Faut-il rapprocher les statuts d’agents publics et de salariés ? « Pour un statut des travailleurs salariés du secteur privé » – Revue du droit du travail – mars 2010

par Anicet Le Pors, ancien ministre de la Fonction publique, conseiller d’État

 

L’idée qui me semble implicite dans la question posée est celle-ci : « Les fonctionnaires et les autres agents publics à statut ne sont-ils pas des privilégiés par rapport aux salariés du secteur privé régis par le contrat (sous forme individuelle et/ou collective) tel que réglementé par le code du travail, et ne convient-il pas de réduire la différence des situations ainsi caractérisées ? ». Dès lors surgit une autre question : « Le « rapprochement » des situations doit-il se faire vers le haut ou vers le bas, en « rapprochant » le fonctionnaire du salarié du secteur privé ou l’inverse ? ».

 

Précisons d’abord la notion de statut ici retenue. « Le fonctionnaire est, vis-à-vis de l’administration, dans une situation statutaire et réglementaire » selon l’article 4 du titre 1er du statut général des fonctionnaires qui est la base législative réglementant les 4,3 millions de fonctionnaires de l’État, des collectivités territoriales et des établissements public hospitaliers, auxquels on doit associer près d’un million de contractuels de droit public ainsi qu’un million d’agents publics travaillant dans les entreprises et organismes publics. La caractéristique commune de tous ces salariés du secteur public (le quart de la population active en France) est que leur situation est définie par la loi et les textes réglementaires correspondants, et non par le contrat. Il en est ainsi parce que les fonctions et activités exercées relèvent de missions de service public, elles-mêmes inspirées par l’intérêt général exprimé sur le terrain politique. C’est cette spécificité qui caractérise l’agent public et qui fonde la logique statutaire. Spécificité qui conduit à doter l’État, les autres collectivités publiques et les entreprises publiques de prérogatives de puissance publique dans la gestion des personnels, entraînant pour ceux-ci des sujétions appelant, en contrepartie, des garanties individuelles et collectives inscrites dans le statut général des fonctionnaires et dans les autres statuts. On notera d’ailleurs que les garanties statutaires ont eu un effet protecteur pour l’ensemble des salariés, la différence des situations ne pouvant excéder certaines limites. Un « scénario gris » de confusion public-privé pourrait faire disparaître ces garanties.

 

Dès lors la contradiction à résoudre est la suivante : comment sécuriser et améliorer la situation sociale de l’ensemble des salariés, tout en respectant la spécificité des missions de l’agent public ? La réponse apportée par les libéraux est claire : la situation des fonctionnaires et des travailleurs des entreprises publiques sous statuts est excessivement dérogatoire du droit commun, la spécificité statutaire n’est que « particularité », voire « anomalie » qu’il convient de réduire autant que possible ; le contrat est la modalité principale de leur alignement sur le droit commun. La première offensive a été le fait de la loi Galland du 13 juillet 1987 qui a profondément dénaturé le titre III du statut général relatif à la fonction publique territoriale. Une certaine théorisation de cette démarche a été réalisée par l’étude accompagnant le rapport annuel 2003 du Conseil d’État Perspectives pour la fonction publique, sur le rapport de Marcel Pochard. Plus récemment, lors de sa visite à l’Institut régional d’administration de Nantes, le 19 septembre 2007, le Président de la République a annoncé une « révolution culturelle » dans la fonction publique comportant notamment le choix à l’entrée entre « le statut et un contrat de droit privé négocié de gré à gré ». Pour la mise en œuvre de ce dispositif, il a diligenté le Livre blanc Silicani dont on peut ainsi résumer les orientations : le contrat contre la loi, le métier contre la fonction, la performance individuelle contre l’efficacité sociale. Toutefois, ce qu’ils n’avaient pas prévu, c’est que la crise financière révèlerait à l’opinion publique le rôle d’ « amortisseur social » du service public ; amortisseur social en ce qui concerne l’emploi, le pouvoir d’achat, le système de protection sociale et de retraite, mais aussi d’un point de vue éthique, le service public étant un espace d’intégrité face à l’immoralité spectaculairement affichée en la circonstance par le système financier. L’offensive libérale contre le statut des fonctionnaires se poursuivra sans doute par d’autres voies que l’attaque frontale (type loi de modernisation du 2 février 2007 ou de mobilité du 3 août 2009), mais la révolution culturelle a été mise en échec, le « grand soir statutaire » n’aura pas lieu, du moins pour le moment.

