Pour l’amélioration de l’exercice de la fonction de juge de l’asile[1]
La France garde une tradition de terre d’asile quand bien même elle n’a pas été constante dans cette voie. La Révolution française a solennellement affirmé le principe d’accueil aux combattants pour la liberté. Depuis la seconde guerre mondiale le droit d’asile se développe dans le cadre d’une réglementation internationale largement partagée qui ne fait pas disparaître pour autant la responsabilité de chaque État[2]. Le juge de l’asile exerce ainsi des prérogatives essentielles de souveraineté nationale sur la base de principes : spécificité du droit d’asile, indépendance de la juridiction administrative spécialisée, respect du contradictoire, oralité et publicité des audiences, collégialité des formations de jugement, préservation des droits de la défense.
Le respect de ces principes et le souci d’une amélioration constante de la procédure entrainent pour le juge de l’asile la nécessité d’une réflexion permanente de sa part sur les conditions effectives d’exercice de son activité et le cadre dans lequel elle se développe. Les propositions qui suivent sont présentées dans cet esprit.
* Sur la situation en amont de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA)
La compétence du tribunal administratif sur les recours exercés contre les refus d’admission sur le territoire doit être maintenue contrairement à l’objectif de la proposition de loi, pendante devant le Parlement, prévoyant de transférer cette compétence à la CNDA.
Le champ de la procédure prioritaire doit être restreint et le recours devant la CNDA, dans cette circonstance, devenir suspensif au nom des principes de non refoulement et d’égalité de traitement des demandeur.
L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) doit être rattaché, non au ministère de l’Intérieur, mais au ministère des Affaires étrangères ou, subsidiairement, au ministère de la Justice.
La présence d’un conseil lors de l’entretien à l’OFPRA doit être autorisée.
* Sur l’instruction du recours devant la CNDA
Le demandeur d’asile doit bénéficier de l’aide d’un interprète pour l’instruction en défense.
Le délai de recours devant la CNDA doit être rétabli à deux mois, « standard usuel » au sein de la juridiction administrative.
Dans ces conditions, l’aide juridictionnelle doit effectivement être demandée dans le mois suivant la date de notification de l’enregistrement du dépôt du recours.
Les ordonnances dites « nouvelles » (absence de réponse sérieuse à la motivation de la décision de rejet de la demande par l’OFPRA) doivent être supprimées et remplacées par une procédure allégée devant la formation collégiale.
Le délai de convocation à l’audience doit être allongé selon les possibilités de la Cour au-delà du délai de droit commun de sept jours devant la juridiction administrative.
* Sur la tenue de l’audience
Le rapporteur, qui est un fonctionnaire, présente en séance publique une analyse complète de l’affaire devant la formation de jugement, dans un rapport de synthèse qui ne propose pas de conclusion anticipant le délibéré et la décision de la formation de jugement.
Un statut d’emploi de rapporteur, ou tout autre système aboutissant au même résultat, doit être institué pour faire face aux variations conjoncturelles des effectifs de demandeurs d’asile. Aucun contractuel ne doit être recruté dans un emploi permanent du service public de l’asile.
La CNDA doit apporter son aide à la formation d’avocats compétents en matière de droit d’asile, afin de réduire la concentration actuelle du nombre de dossiers sur un faible nombre d’avocats spécialisés.
* Sur les questions générales de la juridiction et du droit d’asile
La notion de pays d’origine sûrs doit être abandonnée.
La notion d’asile interne doit être abandonnée.
La durée du titre de séjour de la protection subsidiaire doit être portée d’un an à dix ans, la durée réduite actuelle n’ayant pas de véritable justification.
Le nombre de jugements prononcés en sections réunies doit être augmenté et les demandes de réexamen facilitées plutôt que de créer un deuxième degré de juridiction du droit d’asile.
Les études sur le droit d’asile doivent être encouragées et la statistique de l’asile devant la CNDA améliorée.