Bretagne et Fonction publique – Bretagne-Ile de France, avril 2018

 

En 1982, ministre de la fonction publique et des réformes administratives du gouvernement dirigé par Pierre Mauroy, après l’élection de François Mitterrand à la Présidence de la République le 10 mai 1981, je me suis intéressé aux Instituts de préparation à l’administration générale (IPAG) dont la particularité était de permettre à des jeunes et moins jeunes ayant, pour des raisons diverses, interrompu des études, de les reprendre en préparant des concours d’entrée dans la fonction publique. Il y en avait une vingtaine dans toute la France. Ayant examiné les résultats obtenus par ces établissements, je me suis aperçu que le plus performant était celui de Brest dirigé par un professeur de lettres des universités, Yves Moraud. Je l’ai contacté pour le féliciter, à la suite de quoi il m’a demandé de venir faire une conférence dans son institut, ce qui m’était d’autant plus facile et agréable que cela me permettait de faire une halte dans ma résidence bretonne de Plouvien. De là est née une forte amitié avec cette personnalité brestoise, qui n’était pas d’origine bretonne, mais qui a pendant longtemps animé la vie culturelle à Brest et dans la région, notamment dans l’organisation des expositions de l’Abbaye de Daoulas. Lien malheureusement rompu par son décès en 2014, mais dont je garde le la mémoire.

J’évoque ce souvenir personnel pour illustrer l’intérêt que portent les Bretons et les Bretonnes au service public et à ce qui en est le coeur, la fonction publique. Je suis assez bien placé pour attester que nos compatriotes occupent une très grande place, plus importante, à mon avis, que le poids démographique de la population bretonne dans l’ensemble de la population française. Il y a sans doute plusieurs facteurs qui peuvent expliquer ce constat, sans doute, dès le début du XXe siècle, un moyen d’émancipation permettant à nos aïeux de s’extraire de la misère paysanne – ce fut le cas de mes parents, mon père entrant aux chemins de fer en 1929 – mais aussi un adhésion forte à l’idée d’intérêt général défini au niveau national et au service publique qui en est l’instrument majeur, à commencer par l’éducation, la défense, les transports, la santé, bref tous les lieux d’exercice de la fonction publique, qu’il s’agisse des grandes administrations nationales déconcentrées ou des services publics locaux. Sans qu’il soit besoin de donner des noms, il y a aussi de très nombreux hauts et hautes fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales d’origine bretonne qui exercent des fonctions administratives majeures de la République. Toutes et tous, à quelque niveau hiérarchique qu’ils se situent, portent évidemment une attention particulière aux politiques publiques qui sont mises en œuvre dans la fonction publique par les gouvernements successifs quelle que soit leur couleur politique.

Mais avant d’aborder le situation actuelle, il n’est peut être pas inutile de rappeler quelques points d’histoire afin d’éclairer le présent. Si la Révolution française a supprimé les privilèges et posé des principes essentiels pour l’accès aux emplois publics (égalité, indépendance, responsabilité), le XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle ont été dominés par une conception hiérarchique et autoritaire de la fonction publique. Après la deuxième guerre mondiale, dans l’esprit du Conseil national de la Résistance (CNR), c’est le ministre d’État, Vice-président du conseil, Maurice Thorez, chargé de la fonction publique qui, avec le soutien syndical parvint à faire adopter, à l’unanimité de l’Assemblée nationale, un statut général des fonctionnaires par la loi du 19 octobre 1946 qui lui permettait de conclure à un premier pas vers « la libération” du fonctionnaire, enfin considéré comme un homme et non comme le rouage impersonnel de la machine administrative». Lors de l’avènement de la Ve République, l’ordonnance du 4 février 1959 abrogea ce statut mais en conserva les dispositions essentielles. L’alternance de 1981 permit d’ouvrir un nouveau chantier statutaire et si le statut de 1946 doit être considéré comme « fondateur » de la conception française moderne de la fonction publique, celui qui a été inauguré par la loi du 13 juillet 1983 peut être qualifié de « fédérateur » en ce que, d’une part il a approfondi le statut en y introduisant des garanties qui ne s’y trouvaient pas antérieurement (droit de grève, liberté d’opinion, garantie de mobilité capacité de négociation, accès à la formation permanente, etc.) et que, d’autre part il a étendu le statut général, au sein d’une fonction publique « à trois versants », aux agents publics territoriaux et à ceux des établissements publics hospitaliers et de recherche soit 5,5 millions de fonctionnaires à part entière (malgré la présence de 17% contractuels, pour l’essentiel de droit public) soit 20% de la population active du pays, désormais protégés par la loi, condition d’une administration, neutre, intègre et efficace[1].

Dans un contexte économique et politique dominé par le libéralisme, le service public, et donc le statut général des fonctionnaires dont la vocation est l’intérêt général et non la rentabilité financière, est un enjeu politique majeur. Aussi ne faut-il pas s’étonner que le statut ait été remis en cause de manière constante par les partisans de la concurrence et du marché généralisé, soit sous forme d’offensives brutales, soit par des « transformations souterraines » visant à le « détricoter » (225 modifications législatives en 30 ans, la plupart des dénaturations). Dès 1987, une loi, dite loi Galland, s’en prend à la fonction publique territoriale pour en réduire les garanties. En 2003, le Conseil d’État lui-même met en avant le contrat de droit privé comme mode d’accès aux emplis publics. En 2007, Nicolas Sarkozy appelle à une « révolution culturelle » dans la fonction publique et reprend la proposition du recrutement par contrat de droit privé, mais il doit vite y renoncer car, dans la crise financière de 2008, l’opinion publique reconnaît dans le service public étendu existant dans notre pays un efficace moyen anti-crise, un véritable « amortisseur social », selon l’expression retenue par de nombreux journalistes. On regrette que le quinquennat de François Hollande ait manqué de courage en ne revenant pas sur les atteintes antérieures portées au statut et d’ambition en n’ouvrant aucun véritable chantier de modernisation de la fonction publique. Cela dit, prenons acte que ce statut, promis en 1985 à un disparition rapide, ait fait, au bout de 33 ans, et dépit de la multiplicité des blessures, la preuve de sa solidité et, quoiqu’on dise, de son adaptabilité.