 

Pour autant demeure la question de la comparaison des situations respectives des travailleurs du secteur public et du secteur privé. Le sociologue Robert Castel a spécialement analysé l’évolution sur le long terme des conditions du salariat en France (La montée des incertitudes, Seuil, 2009), caractérisant une crise à partir du début des années 1970 marquant la fin d’un certain compromis social qui s’était installé dans l’économie industrielle des décennies de croissance antérieures. Désormais un capitalisme sauvage fait de la précarité un état permanent largement répandu, développe une nouvelle condition infra-salariale, porte atteinte à la cohésion sociale, réduit les droits du travail, provoque une dynamique de « décollectivisation », isole l’individu. Il propose en conséquence un renforcement de l’intervention de l’État et une réappropriation sociale de la condition du salarié dans la perspective d’un nouveau compromis social. Lors de son récent congrès, la CGT a également retenu comme revendication majeure un « nouveau statut du travail salarié » prévoyant la garantie de droits cumulables et transférables au fur et à mesure des mobilités, des évolutions de carrière et de salaire tout au long de la vie professionnelle. Cette option pose d’abord, à mon avis, la question de la base législative, expression d’une volonté politique nationale, susceptible de fonder durablement un tel « nouveau statut ». La voie retenue par la confédération semble, à l’inverse, d’une part privilégier l’amélioration des conventions collectives existantes par rapport à la revendication législative et, d’autre part, traiter de manière indifférenciée les salariés du privé et les fonctionnaires et autres agents publics (Le Peuple, n° 1686, juin 2009).

 

La comparaison des conditions matérielles et morales des agents publics et des autres salariés est incontournable. Elle alimente les campagnes de dénigrement contre les fonctionnaires et les agents publics sous statuts, encouragées par les libéraux adversaires des statuts législatifs, partisans de la généralisation du contrat. Pour autant, en raison de la gravité de la crise du système, du développement du chômage et de la précarité, la question ne sautait être ignorée, quand bien même certaines des critiques visant les soi-disant privilèges des fonctionnaires et des autres agents publics seraient profondément injustes. Ceux-ci doivent, eux-mêmes, s’intéresser au « statut » des travailleurs qui n’ont pas de statut. Une évolution des esprits est nécessaire pour, à la fois, garantir les droits des salariés au long de leur vie professionnelle tout en maintenant la spécificité des agents publics tenant à leurs missions de service public qui impliquent qu’ils soient protégés par la loi des influences politiques, des pressions économiques, de l’arbitraire administratif. Cette évolution peut être contrariée par plusieurs facteurs historiques : les organisations syndicales et les associations de fonctionnaires ont dénoncé pendant la première moitié du XX° siècle l’idée d’un « statut carcan », la « deuxième gauche » (Michel Rocard, la CFDT) sans s’opposer à l’idée, n’a cessé de marquer une réserve vis-à-vis de la spécificité statutaire, jusqu’aux anciens pays du « socialisme réel » qui considéraient qu’il ne pouvait exister qu’une seule condition salariale. Ajoutons que si certaines dispositions statutaires sont largement inspirées du code du travail, elles sont appliquées dans la fonction publique et les entreprises publiques de manière particulièrement défavorable concernant, par exemple, la durée du travail, les modalités de prise en charge des déplacements et missions à la demande de l’employeur, des déplacements domicile-travail, la rémunération du travail de nuit, des dimanches et jours fériés.

