La déontologie des fonctionnaires :
le plein exercice de leur citoyenneté
Si, aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de 1789, les citoyens sont également admissibles « à toutes dignités, places et emplois publics », ils le sont « selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». On doit dès lors considérer que ce qui est exigé à l’entrée – la preuve de la capacité, des vertus et des talents – est a fortiori valable sur l’ensemble de la carrière professionnelle du fonctionnaire. Dès lors, dans cette acception, la déontologie se confond avec le bon exercice par le fonctionnaire de sa mission de service public, quelle que soit sa position dans la hiérarchie administrative.
Ce n’est pourtant pas le sens courant donné à la déontologie, principalement évoquée à propos des cadres, surtout des plus hauts fonctionnaires, et dans une définition réduite au non-cumul des emplois publics et privés et au « pantouflage ». Nous ne retiendrons pas ici cette double restriction pour considérer l’ensemble des règles statutaires valables pour tous les fonctionnaires pouvant relever d’une conception large de la déontologie. Nous nous interrogerons ensuite sur le point de savoir si ces règles statutaires sont suffisantes – ou suffisamment édifiantes – et s’il ne convient pas de les compléter et de restructurer le nouvel ensemble ainsi constitué en un « code de la déontologie » réclamé par certains. Nous nous demanderons enfin si la notion de déontologie du fonctionnaire est en tout état de cause réductible à quelque ensemble de règles de droit que ce soit.
Une conception étroite de la déontologie
La table des matières du Code de la fonction publique des Éditions Dalloz au mot « déontologie » renvoie au décret n° 2006-781 du 2 février 2007 et à une circulaire du 31 octobre 2007 placés sous l’article 25 du titre 1er du statut général des fonctionnaires (loi n° 83-634 du 13 juillet 1983) qui enjoint aux fonctionnaires et aux agents non-titulaires de droit public de consacrer l’intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Mais si la déontologie est, selon le dictionnaire Le Robert, « l’ensemble des règles qu’impose à des professionnels l’exercice de leur métier », on ne voit pas pourquoi on ne prendrait pas en compte également, dans le champ des règles de la déontologie, les dispositions de l’article 26 traitant du secret professionnel et de la discrétion professionnelle, de l’article 27 relatif au devoir du fonctionnaire de satisfaire aux demandes d’information du public dans le respect des règles précédentes, enfin les dispositions de l’article 28 concernant ce que l’on dénomme généralement le « devoir d’obéissance ». D’autres articles devraient sans doute être également cités et, à la limite, l’ensemble du titre premier relatif aux « droits et obligations des fonctionnaires ». On se concentrera néanmoins sur les articles précités comme base juridique centrale de la déontologie des fonctionnaires. Précisons aussi que des règles de même nature mais spécifiques existent également dans le secteur privé.
Si le statut général de 1946 avait donc prévu qu’un décret préciserait les conditions dans lesquelles le fonctionnaire doit consacrer l’ensemble de l’activité à la fonction qui lui était dévolue, ce décret n’ayant pas été pris, ce sont les dispositions d’un décret-loi du Front populaire de 1936 concernant les dérogations à cette règle, complétées par une abondante jurisprudence qui ont précisé, au fil du temps, la réglementation du non cumul d’un emploi public et d’un emploi privé. Ces dispositions, reprises pour l’essentiel et de manière stricte par l’article 25 du titre 1er du statut général de 1983, ont été profondément modifiées par la loi dite « de modernisation » du 2 février 2007. Les modifications introduites caractérisent une conception plus laxiste de la déontologie. Ainsi, les règles de délai d’incompatibilité entre les activités exercées par un fonctionnaire cessant ses fonctions et une activité lucrative dans une entreprise, un organisme privé ou une activité libérale est ramené de cinq à trois ans ; les cumuls entre activité publique et privée sont considérablement