essentielles assurant la cohérence du dispositif : inclusion du budget de la CRR dans le programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l’État » ; titularisation proposée dans des corps de la juridiction administrative remaniés ; encouragement à la mobilité et création d’un statut d’emploi des rapporteurs de la CRR ; création d’un service à compétence nationale (SCN) de gestion des personnels des juridictions administratives à défaut d’une gestion directe par le Conseil d’État. Ces réformes s’inscriraient dans le cadre du rattachement de la CRR au ministère de la Justice par l’intermédiaire du Conseil d’État selon des modalités qui seront développées ci-après.
Sans doute, l’importance des transformations à opérer dans les domaines retenus peut-elle nourrir un doute sur son réalisme dans cette période de restrictions budgétaires, mais d’une part ces réformes peuvent être étalées dans le temps, d’autre part rien n’indique que les dépenses nouvelles ne puissent être gagées par les économies résultant d’une clarification et d’une rationalisation des structures de gestion de la juridiction administrative.
En tout état de cause, sur un plan stratégique cette fois, quand bien même on pourrait craindre que la présentation de ces réformes serait de nature à inquiéter les autorités publiques responsables en raison de leur ambition, il reste qu’il vaut mieux savoir vers quel objectif on veut tendre pour apprécier les progrès, modestes ou importants, qu’il est possible de faire dans ce sens.
L’inclusion du budget de la CRR dans le programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives »
Nous avons vu au point 4.3. que la situation actuelle n’est pas conforme aux prescriptions de la LOLF. Certes, le regroupement des crédits de l’OFPRA et de la CRR au sein d’un même programme n’est pas en soi irrégulier, sinon que les crédits de la CRR ne sont pas identifiés au regard de sa mission spécifique de juge du droit d’asile, alors que l’action de la CRR est fondée sur deux sous-actions distinctes de celles de l’OFPRA, l’un des deux opérateurs du ministère des Affaires étrangères . Au surplus, la dénomination du programme « Français à l’étranger et étrangers en France » rend mal compte de l’activité proprement juridictionnelle de la CRR et, par là, pose sur des bases incertaines la mesure de sa performance. Bref, la CRR n’est pas budgétairement à sa place.
Pour autant le simple rattachement budgétaire à un autre programme ne serait pas plus satisfaisant s’il avait pour conséquence de dissocier les rattachements budgétaire et statutaire. On retomberait alors dans la situation dite de « double gestion » des personnels des greffes des juridictions administratives dont la critique méthodique a déjà été faite . Il existe d’autres exemples de double gestion dans l’administration, et cette pratique est même parfois présentée comme un moyen de décloisonnement des corps, mais outre qu’elle n’a pour le moment qu’un caractère expérimental et pose de nombreux problèmes de gestion, aucun exemple n’associe une administration et une juridiction. Si l’on veut, au surplus, respecter les deux principes fermement rappelés précédemment : indépendance de la juridiction administrative vis-à-vis de l’administration qu’elle contrôle et occupation des emplois permanents de l’État par des fonctionnaires, on doit conclure à la nécessité d’une révision de la place de la CRR au sein de la maquette du projet de loi de finances pour 2006.
La meilleure solution semble relever de l’évidence : il existe un programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » rattaché directement du Premier ministre, l’un des trois programmes de la mission « Conseil et contrôle de l’État » (les deux autres concernant la « Cour des comptes et autres juridictions financières » et le « Conseil économique et social »). L’objectif majeur de ce programme est d’optimiser le fonctionnement des institutions administratives dans leurs relations avec les usagers. La juridiction administrative se donne pour but de réduire les délais de jugement. À cette fin, le Conseil d’État a mis en place des contrats d’objectifs et de moyens avec les cours administratives d’appel. Les indicateurs associés à ces objectifs sont doubles : il s’agit d’une part du délai moyen de jugement des affaires en stock, d’autre part de la proportion des affaires en stock enregistrées depuis plus de deux ans, ces deux indicateurs ayant vocation à voir leur valeur diminuer. Cependant, l’effort de productivité ne doit pas se traduire par des décisions de moindre qualité, aussi le maintien de la qualité des décisions sera suivi par l’indicateur mesurant le taux d’annulation par les cours administratives d’appel des jugements des tribunaux administratifs. Or, cette problématique est déjà celle de la CRR vis-à-vis de l’OFPRA. Son insertion sous la rubrique « Fonction juridictionnelle : commission des recours des réfugiés » au sein du programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » – ce qu’elle est effectivement – ne poserait donc aucun problème.
Elle n’en poserait guère non plus en raison de son poids relatif au sein de l’ensemble des juridictions administratives, qu’elles soient généralistes ou spécialisées. La CCR avec un budget de 19,4 millions d’euros, un effectif de 226 ETPT, et un volume de 38 563 affaires entrées en 2005, représenterait 7 % du budget, 12 % des effectifs et 17 % des affaires de la juridiction administrative prise dans son ensemble . Cette part n’est pas négligeable, ce qui souligne la nécessité d’apporter une solution sérieuse au problème ; elle n’est pas non plus de nature à déséquilibrer le fonctionnement de la juridiction administrative.