 

Ma conviction sur la nécessité d’un « statut des travailleurs salariés du secteur privé » à côté du statut général des fonctionnaires et des statuts des agents des entreprises publiques, s’est faite sur la base d’une expérience concrète. Ayant été chargé en 1999 d’un rapport sur la formulation de « propositions pour l’amélioration de la situation sociale et professionnelle des travailleurs saisonniers du tourisme » par la ministre de l’Emploi et de la Solidarité et la secrétaire d’État au Tourisme, j’étais a priori réservé sur l’idée d’un « statut » afin d’éviter la confusion avec le statut général des fonctionnaires. Parvenu à la définition de trente et une propositions, ce sont les travailleurs saisonniers eux-mêmes et leurs organisations syndicales qui ont demandé la mise en cohérence de ces propositions sous forme d’un « statut des travailleurs saisonniers du tourisme », ce qui a été réalisé par la structuration d’un ensemble de dispositions législatives auxquelles étaient associées les mesures réglementaires nécessaires, des recommandations concernant l’amélioration et la généralisation des conventions collectives du secteur ainsi que d’autres propositions relatives à différents partenariats envisageables. Je tire de cette expérience, replacée dans une réflexion plus générale, l’affirmation que l’on ne saurait valablement parler de « statut des travailleurs salariés » que par l’élaboration d’un corpus de dispositions législatives du code du travail ayant cette destination, accompagnées d’accords contractuels négociés par branches et entreprises et de partenariats pertinents.

 

Sur ces bases, à la fois homogènes et différenciées, pourrait alors être organisée la convergence des politiques sociales et des actions revendicatives tendant à l’amélioration conjointe du statut général des fonctionnaires, des statuts des agents des entreprises publiques et du « statut des travailleurs salariés du secteur privé ».

L’actualité du droit d’asile – Nouvelle action royaliste (NAR) – 7 avril 2010

Le droit d’asile est le miroir de la citoyenneté. Il nous invite à déterminer les règles de comportement du citoyen d’ici sollicité par le citoyen d’ailleurs. Mais il ne juge pas seulement de demandeur d’asile, il juge le juge lui-même : « Dis-moi comment tu juges, je te dirai qui tu es ».

Mais avant de parvenir aux conceptions, aux dispositifs et aux pratiques d’aujourd’hui, la notion d’asile a connu une évolution, une histoire qui a un sens ; c’est la trajectoire qu’il convient tout d’abord de rappeler avant d’aborder les dispositions juridiques et l’organisation nationale et internationale actuelle, de caractériser l’état des lieux (l’asile est-il en danger ?), de s’interroger sur la formation de l’intime conviction du juge dans cette catégorie particulière du droit. On pourra au terme de cette analyse formuler quelques propositions.

1. Rappels sur l’histoire de l’asile et la formation de la conception actuelle

« C’est le propre des barbares de repousser les étrangers » a écrit Grotius en 1625 dans Droit de la guerre et de la Paix.

Tout d’abord, le point de vue historique. De fait tous les peuples ont pratiqué l’asile sous des formes diverses : les Grecs, les Romains, les Hébreux. Dans l’ère chrétienne, c’est une prérogative de l’Église qui l’accorde par charité, sur une base peu formalisée mais qui lui permet de contenir le pouvoir royal, à peine en certaines circonstances d’excommunication pour transgression de la protection. Les prérogatives religieuses ne cesseront de se développer et avec elles les controverses qui conduiront l’Église elle-même à s’autolimiter (à partir de Gratien en 1145). L’ordonnance de Villers-Cotterêts de François 1er en 1539 abolit l’asile en matière civile.

