Le statut de la fonction publique territoriale a déjà trente et un ans.. Il porte sur l’ensemble des règles régissant la carrière des agents des collectivités, devenus fonctionnaires à part entière. L’ancien ministre communiste du gouvernement Mauroy, Anicet Le Pors, a été l’instigateur de ce véritable « big bang ». À 84 ans, ce docteur en sciences économiques revient sur son combat de tous les jours pour préserver et développer le service public de la République.
Gaston Defferre, Anicet Le Pors, René Bidouze, Olivier Schrameck à l’Assemblée nationale le 27 juillet 1981 à l’ouverture du débat sur la loi de décentralisation du 2 mars 1982
« La loi fondatrice du statut de la fonction publique du 26 janvier 1984 a été pensée, écrite – avec René Bidouze mon directeur de cabinet et ancien dirigeant des fonctionnaires CGT, Robert Chéramy de la Fédération de l’éducation nationale et Jeannette Laot, dirigeante de la CFDT- et votée par l’Assemblée nationale d’union de la gauche, grâce au soutien du Premier ministre Pierre Mauroy. Le président Mitterrand, qui, disons-le franchement, se fichait comme d’une guigne de la fonction publique a fait une erreur de jugement en prédisant que cette loi n’aurait pas une longue vie. Trente-deux ans plus tard, l’architecture juridique du statut tient toujours debout. Certes, ce n’est plus tout à fait le même car les offensives libérales de la droite ont été importantes. Notamment pour tenter de renforcer la relation contractuelle contre la position statutaire du fonctionnaire. Mais le service public reste un formidable « amortisseur social » dans la crise. Aujourd’hui, se pose la question d’un grand dessein pour le service public avec la mise en place de chantiers structurels permettant son adaptation au monde moderne. Et la crise de civilisation que nous connaissons nous conduit à envisager son avenir d’une manière renouvelée. La crise et la précarisation qu’elle entraine ont pour effet, plus que dans le passé de faire apparaître la fonction publique comme une privilégiature en raison notamment de la garantie de l’emploi. Cette appréciation est injuste car nombre de fonctionnaires vivent difficilement. À l’inverse, c’est la base législative de la situation des salariés du privé qu’il convient de renforcer dans une véritable sécurisation des parcours professionnels. La crise a ainsi pour conséquence une « perte des repères » pour les citoyens qui touche spécialement les fonctionnaires dans la mesure où ils sont au premier rang pour défendre l’intérêt général et le bien commun. Chacun pourra s’interroger sur sa propre expérience, mais pour ma part, ma longue trajectoire dans la fonction publique – ingénieur à la Météorologie nationale, chargé de mission au ministère de l’Économie et des Finances et chargé de cours à l’École supérieure de sciences économiques et sociales – me conduit à considérer que notre époque est marquée par un profond délitement de l’esprit civique jusqu’aux plus hauts niveaux de l’administration. Les convictions républicaines sont hésitantes, voire fébriles et la suffisance presque justifiée. Où sont, aujourd’hui, les esprits vigiles tels que Marcel Paul, René Cassin ou François Bloch-Lainé ? Où est cette éthique républicaine nourrie du programme humaniste du Conseil national de la résistance ? Et ce n’est pas par hasard que l’on voit fleurir les prescriptions des codes de déontologie au lieu d’en appeler à la responsabilité propre de chacun, que l’idéologie managériale prétend supplanter l’esprit de service public. Comme l’a écrit Victor Hogo : « La forme c’est du fond qui remonte à la surface. » Une question se pose : de quels fonctionnaires avons-nous besoin ? Fort de mes convictions qui demeurent plus que jamais communistes, je pense que le fonctionnaire citoyen du XXI° siècle devrait être une femme, un homme, ayant une réflexion personnelle, le courage de défendre ses idées avec la volonté de les promouvoir dans la solidarité ».
Prenant connaissance d’un propos du Président de la République selon lequel ″Mme Le Pen parlecomme un tract communiste des années 70″, nous tenons à dire notre incompréhension et notre indignation. Appartenant à l’époque au Parti communiste, nous nous sentons insultés. Car rien ne peut justifier une comparaison aussi odieuse qu’absurde. Si la réalité avait été dans les années 70 celle qu’évoque François Hollande , aurait-on eu une entente entre le PC et un PS dirigé par François Mitterrand qui a permis la victoire de 1981 ? Sûrement pas. Que François Hollande mésestime ainsi l’Histoire, au moment où Mme Le Pen déploie ses efforts pour capter les suffrages des couches populaires, ne peut manquer de poser question.