Cette orientation ne saurait être contredite en raison du fait que la création d’une mission « Conseil et contrôle de l’État » a été clairement contestée par la commission des finances du Sénat, mais dans des termes qui méritent d’être rappelés . La commission des finances du Sénat estime tout d’abord que « la totalité des juridictions administratives doit figurer dans un seul programme », précisant que « comme pour les juridictions financières, un regroupement au sein d’un même programme du Conseil d’État et des autres juridictions administratives apparaît tout à la fois logique et inéluctable ». Elle rappelle que dans la maquette initiale de la LOLF, le Conseil d’État et les autres juridictions administratives (à l’exception de la CRR, évidemment, incluse dans le programme précédemment analysé) faisaient l’objet d’un programme « Justice administrative » au sein de la mission « Justice ». Le rapport estime que « le départ des juridictions administratives de la mission » Justice » brouille sensiblement le message de la LOLF, en suscitant des interrogations légitimes de la part des juridictions judiciaires. » Il n’est donc pas certain que soit maintenue à l’avenir une mission « Conseil et contrôle de l’État » voulue par la Cour des comptes qui aspirait à un rôle de certification des comptes de l’État distant du ministère de l’Économie et des finances, et dans laquelle le Conseil d’État voyait l’occasion d’une indépendance renforcée vis-à-vis de la Chancellerie en raison du rattachement direct de la mission au Premier ministre.
Quoi qu’il en soit, le retour du programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » (ou « Justice administrative ») au sein de la mission « Justice » ne changerait rien au raisonnement qui précède et à la nécessité d’y inclure la juridiction administrative du droit d’asile. Au demeurant, des crédits associés à l’activité de la CRR, ceux de l’aide juridictionnelle, figurent déjà dans le programme « Accès au droit et à la justice » de la mission « Justice ».
Sur une base budgétaire ainsi clarifiée, les relations entre la CRR et l’OFPRA (plus généralement le ministère des Affaires étrangères) pourraient être rationalisées. Distinctes par nature, mais traitant d’un même sujet : le droit d’asile, la CRR et l’OFPRA sont appelés à collaborer étroitement pour obtenir le meilleur résultat dans leurs activités respectives et à optimiser leurs moyens dans de nombreux domaines : documentation, informatique, formation, sûreté juridique, etc.
La titularisation proposée dans des corps de la juridiction administrative aux statuts particuliers remaniés
Il convient tout d’abord de situer les effectifs administratifs de la CRR par rapport à ceux des autres juridictions administratives, en laissant de côté les autres juridictions administratives spécialisées dont les effectifs (c’est aussi ce qui les distingue quantitativement de la CRR, outre le nombre d’affaires à traiter) sont négligeables ou nuls. Ainsi, à titre d’exemple, les juridictions sociales spécialisées de l’ordre administratif sont, le plus souvent dépourvues de greffes. Le secrétariat, pour les juridictions d’appel, est assuré par les services rattachés à l’administration centrale du ministère chargé des Affaires sociales (ce qui est, là aussi, très contestable au regard du principe d’indépendance de la juridiction). En 2003, la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale dispose d’un attaché d’administration à tiers temps et d’un agent de catégorie C. La Commission centrale d’aide sociale dispose de six agents dont un agent de catégorie A, son secrétaire général. Les juridictions disciplinaires ordinales, de leur côté, s’autogèrent .
Effectifs des personnels administratifs des juridictions administratives
Catégorie A Catégorie B Catégorie C Autres Total
CRR
Titulaires
Contractuels 108
51
57 17
10
7 107
64
43
232
125
107
TA-CAA 217 239 846 1302
Cons. d’État 63 69 186 33 351
Total 388 325 1139 33 1885
Sources : CRR, STACAA et Conseil d’État, mai 2006
Les chiffres du tableau ci-dessus sont à rapprocher des chiffres correspondants de l’OFPRA.
Effectifs des personnels de l’OFPRA (hors CRR)
Catégorie A Catégorie B Catégorie C Autres Total
Titulaires 129 38 145 312
Contractuels 138 3 31 172
Total 267 41 176 484
Source : OFPRA, données prévisionnelles 2006
Il s’agit donc de corps à très faibles effectifs ce qui exclut toute réforme statutaire qui entraînerait la création de nouveaux corps à partir de ces catégories. À l’inverse, la solution recherchée doit aller dans le sens du regroupement des corps existants et d’un alignement des grilles et des indices aussi strict que possible sur les corps interministériels, ce qui est heureusement (sauf exception mineure) le cas des corps considérés : cadres des préfectures, corps du Conseil d’État, corps de l’OFPRA et du ministère des Affaires étrangères.
Cette démarche est parfaitement conforme à la politique de regroupement des corps entreprise par la DGAFP de manière pragmatique. Celle-ci concerne 176 670 fonctionnaires répartis en 112 corps qu’il est prévu de ramener à 44. Elle ne retient pour le moment que des corps de catégorie C pour le ministère des Affaires étrangères et des corps de catégorie A et B pour le ministère de la Justice. Il est prévu que ces regroupements s’accompagnent, pour les personnels concernés, d’améliorations de perspectives de carrière précisées dans le protocole d’accord signé par le ministre de la Fonction publique avec trois organisations syndicales le 25 janvier 2006.