L’Ancien Régime ne se signale pas par une propension excessive à développer l’asile qui garde un caractère essentiellement discrétionnaire. On peut rappeler quelques faits marquant relatifs à l’asile : l’asile accordé Stanislas Leszczycski, a contrario l’abrogation de l’Édit de Nantes en 1685, mais aussi l’accueil de villes comme La Rochelle ou Strasbourg … Je ne manquerai pas de citer ensuite les articles 118 et 120 de la constitution de 1793 (non appliquée, mais pour l’esprit qu’ils expriment) : « Le peuple français est l’ami et l’allié naturel des peuples libres (…) Il donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans ». C’est de là sans doute qu’est née la tradition de la France terre d’asile qui se montrera plutôt accueillante au cours du XIX° siècle et jusqu’à la prémière guerre mondiale (Frédéric Chopin, Heinrich Heine). Toutefois, il s’agit d’un droit peu formalisé.

Les conditions vont changer après la première guerre mondiale. Une réglementation internationale émergera progressivement pour faire face aux mouvements de population provoqués par les deux guerres mondiales, la montée et l’effondrement du nazisme, la révolution soviétique puis la dislocation du bloc dit du « socialisme réel », la décolonisation et l’affirmation de nationalités selon des découpages frontaliers ne correspondant pas toujours aux réalités ethniques. Les tentatives pour mettre sur pied un minimum de règles générales et les organismes chargés de les mettre en œuvre se succèdent et ne peuvent être rapportées dans leur détail. Finalement le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) est créé par une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies du 14 décembre 1950 et la Convention de Genève est signée le 28 juillet 1951 par 26 états ; elle sera complétée par le protocole de new York du 31 juillet 1967. À ce jour, 147 états ont adhéré à ces textes.

Durant toute cette évolution la France ne se signalera pas par une attitude particulièrement accueillante. De fortes poussées xénophobes se développeront après la Prelière guerre mondiale et pendant la crise des années 1930, sous le régime de Vichy où les autorités publiques se déshonoreront en livrant aux nazis des réfugiés regroupés dans des camps (Allemand, Espagnols, Polonais). Après la guerre est créé un établissement public administratif, l’OFPRA (loi du 25 juillet 1952 et décret du 2 mai 1953) ainsi qu’une juridiction, la CRR, chargée de statuer sur les recours des décisions de rejet de l’OFPRA, devenue la CNDA par la loi du 20 novembre 2007. Les textes fondateurs seront modifiés à de nombreuses reprises pour aboutir à la constitution d’un code, le CESEDA, entré en vigueur le 1er mars 2005.

Deux caractères marquent cette évolution en longue période : on est passé d’une sanctuarisation d’un lieu à une protection d’un collectif ou d’une personne ; on est passé d’une pratique discrétionnaire à une protection juridique internationale.

2. Le parcours du demandeur d’asile jusqu’à la comparution devant la CNDA

C’est un parcours comportant de nombreux obstacles. S’il se présente à la frontière sans visa l’étranger est mis en zone d’attente. S’il demande l’asile, un minimum d’instruction appréciera si sa demande n’est pas « manifestement infondée », le délai de placement en zone d’attente est de quatre jours, mais il peut être prolongé jusqu’à 26 jours. Si cette appréciation est favorable, il recevra un visa provisoire pour se présenter en préfecture dans les huit jours. Il y retirera un dossier de demande d’asile et se verra remettre une autorisation provisoire de séjour d’un mois pour déposer sa demande à l’OFPRA sous 21 jours. Son autorisation de séjour sera ensuite renouvelée tous le trois mois. Il sera convoqué à un entretien à l’OFPRA, assisté d’un interprète. Si sa demande est rejetée, il disposera d’un mois pour faire un recours devant la CNDA. S’il est entré irrégulièrement en France, son parcours est le même à partir du moment où il se présente en préfecture (à condition qu’il ne se soit pas fait intercepter avant, auquel cas ila procédure est dite « prioritaire » avec des garanties moindres).