assouplis pour un fonctionnaire en vue de créer ou de reprendre une entreprise, ou pour un dirigeant de société privée embauché en qualité de non titulaire de droit public (jusqu’à deux ans) ; la détention de parts sociales de capital par les fonctionnaires est mise sur le même plan que la production d’œuvres d’art ; les agents titulaires et non titulaires à temps incomplet peuvent simultanément exercer une activité privée lucrative (1). Ces orientations ont été confirmées et complétées par la loi dites « sur la mobilité » du 3 août 2009. Par ailleurs, une loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques avait institué, dans chaque fonction publique, une commission dite « de déontologie » chargée de donner un avis sur la compatibilité avec les fonctions antérieures d’un fonctionnaire des activités privées qu’il souhaitait exercer. La loi de 2007 a regroupé les trois commissions en une seule, placée auprès du Premier ministre .(2)
Si le devoir du fonctionnaire de satisfaire les besoins d’information du public ne pose pas de problème particulier, son appréciation devant se faire dans les circonstances de chaque espèce, il n’en est pas de même de l’obligation de réserve dont il n’est pas fait mention dans le statut, mais qui provoque maintes prises de positions confuses. Aux termes de l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 : « La liberté d’opinion est garantie aux fonctionnaires. » Pour avoir conduit l’élaboration du statut général des fonctionnaires entre 1981 et 1984, je crois pouvoir témoigner utilement sur le sens des dispositions en vigueur. C’est à tort que l’on évoque à ce propos l’article 26 du statut général des fonctionnaires qui traite du secret professionnel et de la discrétion professionnelle. Les fonctionnaires sont tenus au secret professionnel, soit que les faits qu’ils apprennent dans l’exercice de leurs fonctions leur aient été confiés par des particuliers, soit que leur connaissance provienne de l’exercice d’activités auxquelles la loi, dans un intérêt général et d’ordre public, a imprimé le caractère confidentiel et secret. Les fonctionnaires doivent faire preuve de discrétion professionnelle pour tout ce dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. Même si ce n’est pas sans rapport, on ne saurait non plus se référer principalement à l’article 28 qui pose le principe hiérarchique d’obéissance du fonctionnaire dans les termes suivants : « Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ». Le fonctionnaire garde donc une marge d’appréciation des ordres qu’il reçoit. On ne saurait sans méconnaître la loi contester au fonctionnaire ce libre-arbitre qui rejoint la liberté d’opinion et qui, avec la bonne exécution des tâches qui lui sont confiées, participe de sa responsabilité propre. Ce principe a été repris dans la loi de 1983 et un large débat s’est ouvert aussi bien avec les organisations syndicales qu’au Parlement sur la portée et les limites de la liberté d’opinion qu’il convenait éventuellement de faire figurer dans le statut lui-même, sous la forme, d’une part, de la liberté d’expression et, d’autre part, de l’obligation de réserve (3). Ainsi, l’obligation de réserve ne figure pas dans le statut général et, à ma connaissance, dans aucun statut particulier de fonctionnaires, sinon celui des membres du Conseil d’État qui invite chaque membre à « la réserve que lui imposent ses fonctions » (4).
En définitive, la question est plus politique que juridique et dépend de la réponse à la question simple : le fonctionnaire est-il un citoyen comme un autre ? Au sein de notre construction sociale, est-il un sujet ou un citoyen ? Dans les années 1950, Michel Debré donnait sa définition : « Le fonctionnaire est un homme de silence, il sert, il travaille et il se tait », c’était la conception du fonctionnaire-sujet, héritage d’une conception dominante tout au long du XIX° siècle et la première moitié du XX° siècle. Nous avons choisi en 1983 la conception du fonctionnaire-citoyen en lui reconnaissant, en raison même de sa vocation à servir l’intérêt général et de la responsabilité qui lui incombe à ce titre, la plénitude des droits du citoyen.
