FRANCOIS LE PORS ET GABRIELLE CROGUENNEC

Regards sur la vie

« Tout en sachant la recherche handicapée dès le départ, j’ai commencé mes investigations généalogiques par ma mère, née Gabrielle Croguennec, portant le nom de sa mère car née « enfant naturelle » de Louise Croguennec. J’y reviendrai. Aussi loin que l’on pousse la recherche, on ne sort qu’exceptionnellement du canton de Lannilis qui comprend aussi Plouguerneau, Landéda, Kernilis, Guissény et nombre de lieux dits comme Tréménech ou Brouennou qui semblaient avoir beaucoup plus d’importance au début du XXème siècle qu’aujourd’hui. Le millier d’ancêtres inventoriés est né presque exclusivement dans ce canton, exceptionnellement dans ceux, contigus, de Lesneven ou de Ploudalmézeau, plus rarement encore dans celui de Plabennec.

Les « Le Pors » sont de Plouguerneau comme en atteste la naissance de mon grand père et de son ascendance, mais surtout l’étude faite par le Centre généalogique du Finistère (le plus important de France) qui a établi des cartes de densité de racines (Pors, Port, Portz, Porz, Porzic) identifiant la principale concentration à Plouguerneau ; le plus ancien que j’aie recensé est Pierre Le Portz décédé en 1689 à Plouguerneau. Je n’ai pas l’équivalent pour « Croguennec » dont le plus ancien est Yves Croguennec, décédé au début du XVIIIème siècle, vraisemblablement à Lannilis. C’est dire que les mariages se faisaient dans un rayon de quelques kilomètres et que le « saut » social, véritable mutation, a été réalisé par mes parents émigrant en région parisienne en 1929. La recherche généalogique convainc rapidement que ce n’est que par convention que l’on porte le nom que l’état civil vous a attribué. En réalité, en une dizaine de générations, on réunit la quasi totalité des patronymes existant dans cette société peu mobile.

Ce caractère statique se retrouve dans les activités exercées. Presque tous les hommes se déclarent cultivateurs, ce qui recouvre des réalités sociales sans doute très diverses, mais il s’agit vraisemblablement de petits paysans. De même les femmes sont le plus souvent cultivatrices mais aussi quelquefois journalières, plus souvent que les hommes sont journaliers, ce qui est révélateur et du niveau général et de la condition féminine. Il y a quand même ici ou là un boulanger, un tisserand, un meunier, mais aussi un mendiant ; pas de pêcheur ni de marin alors que la mer est toute proche mais la côte inhospitalière. Les familles sont nombreuses ; la mortalité très élevée (surtout en bas âge) fait que rarement les familles de l’état civil se trouvent réunies au complet. Toutefois, les personnes qui ont beaucoup procréé ayant été de celles qui ont survécu, on trouve fréquemment des personnes atteignant quatre-vingt ans et plus. »

« Regards sur la vie » n’est pas commercialisé. On peut en prendre connaissance en téléchargeant le fichier dont le lien est situé sous le titre du fichier du même nom ci-après.

« REGARDS SUR LA VIE »

Regard sur la vie4bis[1]

de François Le Pors et de Gabrielle Croguennec

Le texte qui suit répond à un souci de mémoire. Dans la succession des générations, les personnes les plus importantes ne sont pas nécessairement les plus visibles. Lorsque François Le Pors et Gabrielle Croguennec décident, après leur mariage à Lannilis le 5 novembre 1929, de quitter les lieux qui les avaient vu naître et débuter dans la vie, peut être n’ont-ils pas conscience eux-mêmes de la rupture dont ils sont les acteurs : depuis au moins quatre siècles leurs familles ne se sont pas éloignées de plus de quelques kilomètres de Plouguerneau, Lannilis, Plouvien dans cette dernière marche occidentale du bas Léon. D’un coup ils franchissent six cent kilomètres pour affronter la grande ville, décidés à passer d’une pauvreté à l’autre mais avec l’espoir d’une nouvelle vie, éventuellement meilleure pour eux à terme, plus prometteuse, pensent-ils sans doute, pour les enfants à venir…

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Par ailleurs la préface du livre et sa couverture figurent sur le blog dans le fichier au-dessus de celui-ci sous le titre
FRANCOIS LE PORS ET GABRIELLE CROGUENNEC

Obligation de réserve : « Les fonctionnaires, citoyens de plein droit » – Le Monde, 1er février 2008

Leur statut accorde la liberté d’opinion aux agents publics. Il ne leur impose pas d’obligation de réserve

