Histoire récente de l’immigration et de l’asile – France Culture – La fabrique de l’histoire, 12 janvier 2009

 

 

Une émission d’Emmanuel Laurentin de 9 heures à 10 heures

Invité : Anicet Le Pors, auteur du Que sais-je ? « Le droit d’asile », PUF, 2008

Mon expérience de la politique d’immigration et du droit d’asile

Les questions relatives à l’immigration et à l’asile ont pour moi leur source dans le processus de décolonisation que j’ai tout d’abord vécu au Maroc de 1953-1957 comme météorologiste. Je m’inscrivait alors dans le courant du christianisme social (Le Sillon, Esprit, Témoignage chrétien). Je me suis inscrit dans le mouvement décolonisateur Conscience française contre le mouvement précurseur de l’OAS Présence française.

Mon expérience concernant les questions d’immigration et d’asile s’est articulée autour de trois moments.

1. 1974-1977

– Contexte : suspension de l’immigration des travailleurs et des familles au plan national ; hausse du chômage – succession d’évènements au plan international (1973-1989) : coup d’État Pinochet au Chili et renforcement des dictatures d’Amérique du Sud ; exode des boat people d’Extrème-Orient ; conflits religieux et ethnique en Inde et au Moyen-Orient ; troubles dans la corne de l’Afrique ; invasion de l’Afghanistan par l’URSS ; révolution islamique en Iran ; chute du mur de Berlin.

– Personnellement : économiste à la direction de la Prévision au ministère de l’Economie et des Finances – exclu pour raison politique du Centre de hautes études de l’armement, mon ministre Jean-Pierre Fourcade (et concurrent politique à St-Cloud) me confie en « compensation » une étude interministérielle qui sera publiée en 1977 par la Documentation française sous le titre Immigration et développement économique et social dont les principales conclusions seront : les immigrés sont un facteur de compétitivité de l’appareil productif – Ils sont contributeurs nets du budget social de la nation – Leur renvoi d’économies n’est pas un facteur déterminant de déséquilibre de la balance des paiements. Elu au Sénat en septembre 1977 je poursuivrai le débat avec Stoléru sur sa création de « prime de retour » de 10 000 F.

2. 1990-1993

– Contexte : forte hausse du chômage – Le nombre de demandeurs d’asile culmine à 18 millions dans le monde en 1992 (autour de 10-12 aujourd’hui) ; 60 000 en France en 1989 (éclatement de l’URSS, crise des Balkans, troubles en Afrique, RDC notamment).

– Personnellement : Création du Haut Conseil à l’intégration de neuf membres par le Premier ministre Michel Rocard dont il me propose de faire partie avec Marceau Long, Stéphane Hessel, André Diligent, Marie-Thérèse Join-Lambert, etc. J’y suis chargé d’un groupe de travail sur la statistique des migrations. Publication en 1993 des premiers travaux du HCI sous forme de compilation des rapports annuels L’intégration à la française (collection 10/18).

Travail intéressant sur le fond : outre l’amélioration de la connaissance statistique, une réflexion sur le modèle français d’intégration (droit du sol et principe d’égalité contre droit du sang et logique des minorités ; insertion-intégration-assimilation ; critères d’intégration), confrontation de la culture et du droit d’origine des immigrés avec ceux de la France (problèmes de l’excision, de la polygamie).

Je démissionne du HCI le 12 juin 1993 pour ne pas cautionner les lois Pasqua et Méhaignerie de restriction de l’accueil des étrangers et sur la nationalité (je démissionne le même jour du comité central du PCF mais pour de tout autres raisons …).

3. 2000-2009

– Contexte : aggravation des crises politiques, économiques et sociales – développement du chômage et affaiblissement de la part des salaires dans le PIB – En 2007, création du ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire – Thèmes de l’ « immigration choisie », des « quotas » …Le nombre des demandeurs d’asile culmine à 52000 en 2003 et redescend à 24 000 en 2007. Inflation de textes législatifs et réglementaires (4 de 2003 à 2007) et de directives européennes : accueil (2003), qualification (2004), procédure (2005), retour (2008).

– Personnellement : Nommé président de section (de formation de jugement, de tribunal) à la Commission des recours des réfugiés, devenue en novembre 2007 : la Cour nationale du droit d’asile, ou je siège chaque semaine pour juger les recours des demandeurs d’asile contre les décisions de rejet de l’OFPRA.

Publications : un Que sais-je sur Le droit d’asile (2° édition en 2008) et un autre sur La citoyenneté (3° édition en 2005) – Article récent Immigration et asile entre principes et rationalité (Migrations et Société – mai-août 2008)
Par ailleurs : membre du Comité de soutien de l’association Primo Levi (aide psychologique et psychique aux violences de torture ou politiques) – membre du Comité scientifique du Service social d’aide aux émigrants (SSAÉ).