L’utilité discutable d’un code de déontologie
Face aux difficultés parfois rencontrées dans l’appréciation des notions qui viennent d’être évoquées, l’idée est parfois émise d’un code qui ferait la clarté sur des questions difficiles car elles épousent toute la complexité de la vie. Il faut d’abord s’entendre : s’agirait-il d’un véritable code opérant une remise en ordre et une clarification de dispositions législatives et réglementaires à droit constant au sens de la commission supérieure de codification ? Probablement pas, car cela reviendrait à codifier des sous parties de codes existants ou envisagés. On sait que la loi sur la modernisation de la fonction publique du 2 février 2007 avait prévu en son article 56 de « procéder par ordonnance à l’adoption de la partie législative du code général de la fonction publique ». Ou bien s’agirait-il d’une présentation ordonnée des textes en vigueur, éventuellement commentés, comme il en existe déjà (5) ? Il y a aussi des codes de l’administration qui débordent la fonction publique proprement dite (6). Quelle que soit la solution retenue de cette nature, aucun code ne pourrait ajouter aux normes existantes. On doit donc se demander quelle serait l’utilité d’un sous-ensemble de ces codes qui appellerait inévitablement la codification d’autres sous-ensembles thématiques, ce qui au bout du compte accroîtrait la confusion de l’état du droit. Si ce n’est pas de cela qu’il s’agit, on peut alors penser à un guide, sorte de « code de bonne conduite » à finalité pédagogique ou moralisatrice – dans l’esprit du « code de bonne conduite des traders » évoqué au plus fort de la crise financière – qui pourrait se fonder sur quelques cas concrets ayant donné lieu à des décisions jurisprudentielles particulièrement significatives, facilitant la compréhension des règles précédemment analysées. On pourrait même penser à une expression de ces exemples sous forme d’illustrations, voire de bandes dessinées (7)…
Il importe de souligner que, quelles que soient les modalités envisagées, les préceptes exposés doivent concerner tous les fonctionnaires et agents publics, quelle que soit leur place dans la hiérarchie, même si on sait bien que le contrôle du juge, en cas de contentieux, prend évidemment en compte le niveau de responsabilité de l’agent pour caractériser une infraction éventuelle. Mais une autre difficulté réside dans la diversité des préoccupations et des priorités des ministères. Une tentative de code de déontologie avait été tentée, il y a une douzaine d’années par la direction générale de l’Administration et de la Fonction publique. Elle avait surtout mis en évidence la complexité d’une telle opération qui devait concerner tous les fonctionnaires, mais qui devait aussi répondre aux préoccupations spécifiques de chaque ministère en matière de déontologie : les finances s’intéressant plus particulièrement à la probité, l’éducation nationale aux mœurs, la police à la discipline, l’équipement au risque (8), etc. l’entreprise n’avait alors pu aboutir
L’évocation d’un code de la déontologie présente aussi l’inconvénient de focaliser la responsabilité d’une éventuelle transgression sur le sujet alors que celle-ci est étroitement dépendante du contexte politico-administratif. La vogue de l’idéologie managériale change considérablement les conditions d’exercice de la responsabilité du fonctionnaire ; celle-ci n’est pas vécue de la même façon selon qu’il se considère au service de l’intérêt général ou qu’il est mis en demeure de satisfaire à des obligations de résultats matérialisés par des batteries de critères de pure gestion, ce qui le distingue peu ne n’importe quel salarié du secteur privé. Contrairement à la rationalisation des choix budgétaires (RCB) des années 1960-1970 dont les budgets de programmes et les études analytiques s’inscrivaient assez clairement dans des analyses de systèmes finalisées par des missions de service public, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) qui lui ressemble sous certains aspects s’en distingue franchement par l’application du principe de « fongibilité asymétrique » défavorable à l’emploi et par l’accent mis sur le caractère comptable de la démarche. Celui-ci s’est encore trouvé renforcé par la révision générale des politiques publiques (RGPP) et son objectif emblématique de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite à l’appui duquel aucune justification rationnelle n’a été apportée, tandis que les 374 mesures retenues par les conseils de modernisation des politiques publiques successifs n’apparaissent que comme une somme de réductions de moyens sans autre sens que budgétaire, ainsi que l’a dénoncé la Cour des comptes elle-même. Il faudrait encore évoquer la multitude des organismes relevant de ce que l’on pourrait appeler l’ « administration rationalisante » supprimés au cours des dernières années (9). Tout cela va dans le sens d’une banalisation de l’activité du fonctionnaire qui ne peut qu’affecter gravement la spécificité de la déontologie exigible à son endroit et, par là, le sens de la responsabilité de l’agent public.
