Macron et le statut des fonctionnaires : « Il échouera … » l’Humanité, 15 février 2018

 

 

 

Les remises en question du statut mettent-elles en danger la fonction publique ? 

 

La conception française du service public est l’aboutissement dune histoire longue caractérisée par des tendances lourdes : une sécularisation du pouvoir politique depuis la fin du Moyen Âge entrainant un développement de l’appareil d’État et des collectivités publiques, une socialisation croissante des financements devant répondre à des besoins fondamentaux en expansion continue, une affirmation originale des concepts d’intérêt général, de service public (l‘expression apparaît dans les Essais de Montaigne en 1580 ) et de fonction publique. C’est en ce sens que le statut général des fonctionnaires de la loi du 19 octobre 1946, élaboré sous l’autorité de Maurice Thorez avec un soutient syndical déterminant est considéré comme fondateur de la conception française, démocratique et moderne de la fonction publique. Il n’est au pouvoir de personne aujourd’hui d’inverser ce mouvement de fond de l’histoire.

Le statut n’en reste pas moins un enjeu politique majeur. Le statut de 1946 a été abrogé par l’ordonnance du 4 février 1959 qui en a conservé cependant les dispositions essentielles. Le statut initié par la loi du 13 juillet 1083 a complété et approfondi la conception originelle inspirée du programme du CNR en même temps qu’il en a étendu le champ aux agents des fonctions publiques territoriale, hospitalière et de recherche, regroupant ainsi 20% de la population active. Ce statut fédérateur est le résultat de quatre choix : celui du fonctionnaire-citoyen qui en appelle à sa responsabilité plutôt qu’à son obéissance, le choix du système de la carrière garant de la neutralité de l’administration et de l’indépendance du fonctionnaire, le choix d’un équilibre pertinente entre unité et diversité par la mise en place d’une fonction publique « à trois versants », enfin le choix d’établir cette architecture sur des principes républicains ancrés dans l’histoire.

On comprends qu’une telle construction idéologique et juridique qui, dans un environnement libéral dominé par la finance internationale, tend à développer une logique de service public voire de dé-marchandisation soit inadmissible pour les dominants. Le statut a été constamment attaqué depuis 1983. Par la loi Galland du 13 juillet 1987 visant la fonction publique territoriale. Par l’appel à une « révolution culturelle » de Nicolas Sarkozy avançant l’idée d’un « contrat de droit privé négocié de gré », solution reprise aujourd’hui par Emmanuel Macron. Mais, face à la crise financière de 2008, il a échoué, chacun reconnaissant dans l’ampleur de notre service public et l’existence du statut, un efficace « amortisseur social ». François Hollande a manqué de courage pour revenir sur les 225 dénaturations du statu opérées en 30 ans, et d’ambition pour lancer le moindre chantier de modernisation de la fonction publique.

Emmanuel Macron a jugé le statut « inadapté » durant sa campagne et prévu la suppression de 120 00 emplois. Après la réforme du code du travail et la prenant comme référence sociale, il s’attaque maintenant aux statuts en général et spécialement au statut législatif des fonctionnaires par la mise en place d’un Comité d’action publique pour 2022, dit CAP22, analysé dans ces colonnes ( voir l’Humanité du 5 novembre 2017), véritable « machine de guerre »  contre le service public, ce que confirment les dernières annonces gouvernementales : substitution de contractuels aux fonctionnaires, plans de départs volontaires, rémunération discrétionnaire au mérite, etc. Mais les fonctionnaires en ont connu d’autres. Comme ses prédécesseurs réactionnaires de l’histoire longue, il échouera.

« Évolution et avenir de la Fonction publique » – Municipalité de Bonneuil-sur-Marne – 6 février 2018

 

Évolution et avenir de la Fonction publique

 

Cette rencontre sur l’avenir du service public est particulièrement importante au moment ou la fonction publique disparaît de l’énoncé des ministères constitutifs du gouvernement pour être englobée au sein ministère chargé de l’Action et des Comptes publics. Le service public est ainsi réduit à la dépense publique pour être plus aisément stigmatisé en escamotant l’essentiel : le service de la population.

lus généralement, la dépense publique et la réduction du nombre des fonctionnaires ont occupé une place majeure dans le débat politique des derniers mois. Il s’accélère aujourd’hui. Pour s’interroger sur son avenir, je pense qu’il convient de situer le service public dans l’histoire longue, puis d’analyser plus précisément son évolution au cours des dernières décennies afin d’éclaire l’état des lieux auquel on aboutit, et c’est sur cette base que l’on peut raisonner utilement sur ses perspectives.

Au risque de surprendre je pense tenir un discours optimiste, mais sous réalisation de certaines conditions dont nous aurons à débattre.