L’actuel Président de la république, Emanuel Macron, avait dans sa campagne de l’élection présidentielle, clairement indiqué son hostilité aux statuts législatifs (les fonctions publiques) et réglementaires (les entreprises publiques et les organismes publics), jugeant notamment le statut général des fonctionnaires  « inapproprié » et prévoyant la suppression de 120 000 emplois. Il y a eu préalablement la réforme du code du travail consistant en une descente dans la « hiérarchie des normes » privilégiant le contrat individuel d’entreprise afin de répondre à la demande des chefs d’entreprise, mais aussi pour tenter de faire de ce contrat une référence sociale susceptible d’être généralisée à l’ensemble des salariés des secteurs privé et public. Dès le mois de septembre dernier, le premier ministre, Édouard Philippe, a mis en place une stratégie complexe dont la pièce maitresse est un Comité d’action publique 2022, dit CAP22, chargé de faire des propositions pour réduire la dépense publique pouvant comporter « des transferts au secteur privé, voire des abandons de missions ». Sans attendre les conclusions d’un rapport que devait lui remettre ce CAP22, le premier ministre a annoncé, le 1er février, les premières décisions du gouvernement : plans de départ volontaires de fonctionnaires, recrutement accéléré de contractuels, rémunérations dites « au mérite », multiplication d’indicateurs de performance, etc. C’est le lancement de la croisade anti-statuts promise par le président Emmanuel Macron. Première cible : le statut des cheminots, décision emblématique mise en avant dans le cadre d’une réforme d’ensemble de la SNCF analysée par l’éditorial de notre président Gérard Réquigny dans notre numéro de mars. En même temps, sont annoncées plusieurs privatisations dans le secteur des transports et d’autres. Suivront de nouvelles remises en cause de statut en attendant celle de la pièce maitresse : le statut général des fonctionnaires. L’ensemble concerne directement la situation professionnelle de près de 7 millions de salariés du secteur public; mais c’est en réalité toute la population qui voit ses conditions matérielles et morales d’existence menacées[2].

Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Déjà de nombreux mouvements s’organisent pour défendre et promouvoir les services publics. Nul doute que la Bretagne, qui sait ce qu’elle doit et ce qu’elle a apporté aux services publics et qu’il ne faut pas gâcher, saura prendre sa place dans cette démarche salutaire. Nous aurons l’occasion d’y revenir, car … « Ce n’est qu’un début… », comme on disait en 1968 dont c’est le 50e anniversaire.

 

[1] Gérard Aschieri et Anicet Le Pors, La fonction publique du XXIe siècle, Éditions de l’Atelier, Paris, 2015.

[2] On pourra lire un développement de cet article dans : Anicet Le Pors, « Fonction publique, de la loi au contrat », Le Monde diplomatique, avril 2018.

Colloque des Organismes Employeurs de l’Économie Sociale (GOEEES) – 20, 21, 22 mars 2018

Table ronde 1 :HISTORIQUE ET ENJEUX DES DEVELOPPEMENTS EN MATIERE DE DROIT DU TRAVAIL

Le droit du travail n’est pas simplement un gros livre rouge dont on supprime ou ré écrit les articles. C’est un code de conduite qui fixe les droits et les devoirs des deux parties prenantes dans le monde du travail : les salariés et les employeurs. Les répercussions des articles de cet ouvrage et la jurisprudence qui se construit quotidiennement, ont des répercussions bien au-delà de la porte de.l’entreprise.

 

ALP – « Le rapprochement de certaines dispositions pourrait conduire à s’interroger sur la source de la loi.

– article 1103 du code civil : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

– article 6 de la déclaration des droits de l’homme de 1789 : « La loi est l’expression de la volonté générale ». Elle est votée par le Parlement selon l’article 24 de la constitution ; son champ est défini par l’article 34.

Alors qui fait la loi ? Quelle hiérarchie établir entre les règles posées par la démarche contractuelle et celle découlant de la loi ?

Paradoxalement, les lois El Khomri et Pennicaud ont permis de mettre de la clarté sur une question qui était jusque-là affaire de juristes en raison de la primauté donnée au contrat individuel d’entreprise conduisant à une diminution des garanties et tendant à faire de ce contrat la référence sociale susceptible d’être généralisée au privé mais aussi au public.

On en tire logiquement que la solution souhaitable est la solution inverse, celle qui fait remonter dans la hiérarchie des normes, c’est-à-dire la consolidation des garanties dans la loi. C’est ainsi que j’ai considéré les lois Auroux comme progressistes. C’est aussi le sens que j’ai donné à un article que j’ai écrit pour la Revue du travail dans son numéro de mars 2010 sous le  : « Pour une statut des travailleurs salariés du secteur privé ».

Cela est d’autant plus nécessaire que l’on assiste aujourd’hui à une tendance à déclassifier les normes du droit positif sous différentes formes généralement d’origine anglo-saxonne comme : la validation législative ou réglementaire des accords contractuels, théorie des apparences, le droit souple, etc. »

Intervenants : Jean Auroux ; Christophe Baumgarten, Valérie Pringuez

 

Table ronde 2 :EESS – ENTREPRISES PRIVEES – FONCTION PUBLIQUE : CONVERGENCES NECESSAIRES

L’économie sociale ne vit pas enfermée sur elle-même. Si les autres secteurs de l’économie la laissent de côté, alors l’existence même de l’ESS perd tout son sens. L’ESS a les mêmes problématiques que les autres économies, prenons en compte sa spécificité.

 

ALP «  Cette table ronde met l’accent sur la nécessaire convergence des intérêts et des actions des différents secteurs dans le cadre plus général d’une convergence privé public.

Les deux secteurs se sont mutuellement aidé dans le passé se prenant alternativement comme référence. Le privé a été une référence pour le public en matière de droit de grève et de droit syndical reconnus respectivement en 1864 et 1884, alors que le fait syndical n’a été reconnu qu’en 1924 par le Cartel des gauches pour les fonctionnaire et le droit de grève admis par la jurisprudence en 1950 (arrêt Dehaene) et inscrit dans le statut général en … 1983. Le privé a aussi souvent servide référence en matière de sécurité et de conditions de travail, je pense par exemple au droit de retrait longtemps ignoré dans le secteur public. A l’inverse, le public a été également novateur pour tous en définissant la notion de « minimum vital » (on dirait aujourd’hui le SMIC) à l’article 32 du statut général des fonctionnaire de la loi du 19 octobre 1946. On pourrait aussi rappeler la « grève par délégation » de 1995. Plus généralement le statut général des fonctionnaires est de référence lorsque l’on parle de dé « sécurisation des parcours professionnels ». La solidarité est fructueuse pour rous.

C’est pourquoi la notion de hiérarchie des normes peut être utile pour situer les enjeux. Il y a de la précarité dans le service public. Sur les 5,5 millions de fonctionnaires ou assimilés dans les statistiques il y a 27 % de contractuels, la plupart de droit public, mais de plus en plus de droit privé ; la précarité touche aussi particulièrement les femmes. Certes la plupart des salariés du secteur public se trouvent en haut de la hiérarchie des normes mais depuis plus de trois décennies les gouvernements successifs ont multiplié les réformes pour les faire descendre dans la hiérarchie des normes afin de rejoindre, si possible le privé après la récente réforme du code du travail. Tirer tout le monde vers le bas c’est en effet une manière de réaliser l’égalité des salariés. Mais cela indique aussi que le progrès c’est, en même temps que d’améliorer les accords contractuels du niveau le plus élevé de la branche, de renforcer la base législative d’un nouveau code du travail, ce que certains ont appelé une « sécurité sociale professionnelle ».