Dans un tel contexte où la concertation est faible et où les organismes paritaires ne jouent plus véritablement leur rôle, l’idée d’un code de déontologie prendrait – quelles que soient les intentions de ses promoteurs – une tout autre signification, celle d’un règlement managérial, d’un instrument de régulation du conformisme sous contrainte (10). Il s’ensuivrait une stigmatisation croissante des comportements déviants. J’ai dù rappeler publiquement la portée et les limites de la liberté d’expression et de l’obligation de réserve en plusieurs occasions récentes. Il ne s’agit certes pas de faits sans précédent, l’abondance de la jurisprudence en témoigne et tous ces faits ne sont pas de même nature, mais il est permis de penser que l’accentuation du pouvoir hiérarchique peut être à l’origine de leur multiplication ; tandis que se brouille la frontière public-privé et qu’une complaisance croissante scandaleuse marque la pratique du « pantouflage ». Un code de déontologie ne pourrait dès lors apparaître que comme une diversion coercitive rappelant les interdictions et les sanctions encourues. Tout au plus peut-on envisager de mieux expliquer le sens du droit existant à partir de cas concrets, par la voie de circulaires ou par des moyens de communication modernes.
La déontologie du fonctionnaire-citoyen
La notion de déontologie est inséparable des valeurs servies. Celles du pacte républicain qui fonde notre citoyenneté : une certaine conception de l’intérêt général avec le service public comme vecteur principal, une affirmation du principe d’égalité qui s’efforce de réunir égalité juridique et égalité sociale par le moyen d’actions positives, une éthique de la responsabilité fondée sur le principe de laïcité (11). Les valeurs du service public théorisées par l’école française du service public : égalité, continuité, adaptabilité, complétées depuis par d’autres valeurs (12). La conception française de la fonction publique repose sur des valeurs propres qui ont été à la base de l’élaboration statutaire de 1983-1984-1986. Premièrement, le principe d’égalité fondé sur l’article 6 de la Déclaration des droits de 1789 évoqué au début de cet article et dont on a déduit que c’est par la voie du concours que l’on doit accéder aux emplois publics, le principe valant également pour les classements de sortie des écoles de la fonction publique et, sous des forme appropriées, pour les promotions en cours de carrière. Deuxièmement, le principe d’indépendance qui peut se référer à la loi sur les officiers de 1834, prévoyant la séparation du grade et de l’emploi caractéristique du système de la carrière ; le fonctionnaire est ainsi protégé des pressions de toute nature et de l’arbitraire administratif. Troisièmement, le principe de responsabilité fondé sur l’article 15 de la Déclaration des droits qui enjoint à l’agent public de rendre compte de l’exécution de sa mission à la société, ce qui suppose, de mon point de vue, qu’il soit un citoyen à part entière. Cette question des valeurs servies par le fonctionnaire est incontournable : la moitié du Livre blanc de Jean-Ludovic Silicani, mandaté par le président de la République pour faire des propositions sur un avenir de la fonction publique statutairement très différent du système en vigueur leur est consacré, sans que l’auteur cependant en tire des conséquences claires dans la formulation de ses propositions (13).