 

de g. à d. : M. Hassani, Directeur général, M. Douet, Maire, Anicet Le Pors

1. L’expansion de l’administration dans l’histoire

1.1. Une sécularisation du pouvoir politique

Dès la fin du Moyen Âge, le roi n’est plus seulement souverain « par la grâce de Dieu » mais en raison de sa propre autorité (Philippe le Bel). Sous la monarchie absolue, on assiste à une autonomisation de l’appareil d’État qui s’accompagne d’un renforcement administratif (Louis XIV). Les Lumières conduisent à la désignation du Peuple comme souverain (Jean-Jacques Rousseau, Du Contrat social, 1762). L’État est enjeu de pouvoir des citoyens aux XIX° et XX° siècle. La sécularisation est portée aujourd’hui au niveau mondial. On va ainsi de l’hétéronomie à l’autonomie de da société (Marcel Gauchet).

1.2. Une socialisation du financement des besoins fondamentaux

Dépenses publiques et prélèvements obligatoires croissent inéluctablement de ce fait en raison d’une socialisation accentuée des financements sociaux. Ces derniers passent de 10% du PIB au début du XX° siècle à 45 % aujourd’hui marquant la nécessité d’une couverture sociale de plus en plus élevée des besoins fondamentaux. Les effectifs d’agents publics passent, en France, de 200 000 au début du XX° siècle à 5,6 millions aujourd’hui. Pour autant la France se situe dans la normalité des pays développés avec, en 2015 ; selon l’OCDE, 126 agents pour 1000 habitants dans les secteurs non marchands (131 aux États Unis) dont 83 dans la fonction publique (37, 30 et 16 respectivement dans les trois fonctions publiques de l’État, territoriale et hospitalière). Une récente étude de France-Stratégie confirme cette situation[1]. Ce qui caractérise la France c’est le principe statutaire du fonctionnaire (nature législative du statut).

1.3. La création historique de concepts et des principes

L’intérêt général n’est pas la somme des intérêts particuliers, un simple optimum social économique. Selon le juge administratif c’est au politique de le définir ; il peut varier, dans le temps, dans l’espace, il n’est pas toujours dégagé des transcendances, de l’hétéronomie. Le service public est, à l’origine, une notion simple devenue complexe ; théorisé par l’École de Bordeaux (intérêt général, personne morale de droit public, droit administratif) il est couvert par l’impôt et dispose de prérogatives ; son succès en élargit le champ, le rend plus hétérogène et ouvre la voie au contrat. L’Union européenne complique son affirmation. Deux lignes de force caractérisent l’évolution de la fonction publique : autoritaire avec le fonctionnaire-sujet et responsable avec le fonctionnaire-citoyen, ce dernier s’impose dans le statut fondateur de 1946. L’avènement de la V° République et le mouvement social de 1968 en conserveront les principales dispositions. Mais il y a une certaine contradiction entre l’évolution à long terme et celle des trois dernières décennies.

 

2. Les régressions sous l’ultralibéralisme

2.1. La situation au début des années 1980

 Le secteur public étendu est conforté par de nouvelles nationalisations en 1982. L’administration d’État (CGP, DATAR, RCB …) est confortée par la réforme territoriale de l’Acte I. Le statut fédérateur des fonctionnaires de 1983 s’organise selon plusieurs choix (fonctionnaire-citoyen, système de la carrière, équilibre unité-diversité, principes républicains : égalité, indépendance, responsabilité). Les syndicats sont très influents.

2.2. La régression libérale

 Puis le secteur public est affaibli par privatisations et dérégulations. La gestion administrative est déstabilisée par la LOLF, la RGPP et l’idéologie managériale (NPM). Le statut des fonctionnaires subit des offensives (1987, 2003, 2007) et dénaturations (225 législatives en 30 ans), mais manifeste solidité et adaptabilité. Le service public est regardé comme un « amortisseur social » dans la crise financière de 2008. La fonction publique territoriale est la cible principale par son implication dans une réforme territoriale déstabilisatrice (niveaux économiques favorisés, métropoles).

2.3. État des lieux

Sous le quinquennat de François Hollande on a assisté à la poursuite de l’affaiblissement du secteur public, aucune réforme administrative d’envergure (MAP) mais pas non plus d’attaque frontale contre le statut général. On relèvera la faible portée de la loi Lebranchu du 20 avril 2016 et des autres initiatives (rapport Pêcheur, mission Valls au CESE). Les caractéristiques observées traduisent un manque de courage et d’ambition. La relance des attaques anti-fonctionnaires s’accentuent après la réforme du code du travail. Le service public et la fonction publique sont plus que jamais des enjeux politiques.

La politique de Macron peut être ainsi résumée : ferveur pour l’élitisme, collectivités territoriales mises au pas, Parlement abaissé, Gouvernement aux ordres, exécutif opaque et autoritaire, «jupitérien ». Dans un premier temps il s’est cantonné à la réforme du code du travail. Mais il avait déjà jugé durant la campagne présidentielle le statut général des fonctionnaires « inapproprié » et prévu une réduction de 120 000 emplois, décidé de contraindre les collectivités territoriales dans la gestion de leurs personnels, notamment par la diminution des crédits de 13 milliards, le recours accentué au spoil system concernant les postes de hauts fonctionnaires, envisagé la différenciation de la valeur du point d’indice selon les fonctions publiques, etc.