La violente attaque du président de la République et du gouvernement contre menée depuis plusieurs semaines contre les statuts montre bien quel est l’enjeu : c’est de faire du contrat individuel de droit privé négocié de gré à gré la référence sociale majeure, le paradigme de l’ensemble du monde salarial. Par là il nous indique le chemin progressiste : une remontée pour tous dans la hiérarchie des normes dans le respect de la spécificité du service de l’intérêt général. »

 

 

Le droit d’asile, miroir de la citoyenneté – Nanterre, 15 mars 2018 – UTL de Douarnenez, 22 février 2018 – Municipalité de Châteauponsac (Haute-Vienne), 31 janvier 2018 – Université du Temps Libre de Bain-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine); 14 décembre 2017

La question de l’étranger est présente dans toutes les dimensions de la citoyenneté. Dans ses valeurs puisque l’intérêt général se définit sur la base de la communauté nationale, que le principe d’égalité détermine le modèle d‘intégration, que la responsabilité se fonde sur le principe de laïcité. Dans son exercice et les moyens prévus à cet effet : les droits et obligations du sujet de droit, la démocratie locale et la capacité à intervenir dans les décisions de proximité, les institutions et la représentation populaire. Dans sa dynamique qui s’exprime aujourd’hui dans une crise de civilisation une « métamorphose » selon le mot d’Edgard Morin, et conduit à s’interroger sur la nature de la mondialisation et le genre humain comme sujet de droit.

Le droit d’asile se situe dans toutes les interfaces de ces thèmes. Les réponses apportées au fil du temps au problème de l’immigration ont beaucoup varié. La question plus spécifique de l’asile a donné lieu, selon les pays, à des conceptions diverses et la France a pu, en raison de sa longue expérience en ce domaine, servir de référence. Pour éclairer les problèmes d’aujourd’hui il est donc utile de revenir sur l’émergence et l’évolution du droit d’asile dans notre pays et son insertion dans une réglementation internationale de plus en plus déterminante. Le développement des lux migratoires est un problème mondial irréversible.

 

« Hospitalité signifie le droit qu’a un étranger arrivant sur le sol d’un autre de ne pas être traité en ennemi par ce dernier […], le droit qui revient à tout être humain de se proposer comme membre d’une société en vertu du droit à la commune possession de la surface de la Terre, laquelle étant une sphère, ne permet pas aux hommes de se disperser à l’infini, mais les contraint à supporter malgré tout leur propre coexistence, personne, à l’origine, n’ayant plus qu’un autre le droit de se trouver en un endroit quelconque de la Terre. Cependant, ce droit à l’hospitalité, c’est-à-dire le droit accordé aux nouveaux arrivants étrangers, ne s’étend pas au-delà des conditions de la possibilité d’essayer d’établir des relations avec les premiers habitants. C’est de cette manière que les continents éloignés peuvent établir entre eux des relations pacifiques, qui peuvent finir par être légalisées. »

 Emmanuel Kant

Pour la paix perpétuelle, 1795

 

  1. Vue d’ensemble sur l’asile dans le monde et en France

De fortes inégalités de protection dans le monde

Le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies (UNHCR) a comptabilisé en fin 2016 quelque 65, 6 millions de personnes déplacées sous contrainte (dont 40,5 en interne). Parmi elles, le HCR évalue à 22,5 millions le nombre de réfugiés, dont 17,2 sous mandat UNHCR. 55% des réfugiés sont originaires de Syrie, d’Afghanistan et du Sud Soudan. En 2016, 67% des réfugiés se trouvaient en Afrique et en Asie, seulement 17% en Europe, 16 % dans les Amériques. A cela il faut ajouter 2,8 demandeurs d’asile et noter l’existence de 5,3 millions de Palestiniens assistés par l’UNRWA, une autre organisation des Nations Unies. On a compté 552 000 retours .La Turquie a accueilli 2,9 millions de personnes devant le Pakistan, le Liban et l’Iran. L’Allemagne a enregistré 440 000 nouvelles demandes d’asile devant les États Unis, la Turquie, la France et la Grèce. On a enregistré 75 000 mineurs isolés. 1,5 millions de décisions ont été prises dont 0,9 million de reconnaisse du statut de réfugié ; ils provenaient principalement de Syrie, d’Afghanistan, et du Pakistan. L’Allemagne a accueilli 567 000 personnes en 2016 ; six pays, dont la Russie, on vu leur accueil diminuer.

En 2016, la France protégeait quelque 228 000 personnes. En 2015 elle se situait avec 225 000 personnes derrière l’Allemagne 387 000, à égalité avec les États Unis 273 000. Le Royaume Uni en protège 123 000, l’Italie 118 000, la Grèce 30 000, la Suède 169 000 ; mais rapporté au nombre d’habitants, la France protège quatre fois moins que ce dernier pays.

L’attribution des titres de séjour en France

L’asile ne représente qu’environ 6% des titres de séjour accordés. En 2016, la France a délivré 228 000 titres de séjour se répartissant, selon les catégories suivantes : économique 23 000, familiale 89 000, étudiants 73 000, humanitaire (incluant l’asile) 29 000 et divers 15 000.

Survol historique

 De tous temps les peuples ont pratiqué l’asile, mais selon des motifs et des modalités très divers. En France, l’Église en a eu le monopole pendant tout le Moyen Âge. Elle accueillait qui elle voulait dans les lieux placés sous son autorité et pouvait frapper d’excommunication le monarque qui violait ces dépendances. Par l’Édit de Villers-Cotterêts de 1539 François 1er a mis fin à ce monopole. Par la suite la monarchie s’est montrée peu favorable à l’asile

La Révolution française va initier la réputation de la « France terre d’asile » par l’article 2 de la Déclaration des droits de 1789 qui appelle à la résistance à l’oppression, mais surtout par les rédactions de la constitution de 1793 qui, outre qu’elle décrète le droit à l’insurrection, s’exprime ainsi sur l’asile : « Le peuple français est l’ami et l’allié naturel des peuples libres » (art. 118) « il donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans » (art. 120). Le XIX° siècle sera accueillant en France (Frédéric Chopin, Heinrich Heine). Le XX° siècle pourra être considéré comme le siècle des réfugiés concernant successivement les Arméniens, les Russes, les Allemands, les Espagnols, les Juifs. Des instruments juridiques internationaux vont alors se mettre en place dans l’entre deux guerres mais surtout après la seconde guerre mondiale : le droit d’asile figure à l’article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, le HCR est créé en 1950, la Convention de Genève adoptée le 28 juillet 1951, ne concerne à l’origine que les réfugiés antérieurs à son adoption ; elle deviendra de portée générale par le Protocole de New York adopté en 1967.

En France, en raison de la crise économique et des séquelles de la guerre, des sentiments xénophobes se développeront. Elle accueillera néanmoins 1 million de demandeurs d’asile à la fin des années 1930 (pour une population de 38 millions d’habitants), mais l’État français se déshonorera en livrant nombre d’entre eux à l’occupant nazi. La France ne ratifiera qu’avec retard les conventions internationales. Par la loi du 25 juillet 1952 elle créera l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Commission de recours des réfugiés (CRR) qui deviendra la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) en 2008.