Instigateur le statut général des fonctionnaires dans le deuxième gouvernement Mauroy, Anicet Le Pors est, à plus de 80 ans, un militant clairvoyant qui appelle les défenseurs des services publics à une rigueur intellectuelle de tous les instants pour contrer les adulateurs du marché.
La Fonction publique chevillée au corps
Comme il se plaît à le rappeler, Anicet Le Pors est avant tout un fonctionnaire, puisqu’il a passé 62 ans de sa vie au service du public, que ce soit en tant qu’ingénieur à la météorologie nationale, économiste au ministère des finances, élu et conseiller d’État ou encore en tant que juriste à la Cour nationale du droit d’asile. Mais, à l’occasion de la sortie de son livre, coécrit avec Gérard Aschieri et traitant des services publics de demain, c’est pour notre part l’ancien ministre communiste de la Fonction publique, au temps de l’Union de la gauche (1981-1984), que nous avons voulu rencontrer.
Des agents sujets ou citoyens ?
Ce qui frappe d’emblée à la lecture du livre, c’est cette constitution progressive en France d’une conception propre de l’action publique et la lente émergence d’une Fonction publique adossée à un statut protecteur. Selon Anicet Le Pors, seul un éclairage à la fois historique et conceptuel, peut permettre d’éclairer les questions qui se posent aujourd’hui et « d’éviter du même coup aux défenseurs de la Fonction publique de se cantonner dans une simple posture défensive ».
« Le premier véritable statut, celui de la Fonction publique d’État, créé en 1946 par Maurice Thorez et Michel Debré, allait à contre-pied d’un siècle et demi » marqué par la conception du « fonctionnaire-sujet ». Les pouvoirs publics, au nom du sacro-saint service de l’État, exigeaient des agents l’obéissance la plus aveugle et les privaient de nombreux droits tels que le droit syndical ou encore le droit de grève. L’aboutissement de cette logique fut, en 1941, le statut imposé par Vichy aux fonctionnaires suspectés de velléités subversives par le régime né de la défaite.
Le statut de 1946 constitua à ce titre une sortie par la loi du « statut-carcan » que les gouvernements successifs avaient voulu imposer et que dénonçaient les syndicats de la FPE depuis des décennies. La compréhension de l’agent comme « fonctionnaire-citoyen » était avant tout jurisprudentielle, mais les concepteurs du texte de 1946 s’appuyaient également sur différents textes de loi tels que celui de 1834 distinguant le grade qui appartenait à l’agent et l’emploi qui était à la discrétion de l’État. Aux dires du militant communiste de fraîche date qu’était alors Anicet Le Pors, « l’arrivée au pouvoir de De Gaulle a fait craindre un retour en arrière », mais l’ordonnance du 4 février 1959 préservait finalement les acquis essentiels du statut de 1946 en se contentant de fixer une nouvelle répartition entre ce qui relevait de la loi d’un côté et du décret de l’autre.
« En 1981, nous nous sentions les héritiers des conceptions prônées à la Libération », souligne Anicet Le Pors qui devint alors ministre de la Fonction publique et des réformes administratives. Lui et son équipe s’entendaient à réaffirmer les principes de 1946 en optant pour quatre choix décisifs : consacrer la notion de « fonctionnaire-citoyen » qui plaçait les agents dans une situation statutaire et réglementaire par rapport à l’administration, offrir à tous les agents une carrière en étendant les garanties de la FPE aux agents publics territoriaux et hospitaliers, affirmer l’unité statutaire de la FP dans le respect de sa diversité et enfin mettre en exergue trois principes fondamentaux. Ces trois principes étaient à nos yeux l’égalité (d’accès au grade et de traitement), l’indépendance (face à l’arbitraire administratif et aux pressions extérieures) et la responsabilité (impliquant la capacité d’initiative de l’agent).