La stratégie macroniste est devenue plus claire à l’automne 2017 avec le lancement du CAP22. Derrière un affichage d’objectifs d’une grande banalité et l’installation d’un comité technocratique qui doit remettre un rapport fin mars 2018[2], se profile une contestation de la place du service public dans la société et le développement d’une logique de marché. Une campagne idéologique est d’ores et déjà lancée depuis début février. Elle tend à la réduction du champ statutaire aux fonctions régaliennes et à la généralisation de relations contractuelles dans la majeure partie du service public placées dans le cadre des dispositions du code du travail. Mais il convient cependant de se garder de faire preuve de défaitisme : en tout état de cause, le long terme n’est pas invalidé.

3. Des perspectives pour les services publics de demain 

3.1. Des actions immédiates

La situation statutaire nécessite un assainissement et l’élimination des dénaturations (loi Galland, amendement Lamassoure, etc.). Les revendications du personnel sont du domaine syndical.

3.2. Mettre en place des chantiers structurels

 La question de la propriété publique reste posée. La réforme administrative et la réforme territoriale appellent une clarification. Dix chantiers ont été présentés au CESE[3] : rétablir les moyens d’expertise des collectivités publiques, gestion prévisionnelle des effectifs, dispositifs de mobilité, multi-carrières, circonscription des contractuels, égalité femmes-hommes, numérique, relations internationales, concertation. Une question décisive doit être simultanément abordée  : le statut législatif des travailleurs salariés du secteur privé. La CGT a tenu un important colloque le 21 janvier 2017 pour le 70° anniversaire du statut général de 1946 pour renforcer l’unité des fonctionnaires des trois versants et la convergence des actions des travailleurs des secteurs public et privé.

3.3. De la « métamorphose » à l’ « âge d ‘or »

Nous sommes dans une situation de « décomposition sociale » profonde et de « métamorphose ». Récusation de la fin de l’histoire et de la prévalence de l’idéologie ultralibérale managériale. Vers un monde d’interdépendances, de coopérations, de solidarités. Le XXI° siècle peut et doit être l’ « âge d’or » du service public[4].

 

(1) France Stratégie – Tableau de bord de l’emploi public – décembre 2017.

(2) A. Le Pors, « CAP22, une machine de guerre contre le service public », L’Humanité , 3 novembre 2017.

(3! Voire leur explicitation sur mon blog.

(4) On lira le développement de ces idées dans : Anicet Le Pors, Gérard Aschieri, La fonction publique du XXIe siècle, Éditions de l’Atelier, 2016.

États généraux du progrès social – PCF, 3 février 2018

Contenu développé de l’intervention dans la vidéo d’introduction de la séance plénière(voir l’Humanité du 5 février 2018).

 

1/ Comment vont les services publics et la fonction publique ? 

La France dispose de services publics importants tant dans les administrations de l’État, des territoires, des établissements hospitaliers et de recherche, de puissantes entreprises publiques. C’est l’aboutissement d’une longue histoire fondée sur des principes républicains d’égalité, d’indépendance et de responsabilité – une fonction publique efficace et intègre établie par un statut, une loi et non un contrat. Le statut général des fonctionnaires de 1946, élaboré sous l’autorité de Maurice Thorez, ministre de la Fonction publique et secrétaire général du Parti communiste et soutenu activement par la CGT a été fondateur. Le statut de 1983 actuellement en vigueur a approfondit cette conception et l’a étendu, il a été fédérateur.

Mais les services publics manquent aujourd’hui des moyens nécessaires pour répondre pleinement aux besoins fondamentaux de la population Les fonctions publiques font l’objet d’attaques, les fonctionnaires de dénigrements alors que toutes les enquêtes montrent que les Français sont attachés aux services publics et ont dans l’ensemble une bonne opinion des agents du service public, des fonctionnaires

La fonction publique est donc un enjeu politique majeur.

 

2/ Quels sont les combats qui sont face à nous ? 

Les attaques contre la fonction publique n’ont jamais cessé. Dès la cohabitation 1986-1988, la loi Galland s’est attaqué à la fonction publique territoriale. On se souvient que, à peine élu Nicolas Sarkozy en avait appelé en 2007 à une « révolution culturelle » dans la fonction publique pour contester le statut et mettre les fonctionnaires sous contrats de droit privé. Il a échoué car, dans la crise financière de 2008, l’opinion publique a défendu l’idée qu’avec un secteur public étendu la France disposait d’un efficace « amortisseur social » de la crise. Le statut des fonctionnaires n’a pas été attaqué frontalement sous Hollande mais ce dernier a totalement manqué de courage et d’ambition.