À grands traits on peut caractériser l’évolution historique du droit d’asile en disant que l’on est passé, d’une part de la désignation d’un lieu à la protection de la personne et, d’autre part, d’un droit discrétionnaire à une protection nationale mais surtout internationale.

 Les déterminants des politiques migratoires en France depuis 1945

Après la seconde guerre mondiale, c’est l’ordonnance du 2 novembre 1945 qui a fixé le cadre juridique des conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France. Maintes fois modifiée elle a néanmoins été largement admise et les étrangers accueillis en période de croissance soutenue jusqu’aux années 1970, malgré les évènements dramatiques associés à la décolonisation. Une régression de l’accueil a lieu ensuite en raison du ralentissement de l’activité économique[1]. L’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 a conduit, jusqu’en 1993, à des régularisations de séjour assez importantes au cours des premières années de la période, puis à des mesures coercitives de renvoi tandis que prenait naissance une politique intergouvernementale de l’asile au niveau européen[2].

Se développe ensuite, de 1993 à 1997 une politique coercitive vis-à-vis des étrangers tandis que s’engage un transfert de compétences accompagné d’une harmonisation des politiques d’asile au niveau européen dans le cadre des accords Schengen du 14 juin 1995. La cohabitation de 1997 à 2002 enregistre des modifications juridiques substantielles sans pour autant modifier beaucoup la situation dans l’immédiat : traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997, loi Chevènement du 11 mai 1998, Charte des droits fondamentaux adoptée au sommet de Nice le 27 décembre 2000.

De 2002 à 2012 se développe une politique sécuritaire à partir des lois de novembre-décembre 2003 anticipent des directives européennes jusqu’à la récente loi de transposition du 29 juillet 2015. L’influence de l’Union européenne est croissante dans la perspective d’un régime d’asile européen commun (Règlement Dublin II en 2003 réformant la convention Dublin de 1990, plusieurs directives successives dites « qualification », « procédure », « retour », directives du « paquet asile » en 2009). Les mouvements migratoires massifs observés en Europe depuis 2014 et les réactions très contrastées des pays de l’Union européenne témoignent de la précarité du dispositif.

Il résulte de tout cela que les politiques migratoires suivies dépendent essentiellement de trois facteurs : le niveau d’activité économique, l’influence croissante de l’Union européenne, l’orientation politique du gouvernement en place.

 

  1. Les conceptions de l’asile

Concepts et catégories

Il convient tout d’abord de ne pas confondre le demandeur d’asile et le réfugié. L’asile correspond à une situation de fait en même temps qu’il est un terme générique couvrant toute la matière. La qualité de réfugié est un statut juridique. La pratique de l’asile montre qu’il est erroné de distinguer radicalement les demandeurs d’asile et les migrants économiques. Tous les demandeurs d’asile au titre de l’un des critères requis par les textes juridiques, ont aussi des raisons économiques : comment imaginer qu’un étranger persécuté dans son pays puisse y obtenir un emploi et y mener une vie normale ? Et il existe des exploitations économiques qui relèvent de la persécution ; l’esclavage existe toujours en Mauritanie, par exemple.

Le droit d’asile permet de distinguer plusieurs catégories de bénéficiaires : l’asile constitutionnel prévu par la constitution, l’asile des réfugiés relevant du mandat du Haut commissariat des réfugiés des Nations Unies (HCR), l’asile des réfugiés au sens de la Convention de Genève (dont je parlerai dans un instant), l’asile au titre de l’unité de famille, la protection subsidiaire, la protection temporaire, les asiles discrétionnaire et de fait. Le mot migrant, lui, n’a pas de signification juridique particulière.

C’est l’article 1er de la Convention de Genève qui définit le plus clairement la qualité de réfugié : « Le terme « réfugié » s applique à toute personne qui (…) craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social, ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays … ». Se trouvent ainsi combinés un élément subjectif (craignant) et un élément objectif (avec raison). La crainte de persécution doit être actuelle, personnelle et d’une certaine gravité. La qualité de réfugié est « reconnue », c’est-à-dire qu’elle a un caractère rétroactif. L’État qui reconnaît substitue sa protection à celle de l’État de nationalité. Les principales catégories de réfugiés ont été reprises par l’article 711-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Elles peuvent s’analyser de la manière suivante en distinguant deux sources.

La source de l’asile constitutionnel ouvre droit à la reconnaissance de la qualité de réfugié bien que, comme d’autres catégories mentionnées ci-après il ne soit pas expressément mentionné par la Convention de Genève, mais est l’écho des dispositions de la constitution de 1793 précédemment mentionnées et que l’on retrouve sous forme du 4° alinéa du Préambule de la constitution de 1946 : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». Au surplus, a été ajouté à la constitution un article 53-1 aux termes duquel, nonobstant les accords passés avec d’autre pays européens en matière d’asile, «  … même si la demande n’entre pas dans leur compétence en vertu de ces accords, les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ». Bref, la France accorde l’asile a qui elle veut.

La source de l’asile dit conventionnel par référence à la Convention de Genève couvre la plupart des situations par les motifs qu’il retient.

Les opinions politiques peuvent être celles de l’opposition au pouvoir en place, avoir un caractère ouvertement militant ou résulter d’une simple imputation. Des motifs de conscience peuvent être reconnus à ce titre.

L’appartenance à une minorité nationale ou ethnique est souvent la conséquence des découpages arbitraires de l’histoire, notamment à la suite de la décolonisation ou de l’effondrement de l’empire soviétique. La persécution pour ce motif peut se traduire par le bannissement, la spoliation, la purification ethnique.

Le motif de confession religieuse englobe tout à la fois l’appartenance à une religion interdite, à une secte, voire aux partisans de la laïcité ou aux agnostiques ou aux athées.

L’appartenance à un certain groupe social vise des caractéristiques communes identifiant ce groupe et le caractère transgressif de cet état. Il s’agit souvent de l’homosexualité dans les pays où elle est condamnée.

Les auteurs de persécution considérés sont soit les autorités étatiques du pays d’origine ou, à défaut, de résidence habituelle. Il peut s’agir aussi d’organisations paraétatiques (partis, milices) ; ou encore d’autorités de fait installées de manière stable.

Les restrictions à l’asile

Depuis 2003 existe un autre type de protection relevant du droit d’asile : la protection subsidiaire qui est instruite comme les demandes d’asile par reconnaissance de la qualité de réfugié. Elle a remplacé la protection dite territoriale dont l’attribution dépendait discrétionnairement du ministère de l ‘Intérieur. Cette protection donne à son « bénéficiaire » ( qui n’est donc pas reconnu comme « réfugié ») un titre de séjour renouvelable de un an, au lieu de dix ans pour le réfugié. Ses motifs se situent en dehors des motifs de la Convention de Genève et concernent : des menaces graves contre la vie, des traitements inhumains ou dégradants, des menaces directes et individuelles concernant un civil en situation de violence généralisée.