On insistera sur le rôle de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) qui juge les recours des demandeurs d’asile déboutés par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Au-delà, une cassation est possible devant le Conseil d’État. La formation de jugement à la CNDA est constituée d’un président (conseiller d’État, conseiller maître à la Cour des comptes, magistrats du judiciaire), d’un assesseur nommé par le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le HCR (sur avis conforme du vice-président du Conseil d’État ; c’est une exception à la fois dans notre État de droit et dans le monde, qu’un magistrat nommé par une instance internationale siège dans une formation de jugement nationale) et d’un assesseur nommé par le vice-président du Conseil d’État, issu des administrations concernées. Elle est assistée par un rapporteur et un secrétaire de séance.

Depuis le 1er janvier 2008, la CNDA a remplacé la Commission des recours des réfugiés (CRR) qui était soumise administrativement, budgétairement et statutairement à l’OFPRA ; situation aberrante d’une juridiction placée sous la tutelle de l’organisme administratif dont elle contrôlait les décisions et que plusieurs rapports avaient dénoncée .

La CNDA est désormais rattachée au Conseil d’État depuis le 1er janvier 2009. C’est une normalisation et un progrès. Avec toutefois des réserves : la titularisation des rapporteurs (pour la plupart officiers de protection de l’OFPRA, mais près de la moitié des rapporteurs sont des contractuels) qui exercent une mission évidente de service public est effectuée selon des modalités trop lentes ; l’effet de la nomination de dix présidents permanents sur la jurisprudence, si elle peut concourir à son unification, peut aussi en modifier la teneur, d’autant plus qu’une proposition de loi (pendante au Parlement) prévoit l’intervention de la CNDA en recours des décisions de refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile déposées en zone d’attente. Ces derniers éléments peuvent faire dériver le droit d’asile vers les normes de la police administrative qui prévalent dans le droit des étrangers.

Depuis le 1er décembre 2008 les demandeurs d’asile, même entrés irrégulièrement, peuvent bénéficier de l’aide juridictionnelle ; c’est un progrès incontestable. Ils sont assistés d’un interprète. Le fonctionnement de la juridiction spécialisée qu’est la CNDA souligne l’importance de l’oralité dans l’administration de la justice.

3. Principales dispositions juridiques et institutionnelles

On confond souvent demandeur d’asile et réfugié : l’asile ouvre un droit au séjour ; la reconnaissance de la qualité de réfugié confère un statut avec droits et obligations.

Il existe plusieurs catégories d’asile qui correspondent à des motivations différentes du demandeur d’asile.

L’asile constitutionnel, ainsi dénommé par référence au 4° alinéa du préambule de la constitution de 1946, écho de la constitution de 1793 précitée : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». Cette forme d’asile n’a plus aujourd’hui qu’une importance marginale.

L’asile conventionnel est celui accordé sur la base des dispositions de la Convention de Genève de 1951. Celle-ci retient cinq motifs de crainte de persécution ouvrant droit à la reconnaissance de la qualité de réfugié : les opinions politiques, l’appartenance à une minorité nationale ou ethnique, la confession religieuse, l’appartenance à un certain groupe social.n

L’asile au titre du mandat du HCR. Ce dernier peut reconnaître la qualité de réfugié sur des base voisines de celles de l’asile conventionnel. En cas de demande présentée en France d’une personne reconnue réfugiée par le HCR, la compétence de l’OFPRA et de la CNDA sont liées.

On doit encore mentionner des catégories : la reconnaissance au titre de l’unité de famille, la protection temporaire en cas d’afflux massif de populations, l’asile discrétionnaire (l’État ayant toujours la possibilité d’accorder l’asile à toute personne) voire l’asile de fait (l’État tolérant sur le sol national des personnes n’ayant pas de titre de séjour).

La reconnaissance du titre de réfugié ouvre droit à un titre de séjour de dix ans. Mais il existe aussi une protection dite subsidiaire qui peut bénéficier aux personnes faisant l’objet dans leur pays de menaces graves, alors qu’elles ne répondent pas aux critères de la convention de Genève . Elle n’ouvre droit qu’à un titre de séjour d’un an.