Macron, lui, est un adversaire résolu de tous les statuts et un partisan déclaré du marché généralisé et du contrat pour tous au niveau de protection sociale le plus bas possible. Il a jugé le statut général des fonctionnaires inadapté et annoncé la réduction de 120 000 emplois dans la fonction publique. Mais il s tenu compte de l’expérience sarkozyste et il avance masque. Il amis en place une véritable machine de guerre contre les services publics, le Comité d’action publique pour 2022 dit CAP 22 dont l’objectif est de réduire la fonction publique aux fonctions dites régaliennes (police, justice, armée, administrations centrales …), tout le reste, c’est-à-dire 90%, étant placé sous conventions collectives et contrats individuels négociés de gré à gré. Il espère ainsi en finir avec le statut des fonctionnaires issu de la Libération, couvrant aujourd’hui quelque 5; 6 millions de salariés, le service public avec les salariés des entreprises publiques représentant un quart de la population active en France. Tel est le cadre général des combats à venir.

 

3/ Quelle protection sociale pour le XXIe siècle ? 

Le pouvoir macronien voudrait accréditer l’idée selon laquelle le marché capitalitse serait « la fin de l’histoire », l’horizon indépassable de la modernité. Il n’en est tien. Nous sommes aujourd’hui en réalité dans une période de pertes de repères, mais surtout comme l’a dit Edgard Morin de « métamorphose ». Un monde nouveau est à venir dont les caractéristiques émergent déjà sous nos yeux. Un monde fait de toujours plus d’interconnections, d’indépendances, de coopérations, de solidarités nécessaires. Or tous ces mots se condensent en France dans une expression, une idée : le service public qui a une longue histoire et est promis à un grand avenir. J’ai la conviction que le XXIe siècle sera l’ « âge d’or » du service public, car là est la modernité, la démocratie et la paix. Il reste à en convaincre les usagers ; les élus, les agents, les fonctionnaires et toute la population. Comme aurait dit le général de Gaulle : « vaste programme ! »

« La crise du service public n’est pas une fatalité, mais une question de volonté politique » – VOIX DE L’HEXAGONE, Entretien avec Anicet Le Pors

Propos recueillis par Ella Micheletti et Pierre-Henri Paulet.

https://voixdelhexagone.wordpress.com/2018/02/02/la-crise-du-service-public-nest-pas-une-fatalite-mais-une-question-de-volonte-politique-entretien-avec-anicet-le-pors/

Anicet Le Pors a été, sous le gouvernement Mauroy, ministre délégué auprès du Premier ministre (1981-1983) puis secrétaire d’État (1983-1984) chargé de la Fonction publique et des Réformes administratives. Cet économiste de formation, qui n’a jamais été un homme d’appareil, reste un électron libre de la politique française. Il continue de s’exprimer assidûment sur son blog et de sillonner la France pour évoquer les sujets qui lui sont chers : la fonction publique et le droit d’asile.

 

Voix de l’Hexagone : Les EHPAD étaient en grève mardi pour protester notamment contre le manque de personnel et l’alignement progressif des dotations du public sur le privé. Les hôpitaux sont à bout de souffle et manquent de moyens. Du côté des services pénitentiaires, les gardiens de prison dénoncent leurs conditions de travail. La gestion de la SNCF fait quant à elle l’objet de vives critiques depuis quelques semaines. Assiste-t-on à une crise paroxystique des services publics ?

 

La grève des surveillants de prison a attiré l’attention sur la précarisation des services pénitentiaires

Anicet Le Pors : Ce n’est pas une crise objective, c’est comme ça parce que des puissants le veulent. Ce n’est pas une fatalité. Laurent Berger qui était mardi matin sur France inter a dit des choses banales mais justes : « Il y a un budget de l’État français, où va l’argent ? » S’il ne veut pas le mettre dans les EHPAD, s’il ne veut pas le mettre dans les prisons, bien évidemment ça crée une crise. C’est une question de volonté politique, c’est incontestable. On peut arguer de la dette, il n’en reste pas moins que la France consacre un effort important au service public, en comparaison d’autres pays. Lors de la crise de 2008, les journalistes ont parlé « d’amortisseur social », s’agissant du service public en raison de sa dimension (sa masse salariale, l’emploi garanti, la protection sociale, les retraites). C’est effectivement un amortisseur social. Il y a à la fois en France un effort qui résulte de l’histoire, d’une tradition, de services publics importants, d’un appareil d’État important, d’une vie locale importante et de socialisation des services hospitaliers grâce à l’Église qui, jusqu’à la moitié du XIXe siècle, avait la main sur ces services-là comme c’est toujours le cas en Allemagne. L’Église y a créé des associations avec lesquelles l’État passe contrat : il n’y a donc pas de prélèvements obligatoires correspondant à cet effort des associations, qui trouvent leurs ressources directement… C’est pour cela que le taux de prélèvements allemand est bien plus bas qu’en France.