Gardien du principe de dualité des juridictions, le Conseil d’État a la responsabilité principale d’affirmer l’identité de la juridiction administrative et d’assurer l’efficacité de son organisation et de son fonctionnement dans le cadre des principes constitutionnels et des règles du droit international et du droit interne qu’il met en œuvre. Il s’agit donc, d’achever l’autonomisation de la juridiction administrative entreprise en 1987 et de rattacher au ministère de la Justice, par l’intermédiaire du Conseil d’État, les juridictions administratives précédemment évoquées, généralistes et spécialisée. Ce rattachement a surtout été recherché jusqu’à présent, dans le souci de ménager les efforts et les oppositions éventuelles, sur le seul terrain budgétaire. Les principes, longuement évoqués ci-dessus, ainsi que l’expérience, prouvent que l’indépendance budgétaire, statutaire et administrative forme un tout. Comme la recommandation en a déjà été faite pour les personnels des greffes des TA et des CAA, c’est autour des corps existants du Conseil d’État que doit se développer la réforme statutaire englobant les catégories administratives homologues du Conseil d’État, des TA, des CAA et de la CRR, ce qui concernera au total quelque 1800 personnes.
Ces corps seront organisés sur la base des statuts interministériels d’attachés, de secrétaires administratifs, d’adjoints et d’agents administratifs (en espérant que se poursuive le mouvement d’intégration des agents dans le corps des adjoints administratifs). Les statuts particuliers des nouveaux corps devront prendre en compte l’ensemble des missions dévolues aux agents des juridictions administratives, dont celles des agents de la CRR, bien entendu. Les nouveaux corps seront donc des corps dits « typisés » pour reprendre l’expression du rapport 2003 du Conseil d’État. Ils seront dotés, sans préjudice d’ajustements qui devront faire l’objet d’études spécifiques et de réformes susceptibles d’intervenir, de la même grille indiciaire que celle des corps régis par les statuts interministériels .
Le corps de catégorie A comportera trois grades : attaché d’administration (indices bruts de début et de sommet 379-780) ; de 2ème classe (504-821) ; de 1ère classe (864-966). Il pourrait être complété par un corps de débouché correspondant au statut actuel des chefs de services administratifs du Conseil d’État (541-985, voire hors échelle A3).
Le corps de catégorie B comportera trois grades : secrétaire administratif de classe normale (298-544) ; supérieure (384-579) ; exceptionnelle (425-612).
Les corps de catégorie C, pour le corps des adjoints administratifs, comportera trois grades : adjoint administratif de classe normale (277-382) ; principal de 2ème classe (281-427) ; principal de 1ère classe (396-449). Le cas échéant, le corps des agents (274-364).
Ces corps pourront être intitulés simplement en ajoutant à la dénomination de chaque catégorie « de la juridiction administrative ».
Plusieurs textes devront sans doute être modifiés, à commencer par le code de la juridiction administrative, afin de supprimer les dispositions contraires à la réforme et y inclure de nouvelles dispositions conformes aux statuts particuliers des nouveaux corps. Des règles de reclassement, notamment l’équivalence des fonctions exercées et l’octroi d’un indice égal ou immédiatement supérieur à celui qui était détenu, devront être prévues. Des dispositions transitoires devront être précisées en tant que de besoin s’agissant des stagiaires, des reçus aux concours, des tableaux d’avancement, des instances paritaires, etc.
La titularisation des fonctionnaires dans ces corps devra se faire sur la base du libre choix personnel des intéressés qui pourrait être plus étendu si une réforme symétrique de regroupement des corps intervenait au sein du ministère des Affaires étrangères pour chacune des catégories. En effet, rien ne devrait empêcher les agents qui le souhaiteraient de demeurer dans leur situation statutaire actuelle, ou de s’inscrire dans une perspective de réforme statutaire qui pourrait être engagée par le ministère des Affaires étrangères au cours des prochaines années, bien qu’il estime que la perspective n’est pas très engageante en raison d’un tassement des effectifs dans les différentes catégories considérées. Cette démarche irait dans le sens du récent rapport du Sénat déjà évoqué, considérant « le lien organique, aujourd’hui peu visible, entre l’OFPRA et le ministère des Affaires étrangères » et appelant à une réorganisation de la tutelle du Quai d’Orsay sur l’OFPRA .
Il apparaît souhaitable qu’à cette occasion soit poursuivi le travail engagé sur l’élaboration de fiches de postes, dans la concertation avec les organisations syndicales, afin de mieux caractériser la professionnalisation des emplois à la CRR.
Enfin, on peut penser que cette réforme statutaire d’ensemble serait susceptible de constituer une bonne opportunité pour poser la question de la titularisation des agents contractuels justifiant de certaines conditions. Pour les raisons qui ont été dites précédemment, les possibilités semblent très limitées en dehors de dispositions législatives spécifiques (constitution de nouveaux corps) ou générale (réduction de l’emploi précaire). Toutefois, une réforme statutaire concernant plusieurs catégories de personnes titulaires et non titulaires en provenance de différents horizons pourrait justifier l’appel au législateur pour normaliser une situation qui trouve son origine dans les fluctuations circonstancielles du nombre des demandeurs d’asile au tournant des années 1980-1990, la manière de faire face à ces fluctuations appelant d’autres solutions qu’il convient maintenant d’examiner.
L’encouragement à la mobilité et la création d’un statut d’emploi de rapporteur de la CRR
La mobilité a été souvent revendiquée par les agents de la CRR qui ont le sentiment d’être confinés dans le cadre restreint d’une juridiction dont les effectifs restent faibles et qui n’a qu’un site d’implantation. La réforme doit donc participer de la volonté de faciliter la mobilité des agents. Celle-ci constitue, aux termes de l’article 14 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 une « garantie fondamentale » des fonctionnaires. Une première réponse est constituée par la refonte statutaire qui vient d’être présentée, elle permettrait aux agents de la CRR d’être affectés au sein d’un ensemble considérablement élargi et disposant de nombreuses implantations à Paris et dans l’ensemble de la France.