Le HCR a introduit la notion d’asile interne : le demandeur d’asile devrait pouvoir se retrouver en sécurité dans une partie de son pays non concernée par les persécutions. Le conseil constitutionnel a encadré cette solution en exigeant que les conditions de vie dans la partie sécurisée permettent une vie normale (emploi, logement).

L’Union européenne avait décidé d’établir une liste de pays d’origine sûrs (POS) conduisant à une procédure accélérée en cas de demandeurs d’asile ayant la nationalité de ces pays, mais elle n’y est pas parvenue en raison des désaccords entre pays membres. Certains pays ont alors décidé d’établir la leur, dont la France sous la responsabilité de l’OFPRA. Cette liste est régulièrement contestée par le Conseil d’État et les juges de l’asile n’en tiennent généralement pas compte dans leur appréciation.

Les refus de l’asile

Outre le rejet à l’issue de la procédure, la qualité de réfugié peut être remise en cause de manière prétorienne, notamment dans le cas de fraude ou de changement de situation individuelle (naturalisation dans un pays tiers).

La qualité de réfugié peut aussi être retirée si les conditions du pays d’origine qui avaient été à la base de la reconnaissance ont cessé à l’occasion, par exemple, d’un changement de politique ou de régime. Néanmoins, les craintes peuvent persister, soit en raison de l’action de factions subsistantes de l’ancien pouvoir persécuteur, soit du fait de traumatismes physiques ou psychiques qui ne permettent pas au réfugié de retourner dans son pays sans conséquences graves.

La qualité de réfugié peut enfin être refusée par la voie de l’exclusion lorsqu’il y a de sérieuses raisons de penser que le demandeur s’est lui-même rendu coupables de crime contre la paix, d’un crime de guerre, d’un crime contre l’humanité, d’un crime grave de doit commun ou d’actes contraires aux buts et principes des Nations Unies. Le paradoxe est que si les « séreuses raisons de penser » ne sont pas reconnues comme suffisantes pour l’exclure, la situation de l’intéressé étant néanmoins grave, il a toutes les chances de se voir reconnu comme réfugié.

 

  1. Un système « à bout de souffle » ?

 Procédure et garanties

La procédure du droit d’asile est organisée dans la plupart des pays en deux phases. Une phase administrative se dédouble en une séquence   d’admission au séjour pour vérifier que la demande n’est pas « manifestement infondée », elle a lieu en France en zone d’attente ; puis une séquence de dépôt de la demande d’asile à l’OFPRA, établissement public qui instruit cette demande, prend sa décision et en cas d’accord assure la protection administrative et juridique du réfugié. La deuxième phase (pour les déboutés) est juridictionnelle auprès de la CNDA instance de recours contre les décisions de rejet de la demande par l’OFPRA ; il existe ensuite une possibilité (très limitée) de pourvoi en cassation devant le Conseil d’État. On retrouve ces quatre séquences dans la plupart des pays. Les possibilités d’intervention du HCR aux différents niveaux sont très variables. En France, la formation de jugement collégiale classique est composée d’un président, conseiller d’État, membre de la Cour des comptes, président de tribunal administrati, d’un assesseur nommé par le Vice-président du Conseil d’État et d’un assesseur nommé par le HCR sur avis conforme du Vice-président du Conseil d’État, caractéristique singulière dans notre État de droit et dans le monde.

C’est un véritable « parcours du combattant » que doit effectuer le demandeur d’asile pour tenter de faire aboutir son projet. Le maintien en zone d’attente pour vérifier si sa demande n’est pas « manifestement infondée » peut durer jusqu’à 26 jours. Il dispose ensuite d’un visa de 8 jours pour retirer un dossier de demande en préfecture. Il doit déposer son dossier en français à l’OFPRA dans un délai de 21 jours. Il reçoit alors une autorisation provisoire de séjour (APS) de 3 mois renouvelable. L’OFPRA entendra le demandeur et statuera dans un délai moyen de 6 mois. En cas de rejet de la demande l’intéressé pourra exercer un recours devant la CNDA dans le délai d’un mois suivant la notification du rejet de sa demande. La juridiction statuera dans un délai moyen de 7 mois en 2016. Le pourvoi en cassation est de portée réduite. Pour le demandeur d’asile, il s’agit donc d’une procédure à délais courts, difficile dans la constitution du dossier en français, coûteuse, avec des relations parfois compliquées devant les administrations concernées.

Des garanties couvrent le demandeur d’asile et le réfugié. S’agissant du demandeur, l’article 33 de la Convention de Genève pose tout d’abord, le principe de non refoulement de l’étranger sur le territoire d’accueil. Après le dépôt de sa demande, l’intéressé reçoit donc une autorisation provisoire de séjour (APS) de trois mois renouvelable. Il peut être hébergé dans un Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) où il touche, au titre de l’aide sociale, sous conditions de ressources, l’allocation temporaire d’attente (ATA) qui remplace l’allocation sociale globale (ASG) pendant toute la procédure : à défaut de cet hébergement, il touche une allocation pour demandeur d’asile (ADA). Sauf exceptions, la situation de l’emploi lui est opposable s’il souhaite travailler Il bénéficie de la couverture médicale universelle (CMU) ou de l’aide médicale d’État (AME) s’il est entré irrégulièrement. Sauf exceptions le droit au travail lui est opposable. Reconnu refugié, celui-ci bénéfcie de droits et de garanties prévus d’une part par la Convention de Genève, d’autre part par la  législation interne du pays d’accueil. En France, ces droits sont proches de ceux des nationaux, à l’exception du droit au travail qui connaît des restrictions (accès à la fonction publique, par exemple) et du droit de vote. Outre l’effet suspensif de toute décision de renvoi durant la procédure (sous réserve de la situation spécifique de l’outre-mer), des garanties sont prévues en cas de renvoi (nécessité d’une décision de justice, pas de renvoi vers un pays à risques).

Des évolutions contrastées

Structures : Le système a connu cependant une évolution structurelle plutôt positive au cours des dix dernières années. En 2005, le CESEDA a remplacé l’ordonnance de 1945. La CRR est devenue la CNDA en janvier 2008 et sa gestion a été placée sous l’autorité du Conseil d’État l’année suivante échappant ainsi au non sens de la gestion administrative, budgétaire et statutaire de l’OFPRA l’organisme dont elle est chargée de réviser les décisions. L’aide juridictionnelle a été attribuée sans condition de régularité de séjour à compter du 1er décembre 2008. La loi du 29 juillet 2015 et un décret du 16 octobre 2015 ont notamment institué une procédure d’audience avec juge unique. Une réorganisation interne par arrêté du vice-président du Conseil d’État a créé 3 sections regroupant 11 chambres présidées par des présidents permanents. A été identifiée aussi la procédure devant une Grande chambre (sections réunies).