Les auteurs de persécution peuvent être des autorités étatiques (l’État lui-même ou des organisations qui contrôlent l’État). Mais aussi d’autres acteurs non étatiques : des autorités de fait ou des particuliers, ou tout acteur dont l’État d’origine (à défaut l’État de résidence habituelle) se révèle incapable d’empêcher les agissements et d’assurer la protection de ses ressortissants. L’État d’accueil substitue alors sa protection à celle de l’État défaillant, a fortiori persécuteur.

Le droit communautaire a introduit en droit interne les notions de pays d’origine sûrs et d’asile interne qui font l’objet de contentieux et sont d’application malaisée et peu fréquente.

Le refus d’asile peut intervenir dans plusieurs cas. Sont exclus du bénéfice de la convention de Genève les demandeurs qui se sont rendus coupables de crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité ; un crime grave de droit commun ; des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies. La protection cesse si le réfugié fait allégeance à son pays d’origine, s’il acquiert une nouvelle nationalité, ou si les circonstances ayant conduit à la reconnaissance changent. La remise en cause peut être tout simplement prétorienne, le statut étant retiré pour fraude, lorsque la situation personnelle de l’intéressé change, ou pour un motif de police.

La protection du réfugié est assurée par un statut qui comporte des droits prévus par la convention de Genève, appliqués et complétés par des dispositions de droit interne. Droit à la protection administrative et juridique, libertés publiques (liberté de circulation, liberté d’opinion et d’expression, droits économiques et sociaux (droit au travail, à la protection sociale. Sont également prévues des garanties en cas de renvoi.

Après avoir été débouté de sa demande, un demandeur d’asile peut demander un réexamen s’il peut faire état d’un fait nouveau postérieur.

4. L’état des lieux : l’asile est-il en danger ?

L’état statistique de la politique du droit d’asile présente des résultats contrastés

Le HCR évalue à 10 à 12 millions dans le monde le nombre de réfugiés sous sa protection au cours des dernières années. En 2008, 77 % des réfugiés sont en Asie et en Afrique, seulement 15 % en Europe. La France en protège 140 000, soit environ son poids démographique relatif dans le monde ; c’est la moitié du Royaume Uni, le quart de l’Allemagne. La France est donc loin d’accueillir « toute la misère du monde ». Et si elle en prend une part, celle-ci reste modeste.

En 2008, il y a eu en France 42 600 demandes d’asile devant l’OFPRA (y compris les mineurs accompagnants et les demandes de réexamens), dont 27 100 premières demandes. Les flux de demandeurs d’asile sont donc repartis à la hausse car on avait observé une baisse de 52 200 en 2003 à 23 500 en 2007. Sur la base du nombre de demandes enregistrées, la France est la première destination en Europe pour cette année 2008. Selon les statistiques du HCR (publiées le 23 mars dernier), parmi les pays industrialisés destinataires, la France est au deuxième rang, derrière les États Unis (49 000), devant le Canada (33 000), le Royaume Uni (29 800) et l’Allemagne (27 600). Ces cinq pays représentent la moitié des 44 pays considérés.

Les entrées irrégulières sur le territoire, principalement par voie terrestre, sont très largement majoritaires(90 %) . À la frontière, en 2008, le plus souvent en aéroport (la quasi-totalité des demandes examinées sont déposées à Roissy-Charles de Gaulle), l’OFPRA a eu à donner 4 409 avis d’entrée sur le territoire en zone d’attente. Il a estimé que seulement 1 371 des demandes correspondantes n’étaient « pas manifestement infondées ».

L’OFPRA a pris 32 000 décisions, la CNDA 25 100. Ensemble les deux instances ont prononcé 11 400 accords. Le taux d’accord global est de 36 % des décisions (16 % directement par l’OFPRA et 20 % par annulation par la CNDA de décisions de rejet de l’OFPRA), en forte hausse. Ce taux est de 56 % pour les pays d’origine sûrs, ce qui invalide le concept lui-même.