Le statut général des fonctionnaires
René Bidouze
Pour unifier les trois FP – ce qui était l’ambition d’Anicet Le Pors –, une condition était nécessaire : « avoir les idées claires ». Bravant la consigne gouvernementale qui interdisait la nomination de syndicalistes aux postes clés, le ministre avait désigné comme directeur de cabinet René Bidouze, ancien secrétaire général de l’UGFF-CGT qui venait de rédiger un ouvrage dont le titre pointait le nœud du problème, puisqu’il s’intitulait Fonctionnaires, sujets ou citoyens ? Avec lui à ses côtés, Le Pors mettait toutes les chances de son côté, car le tandem savait ce qu’il fallait faire pour la FPE. Il fallait « réintroduire dans la loi ce qui en avait été écarté par l’ordonnance de 1959. Il fallait par ailleurs introduire le droit de grève, la liberté d’opinion assurée à tous les agents, ainsi que la capacité de négociations des fédérations syndicales en matière de rémunérations de conditions et d’organisation du travail », toutes choses qui étaient formellement absentes des précédents textes statutaires. Le Pors avait sur ce point le soutien de Pierre Mauroy, fonctionnaire lui-même et lié à la FEN d’alors.
Il était plus difficile de bouger les lignes pour les deux autres versants de la FP. Les territoriaux, par exemple, voulaient bien devenir fonctionnaires, mais ils s’interrogeaient sur ce que serait l’évolution de leurs relations avec des élus plutôt hostiles à la réforme. Gaston Deferre, le ministre de l’Intérieur, jouait sur ses craintes dans le débat sur la loi de décentralisation, car il voyait d’un mauvais que la nomination à certains postes clés puisse lui échapper dans sa commune de Marseille. Les agents de la FPH ont quant à eux tardé à se rallier au nouveau dispositif. En 1984, l’unité était finalement acquise, même si certains agents, tels que ceux des établissements de recherches étaient positionnés en position fortement dérogatoire par rapport au statut général.
Mais l’histoire du statut, c’est aussi l’histoire des coups qui lui ont été portés. La droite gaulliste ne lui était pas foncièrement hostile. « Lors du débat parlementaire, des orateurs qui s’en prenaient au projet de loi, créant à leurs dires, un statut « communiste » ou « socialiste », le faisaient au nom du statut de 1946 », se souvient Anicet Le Pors ! Mais dès la première cohabitation (1986-1988), « la droite libérale, avec le soutien de nombreux élus, reprit la main ». La loi Galland du 13 juillet 1987 a élargi le recours possible aux contractuels et surtout remplacé la liste par ordre de mérite des candidats reçus à un concours par une liste alphabétique permettant aux élus de choisir discrétionnairement leurs collaborateurs, éventuellement sur la base d’affinités politiques. C’est ce qu’on appelle le système des « reçus-collés » qui ne garantit pas forcément au major d’un concours d’être nommé dans un emploi.
Un acquis à défendre… et à promouvoir !
« L’enjeu depuis trente ans est, pour les adversaires du statut, de revenir sur le choix fait en 1981 ». Le statut a tenu bon en raison des principes solidement ancrés dans l’histoire, de la solide architecture juridique retenue et d’un large soutien des fonctionnaires et de l’opinion publique. Néanmoins, 225 modifications législatives ont été apportées au statut dont beaucoup sont des dénaturations. Outre la loi Galland, Michel Rocard avait, en 1989, avancé la notion de « métier » relevant davantage d’une fonction publique d’ « emploi » que d’une fonction publique de « carrière ». En 2003, un rapport du Conseil d’État a préconisé de faire du contrat une « source autonome du droit » de la FP. En 2007, Nicolas Sarkozy a appelé à une « révolution culturelle » en proposant de mettre sur le même plan que le concours un recrutement par voie de contrat de droit privé négocié de gré à gré. Aux dires d’Anicet Le Pors, « si la tonalité a changé avec le pouvoir actuel, on doit regretter qu’il ne revienne par sur les atteintes portées au statut et qu’il ne manifeste que peu d’ambition pour ouvrir des chantiers structurels de modernisation de la FP et des perspectives offertes aux fonctionnaires ».
L’ancien ministre fait sienne la formule de Gérard Aschieri selon laquelle le statut n’a rien d’un musée. Selon lui, « il faut naturellement que la Fonction publique évolue, ne serait-ce que parce que son fonctionnement détermine la vie de 5, 4 millions de salariés ». Le statut doit notamment accompagner les évolutions technologiques. Un texte qui n’évolue pas risque en effet la sclérose. Mais pour qu’une modification soit légitime, il faut qu’elle ait en ligne de mire l’intérêt général, notion contradictoire, au cœur du débat public et donc des luttes politiques.