D’autres solutions pourraient être imaginées : les dimensions du travail à la CRR évoquées à propos des profils de postes (connaissances géographiques et juridiques, capacité de synthèse) pourraient sans doute trouver utilement à s’employer et à se valoriser dans d’autres administrations par voie de détachement ou de mises à disposition pour peu que ce type de mobilité soit étudié, notamment en direction des administrations représentées au conseil d’administration de l’OFPRA (ce qui présume l’intérêt qu’elle peuvent porter aux questions de l’asile et des étrangers en France). Plus généralement encore, afin de dépasser les limites pratiques des procédures de détachement et de mise à disposition, il conviendrait de s’inscrire dans un mouvement tendant à fédérer les corps autour d’affinités reconnues, de « zones de plus grand voisinage » au sein desquelles les règles d’affectation pourraient être assouplies. Sur cette base, des protocoles pourraient être conclus entre administrations pour préciser les modalités de ces échanges et préserver les intérêts professionnels des agents recourant à la mobilité. Dans de telles conditions – et en récusant les demandes reconventionnelles, au demeurant sans réelle portée, ainsi qu’il a été dit – des relations pourraient être établies avec d’autres juridictions administratives spécialisées (tarification sanitaire et sociale, pensions militaires d’invalidité, aide sociale) dont les secrétariats sont actuellement assurés par les administrations de tutelle mais dont le fonctionnement a fait souvent l’objet de réserves .
La réforme pourrait encore être l’occasion de mettre en œuvre les préconisations de certaines études récentes en vue de favoriser la mobilité sous toutes ses formes. Des chartes de gestion conclues entre administrations pourraient prévoir le développement de postes dits « à profil » répondant particulièrement à des exigences de compétence, le suivi des parcours individuels, la fixation d’une durée minimale (ou maximale) d’occupation des postes, la mise en place d’aides à l’installation, l’instauration de liens entre mobilité et promotion. La promotion interne pourrait être favorisée en relevant le nombre de postes réservés à la voie interne dans les concours, en privilégiant la voie de l’examen professionnel qui permet la validation des acquis professionnels lorsque c’est possible. Dans cette recherche d’une meilleure mobilité, la possibilité d’effectuer une seconde carrière devrait être encouragée au bénéfice d’un important effort de formation .
Ces recommandations concernent l’ensemble des personnels regroupés dans des corps qui pourraient faire l’objet de regroupement ou d’élargissement dans les conditions indiquées au point précédent. Il est néanmoins nécessaire d’apporter une réponse spécifique à la fonction de rapporteur, d’une part en raison de la position majoritaire de la catégorie A à la CRR (105 dont 85 rapporteurs parmi lesquels 56 contractuels), d’autre part eu égard aux fonctions exercées, les plus emblématiques des agents de la CRR. La question principale qui se pose à leur propos est de savoir si, en dépit de l’intérêt de la fonction exercée (l’instruction, phase essentielle de la procédure de demande d’asile), celle-ci peut être organisée en carrière sur plusieurs décennies d’une même vie professionnelle. Il se dégage de tout ce qui ne précède que la réponse est négative. Cette opinion est d’ailleurs corroborée par le sentiment fréquemment exprimé par les rapporteurs et rapporteures que ce travail, aussi intéressant soit-il, finit par entraîner une lassitude au bout d’un certain temps (5 à 10 ans) à laquelle la faiblesse des débouchés et les limites de la mobilité ne peuvent remédier. Il s’ensuit que l’on ne peut raisonnablement envisager l’organisation de la fonction en corps spécifique (distinct du corps des officiers de protection de l’OFPRA puisque exercée au sein d’une juridiction). Il convient donc de rechercher une solution à la fois valorisante de la fonction, ouverte aux plus larges compétences et plus courte que les carrières généralement organisées par des corps. La création d’un « statut d’emploi de rapporteur de la CRR » semble pouvoir constituer la solution appropriée. Il convient de clarifier cette notion.
L’administration a de plus en plus fréquemment recours à des textes portant dispositions statutaires applicables à des emplois et non à des corps ou à des grades, souvent à tort, parfois pertinemment. Les statuts d’emplois se distinguent ainsi des statuts de corps, les uns et les autres devant faire l’objet de décrets en Conseil d’État. Le statut d’emploi est, en quelque sorte, un statut de module de corps. Il doit préciser le corps et le grade auxquels doivent appartenir les fonctionnaires susceptibles d’être nommés à ces postes. L’appartenance à un corps de fonctionnaires est donc une condition préalable, ce qui exclut l’affectation d’un agent non titulaire dans un statut d’emploi. Des statuts d’emploi ont ainsi été créés pour des fonctions d’autorité comme celles des sous-directeurs, directeurs adjoints et chefs de service des administrations centrales, de chefs de services départementaux et régionaux, de directeur d’école et de proviseur. Relèvent également de statuts d’emplois, les échelons dits « fonctionnels » auxquels n’est pas applicable la règle du statut général selon laquelle l’avancement d’échelon ne dépend que de l’ancienneté et de la notation à l’exclusion de tout choix lorsque cet échelon correspond à une responsabilité particulière distincte de celles normalement exercées par les fonctionnaires appartenant au grade auquel est rattaché cet échelon. Il s’agit généralement de fonctionnaires de catégorie A, mais des statuts d’emplois ont également été créés en catégorie B pour des fonctions particulières telles que celle de responsable d’unité locale de police .