Statistiques : On rappellera qu’’en 2011, la France était encore la première destination en Europe des demandeurs d’asile. Sa situation a fortement régressé au cours des dernières années. Cette régression est particulièrement forte si on rapporte les demandes à la population des pays. En 2015, au sein des pays développés, l’UNHCR faisait état de 421 000 demandes d’asile en Allemagne, 286 000 aux États Unis, 157 000 en Suède, 63 000 en France, 60 000 en Italie, 46 000 au Royaume Uni, 26 000 en Grèce. La France accueille donc environ un demandeur d’asile pour mille habitants contre 17/1 000 pour la Suède

En 2016, en France, on a accueilli globalement, 85 726 demandes (14 435 mineurs accompagnants et 7525 demandes de réexamens inclus – soit 63 935 sans ces catégories). L’OFPRA a pris 89 910 décisions et la CNDA 35 878. Pour un total de 36 553 protections accordées dont 9 547 protections subsidiaires, nombre le plus élevé de son histoire ; le taux d’admission global (apporté aux 63 935 demandés précitées) est de 38,1 % (28, 8 % pour l’OFPRA, 9,3% pour la CNDA soit pour cette dernière un quart du total des protections accotdées). La protection subsidiaire représente 26,1 % des protections totales. La CNDA a pris 42 958 décisions en 2016, 76 ;5% en audience et 23,7 % par ordonnances ‘dont 20,8% en ordonnances dites « nouvelles » (absence de moyen en réponse à la motivation de l’OFPRA). Le taux de renvois s’est élevé à 21,7%%. Le taux de recours devant la CNDA s’est élevé à 81,1%, avec un taux d’assistance d’avocat de 85% dont plus de la moitié au titre de l’aide juridictionnelle. Sur 647 pourvois devant le Conseil d’État (dont 14 de l’OFPRA) 16 ont censuré la juridiction et renvoyé l’affaire devant elle. 96, % des demandes d’aide judiciaire sont admises. Dans l’ ensemble de ses agents, la CNDA compte 55 % de catégories A (dont les 2/3 de contractuels : 67 %).

Jurisprudence : L’évolution jurisprudentielle est de plus en plus restrictive sous l’influence de l’Union européenne guidée par des préoccupations de contrôle des flux et de sécurisation. Étaient déjà d’origine européenne : la protection subsidiaire, la procédure Dublin II (le pays responsable de l’instruction de la demande est le pays d’entrée dans l’espace Schengen), la liste des pays d’origine sûrs, l’allongement des durées de rétention (actuellement de 45 jours en France au maximum), de la durée d’interdiction de séjour, le développement de l’externalisation, etc. Le gouvernement français a souvent anticipé ces dispositions. En revanche, les juridictions européennes ont joué un rôle plutôt positif. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) reçoit les requêtes en interprétation. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) veille au respect des droits dans le traitement de l’asile. Elle a donné des définitions et des interprétations. Le Conseil constitutionnel, de son côté, dans plusieurs décisions, a rappelé un certain nombre de principes : affirmation de la souveraineté nationale, respect des droits de la défense, plénitude des garanties légales, indépendance de la juridiction administrative, encadrement strict des notions d’asile interne et de pays d’origine sûrs.

La loi du 29 juillet 2015 a effectué la transposition en droit interne de directives européennes. Elle traduit une tonalité plus soucieuse de protection que celle qui se manifestait durant le quinquennat précédent. Une claire distinction est maintenue entre le droit d’asile et le droit des étrangers. On peut retenir comme avancées significatives : l’assistance au demandeur d’un conseil lors de l’entretien à l’OFPRA  (873 en 2016 dont 35 % d’avocats) ; le caractère suspensif du recours en procédure accélérée ; le développement rapide des capacités d’hébergement des centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA). Toutefois, on peut émettre des réserves concernant la décentralisation des résidences des demandeurs d’asile sur le territoire national sous peine de suppression des allocations en cas de refus. ; l’extension des demandes irrecevables ; le raccourcissement des délais à 4 mois devant l’OFPRA et 5 mois devant la CNDA est souhaitable sous la condition que des moyens suffisants soient accordés à ces deux instances pour leur permettre une instruction approfondie de chacune des demandes d’asile ; la limitation à 5 semaines du délai d’instruction et de jugement par la CNDA en cas de procédure accélérée n’est pas compatible avec la tenue de formations de jugement collégiales, en tout état de cause le recours élargi au juge unique est fort critiquable. Cette loi est ainsi apparue insuffisante pour répondre aussi bien aux problèmes de l’heure qu’aux nécessités de la mondialisation en ce domaine. Dans le même esprit, on peut regretter que les autorités publiques françaises n’aient pas adopté sous le précédent quinquennat une attitude plus conforme à la tradition de « la France terre d’asile » rappelée ci-dessus.

Au cours de l’été 2017 (conseil des ministres du 12 juillet 2017) a été formulé par le Premier ministre un plan migrants qui ne comporte pas de réforme importante. Il reprend des propositions de l’Union européenne : renforcer le rôle de garde-frontière de l’agence Frontex, développer les hot spots, accélérer le renvoi des « dublinés » vers le pays de leur arrivée. Le gouvernement reprend par ailleurs les propositions de ses prédécesseurs : réduction du délai global de décision à six mois, créations de nouvelles places d’accueil, élargissement de la durée maximale en centre de rétention. Il promet une large concertation sur ces sujets. On peut encore relever le double langage de l’exécutif réservant les déclarations humanistes au Président de la République (sommet de Bruxelles du 23 juin 2017) et les paroles sécuritaires au ministre de l’Intérieur, tous deux étant cependant favorables à un renvoi massif des demandeurs d’asile déboutés.


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Éléments du projet de loi « asile-immigration »

Points positifs (selon les appréciations dominantes des associations de soutien aux demandeurs d’asile)

– protection subsidiaire : titre de séjour porté de 1 an à 4 ans.

– autorisation de travail accordée au bout de 4  mois au lieu de 9 mois .

– titres de séjour accordé aux parents et collatéraux de mineurs reconnus réfugiés.

– création de deux  cartes de séjour aux étudiants après leurs études (recherche d’emploi avérée, projet de création d’entreprise)

 Points négatifs

– délai de dépôt de la demande inférieur à 90 jours après l’admission sur le territoire.

– délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile) CNDA après notification du rejet de la demande par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ramené de 1 mois à 15 jours (contre 2 mois pour les recours de droit commun devant les juridictions administratives).

– délai total de décision (OFPRA + CNDA) : objectif de passer de 11 mois actuellement à 6 mois.

– délai de rétention en centre avant expulsion porté de 45 jours à 90 jours (remise en liberté au-delà).

– création d’un délit de passage de frontière non autorisé.

– retour interdit en France pendant 3 ans  (RTF) pouvant être ajouté à l’obligation de quitter le territoire (OQTF)  dans certains cas (refus de photo, refus d’empreintes génitales ;..).

– possibilité de garde à vue d’identification de 24 heures.

– introduction dans la loi de la légitimation de la  circulaire Colomb sur le tri dans les centres d’hébergement.

– sanctions pénales alourdies pour les sans-papiers

– recours non suspensif devant la CNDA de reconduite à la frontière pour les renvois dans les pays considérés d’origine sûrs (POS).