Il est également permis de retrouver la preuve de la forte corrélation valeurs-déontologie dans l’annonce faite par le président de la République, le 19 septembre 2007 à l’Institut régional d’administration de Nantes, d’une « révolution culturelle » dans la fonction publique avec comme proposition emblématique la mise sur le même plan pour l’accès aux emplois publics des concours statutaires et des contrats de droit privé. J’ai, pour ma part, vivement critiqué cette annonce qui ne correspondait à aucun engagement de sa campagne présidentielle (14). Elle annonçait la perspective d’une fonction publique alignée sur le modèle libéral européen dominant, une fonction publique d’emploi, très différente sinon contraire au modèle républicain en vigueur dans notre pays. La crise est venue contrarier le projet présidentiel en ce qu’elle a révélé à l’opinion que l’existence en France d’un service public réunissant le quart de la population active constituait un outil anti-crise particulièrement efficace. On a parlé à ce propos d’ « amortisseur social » du point de vue de l’emploi en raison des garanties fondamentales dont bénéficient les agents sous statuts, du pouvoir d’achat de la masse des rémunérations comme soutien de la consommation et de la production, des systèmes de protection sociale et de retraites encore basés sur le principe de répartition. Je parlerais également d’ « amortisseur social » d’un point de vue éthique, le service public français étant un espace d’intégrité face à l’immoralité spectaculairement affichée par le système financier. On peut penser, dans ces conditions, que si la remise en cause du statut général sera poursuivie par des projets spécifiques (type lois sur la modernisation ou sur la mobilité, ou encore les propositions de loi Gorge ou Poisson dans la fonction publique territoriale), l’attaque frontale du statut général est devenue plus difficile et que le « grand soir statutaire » n’aura pas lieu. Il reste que la question de la déontologie continuera de se poser dans une situation très conflictuelle.
En ces temps de décomposition sociale profonde, marqués par une « perte des repères », le devoir d’obéissance et l’observation des règles de secret, de discrétion, de non cumul, de neutralité risquent fort d’être insuffisants pour guider le fonctionnaire dans l’exercice démocratique et efficace de sa mission de service public. Mais cette situation de crise peut être aussi l’occasion de ne pas réduire l’exercice des missions de service public au simple respect des règles posées par les textes, mais de renvoyer, plus que par le passé, la responsabilité publique vers le citoyen, en l’espèce le fonctionnaire-citoyen. L’autoritarisme et le conformisme – couple infernal dans l’histoire de la fonction publique – sont des contraires de la déontologie d’une citoyenneté pleinement assumée. Le fonctionnaire a le droit et le devoir de forger son opinion sur la politique qu’il est chargé de mettre en œuvre et, le cas échéant, de la critiquer par la voie syndicale ou politique sous des formes appropriées qu’aucune règle juridique, qu’aucun code de déontologie ne parviendront jamais à circonscrire de façon définitive. La bonne exécution des tâches qui lui sont confiées et le développement de l’esprit critique dans l’exécution de ces tâches sont des qualités de service public qui doivent être développées conjointement (15). Je sais, par expérience, que cela conduit parfois à frôler les limites de l’interdit, ce qui suppose esprit de responsabilité et sang-froid. C’est, à mon avis, un risque qu’il faut savoir courir.
(1) A. Le Pors, « Une loi de dénaturation de la fonction publique », La semaine juridique, n° 12, mars 2007.
(2) L’affaire de la nomination de François Perol, directeur général adjoint de l’Élysée, à la tête des Caisses d’épargne et des Banques populaires, marquée par l’avis personnel donné par le président de la commission de déontologie suivi de la démission de deux de ses membres, a montré que l’instrument ne présentait pas, à ce stade, toutes les garanties que l’on pouvait en attendre.
(3) J’ai rejeté à l’Assemblée nationale le 3 mai 1983 un amendement tendant à l’inscription de l’obligation de réserve dans la loi en observant que cette dernière « est une construction jurisprudentielle extrêmement complexe qui fait dépendre la nature et l’étendue de l’obligation de réserve de divers critères dont le plus important est la place du fonctionnaire dans la hiérarchie » et qu’il revenait au juge administratif d’apprécier au cas par cas.
(4à A. Le Pors, « Les fonctionnaires, citoyens de plein droit », Le Monde, 1er février 2008.
(5) Citons notamment le Code de la fonction publique, présenté et commenté par Serge Salon et Jean-Charles Savignac, Dalloz, 9° édition, 2010, auquel l’auteur de cet article se réfère régulièrement.