Pour savoir si les conditions légales du recours à un statut d’emploi sont réunies et si l’emploi considéré ne peut être occupé au niveau du grade d’un corps, il convient de se référer à la notion de grade (le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper un des emplois qui lui correspondent) pour vérifier que l’emploi (ou le groupe d’emplois de plusieurs niveaux) se distingue suffisamment des emplois qui correspondent à ce grade et ne peut s’inscrire dans une carrière, ce qui renverrait à l’appartenance à un corps et au respect des règles qui le régissent, notamment en matière de recrutement. La procédure consultative qui doit précéder la constitution d’un statut d’emplois ne nécessite pas l’examen du Conseil supérieur de la fonction publique ni celui de sa Commission des statuts, mais la consultation du comité technique paritaire ministériel correspondant à l’implantation du statut d’emplois. Ce serait le ministère de la Justice par l’intermédiaire du Conseil d’État pour les rapporteurs de la CRR.
Les rapporteurs de la CRR peuvent-ils faire l’objet d’un statut d’emploi ? La jurisprudence de la section des finances du Conseil d’État simplifie l’appréciation en retenant essentiellement trois critères : la définition précise des missions, la distinction de l’emploi de ceux prévus par les grades de statuts de corps de fonctionnaires, l’ouverture à différentes administrations. Les rapporteurs de la CRR répondent à ces trois critères. Premièrement, leurs missions ont été clairement précisées dans les profils de postes analysés au point 4.5. Deuxièmement, ces emplois se distinguent, notamment, de ceux des officiers de protection de l’OFPRA en ce qu’ils s’exercent au sein d’une juridiction. Troisièmement, ce statut d’emploi aurait vocation à être ouvert à toute administration, en premier lieu à celles qui sont le plus directement concernées par l’asile, à l’exception du ministère des Affaires étrangères pour cause d’indépendance de la juridiction . La durée d’exercice au sein d’un statut d’emploi serait limitée à une période de trois ans renouvelable une ou deux fois au maximum. Des conventions pourraient être conclues entre le ministère de la Justice (Conseil d’État) et les administrations pourvoyeuses. Le statut d’emplois comporterait un certain nombre d’échelons affectés d’indices ; le fonctionnaire placé par voie de détachement dans le statut d’emplois y serait classé à un échelon égal ou immédiatement supérieur à celui qu’il détenait dans son corps d’origine au sein duquel il continuerait d’avancer pendant la durée de son détachement.
La Cour des comptes a mis en place des statuts d’emplois destinés à assainir une situation antérieure et à améliorer ses échanges avec les administrations extérieures pour des fonctions d’assistant (décret n° 2002-370 du 14 mars 2002) et de rapporteur extérieur (décret n° 2002-1151 du 9 septembre 2002). Les rapporteurs sont recrutés au niveau des corps auxquels pourvoie l’ENA ou parmi des ingénieurs de diverses spécialités. Les assistants sont de niveau attachés. Les agents dont l’âge est compris entre 30 et 40 ans trouvent là l’occasion d’une expérience enrichissante qu’ils estiment bénéfique pour la suite de leur carrière. Les relations avec les administration pourvoyeuses ont eu lieu, jusqu’à présent, de manière informelle en amont des recrutements, mais des protocoles pourraient être envisagés avec ces administrations permettant d’optimiser la diffusion des fiches de postes, l’examen des candidatures, le classement des agents dans l’un des échelons prévus par le statut d’emplois, leur formation, le suivi des propositions de promotion dans leur administration d’origine, et les conditions de réintégration à l’issue de leur temps de service en statut d’emplois qui ne saurait excéder 6 ans, étant entendu qu’il pourrait être mis fin de manière anticipée au détachement dans l’intérêt du service. L’échelonnement indiciaire retenu comporte neuf échelons pour les rapporteurs extérieurs entre les indices bruts 701 et la hors échelle B, huit échelons pour les assistants de l’indice brut 500 à 821. On trouvera en Annexe 4, à titre d’exemples, les deux décrets créant ces statuts d’emplois à la Cour des comptes.
Le passage d’agents extérieurs en statut d’emploi pourrait être regardé comme constitutif d’un vivier de rapporteurs auxquels il pourrait être fait prioritairement appel par voie de mise à disposition en cas d’augmentation importante du flux de demandeurs d’asile.
La création d’un service à compétence nationale (SCN) de gestion des personnels des juridictions administratives
Il est compréhensible que le Conseil d’État éprouve quelque hésitation à envisager de prendre en charge, après la gestion des conseillers de TA en 1989, celle de 232 agents de la CRR et, le cas échéant, celle d’environ 1300 agents des juridictions administratives, TA et CAA. Le classement hiérarchique de ces catégories n’est pas du même niveau que celui des magistrats administratifs et leur nombre ferait de plus en plus du Conseil d’État une administration de gestion, ce qui pourrait faire craindre que soit affecté le caractère éminent de ses attributions de conseil et de contrôle de l’État. C’est ce qui explique sans doute sa volte-face de 2002 concernant la CRR et son refus de suivre les recommandations principales du rapport de 2003 sur les personnels des greffes des TA et des CAA pour se contenter d’améliorations ponctuelles au sujet desquelles le dialogue social a repris après une longue rupture.