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Pour une « révolution culturelle » de l’asile

L’asile pose la question des relations qui peuvent être établies entre le citoyen d’ici et le citoyen d’ailleurs qui lui demande protection à défaut de pouvoir bénéficier de celle de son pays d’origine en raison des craintes de persécution qui seraient les siennes s’il devait y séjourner. Cette rencontre forme leurs citoyennetés respectives, mais leurs situations ne sont pas égales : l’accueillant est en position dominante en tant qu’occupant du lieu d’accueil sollicité sur lequel il exerce sa souveraineté. C’est cependant à lui qu’incombe la responsabilité de donner sens à son hospitalité, d’établir des règles de droit qui en permettent la mise en œuvre dans un cadre national et de contribuer à l’établissement d’un régime d’asile commun au plan international et mondial puisque la question se place désormais principalement à ce niveau.

Le fonctionnaire de l’OFPRA comme le juge et les rapporteurs de la CNDA doivent posséder de sérieuses compétences tant en matière de droit d’asile que de connaissances géopolitiques. Mais cela n’est pas suffisant, ils doivent aussi s’interroger en permanence sur leur responsabilité de citoyen dans les décisions qu’ils prennent d’accorder ou de refuser l’asile. Pour le juge notamment, il y a là une question culturelle qui implique que la clarté soit faite sur (au moins) trois questions.

* S’agit-il simplement d’appliquer le droit ou de rendre la justice ? Le droit positif n’est qu’un instrument et, en matière d’asile, l’appréciation des faits concourt de manière déterminante à la formation de l’intime conviction du juge laquelle est décisive. La décision est rendue « au nom du Peuple français » ce qui investit le juge d’une parcelle de souveraineté nationale faiblement susceptible d’être contestée. Or le juge admet difficilement qu’il dépend de lui même malgré les efforts qu’éventuellement il peut faire pour objectiver sincèrement ses décisions. Il dépend de son éducation, de sa religion ou de sa philosophie, de ses engagements éventuels, de ses intérêts personnels, des circonstances, etc.

* La preuve de la persécution est-elle exigible ? Aucun texte national ou international ne prévoit la nécessité de la preuve à la charge du demandeur d’asile. Le Guide des procédures du HCR met l’accent sur la crédibilité et la cohérence d’ensemble du récit qui doit servir de base à la formation de l’intime conviction du juge. La procédure du jugement doit donc avoir pour objectif d’être un réducteur d’incertitude quand bien même ne peut être complètement réduit le doute qui subsiste. Si celui-ci n’est pas trop important il doit bénéficier au demandeur. Le juge doit donc être capable d’évaluer sa propre subjectivité comme celle du demandeur dans l’appréhension des craintes de persécution.

* Quelle est la portée des contradictions voire du mensonge affectant la demande d’asile ? Face aux obstacles de toute nature élevés devant le demandeur d’asile dans le parcours qu’il doit effectuer, il n’est pas étonnant que celui-ci tente de lever ses difficultés en adaptant son comportement : il peut s’être confié au départ à un rédacteur occasionnel en français qui a pu prendre quelque liberté avec son récit; rectifiant par la suite le demandeur introduira des différences qui ne manqueront pas de lui être opposées; les repères en vigueur dans sa vie antérieure ne sont pas ceux qui lui sont désormais utiles (composition familiale, coutumes, calendrier) ; il peut souhaiter améliorer son argumentation en prenant quelque liberté avec la réalité, etc. Un comportement de « débusqueur de mensonge » aura vite fait d’invalider un discours en soulevant une contradiction alors que c’est la crédibilité d’ensemble qui doit être retenue. Au mythe du « réfugié menteur » on peut opposer celui du « juge bien pensant ».

La qualité du jugement en matière d’asile requiert donc une citoyenneté éprouvée du juge, ce qui n’est pas toujours le cas. D’où de fortes disparités dans les taux d’accord d’asile selon les présidences des formations de jugement, même si l’écart révélé par la statistique de ces disparités semble s’être réduit. En tout état de cause, d’importantes réformes pourraient être introduites dans la réglementation nationale. Leur inventaire devrait être le résultat du travail des parties concernées, mais on peut néanmoins avancer, à titre d’exemple : le rattachement de l’OFPRA au Premier ministre ; l’alignement du délai de recours devant la CNDA sur celui de droit commun de la juridiction administrative, soit deux mois ; la limitation stricte du champ des jugements par voie d’ordonnances ; le maintien corrélatif des formations de jugement collégiales, ; la suppression de la liste des pays d’origine sûrs ; la suppression de la notion d’asile interne ; l’alignement de la durée du titre de séjour de la protection subsidiaire (actuellement un an) sur celle des réfugiés reconnus (dix ans), etc.

Enfin, en raison de son histoire et de sa tradition ancienne, la France est légitime à faire des propositions d’évolution de la réglementation internationale, tant au niveau européen que mondial, le contexte ayant beaucoup changé depuis la Convention de Genève de 1951 et même du protocole de New York de 1967. Il ne s’agirait pas de modifier ces dispositions consacrées, mais de les compléter en tenant compte notamment du fait que les deux-tiers des réfugiés se trouvent en Afrique et en Asie ; que la reconnaissance ou la place de la protection subsidiaire et d’autres formes d’asile (climatique, temporaire …) doivent être révisés ; que le rôle du HCR doit être accru ; que les droits et les garanties juridiques doivent être consolidés, que soient le cas échéant normalisées les notions de pays d’origine sûrs, d’asile interne, de pays de transit, etc. Toutes ces questions, et d’autres éventuellement devant faire l’objet d’une concertation internationale. Le XXe siècle avait été qualifié de « siècle des réfugiés », le XXIe siècle pourrait être celui de l’ « avènement du genre humain » comme sujet de droit, sur la base du principe d’égalité des femmes et des hommes, citoyennes et citoyens du monde.

 

[1] Rapport interministériel sous la direction de A. Le Pors, Immigration et développement économique et social, La documentation française, 1975. Ce rapport qui s’appuyait sur les modèles mathématiques macroéconomiques alors utilisés contestait les affirmations officielles concernant le rôle des étrangers concernant l’emploi, le budget social et la balance des paiements de la nation.

[2] On notera la création du Haut Conseil à l’intégration en 1990 dont l’auteur de ces lignes sera membre jusqu’en juin 1993, démissionnant alors pour ne pas cautionner les lois Pasqua sur la nationalité.

« Le Nuremberg du communisme » – Public Sénat ; le 17 février 2018

https://www.publicsenat.fr/emission/un-monde-en-docs

LE NUREMBERG DU COMMUNISME ?