VdH : Emmanuel Macron a promis de réduire de 120 000 le nombre total d’agents publics d’ici 2022 : seraient supprimés 50 000 postes dans la fonction publique d’État, et 70 000 dans la fonction publique territoriale. Qu’est-ce qui justifie cette politique ?

A.L.P. : Il ne faut pas nécessairement fétichiser cette annonce d’Emmanuel Macron. Pourquoi a-t-il fait ça ? Parce que toute la droite le faisait. Il a voulu montrer qu’il n’était pas aussi droitier que les annonces faites pour la primaire par les candidats de droite. Il a fait a minima la même chose que la droite a fait, mais le a minima signifiant qu’il était moins de droite que les autres. À mon avis, c’est une question de positionnement. Bien entendu, il va essayer de le faire, mais vous avez vu que pour la première année, c’est insignifiant. Son vrai problème est profondément idéologique et politique. C’est un homme du libéralisme, du marché. Ce qu’il veut, c’est tirer les conséquences de ce postulat de base sur des services publics qui sont, de son point de vue, pléthoriques en France et qui pour une bonne partie d’entre eux doivent rejoindre l’économie de marché. D’où des mots comme « le statut de fonctionnaire est inapproprié », prononcés pendant sa campagne. Il a affirmé dans un article du Point cet été qu’il était contre – c’est intéressant car il l’a dit en anglais – les insiders, ceux que Raymond Barre aurait appelés les nantis, ce qui veut dire les gens protégés, les gens à statut. Il est contre les statuts : les statuts réglementaires des grandes entreprises publiques et surtout le statut des fonctionnaires. Sa vision est aussi celle de la vice-présidente de l’Assemblée Nationale, Cendra Motin, qui dans un article pour Le Monde du mois d’août a déclaré : « La fonction publique, c’est comme un groupe : il y a une holding et puis des filiales. Et les filiales sont les différentes fonctions publiques. ». Donc la vision d’En Marche ! est celle-ci : la fonction publique ne doit pas être différente du privé, elle doit être organisée comme le privé, avec le nouveau management public comme instrument idéologique pour gérer ce grand ensemble.

VdH : C’est la France des start-up finalement…

A.L.P. Oui c’est exactement ça. Mais c’est aussi la France à l’allemande car en Allemagne, c’est comme ça. On y trouve une fonction publique réglementée, puisque 700 000 fonctionnaires sont sous statut pour une population supérieure à la France. Chez nous, le chiffre correspondant est 5,6 millions. Ça ne veut pas dire que les Allemands ont moins d’agents publics, à l’exception des services hospitaliers dont j’ai parlé tout à l’heure. Mais moins d’agents publics sous statut. C’est ce que veut faire Emmanuel Macron.

« La vision d’En Marche ! est celle-ci : la fonction publique ne doit pas être différente du privé, elle doit être organisée comme le privé, avec le nouveau management public comme instrument idéologique »

VdH : Le statut des fonctionnaires est donc régulièrement attaqué. Comment évolue-t-il sous la Ve République ?

A.L.P. : La loi du 19 octobre 1946 a été le statut fondateur de la catégorie des fonctionnaires, tandis que le statut des employés des entreprises publiques était, lui, réglementaire. Ce statut de 1946 a été annulé et révisé par l’ordonnance du 4 février 1959 de De Gaulle, mais sur le fond il n’a pas été changé ; l’ordonnance était simplement une conséquence de l’installation de la Ve République. Quand j’ai été ministre délégué en charge de la fonction publique, le gouvernement a conservé les principes de 1946 mais en concevant un statut fédérateur qui a été approfondi : nous y avons mis par exemple le droit de grève (qui n’était que d’origine jurisprudentielle), la liberté d’opinion, le pouvoir de négociation reconnu aux organisations syndicales. On a surtout étendu le statut à la fonction territoriale. C’est cela qui pose problème aujourd’hui : ce serait une « anomalie ». D’ailleurs, le Conseil d’État a utilisé cette expression dans certains de ses rapports. Le statut a été attaqué dès la première cohabitation, puis par le rapport Pochard du Conseil d’État en 2003 qui a voulu faire du contrat une source autonome du droit de la fonction publique. Ensuite, nous avons assisté à la tentative de « révolution culturelle » de Nicolas Sarkozy en 2007 qui a échoué. Il était prévu qu’elle soit suivie d’un Livre blanc de Jean-Ludovic Silicani, mon collègue au Conseil d’État, finalement mis à la poubelle en raison de la crise financière. Macron a tenu compte de tout cela pour dessiner sa stratégie.