Le Conseil d’État a toujours pris soin, dans un souci d’unité du droit, d’asseoir son autorité sur l’ensemble de la juridiction administrative. Il a donc sans doute considéré, dans la dernière période, que la gestion des personnels administratifs des TA, des CAA et de la CRR n’était pas utile à cette fin. Le problème demeure néanmoins, sauf à laisser en l’état une situation qui n’est pas satisfaisante, et qu’il faudra réformer en tout état de cause dans l’avenir. Le Service des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (STACAA) qui a une expérience certaine en matière de gestion des magistrats, n’a jamais élevé d’objection à l’extension de ses responsabilités – au demeurant modeste, s’agissant de la seule CRR – lorsque la question a été évoquée devant ses responsables au cours des dernières années. Il est également possible d’imaginer que le ministère de la Justice pourrait se saisir lui-même directement de cette réorganisation au sein d’une nouvelle direction des ressources humaines de la juridiction administrative. Il serait donc judicieux que le Conseil d’État se détermine, car il ne peut à la fois se dégager de toute responsabilité en ce qui concerne la gestion de ces personnels, et refuser qu’elle soit assurée ailleurs dans des conditions respectueuses des principes, bien que moins claire en ce qui concerne le principe de dualité des juridictions. Cette détermination est d’autant plus indispensable, que les nouvelles dispositions législatives relatives aux formations disciplinaires des conseils régionaux et interrégionaux de différents ordres professionnels (médecins, chirurgiens-dentistes, sage femmes) ont confié leurs présidences aux membres en fonction ou honoraires du corps des conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, ce qui ne manquera pas de poser des problèmes nouveaux, connexes des questions abordées par le présent rapport (création de postes de magistrats, de rapporteurs, d’assistants, etc.) .
Mais il existe peut être une autre solution qui permettrait tout à la fois de laisser la gestion des personnels administratifs de la juridiction administrative sous l’autorité du Conseil d’État, sans pour autant lui faire supporter directement la charge de la gestion de ces personnels : c’est le recours à un service à compétence nationale (SCN), catégorie juridique distincte de celle des administrations centrales et des services déconcentrés, instituée par le décret n° 97-464 du 9 mai 1997, modifié par le décret n° 2005-124 du 14 février 2005, précisé par la circulaire du Premier ministre du 9 mai 1997 (Annexe 5).
Aux termes de l’article 1er du décret du 9 mai 1997, les SCN peuvent se voir confier des fonctions de gestion, d’études techniques ou de formation, des activités de production de biens ou de prestations de services, ainsi que toute mission à caractère opérationnel, dès lors que ces missions n’entrent pas dans le rôle des administrations centrales et ne peuvent être déconcentrées aux services territoriaux. Les justifications de leur création peuvent donc être très diverses. La création des SCN relève soit d’un décret en Conseil d’État, lorsqu’ils sont placés directement sous l’autorité d’un ministre, soit d’un arrêté du ministre intéressé, lorsqu’il sont placés auprès d’un directeur, d’un chef de service, ou d’un sous-directeur et n’exercent pas de compétence par délégation du ministre. Un SCN peut être commun à plusieurs directions d’un ministère. Il est alors créé par arrêté ministériel dans les conditions qui viennent d’être indiquées. Le texte portant création d’un SCN doit définir son rattachement, sa mission, son organe de direction ainsi que son organisation interne ; il doit être accompagné d’un document présentant une description du mode de gestion qui sera mis en œuvre. Ce rapport doit porter au moins sur trois aspects : une description complète des missions que le SCN doit remplir, une définition des résultats attendus et des outils de compte-rendu de ces résultats, enfin la méthode retenue pour définir les ressources allouées. Les projets de décrets ou d’arrêtés relatifs à l’organisation des SCN doivent être soumis à l’avis des CTP compétents en vertu des dispositions des articles 12 et 13 du décret n° 82-452 du 28 mai 1982 relatif aux CTP. Toutefois, pourrait être mis en place un CTP spécial pour les services à compétence nationale directement rattachés au ministre.
À titre d’exemples de SCN créés par arrêtés, signalons : le laboratoire de recherche des monuments historiques rattaché à un sous-directeur (4 janvier 2000), l’École nationale des greffes rattachée à un directeur (5 mars 2001), le « Programme Copernic » chargé de la mise en place du système d’information relatif au compte fiscal simplifié auprès de deux directeurs (12 novembre 2001). Dans le cas d’espèce de la gestion des personnels des juridictions administratives, il s’agirait d’une mission de caractère opérationnel n’entrant pas dans le rôle d’une administration centrale, justifiée par la situation particulière du Conseil d’État, difficilement assimilable à une administration de gestion classique. Le rattachement au ministre se ferait donc par l’intermédiaire du Conseil d’État qui nommerait le directeur de ce service. Un décret en Conseil d’État serait alors pleinement justifié. La place du STACAA dans ce dispositif est réservée, le service pouvant tout aussi bien intégrer le SCN au sein duquel il garderait sa compétence en matière de gestion des magistrats, ou être maintenu dans sa situation actuelle. En tout état de cause, on peut considérer que, compte tenu de l’ampleur de ses tâches, son statut devrait être revalorisé.