*

– l’asile est accordé « au nom du peuple français » – nous sommes là pour l’accorder et non le refuser.

– ne pas confondre asile et immigration (logique de police administrative dominante).

– en 2007, 11 millions de réfugiés dans le monde selon le HCR (plus des 2/3 en Asie et en Afrique) dont environ 140 000 en France, deux fois plus au RU, quatre fois plus en Allemagne. Faibles en Grèce, au Japon.

– l’OFPRA en 2007 a reçu 23 800 primodemandes + 6 100 demandes de réexamen + 5 600 mineurs, soit au total environ 36 000 personnes concernées.

– selon l’ANAEM : le nombre de travailleurs et le regroupement familial représentaient 390 000 entrées en 1970, 192 000 en 1981, 62 000 en 2007.

– taux d’attribution de l’asile en 2007 : OFPRA 11,6 % + CNDA 18,3 % = 29,9 %
sur les 9 premiers mois de 2008 : 16, 9 % + 21, 1 % = 38 %, sans précédent depuis 1986 !

– premières nationalités demandeurs : Sri Lanka, Turquie, Russie, Mali, RDC, Arménie, Bangladesh, Guinée, Haïti, Kosovo

– décision concernant les Palestiniens (Assfour, 18 mai 2008)

– nouvelles catégories discutables : asile interne, pays d’origine surs, protection subsidiaire.

– principes républicains et rationalité progressent de pair. Aujourd’hui, la gestion des flux l’emporte sur la mesure de l’intégration.

– Amatya Sen : Identité et violence (2007). La pensée communautaire enferme. Le « multiculturalisme dans une acception communautariste n’est qu’un « multiculturalisme pluriel ».

– François Héran (directeur général de l’INED dans Le temps des immigrés (2007) montre la France ne pourra croître démographiquement que par la migration (diminution du solde naturel par disparition progressive des baby-boomers) ; d’où selon lui la nécessité du brassage ne perdant pas de vue les valeurs.

– propositions d’amélioration des condition d’exercice du droit d’asile dans le rapport de la CNCDH de juin 2006.

– citation de Kant (conclusion QSJ ?), les réflexions sur la citoyenneté et l’asile ne font qu’une pensée. Droit de cité et droit d’asile concourent conjointement à la formation de la citoyenneté française.

4 commentaires sur “Histoire récente de l’immigration et de l’asile – France Culture – La fabrique de l’histoire, 12 janvier 2009

  1. Je vous ai posté un commentaire dans votre blog du 27-01-2009 (palaiseau…) je me rends compte que ma question eut mieux été ici, veuillez m’en excuser et m’y répondre le plus rapidement possible s.v.p., vous avez mon mail ci-dessus.
    Merci.

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  2. bonjour, je suis enseignante, et m’occupe d’une famille arménienne qui est en France depuis 2006. Le papa a travaillé comme maçon avec une carte prosioire de travail pendant 10 mois ; il a un CDI à pelin temps sous conditions suspensives. La famille a vu 3 fois sa requête refusée auprès de l’OFPRA. Mardi, ils sont passés au T. Administratif de lyon. Lundi, j’ai rendez-vous avec eux à la cIMADE à Lyon pour voir si une demande de régularisation par le travail est possible. Quels conseils pouvez-vous nous donner ? Les établissements des enfants sont mobilisés : pétitions soutien. Merci de transmettre ma requête à Monsieur Anicet le Pors, Président de Section à la cour nationale du droit d’asile.
    Anne bonnard

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  3. Je n’ai pu vous répondre plus tôt.
    Je pense qu’à ce stade c’est l’action que vous avez engagée qui est sans doute le moyen le plus efficace pour obtenir le maintien en France de votre protégé.
    La droit d’asile ne prend pas en compte les conditions d’intégration que vous évoquez. Si cette voie a déjà été utilisée 3 fois il est peu provbable qu’un succès proche puisse être envisage de ce côté. C’est donc par la régularisation à un autre titre qu’il faut avoir recours.
    Il m’arrive de juger des ressortissants arméniens et le taux de reconnaisance du droit d’asile les concernant est assez élévé. En cas de rejet, je suis intervenu néanmoins auprès des préfets pour leur demander d’accorder néanmoins un titre de séjour. Mais je ne peux moi-même intervenir après des services préfectoraux pour une affaire dont je n’étais pas le président de la formation de jugement. Vous pourriez peut être vous appuyer sur les précédents dont les associations sont informées.

    Bien cordialement à vous,

    Anivcet Le Pors

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  4. Le papa a travaillé comme maçon avec une carte prosioire de travail pendant 10 mois ; il a un CDI à pelin temps sous conditions suspensives. La famille a vu 3 fois sa requête refusée auprès de l’OFPRA.

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