J’ai été surpris par Emmanuel Macron car je m’attendais à ce qu’il attaque le statut tout de suite pour en faire un symbole. Il a sans doute préféré installer une grande référence sociale par la réforme du Code du travail avant de tenir un raisonnement simpliste mais qui va marcher dans l’opinion : « Il y a un nouveau Code du travail rénové, c’est la référence. Alors pourquoi y’a-t-il cette exception de la fonction publique ? » Il a retenu la leçon qu’il était dangereux, en France, d’attaquer le statut de front alors il a conçu un leurre : le CAP22. C’est un comité technocratique dont les membres sont absolument inconnus. Il va procéder à des auditions. Ça ne débouchera sur rien sui generis mais les conclusions sont déjà prêtes : ce sont celles d’Edouard Philippe et d’Emmanuel Macron. Ils voudront aller vers une fonction publique de 600 000 à 700 000 personnes, sous statut mais avec des statuts qui ne seraient pas les mêmes qu’aujourd’hui, avec une plus grande réglementation du droit de grève (ce qui se fait déjà comme conséquence de la Loi sur la Sécurité intérieure), avec probablement plus de sévérité dans le contrôle de la liberté d’expression (on va reparler de l’obligation de réserve).

Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics et Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances

Donc, dans un premier temps, il y a le leurre du CAP22. Dans un second temps, je pense qu’il va y avoir une grande campagne idéologique, pour tenter de stigmatiser cette « anomalie » des personnels à statut. La troisième et dernière étape sera la mise en place de ce nouveau statut. Ce n’est pas la première fois qu’on s’y essaye : Gérard Longuet, alors député, avait été l’auteur d’une proposition de loi à la fin des années 1970 pour promouvoir un statut à l’allemande, ce qui lui a probablement coûté sa réélection.

VdH : Au ministère puis au secrétariat d’État à la Fonction publique, vous avez contribué à l’essor des services publics à l’échelle des collectivités. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur votre action et plus généralement sur les services publics territoriaux ?

A.L.P. : À l’époque, dans les collectivités, personne n’était prêt à devenir fonctionnaire. François Mitterrand avait décidé d’accorder la priorité à la décentralisation, dont il avait chargé le ministre de l’Intérieur Gaston Deferre. Dans l’article 1er de la loi du 2 mars 1982 (« Acte I » de la décentralisation) il était fait mention de « garanties plus importantes pour les agents publics ». Je me suis donc senti concerné et me suis interrogé sur la traduction effective à donner à ces garanties. Le Code des communes caractérisait une fonction publique d’emplois et, d’ailleurs, les agents publics de ces collectivités ne se considéraient pas comme fonctionnaires. Il se définissaient comme « assimilés » et ne demandaient pas un statut de fonctionnaire. Les élus s’opposaient également à toute une réglementation venue d’en haut. Or, j’ai pensé qu’en laissant faire, nous aurions deux fonctions publiques en France : la fonction publique d’État couverte par la loi et une fonction publique d’emplois qui comporterait bien moins de garanties, avec le risque, à terme, que le mauvais statut finisse par chasser le bon. Je défendais l’unité, Defferre la diversité. Alors, j’ai demandé à Pierre Mauroy, lui-même fonctionnaire d’État et maire de Lille, d’intervenir dans la discussion. Il m’a autorisé à intervenir après le projet Defferre. J’en ai profité pour déclarer qu’il n’y aurait pas deux fonctions publiques en France et que la seule envisageable était celle qui offrait le maximum de garanties aux agents : ce ne pouvait donc être qu’une fonction publique de carrière. Puisque personne au gouvernement n’a moufté, j’ai pu considérer que la parole avait été donnée. Cela a abouti à la décision de Mauroy de faire une fonction publique à trois versants (puisque se sont ajoutés les hospitaliers), traduite par quatre lois. La première d’entre elles a constitué le « Titre Ier » du statut des fonctionnaires, regroupant leurs droits et obligations communs. Aujourd’hui, les 5,6 millions de fonctionnaires bénéficient de ce statut, même s’il faut préciser que, sur ce chiffre, 900 000 agents sont des contractuels de droit public. Toutes les associations d’élus, à l’époque, se sont montrées défavorables au statut unique des fonctionnaires. Celles qui étaient proches du PS ou du PCF ont dû faire profil bas mais elles étaient mécontentes.

« Philippe et Macron voudront aller vers une fonction publique de 600 000 à 700 000 personnes, avec des statuts qui ne seraient pas les mêmes qu’aujourd’hui, avec une plus grande réglementation du droit de grève, avec plus de sévérité dans le contrôle de la liberté d’expression »

Le grand progrès à mes yeux, c’est que trente-cinq ans plus tard, les élus, quel que soit leur bord politique, sont d’accord avec ce statut. Ils y voient désormais une sécurité juridique dans un monde troublé. Ça les a aussi déchargés d’une prise de responsabilité personnelle. Dans le même temps, les agents publics territoriaux ont compris tout le parti qu’ils avaient à tirer d’être classés au même niveau que les fonctionnaires de l’État. Le principe de libre administration des collectivités territoriales tend même à les avantager : par exemple, quand Nicolas Sarkozy a voulu réduire la fonction publique, il n’a pas pu empêcher le recrutement de fonctionnaires au niveau territorial puisque ce sont les élus locaux qui décident ! Enfin, la fonction publique territoriale est très novatrice : elle regroupe aujourd’hui une extraordinaire diversité de métiers .