Si l’on se projette dans l’avenir, on doit également poser la question des échelles idoines pour mettre en œuvre de nouveaux services publics. En effet, il est maintenant indiscutable que des ressources naturelles telles que l’eau, mais aussi bon nombre de connaissances, constituent des biens communs de toute l’humanité. Ce constat pose la question de la formation de services publics mondiaux et souligne le besoin de réglementations internationales face aux tenants du « laisser faire ». « La Fonction publique est à l’avant-garde de la mondialisation. C’est pour cela que, Gérard Aschieri et moi, nous parlons volontiers du XXI siècle comme d’un « âge d’or » du service public », note Anicet Le Pors. Le premier pas dans le sens de cette prise de conscience collective, ajoute-t-il non sans malice, « c’est peut-être de convaincre les fonctionnaires eux-mêmes » qu’une alternative au libéralisme est non seulement souhaitable, mais aussi possible.
Éléments biographiques
– 1931 : naissance à Paris dans un milieu imprégné de catholicisme social.
– 1953 : adhésion à la CFTC et au mouvement de la Jeune République.
– 1955-1958 : adhésion à la CGT, puis au PCF.
– 1953-1965 : ingénieur à la Météorologie Nationale.
– 1965-1977 : économiste chargé de mission au ministère des Finances.
– 1977-1981 : sénateur des Hauts-de-Seine.
– 1981-1984 : ministre de la Fonction publique et des Réformes administratives.
– 1985-1998 : conseiller général des Hauts-de-Seine.
– 1985-2000 : conseiller d’État.
– 1993-1994 : départ du PCF.
– 2000-2013 : membre de la Cour nationale du droit d’asile.
« Avec Thomas Piketty pas de danger pour le capital au XXI° siècle »
Frédéric Lordon est un bon économiste qui produit souvent des analyses pertinentes sur la situation économique mondiale, la crise dans l’Union européenne et les politiques conduites en son sein, notamment en France.
Dans la dernière livraison du Monde diplomatique il entreprend une sévère critique du best seller mondial Le Capital du XXI° siècle de Thomas Piketti, clin d’œil facile à l’œuvre de Marx. La critique est étayée mais n’est pas exempte, elle-même, de réserves.
Frédéric Lordon conteste avec raison le contresens de Piketty qui analyse le capitalisme sur plusieurs siècles comme s’il s’agissait d’un mode de production immuable, invariant depuis l’origine des temps. Mais il propose à l’inverse une période de dix ans qui serait, selon lui, la bonne durée pour définir, mettre en œuvre et évaluer une politique économique. C’est une erreur symétrique, une critique du capitalisme ne peut être confinée dans une période si courte.
Il semble contester l’idée même de lois économiques qui trouveraient leur légitimité dans la seule sphère de l’économie pour expliquer la marche de la société. C’est effectivement une prétention classique des économistes mathématiciens (pour Edmond Malinvaud, par exemple, qui vient de disparaître et que j’ai eu comme professeur, ce qui n’était pas économique était résidu aléatoire). Avec raison il montre l’importance des superstructures, des luttes sociales, de l’ensemble des paramètres externes à la sphère économique. Mais est-ce une raison de mettre en cause l’existence de cycles, par exemple, qui n’expliquent pas tout mais peuvent le faire en partie et servir d’hypothèses de travail (depuis 1945 nous avons connu un premier cycle de 30 ans d’économie administrée, suivi d’un autre cycle de 30 ans libéral et l’on évoque aujourd’hui, dans la crise, le « retour de l’État »).
Il souligne avec vigueur et justesse une série d’évènements ou de réalités qui ont modifié les états des lieux : 1936, le programme du CNR, le rôle de l’URSS, les changements institutionnels, la décolonisation, etc. On pourrait ajouter, à la limite, la Programme commun de la gauche des années 1970.
Il fait une critique du thème de la lutte contre les inégalités qui met l’accent sur les inégalités de fortunes et de revenus plutôt que le conflit central du capital et le travail, les caractéristiques structurelles des sociétés qui sont au fond de toutes les inégalités. Un développement particulièrement intéressant est fait sur la fiscalité comme moyen de redistribution ne remettant nullement en cause les structures sociales profondes.
On regrettera que Frédéric Lordon n’évoque la mondialisation que sous l’angle financier alors qu’elle concerne toute la vie des sociétés. C’est là une insuffisance qui prive l’action politique d’une forte argumentation progressiste.
