Beaucoup de gens pensent qu’il y a trop de fonctionnaires mais en même temps attendent énormément des services publics. Peut-il y avoir des services publics sans fonctionnaires ?
Bien sûr. Depuis la fin du XIX° siècle, la jurisprudence du Conseil d’État a admis que des organismes privés pouvaient être chargés de missions de service public. Le développement des services publics au cours du XX° siècle, l’extension de son champ à des activités de plus en plus variées a conduit des organismes publics à entreprendre des travaux jusque-là réservés aux entreprises privées (création de régies) et, inversement, des sociétés privées ont été chargées d’activités de services publics (dans le cas de concessions, par exemple). Mais ce succès du service public a eu comme contrepartie une hétérogénéité plus grande et, au plan juridique, une extension de la contractualisation au détriment de la réglementation par la loi. Aujourd’hui, la délégation de service public à des entreprises privées connaît une grande extension.
Cela dit, la voie normale de développement du service public est celle de collectivités publiques (l’État, les collectivités territoriales) et d’entreprises publiques fondées sur la propriété publique qui seule peut présenter, au niveau national, des garanties de sûreté, de service d’intérêt général, de respect de la souveraineté nationale. C’est pourquoi les emplois permanents de la fonction publique doivent être occupés par des fonctionnaires garantis dans leur emploi et dans leurs droits. À cet égard la France n’est pas sur-administrée. Une étude du Centre d’analyse stratégique a montré qu’il y avait en France 93 agents rémunérés sur dépenses publiques pour 1000 habitants, ce qui la situait en position moyenne des pays développés, au même niveau que la Grande-Bretagne. La part des rémunérations des fonctionnaires dans le budget de l’État est stable depuis de nombreuses années, au voisinage de 44 % et elle a baissé en pourcentage du produit intérieur brut.
C’est un grand classique que d’invoquer l’idée de l’opinion publique selon laquelle il y aurait trop de fonctionnaires en général, mais pas assez en particulier dans tous les secteurs où la même opinion publique se plaint de l’insuffisance de moyens (de personnels soignants, de professeurs, de postiers, etc). Malgré cette contradiction, toutes les études montrent que la population a, dans l’ensemble, une bonne opinion sur les services publics et ses agents.
En 1983 et 1984, sous votre responsabilité, la loi a modernisé la fonction publique et les statuts des fonctionnaires. Où en est-on aujourd’hui ?
Quatre lois en 1983-1984-1986 ont créé une fonction publique à « trois versants », sur la base d’un statut général des fonctionnaires comprenant un titre 1er regroupant les droits et obligations de tous les fonctionnaires, les trois titres suivants étant relatifs respectivement à la fonction publique de l’État, à la fonction publique territoriale et à la fonction publique hospitalière, l’ensemble regroupant 5,2 millions de fonctionnaires. L’unité de cette architecture était essentiellement fondée sur trois principes : l’égalité, l’indépendance, la responsabilité, ancrés dans notre tradition républicaine. La diversité était respectée par l’existence des trois titres spécifiques. De très nombreuses dispositions ont modernisé la situation de tous les fonctionnaires mais, surtout, étendu ces droits aux agents des collectivités territoriales, des établissements hospitaliers et de recherche, regardés jusque là comme agents publics de seconde zone et ainsi restaurés dans leur dignité.
L’édifice a tenu bon depuis malgré les attaques qui lui ont été portées. Ce statut général des fonctionnaires est d’ores et déjà celui qui a connu la plus grande longévité depuis qu’existe un statut général. Il comporte plus de 500 articles de loi contre 146 pour le statut de 1946, ce qui marque son ampleur. Pourtant, à chaque retour de la droite au pouvoir, des atteintes lui ont été portées le dénaturant partiellement, surtout en ce qui concerne la fonction publique territoriale (la loi Galland de 1987 y a rétabli le système des « reçus-collés », encouragé le recours aux contractuels, réduit le rôle des organismes de gestion, etc). La Poste et France Télécom ont changé de statut. Les privatisations se sont multipliées. La gauche de nouveau au pouvoir n’est malheureusement pas revenue sur ces atteintes.