VdH : Instauré sous le quinquennat Sarkozy, le jour de carence des fonctionnaires a été supprimé par François Hollande mais rétabli dans la loi de finances pour 2018 par la majorité LREM. Pour le ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin, cette mesure est destinée à combattre le « micro-absentéisme » dans la fonction publique. Est-ce vraiment la solution ?

A.L.P. : Il y a une part démagogique dans l’agitation autour de cette problématique. J’ai souvenir d’enquêtes qui m’avaient paru sérieuses et qui concluaient que le jour de carence avait plutôt aggravé l’absentéisme : les gens, au lieu de prendre un jour, en prenaient huit ! Je crois que c’est une sorte de stigmatisation facile dont on peut douter de l’efficacité au regard de l’intention manifestée. A priori, s’il n’y avait pas autour des fonctionnaires tout cet environnement polémique, je ne serais pas contre le principe d’un jour de carence.

VdH : La semaine dernière, l’Assemblée nationale a voté une autre promesse de campagne du candidat Macron : le « droit à l’erreur » pour les administrés dans leurs relations avec l’administration. Jugez-vous cela comme un vecteur de bonnes relations entre les Français et les services publics ?

A.L.P. : De nombreuses mesures de ce type sont envisageables. Par exemple, après mon départ du gouvernement, a été faite une chose que je n’avais pas moi-même mise en œuvre : obliger les fonctionnaires à porter leur nom en badge. Je ne suis pas contre, quoique si le fonctionnaire est consciencieux et l’usager de bonne volonté, ce dernier n’a pas besoin d’avoir le pédigré de la personne qui est en face. Mais ce n’est pas mauvais en soi. Simplement, ça n’a rien de fondamental. Le droit à l’erreur c’est pareil. Il faut surtout se demander : à qui cela va bénéficier principalement ? Aux simples usagers ou à de grandes entreprises qui vont pouvoir profiter d’optimisations en se trompant délibérément mais en sachant qu’elles pourront justifier l’erreur par la bonne foi ? On peut au minimum se poser la question…

VdH : La notion de « service d’intérêt général » (SIG) promue par l’Union européenne a-t-elle beaucoup contribué à affaiblir le « service public » tel que nous l’entendions dans la tradition politique et juridique française ?

A.L.P. : Oui, c’est certain. Il me revient d’ailleurs un souvenir : un président de section a dit un jour à la tribune du Conseil d’État : « L’Union européenne fait pire qu’être hostile au service public tel que nous le concevons en France : elle l’ignore. » On s’est aperçu en France, sur le tard, que cette notion de service public qui nous est si familière ne l’est pas du tout dans d’autres pays. L’Union européenne a théorisé son « service d’intérêt général » en distinguant le volet des services nécessaires, le volet des services obligatoires (par exemple la communication, l’armée, la police, etc.) et un troisième volet purement financier, avec une contrainte d’obligation d’équilibre, la partie privatisée du service public qui a même été rebaptisée « service d’intérêt économique général ». Il a fallu atteindre le traité de Lisbonne en 2008 pour que soient enfin mentionnés dans une annexe les services non-économiques d’intérêt général… Alors que le service public représente tout de même pour une bonne part des services non-économiques d’intérêt général ! De plus, la Cour de Justice de l’Union européenne a adopté des décisions qui forment une jurisprudence dont l’esprit est le suivant : la règle est la concurrence, mais cela ne doit pas contrarier les missions d’intérêt général. Il y a donc un inversement de la priorité connue en France, où l’intérêt général est supérieur à la somme des intérêts particuliers.

VdH : Vous avez été syndiqué à la CFTC puis à la CGT, et longtemps membre du Parti Communiste. Que reste-t-il aujourd’hui de la capacité de mobilisation des syndicats et plus largement de la gauche sur un enjeu aussi crucial que la survie des services publics ?

A.L.P. : Dans l’immédiat, gardons en tête que Macron n’est pas sûr de réussir… Sarkozy, après tout, a échoué sa « révolution culturelle » alors qu’il avait devant lui un boulevard, mais il n’a pas prévu la crise de 2008. Emmanuel Macron prend un risque en faisant durer le plaisir : plus il laisse le temps passer, plus le contexte se dégrade pour les dirigeants et plus il devient difficile de contrarier une opinion publique qui trouve des ressorts de défense du service public et de soutien des fonctionnaires. Ceux-ci sont d’ailleurs les seuls – avec les employés des entreprises publiques – à pouvoir faire grève sans que cela leur coûte trop cher. Macron a adopté une démarche intelligente avec le leurre du CAP22. Il ne choque personne pour le moment et les conclusions seront rendues au mois de mars mais ne vont pas éclore avant l’été. C’est à l’automne que devraient venir les premières décisions. Quelle sera alors sa situation à l’automne 2018 ?