Comme cela a été souligné en introduction du présent point, ces quatre réformes constituent la solution préconisée. Ensemble cohérent, elles peuvent être mises en œuvre séparément, mais elle ne sont pas totalement indépendantes les unes des autres. Ainsi, la seule inclusion du budget de la CRR dans le programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » assurerait une relative autonomie budgétaire, mais instaurerait un système de double gestion (analogue à celui qui régit les personnels des greffes de la juridiction administrative) si elle n’était pas suivie par la deuxième réforme : la titularisation proposée dans les corps de la juridiction administrative aux statuts particuliers remaniés qui placerait ces personnels dans une situation administrative comparable à celle des magistrats des juridictions administratives de droit commun. On aboutirait ainsi à une situation relativement satisfaisante et conforme aux principes (à la titularisation des contractuels près). Il resterait cependant à résoudre deux problèmes : d’une part, la reconnaissance de la spécificité professionnelle des rapporteurs de la CRR et, d’autre part, la définition des moyens administratifs de la gestion d’un ensemble d’agents relevant des juridictions administratives généralistes et spécialisées dans l’hypothèse où le Conseil d’État ne souhaiterait pas s’en charger directement. C’est à ces deux préoccupations que visent à répondre les propositions de création d’un « statut d’emploi des rapporteurs de la CRR » et d’un « service à compétence nationale ».
Conclusion
La situation actuelle de la CRR est le résultat d’une histoire chaotique marquée par le manque d’intérêt que lui ont porté les administrations et les autorités qui auraient du maîtriser son développement et veiller en permanence au strict respect de certains principes qui ont été finalement subordonnés à des préoccupations conjoncturelles, notamment la nécessité de faire face à deux reprises, au tournant des années 1980-1990 et dans la période 1999-2003 à de rapides croissances des demandes d’asile suivies de diminutions tout aussi fortes. On retrouve certes, de manière continue, la volonté de séparer les pouvoirs administratifs et juridiques, mais celle-ci cède devant les nécessités de l’heure, pour laisser la CRR dans une dépendance administrative, statutaire et budgétaire étroite vis-à-vis de l’établissement public dont elle contrôle les décisions.
Cette évolution débouche aujourd’hui sur un échec, tant en ce qui concerne la situation des personnels que l’efficacité du service public. Il se dégage de la consultation organisée au sein des personnels de la commission un malaise qui a son origine dans leur situation de « mise à la disposition » de la CRR par le directeur général de l’OFPRA. Les personnels de la CRR ont le sentiment, à tort ou à raison, d’être quelque peu défavorisés par rapport à leurs collègues en activité à l’OFPRA et de ne bénéficier d’aucun débouché en raison de leur enfermement dans une structure trop étroite. Les organisations syndicales rencontrent des difficultés pour traduire leurs aspirations, mais critiquent cette situation.
Pour autant cela ne devrait pas empêcher, même dans une situation de sévères restrictions budgétaires et malgré le peu d’intérêt manifesté par les administrations concernées, d’essayer de clarifier la situation et en premier lieu la notion floue de « mise à la disposition ». Un mandat ou une délégation de gestion seraient utiles pour normaliser la situation entre les deux établissements dans un climat de confiance rétabli. D’une manière ou d’une autre, l’hypothèque de la présence d’un très grand nombre de personnels non titulaires à la CRR (près de deux rapporteurs sur trois) en infraction du statut général des fonctionnaires, devrait être rapidement levée par leur titularisation. Enfin il est possible, dans tous les domaines, d’apporter des améliorations à la situation existante ; un premier recensement en a été réalisé.
Toutefois il ne s’agit là que de progrès inévitablement limités à système constant, ce qui ne constitue pas une hypothèse réaliste car plusieurs facteurs modifieront nécessairement l’état des lieux au cours des prochaines années. L’expédient consistant à recruter massivement des contractuels pour faire face à une croissance des demandes d’asile et à les renvoyer quelques mois plus tard, comme cela s’est produit en 2004-2005, n’est ni humainement admissible ni conforme à la loi ; cette pratique devrait être désormais totalement bannie et tout nouvel emploi de contractuel à la CRR récusé. En outre, si pour le moment les juridictions françaises et européennes n’ont pas jugé illégale la dépendance de la CRR vis-à-vis de l’OFPRA, il existe cependant une tendance forte à l’évolution de la jurisprudence en ce sens, que vient de conforter le plus récent avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) en faveur du rattachement de la CRR au Conseil d’État. Quand bien même la situation resterait ce qu’elle est, il s’agit d’une organisation qui ne peut que susciter la méfiance du justiciable. Par ailleurs, la mise en œuvre de la loi organique sur les lois de finances (LOLF) a révélé que la CRR n’était pas à sa place dans la configuration budgétaire retenue pour 2006 au sein d’un programme « Français à l’étranger et étrangers en France » sous une mission « Action extérieure de l’État » en raison de sa nature de juridiction administrative ; elle devra donc en changer. Enfin, tant la nécessité de professionnaliser les activités de la juridiction du droit d’asile que le principe de dualité des juridictions en vigueur dans notre pays vont dans le sens d’une affirmation plus autonome de la CRR à l’égard de l’administration.
