Le gouvernement présente la loi « mobilité » adoptée en juillet par le Parlement comme devant permettre aux employeurs publics « d’encourager la mobilité et d’enrichir les parcours de leurs agents ». Les syndicats ont dénoncé une « mobilité » contrainte et des atteintes au statut de la Fonction publique. Comment analysez-vous les changements apportés par cette loi ?
Précisons préalablement que, contrairement à ce qu’il prétend, le gouvernement n’instaure pas un droit nouveau. C’est le nouveau Statut général des fonctionnaires qui, pour la première fois en 1983, a institué la mobilité comme « garantie fondamentale » des fonctionnaires, et non comme obligation (article 14, Titre 1er) . La nouvelle loi relative à la mobilité relève d’un tout autre esprit. Elle favorise la précarité en ouvrant la voie au licenciement du fonctionnaire qui refuserait de nouvelles affectations suite à une restructuration administrative, en développant les expérimentations de cumuls d’emplois à temps non complet, en encourageant le recours aux contractuels et à l’intérim. Elle provoque délibérément le désordre dans l’administration : l’intégration sur demande dans un nouveau corps, la substitution expérimentale de l’entretien à l’ évaluation, la possibilité ouverte aux statuts particuliers de déroger au statut général en raison de leurs besoins propres, vont installer une véritable « usine à gaz » dans les administrations. Enfin, multipliant les dérogations et les aubaines, favorisant le recours au privé, elle accroît les risques de clientélisme, de vénalité et de corruption.
A l’automne 2007, réagissant au discours du Président de la République sur la Fonction publique, vous avez utilisé le terme de « forfaiture ». Pourquoi vous opposer ainsi à ce qui est présenté comme une gestion plus respectueuse des individus ?
Comme je viens de le dire, il ne s’agit en rien d’une gestion plus respectueuse des individus : tout est mis en place pour exacerber la concurrence entre eux, à leur faire perdre de vue le sens de l’intérêt général et de la solidarité, tant en ce qui concerne l’exercice de leurs activités professionnelles que la défense de leurs conditions matérielles et morales. Si j’ai parlé de « forfaiture » c’est pour dénoncer, dans ce domaine comme en d’autres, la prétention du Président de la République à se délivrer un blanc-seing. Il n’a pas été élu sur l’engagement de faire prévaloir le contrat sur la loi, le métier sur la fonction, la performance individuelle sur la recherche de l’efficacité sociale, de décréter une « révolution culturelle » dans la fonction publique. Alors que la crise financière montre, en France comme ailleurs, que « plus de service public » est nécessaire, la politique actuelle tend au contraire à l’affaiblir.
Face à la crise, voyez-vous la Fonction publique comme une charge ou comme un atout pour notre pays ?
La France n’est pas sur-radministrée. Une récente étude du Centre d’analyse stratégique (ex-Commissariat général du Plan) a démontré qu’il y avait en France, pour 1000 habitants, 93 emplois publics financés sur prélèvements obligatoires, soit autant qu’en Grande-Bretagne, entre un minimum de 41 au Japon et un maximum de 146 au Danemark. Le poids des dépenses de rémunération des fonctionnaires de l’État est stable dans le budget général, il régresse par rapport au produit intérieur brut. Le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite est la mesure la plus stupide qui soit, sans aucun fondement rationnel. Dans la crise, tous les observateurs se sont plu à reconnaître le rôle d’ « amortisseur social » du service public, et donc centralement de la fonction publique, tant en ce qui concerne la protection sociale et les retraites, que la consommation (et par là l’activité), l’emploi, et j’ajouterai, personnellement, l’éthique face à l’immoralité patente du système financier privé. Il y a là une situation objective nouvelle, favorable pour mettre en échec les réformes présidentielles et imposer le respect de notre conception du service public et de la fonction publique, pièce maîtresse du pacte républicain.
Monsieur Le Pors,
Représentante CGT au CSPFT, il nous est soumis pour avis un projet de décret relatif au cumul d’activités des fonctionnaires. Le gouvernement souhaite réformer le régime du cumul d’activités des agents publics « pour tenir compte des évolutions de la société et des aspirations du personnel. »
Le principe de non cumul était affirmé dans la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : vous est-il possible de m’indiquer dans quelle littérature je pourrai trouver les arguments de 1983 justifiant cette règle de non cumul afin de construire au mieux l’argumentation que je présenterai en séance pleinière du CSFPT.
Vous remerciant par avance, recevez mes salutations.
Madame Calvao
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Vous trouverez l’essentiel des considérations juridiques dans le code Dalloz (rouge) de 2009, p. 321 à 386.
Bien cordialement et bon courage.
Anicet Le Pors
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