Le président de la République avait annoncé, en septembre 2007, une « Révolution culturelle » dans la fonction publique avec comme idée centrale de se défaire du statut général des fonctionnaires. Mais la crise financière qui est intervenue a souligné l’atout que représentait pour la France un service public étendu, jouant un rôle d’ « amortisseur social » selon l’expression des journalistes. Amortisseur social du point de vue du pouvoir d’achat (donc de la consommation), de l’emploi, des systèmes de protection sociale et de retraite, mais aussi d’éthique face à l’immoralité affichée par le système financier mondialisé, fauteur de crise. Pour le président Nicolas Sarkozy le cap reste sans doute le même, mais sa contre-révolution a, pour le moment, été tenue en échec. Face à un « pragmatisme destructeur », auquel il convient de répondre, la question n’est pas de savoir s’il faut évoluer ou pas, mais de considérer que la conception française de la fonction publique est une création continue au service de la démocratie et de l’efficacité sociale et qu’il convient donc de l’adapter en permanence aux besoins de la population, à l’évolution des techniques et à l’ouverture sur le monde.
En quoi les fonctionnaires peuvent-ils participer à la construction d’une société plus solidaire ?
Le Statut général des fonctionnaires est un atout majeur pour le progrès social, l’efficacité économique et la démocratie politique dans l’ensemble de la société. Parce qu’ils sont placés dans une position statutaire, les fonctionnaires peuvent constituer une référence forte pour faire avancer la notion de « statut du travail salarié ». Adossée à une propriété publique étendue et financée par l’impôt, la fonction publique tend à distraire les activités qu’elle regroupe de la marchandisation des rapports sociaux. Au service de l’intérêt général, elle contribue à la formation de la citoyenneté, par l’affirmation du principe d’égalité en son sein comme au service de la population et par l’exigence de responsabilité à tous niveaux que fonde le principe de laïcité. Par là, c’est une composante essentielle du pacte républicain.
Je cherche à vous contacter afin de savoir si vous êtes disponible pour participer à une conférence sur la réforme des collectivités territoriales et services publics organisée par la commune de Joeuf (Meurthe-et-Moselle).
Si vous en avez la possibilité, merci de me contacter à mon adresse mail.
Avec mes remerciements anticipés, recevez mes sincères salutations
Alexandra ALOI, Chargée de la communication au Cabinet d’André CORZANI, Maire de Joeuf, Vice-Président du Conseil Général de Meurthe-et-Moselle.
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que penser – comment analysez-vous – les déclarations de M. Sarkozy, le 26 janvier dernier, se disant « tout à fait prêt à envisager la titularisation progressive des contractuels pour ne pas les laisser en situation de précarité. Ce n’est pas juste » ?
Merci.
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JE PENSE QUE C’EST UNE DÉCLARATION IRRÉFLÉCHIE.
CE QUI EST PLUS DIFFICILE À COMPRENDRE C’EST QUE LES ORGANISATIONS SYNDICALES NE L’AIENT PAS PRIS AU MOT AVEC PLUS DE VÉHÉMENCE.
A.LP
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Bonjour,
quel est le meilleur argumentaire pour ne pas avoir de contractuel dans la fonction publique territoriale???
notamment avec les CDI depuis 2007
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Bonsoir,
Je ne conbnais pas d’argumentation spécifique pour la FPT. En 1983-84, le statut spécifiait strictement les emplois que dérogeaient à la règles selon laquelle les emplois permanents de la FP doivent être occupés par des fonctionnaires. Depuis, et notamment pour la FPT avec la loi Galland du 13 juillet 1987 toutes les dispositions qui se sont succédées ont eu pour effet d’élargir le recrutement de contractuels, notamment dans la FPT. Il n’y a donc pas d’autre solution que d’en revenir aux principes originels du statut et, en attendant, de faire respecter le principe ci-dessus rappelé.
Bien cordialement,
Anicet le pors
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CE QUI EST PLUS DIFFICILE À COMPRENDRE C’EST QUE LES ORGANISATIONS SYNDICALES NE L’AIENT PAS PRIS AU MOT AVEC PLUS DE VÉHÉMENCE.
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