Les solutions avancées au cours des vingt dernières années pour sortir d’une situation aussi peu satisfaisante ont généralement consisté à exiger une plus grande autonomie budgétaire vis-à-vis de l’OFPRA, ordonnateur des dépenses de l’ensemble OFPRA-CRR, généralement regardé comme une seule entité de gestion par le directeur général de l’OFPRA et le ministère des Affaires étrangères. Cette moindre dépendance a été revendiquée sous différentes formes : par la recherche d’une simple autonomie budgétaire dans le cadre existant où le président de la CRR aurait été reconnu ordonnateur secondaire des dépenses de la CRR ; par sa réalisation sous tutelle directe du ministère des Affaires étrangères, affranchie de celle de l’établissement public ; par le rattachement budgétaire au ministère de la Justice. Chacune de ces stratégies a laissé de côté la question statutaire. Elles ont toutes échoué, car la dépendance administrative, statutaire et budgétaire forme un tout. Dans ces conditions, s’impose à la lumière de l’expérience, la nécessité d’une solution résolument novatrice.
Le présent rapport a écarté la solution du transfert du contentieux du droit d’asile aux juridictions administratives de droit commun, tout comme celle conduisant à la constitution d’une juridiction du droit des étrangers qui engloberait celle de l’asile, car toutes deux méconnaîtraient la spécificité de la juridiction administrative du droit d’asile. La voie préconisée par ce rapport est le rattachement de la CRR au ministère de la Justice par l’intermédiaire du Conseil d’État. Elle s’articule autour de quatre réformes. En matière budgétaire, la CRR doit être incluse, pour une question d’indépendance et en raison de la spécificité de son activité juridictionnelle, dans le programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives », que celui-ci continue d’être placé sous la mission « Conseil ou contrôle de l’État » ou qu’il rejoigne la mission « Justice » au sein de laquelle se trouvent déjà les crédits de l’aide juridictionnelle. Statutairement, la titularisation dans les corps de la juridiction administrative doit être proposée aux fonctionnaires de la CRR, et les contractuels titularisés à cette occasion ; il serait souhaitable qu’elle intervienne dans le cadre d’une restructuration plus générale de la situation statutaire des agents des juridictions administratives englobant les personnels des greffes des TA et des CAA.
Dans cet ensemble considérablement élargi, la garantie fondamentale de mobilité trouverait de meilleures conditions de mise en œuvre. La spécificité de l’activité des rapporteurs de la CRR doit être reconnue dans le cadre d’un « statut d’emploi de rapporteur de la CRR », largement ouvert par voie de détachement à des agents de catégorie A d’autres ministères. Enfin, à défaut d’une gestion directe des quelque 1800 fonctionnaires des juridictions administratives par le Conseil d’État, à l’instar des magistrats déjà gérés par le Service des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (STACAA), un service à compétence nationale (SCN) pourrait être créé à cette fin dans les conditions prévues par le décret du 9 mai 1997.
Ainsi rénovée et restaurée dans sa dignité, la Commission des recours des réfugiés pourrait alors devenir la Cour administrative du droit d’asile .
LISTE DES ANNEXES
ANNEXE 1 LETTRE DE MISSION
ANNEXE 2 PERSONNALITÉS CONSULTÉES
ANNEXE 3 MISSIONS ET PROGRAMMES DU BUDGET GÉNÉRAL DE L’ÉTAT
ANNEXE 4 DÉCRET N° 2002-1151 DU 9 SEPTEMBRE 2002 RELATIF À L’EMPLOI DE RAPPORTEUR EXTÉRIEUR À LA COUR DES COMPTES ET DÉCRET N° 2002-370 DU 14 MARS 2002 RELATIF À L’EMPLOI D’ASSISTANT DE LA COUR DES COMPTES
ANNEXE 5 DÉCRET N° 97-464 DU 9 MAI 1997 RELATIF À LA CRÉATION ET À L’ORGANISATION DES SERVICES À COMPÉTENCE NATIONALE ET CIRCULAIRE DU PREMIER MINISTRE DU 9 MAI 1997
ANNEXE 6 CONTRIBUTION DU SYNDICAT CGT-OFPRA/CRR
ANNEXE 7 CONTRIBUTION DU SYNDICAT SUD ASILE
ANNEXE 8 DONNÉES STATISTIQUES SUR LA CONSULTATION DU PERSONNEL DE LA CRR PAR VOIE DE QUESTIONNAIRE
ANNEXE 1
LETTRE DE MISSION
ANNEXE 2
PERSONNALITÉS CONSULTÉES
ANNEXE 3
MISSIONS ET PROGRAMMES
DU BUDGET GÉNÉRAL DE L’ÉTAT
ANNEXE 4
DÉCRET N° 2002-1151 DU 9 SEPTEMBRE 2002
RELATIF À L’EMPLOI DE RAPPORTEUR EXTÉRIEUR
À LA COUR DES COMPTES
ET DÉCRET N° 2002-370 DU 14 MARS 2002
RELATIF À L’EMPLOI D’ASSISTANT DE LA COUR DES COMPTES
ANNEXE 5
DÉCRET N° 97-464 DU 9 MAI 1997
RELATIF À LA CRÉATION ET À L’ORGANISATION
DES SERVICES À COMPÉTENCE NATIONALE
ET CIRCULAIRE DU PREMIER MINISTRE DU 9 MAI 1997
ANNEXE 6
CONTRIBUTION DU SYNDICAT CGT-OFPRA/CRR
ANNEXE 7
CONTRIBUTION DU SYNDICAT SUD ASILE
ANNEXE 8
DONNÉES STATISTIQUES SUR LA CONSULTATION
DU PERSONNEL DE LA CRR
PAR VOIE DE QUESTIONNAIRE