De même, s’il accorde avec justesse beaucoup d’importance aux « transformations structurelles », il ne dit mot de celles qui devraient être retenues pour s’affranchir du capitalisme : quelles institutions, quelles relations internationales, quelles rapports à la nature. On notera tout particulièrement son silence absolu sur le régime de la propriété au sujet de laquelle le parti socialiste proclamait autrefois : « Là où est la propriété, là est le pouvoir ! ».
Il se réfère pourtant à Marx. Mais on a le sentiment d’une interprétation quelque peu simpliste, conséquence peut être d’une découverte assez récente.
Cela dit, c’est une analyse courageuse qui manquait face au concert de louanges qui a accompagné la promotion du livre de Piketty plein d’ambiguïtés. À l’instar des travaux de Terra Nova il s’inscrit dans une stratégie de justification de l’adhésion de la social-démocratie au libéralisme économique.
« Saisonniers : quelles mesures pour sortir de la crise ? »
Un statut pour les travailleurs saisonniers du tourisme
À l’initiative de Michelle DEMESSINE alors chargé du ministère du Tourisme, un rapport a été élaboré en 1998 intitulé Propositions pour l’amélioration de la situation sociale et professionnelle des travailleurs saisonniers du tourisme. Ce rapport a été publié à la Documentation française en 1999.
te mission a donné lieu à une très large concertation avec tous les acteurs du secteur. Il a abouti à 31 propositions très précisément analysées dans les objectifs et les moyens, couvrant aussi bien la statistique du secteur que de l’emploi et de la formation, la lutte contre le « travail au gris », le logement, les transports, la médecine du travail, les salaires, le dialogue social et le droit syndical.
Aussi sérieusement que ces propositions aient été établies, la liste de ces 31 propositions ne nous donnait pas totalement satisfaction en raison de leur caractère essentiellement analytique qui ne traduisait pas suffisamment la dimension politique de la situation des travailleurs du secteur et la cohérence et l’unité des solutions proposées.
Je me suis gardé longtemps de parler de « statut » pour ne pas accréditer l’idée que, ancien ministre de la Fonction publique, je voulais faire des saisonniers des fonctionnaires. Mais ce sont les saisonniers eux mêmes et leurs organisations syndicales qui ont fini par dire « ce qu’il nous faut c’est un véritable » statut » ». Certes, le mot était pris dans une autre acception que celle du Statut général des fonctionnaires, mais l’intention était claire : sécuriser les parcours professionnels et améliorer les conditions matérielles et morales de ces activités, notamment par la loi et le règlement.
ela nous a conduit à présenter nos propositions en cinq volets :
1° Appliquer effectivement le droit existant.
2° Réactiver les négociations collectives.
3° Élaborer un projet de loi reprenant l’ensemble des questions s étudiées.
4° Prendre les mesures réglementaires nécessaires : pour les dispositions législatives et réglementaires des projets ont été rédigés.
5° Développer les partenariats entre l’État et les acteurs du secteur.
C’est finalement cet ensemble, voulu cohérent, que nous avons appelé « statut des travailleurs saisonniers du tourisme ».
* D’ou ma première conclusion : qu’est-ce que tout cela est devenu ? Un inventaire rapide serait sans doute utile indiquant ce qui a été réalisé, ce qui ne l’a pas été et pourquoi ? Ce qui était pertinent et ce qui ne l’était pas et pourquoi ? Un inventaire qui pourrait être un nouvel état des lieux et un nouveau départ sur la base d’un nouveau rapport.
* Ma seconde conclusion tient à l’extension du débat, 17 ans plus tard, de la question de la précarité au travail. La question était au cœur des négociations sur l’accord national interprofessionnel (ANI) de janvier 2013 (loi du 11 juin 2003). Mais elle a conduit aussi certaines organisations syndicales a proposer un « nouveau statut du travail salarié » ou, mieux, une véritable « sécurité sociale professionnelle ». Je préfère pour ma part parler d’un « statut des travailleurs salariés du secteur privé » dans l’esprit de la voie ouverte par le « statut des travailleurs saisonniers du u tourisme ». Cette réflexion sur les saisonniers pouvant d’ailleurs être étendue aux travailleurs saisonniers d’autres secteurs, agricole notamment.
On le voit, aujourd’hui comme hier, il est très important de réfléchir à la situation des travailleurs saisonniers du tourisme que j’avais à l’époque qualifiés de « prolétaires des temps modernes ». Ils demeurent aujourd’hui la caricature des travailleurs précaires. Ce qui justifie fondamentalement l’intérêt de ce colloque.