(entretien A.LP)

Sur le documentaire

 C’est un document intéressant, une fiction autour du personnage de Boukovski qui marque d’une forte subjectivité l’analyse de la période. On peut le comprendre, vu les sévices endurés par cet anticommuniste constant. Mais est aussi posée la question d’une recherche historique scientifique, notamment sur la base de l’étude des archives du KGB. Quant au titre « Le Nuremberg du communisme », je considère que c’est une facilité médiatique ; pourquoi pas, en effet, un Nuremberg du colonialisme, voire de la Commune de Paris ? Le temps passé et je pense que c(est aujourd’hui le temps des historiens et non des polémistes

Ma principale remarque sur le fond du documentaire est la quasi-absence de Mikhaïl Gorbatchev, alors Président de l’URSS, qui avait engagé depuis 1985, sous les thèmes de la glasnost et de la pérestroïka de profondes réformes démocratiques pour transformer le système soviétique. Ce nouveau cours avait suscité beaucoup d’espoir dans le monde. En septembre 1987, l’association rance-URSS avait pris l’initiative d’une délégation très pluraliste de 300 personnes conduite par Pierre Mauroy à Moscou. Nous avions pu alors nous entretenir avec Gorbatchev sur le sens de son action. On ne comprend pas les évènements relatés par le film si l’on n’évoque pas leur source.

Car si la perestroïka avait soulevé de l’espoir, elle avait aussi provoqué beaucoup de contestation de la part des éléments les plus conservateurs du Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS) : réserves vis-à-vis du rôle dirigeant du Parti, de la classe ouvrière comme avant-garde, du marxisme dogmatique, etc., ce que Boris Elstine a su utiliser en semblant prendre la tête du mouvement populaire suite au coup d’État du 19 août 1991 des neuf aventuriers conduits par Ianaïev (prémonitoire, le principal conseiller de Gorbatchev, Yakovlev avait démissionné dès la fin juillet). C’est ce jeu de rôle qui a permis à Eltsine de déchoir Gorbatchev, d’interdire le PCUS, de remplacer le drapeau rouge par le drapeau tricolore de la Russie et finalement d’arrêter la poursuite des réformes de démocratisation en conservant les hommes de l’appareil en place, au KGB notamment. Eltsine obtient rapidement le soutien des États Unis. Eltsine obtient rapidement le soutien des États Unis. C’est dans ces conditions que Boukovski a été autorisé à entreprendre des recherches, tout en étant canalisé. Il était revenu à Moscou en 1991après 15 ans passés en Grande Bretagne. Il en est finalement reparti assez vite après l’échec de sa tentative de procès de « Nuremberg du communisme ». Ses relevés d’archives au scanner seront publiés en France en 1995. Résultat : aujourd’hui, Poutine dirige la Russie en autocrate et Boukovski déclare au début du film : « D’une manière générale, la vie n’est plus du tout intéressante pour moi … »

Sur l’attitude de la direction du PCF

La direction du PCF n’a jamais soutenu Gorbatchev, dans le même esprit que les tendances conservatrices qui s’opposaient en URSS à Gorbatchev pour les raisons exposées précédemment. Elle lui imputait de ce fait les difficultés économiques et sociales que rencontrait la population. Bref, elle le regardait comme un révisionniste mettant en cause les perspectives du socialisme et du communisme et la révolution pour y parvenir.

C’est pourquoi elle a accueilli le putsch des orthodoxes soviétiques à Moscou comme la promesse d’un retour à la ligne traditionnelle. Elle a tout d’abord évoqué ces évènements comme la marque d’un échec, ce qui dans le contexte ne pouvait être interprété que comme celui de la politique de Gorbatchev. Devant la tournure défavorable de la sédition elle a parlé de « coup », puis de « coup de force », enfin de « coup d’Ètat » le 23 août soit après quatre jours de tergiversations, alors que les choses étaient claires depuis le début pour la plupart des communistes et que beaucoup l’avaient dit. Rappelons aussi que François Mitterrand avait de facto reconnu les putschistes comme nouveaux dirigeants de l’URSS, lâchant Gorbatchev. Maxime Gremetz le « ministre des affaires étrangères » du PCF fait une déclaration allant dans le même sens.

Bien avant ces évènements, la contestation était vive au sein du PCF et les réunions du comité central parfois tumultueuses. Après la vague de départ des « rénovateurs » à l’initiative de Pierre Juquin au milieu des années 1980, puis des « reconstructeurs » avec Claude Poperen et Marcel Rigout en 1987, c’était à partir de 1989 le tour des « refondateurs » avec Charles Fiterman et Guy Hermier, membres du bureau politique et de nombreux membres du comité central, dont moi-même. Ce dernier mouvement s’était élargi en avril 1991 de membres du Parti socialistes comme Claude Cheysson et Max Gallo, mécontents de leur côté du PS, pour fonder un regroupement très pluraliste, Refondation, avec l’ambition d’une restauration de la gauche. Olivier Biffaut, journaliste au Monde avait réalisé une typologie des communistes, identifiant les « gorbatchéviens », distinguant les gorbatchéviens « introvertis » (Charles Fiterman et Guy Hermier en raison de leur qualité de membres du bureau politique) et les « extravertis » (le philosophe Lucien Sève et Anicet Le Pors). Ces courants soutenaient la démarche de Gorbatchev. Les disparitions du PCUS et de l’URSS consommées fin 1991 signifièrent également l’inéluctable déclin du PCF.

 

Conclusion sur cette séquence

Ce documentaire vient à l’appui d’une thèse classique, clairement exprimée à la fin du film par Stéphane courtois, très constant lui aussi au fil des décennies dans son analyse anicommuniste. Il s’agit de présenter le nazisme et le communisme comme des équivalents totalitaires. Il est permis d’être plus exigeant à ce sujet. Qu’il s’agisse de totalitarismes, en entendant par là une emprise globale d’une idéologie et des pouvoirs qui la mettent en œuvre sur la société, ne fait pas de doute : il y a eu bien là deux totalitarismes du XX° siècle

C’est bien aussi l’avis de Marcel Gauchet dans son livre L’avènement de la démocratie (PUF, tome II, 2010), mais il précise que le nazisme avait comme critère la race, tandis que le communisme soviétique avait comme critère la classe, activée en dictature du prolétariat. Quand bien même on admettrait un recours perverti à la classe comme facteur d’oppression, il n’y a pas équivalence. Et si l’on doit condamner tous les crimes de tous les totalitarismes, la recherche historique se doit d’être plus exigeante, plus scientifique. L’idée de la différence est est présente dans le film, mais bien discrètement en raison du choix du thème et du titre « Le Nuremberg du communisme » qui renvoie dos à dos les deux totalitarismes.

Je partage le point de vue de l’intellectuel catholique René Raymond qui, dans son livre Regards sur le siècle (Presses de Science Po, 2000) considère ce XX° siècle, borné par l’épopée communiste : 1917-1991 et regarde ce siècle comme un siècle prométhéen marqué par un formidable espoir d’émancipation soulevé grâce à la primauté donnée au peuple et à la science ; cause pour laquelle des millions de communistes et de démocrates ont donné leur vie. Mais cet élan messianique a échoué, comme Prométhée, martyr sur son rocher pour avoir voulu éclairer les hommes en leur offrant le feu de la connaissance. Restent es enseignements que à en tirer pour refonder l’espoir au sein de la « métamorphose » (Edgard Morin).