Deux hauts fonctionnaires viennent d’être sanctionnés de manière hypocrite en étant démis de leurs fonctions pour s’être exprimés en tant que citoyens sur certains aspect du fonctionnement du service public. Le premier, Yannick Blanc, directeur de la police générale à Paris, pour une déclaration jugée inopportune sur l’opération de juillet 2006 de régularisation des parents étrangers d’enfants scolarisés. Le second, Jean-François Percept pour des appréciations générales sur sa condition de fonctionnaire

La question n’est pas ici de porter un jugement sur le fond de ces déclarations, mais de savoir si ces deux fonctionnaires, et plus généralement le fonctionnaire, ont le droit d’émettre publiquement une opinion et jusqu’à quel point. De savoir si le fonctionnaire est un citoyen comme un autre. Pour avoir conduit l’élaboration du statut général des fonctionnaires entre 1981 et 1984, je crois pouvoir témoigner utilement sur le sens des dispositions en vigueur. C’est à tort que l’on évoque à ce propos l’article 26 du statut général des fonctionnaires qui traite du secret professionnel et de la discrétion professionnelle. Les fonctionnaires sont tenus au secret professionnel, soit que les faits qu’ils apprennent dans l’exercice de leurs fonctions leur aient été confiés par des particuliers, soit que leur connaissance provienne de l’exercice d’activités auxquelles la loi, dans un intérêt général et d’ordre public, a imprimé le caractère confidentiel et secret. Les fonctionnaires doivent faire preuve de discrétion professionnelle pour tout ce dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. Dans les deux cas considérés, ce n’est pas du tout de cela qu’il s’agit.

Même si ce n’est pas sans rapport, on ne saurait non plus se référer principalement à l’article 28 qui pose le principe hiérarchique dans les termes suivants :  » Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public.  » Le fonctionnaire garde donc une marge d’appréciation des ordres qu’il reçoit. On ne saurait sans méconnaître la loi contester au fonctionnaire cette liberté qui, avec la bonne exécution des tâches qui lui sont confiées, participe de sa responsabilité propre. Mais les deux cas évoqués relèvent d’autant moins de cette règle que le premier a fait ses déclarations alors que son supérieur hiérarchique, le préfet de police, était parfaitement informé, et que le second n’évoquait aucunement ses propres activités.

Reste donc le principe posé dès l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983, qui s’exprime de manière on ne peut plus simple :  » La liberté d’opinion est garantie aux fonctionnaires. «  La première conséquence est d’entraîner un autre principe : celui de non-discrimination des fonctionnaires ; toute discrimination entre les fonctionnaires fondée sur leurs opinions politiques, religieuses ou philosophiques, sur leur état de santé, leur handicap, leur orientation sexuelle, leur origine ou leur appartenance ethnique est interdite.

La deuxième conséquence est de permettre au fonctionnaire de penser librement, principe posé dès l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui vaut pour les fonctionnaires comme pour tout citoyen :  » Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. « 

Ce principe a été repris dans la loi de 1983 et un large débat s’est ouvert aussi bien avec les organisations syndicales qu’au Parlement sur la portée et les limites de la liberté d’opinion qu’il convenait éventuellement de faire figurer dans le statut lui-même, sous la forme, d’une part, de la liberté d’expression et, d’autre part, de l’obligation de réserve. J’ai rejeté à l’Assemblée nationale le 3 mai 1983 un amendement tendant à l’inscription de l’obligation de réserve dans la loi en observant que cette dernière  » est une construction jurisprudentielle extrêmement complexe qui fait dépendre la nature et l’étendue de l’obligation de réserve de divers critères dont le plus important est la place du fonctionnaire dans la hiérarchie  » et qu’il revenait au juge administratif d’apprécier au cas par cas. Ainsi, l’obligation de réserve ne figure pas dans le statut général et, à ma connaissance, dans aucun statut particulier de fonctionnaire, sinon celui des membres du Conseil d’Etat qui invite chaque membre à  » la réserve que lui imposent ses fonctions « .

En définitive, la question est plus politique que juridique et dépend de la réponse à la question simple : le fonctionnaire est-il un citoyen comme un autre ? Dans notre construction sociale, est-il un sujet ou un citoyen ? Dans les années 1950, Michel Debré donnait sa définition :  » Le fonctionnaire est un homme de silence, il sert, il travaille et il se tait « , c’était la conception du fonctionnaire-sujet. Nous avons choisi en 1983 la conception du fonctionnaire-citoyen en lui reconnaissant, en raison même de sa vocation à servir l’intérêt général et de la responsabilité qui lui incombe à ce titre, la plénitude des droits du citoyen.

C’est cette conception qui est en cause dans les mesures d’intimidation précédemment évoquées prises au plus haut niveau de l’Etat, préliminaires d’une vaste entreprise de démolition du statut général des fonctionnaires programmée pour 2008. Il est grand temps que s’élève la voix des esprits vigiles.

Anicet Le Pors

Ancien ministre de la fonction publique

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