(6) Par exemple le Code de l’administration par Bernard Stirn et Simon Formery, LexisNexis, Litec, 3° édition, 2008.
(7) Dans l’esprit des Scènes de la jurisprudence administrative de Jean-François Thery illustrant quelques grands arrêts de la jurisprudence administrative, préface de Marceau Long, LexisNexis, Litec, 2008.
(8) Responsabilité et déontologie, Guide de référence pour les chefs de service et l’encadrement, Ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement, janvier 1998.
(9) C’est ainsi que, sous couvert de modernisation, le Conseil de modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007 a, parmi les 96 mesures de réforme de l’État qu’il a retenues, prévu en tête de celles-ci : la suppression du Haut conseil du secteur public, du Conseil national de l’évaluation, du Haut Conseil à la coopération internationale, de huit des neuf centres interministériels de renseignements administratifs (CIRA) ; également : le transfert de la direction générale de l’Administration et de la Fonction publique au ministère du Budget, l’intégration du Comité d’enquête sur les coûts et les rendements des services publics à la Cour des comptes. Ces suppressions et restrictions venant après l’intégration de la direction de la Prévision dans la direction générale du Trésor et de la Politique économique et surtout l’emblématique disparition du Commissariat général du Plan créé au lendemain de la Libération. Ajoutons-y aujourd’hui la délocalisation partielle de l’INSEE à Metz, la suppression de plusieurs dizaines de centres météorologiques départementaux, la perte d’identité des Archives de France (création de la Révolution française) dans une vaste direction du Patrimoine. Ajoutons encore le projet de la loi organique prise en application de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui va supprimer la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), laquelle rendait public les abus des forces de sécurité (mal vue pour cette raison du ministère de l’Intérieur) et la mission de défense des enfants.
(10) La situation des agents de France Télécom en est une illustration
(11) A. Le Pors, La citoyenneté, collection Que sais-je ?, PUF, 3° édition 2002.
(12) R. Denoix de Saint Marc, Le service public ; rapport au Premier ministre, la Documentation française, 1996.
(13) J-L. Silicani, Livre blanc sur l’avenir de la fonction publique, La Documentation française, 2008.
(14) A. Le Pors, « La « révolution » de la fonction publique est une forfaiture », Le Monde, 26 septembre 2007
(15) Qu’il me soit permis ici d’évoquer l’exemple de deux amis appartenant à des familles politiques différentes et qui ont su, chacun à leur manière, témoigner tout à la fois d’un dévouement exemplaire .au service public au plus haut niveau de l’État et d’un engagement politique clairement assumé :
– Bernard Tricot, ancien secrétaire général de l’Élysée sous le général de Gaulle, auteur de Mémoires, éditions Quai Voltaire, 1994. Bernard Tricot est décédé en 2000.
– Jacques Fournier, secrétaire général adjoint de l‘Élysée puis secrétaire général du Gouvernement sous François Mitterrand, pdg de GDF et de la SNCF, auteur de Itinéraire d’un fonctionnaire engagé, éditions Dalloz, 2008.
par expérience, que cela conduit parfois à frôler les limites de l’interdit, ce qui suppose esprit de responsabilité et sang-froid. C’est, à mon avis, un risque qu’il faut savoir courir.
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Chargée de communication au sein de la DRH d’une très grosse collectivité, j’ai une décharge d’activité syndicale. Au titre de l’obligation de réserve, on m’interdit d’agir à l’intérieur de ma Direction. J’ai malgré cela, à la demande d’un agent de ma direction, et au nom de la liberté syndicale, assuré sa défense dans le cadre d’une demande de report de stage…. Je suis aujourd’hui convoquée – de manière informelle – chez mon directeur, qui m’accuse d’avoir fomenté « une intersyndicale en CAP ».
Je ne peux en dire plus sur ce blog au risque d’encourir des sanctions encore plus lourdes mais souhaiterais m’entretenir avec vous des dérives que l’on peut observer au sein de la fonction publique, au nom de ce sacro saint devoir de réserve
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