Il peut se passer beaucoup de choses imprévisibles car la conjoncture est aléatoire. Aujourd’hui, c’est vrai, les syndicats sont paralysés : la base ne répond pas. Mais il ne faut pas sous-estimer l’effet d’accumulation, les rancœurs, les frustrations, chez les syndiqués, chez les dirigeants syndicaux et dans la population en général. Pour l’instant, beaucoup se disent qu’il faut laisser Macron faire son expérience en pensant, après tout, qu’il peut réussir. Quand on s’apercevra – ce que je crois – que ça ne marche pas que peut-il se passer ? Là se posera la question du panorama politique qui va s’établir à partir du champ de ruines sur lequel on est. Moi, je n’en sais rien. C’est pourquoi je pense qu’il faudra donner la priorité à l’action idéologique. Un XXe siècle de nature prométhéenne s’est écroulé. Il avait été dominé par le marxisme, ce qui a engendré l’idéologie messianique des lendemains qui chantent, ou encore l’État-providence. Il y avait là une sorte de fatalité de l’évolution de l’espèce humaine qui relevait de la foi. Mais tout cela s’est écroulé. Je reprends tout le temps cette formule de « siècle prométhéen » que l’on doit à René Rémond. C’était un siècle expérimental, avec ses valeurs, mais qui n’a pas pu opérer la « métamorphose » dont parle Edgar Morin aujourd’hui.

VdH : Peut-on penser à nouveau la société, malgré cet effondrement idéologique ?

A.L.P. : J’ai écrit un livre en 1993 – au moment où je quittais le Parti Communiste et que tout s’écroulait – qui s’intitulait Pendant la mue, le serpent est aveugle. C’est une phrase d’Ernst Jünger. Elle a pour but de dire qu’il est normal qu’après le siècle prométhéen on soit engagé dans une période trouble. Lors de la mue, la peau morte du serpent ne sert plus à rien et la nouvelle n’est pas acquise : c’est un phénomène observé, le serpent est aveugle et particulièrement vulnérable pendant cette période. On ne passe pas d’une civilisation à une autre sans cette transition qui est une période de faiblesse, de désarroi, de perte de repères. Pour commencer à mettre en place le renouveau, c’est un corpus théorique qu’il faut établir. De manière générale nous manquons d’idées. Nous avons de bons intellectuels qui essaient d’avancer, chacun dans leur domaine. Je suis proche intellectuellement, par exemple, de Marcel Gauchet, également de Régis Debray et même, à certains égards, d’Alain Finkielkraut. Mais ils sont sectorisés : aucun n’est capable de fédérer. Je crois d’ailleurs que dans le monde nouveau, personne ne sera capable de fédérer autour d’un corpus, comme l’avait fait Marx, voire Keynes.

« Nous sommes dans une situation de bas-empire, à la fois désolante car nous avons perdu toutes nos certitudes mais extraordinairement intéressante car pleine de contradictions »

Que faut-il faire ? Choisir des idées de base dont on pense qu’elles seront les piliers de la construction à venir. Le libéralisme nous dit : « C’est la fin de l’histoire, le capitalisme est définitivement installé, l’horizon est indépassable. » Je pense que la réalité d’aujourd’hui contredit déjà cela. Nous vivons dans un monde d’interdépendances, de connexions, de coopérations, de solidarités, y compris dans des traductions capitalistes. Il n’y a jamais eu autant de liaisons entre les hommes qu’en ce moment. Nous assistons à l’avènement d’un sujet de droit qui s’appellera le genre humain. Il faut réfléchir sur les choses dont on pense, en tout état de cause, qu’elles survivront : le service public en est une, à mon avis. Pour que cela devienne une réalité, il faut d’abord théoriser le service public, en prenant en compte ce qui est nouveau.

Pour nos institutions, c’est pareil. Il ne suffit pas de parler de « VIe République », comme tout le monde le fait, de mettre des numéros… L’essentiel serait de se mettre d’accord sur quelques questions essentielles : Quel contenu donne-t-on à la souveraineté nationale et populaire ? Quelles sont les traductions de la démocratie directe ? Quelle est la forme du régime : parlementaire ou présidentielle ? Quel mode de scrutin adopter ? Qui détient l’exécutif ? Essayons de réaliser des consensus point par point ! Quand un accord minimal sur ces cinq ou six points sera obtenu, alors on pourra faire une Constitution. Il n’y a jamais eu de changement de République en France sans un consensus pour récuser les institutions en place, sans un consensus sur ce que l’on veut faire ensuite, sans même qu’il y ait du sang dans la rue.

Nous sommes dans une situation de bas-empire. Cette époque est à la fois désolante car nous avons perdu toutes nos certitudes mais extraordinairement intéressante car pleine de contradictions.

 

Entretien réalisé à Paris le 30 janvier 2018.