La protection subsidiaire représente 16 % des accords, elle est en hausse vive.

La procédure prioritaire (comportant de moindres garanties) représente 31 % des affaires instruites. Elle est en vive progression.

16 % des décisions de la CNDA sont prises par voie d’ordonnances (10 % pour les ordonnances dites « nouvelles », c’est-à-dire ne comportant aucun élément jugé sérieux de contestation de la décision de l’OFPRA), par un juge unique, sans procédure orale.

Ainsi, si certaines données (notamment le taux global d’accords) caractérisent une relative ouverture à l’asile, d’autres comme le recours accru à la procédure prioritaire, la vive hausse de la protection subsidiaire et l’importance (bien qu’en baisse) des décisions prises par ordonnances caractérisent une précarisation de la procédure et de la protection accordée.

Pour l’année 2009, on ne dispose que de données provisoires de l’OFPRA qui a reçu 47 559 demandes dont 33 247 premières demandes (hors mineurs et hors demandes de réexamen). Les nombres de demandes les plus importants émanent de dix pays, dans l’ordre décroissant : le Kosovo, le Sri Lanka, l’Arménie, la RD Congo, la Russie, la Turquie, la Chine, la Guinée Conakry, le Bangladesh, Haïti .

L’évolution jurisprudentielle du droit d’asile est, elle, inquiétante.

Au niveau de l’Union européenne, les démarches des politiques de l’asile des États membres s’inscrivent dans une longue marche vers un régime d’asile européen commun marquée par le renforcement de préoccupations sécuritaires et de contrôle des frontières extérieures. Elles se traduisent par la définition stricte de l’État responsable de l’examen de la demande d’asile par la procédure dite de Dublin II, l’introduction de notions telles que celles de l’asile interne ou de pays d’origine sûrs. C’est aussi, plus récemment, le durcissement envisagé des conditions de rétention (durée maximale portée à dix-huit mois, possibilité d’enfermement des mineurs y compris isolés, interdiction de séjour de cinq ans), l’externalisation à l’est de l’Europe et au nord de l’Afrique des demandeurs d’asile.

Le gouvernement français a anticipé certaines de ces mesures restrictives, notamment à l’occasion de la loi du 10 décembre 2003. La création d’un ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire a contribué à mettre l’accent sur le contrôle des flux plutôt que sur la protection du demandeur d’asile. Les mesures prise au plan national ont eu pour effet de rendre plus difficile la pratique du droit d’asile : réduction des délais, durcissement des conditions de recevabilité, recours aux ordonnances et à la procédure prioritaire, restriction de l’accès aux droits sociaux, application de Dublin II sans considération des critères humanitaires et des possibilités offertes par la clause de souveraineté.

L’évolution jurisprudentielle est de plus en plus restrictive. Par décision du Conseil d’État, le principe d’unité de famille a été strictement réservé aux demandes relevant de la Convention de Genève (non à la protection subsidiaire) . Par décision de la CNDA , la reconnaissance du groupe social persécuté a été réduite (au profit de la protection subsidiaire) pour des parents maliens d’une fille née en France ; la protection subsidiaire a également été préférée à la reconnaissance de la qualité de réfugié au Sri Lanka pendant la dernière période .

À l’inverse, plusieurs décisions du Conseil constitutionnel apparaissent constructives : affirmation de la souveraineté nationale, droit de la défense, plénitude des garanties légales, indépendance de la juridiction administrative, encadrement strict des notions d’asile interne et de pays d’origine sûrs. Enfin, on relève des décisions audacieuses comme l’interprétation par les sections réunies de la CNDA de l’article 1 D de la Convention de Genève (pendante, au moment où sont écrites ces lignes, en cassation devant le Conseil d’État) concernant des Palestiniens demandeurs d’asile .

Malgré quelques exemples constructifs de ce type et le rappel des principes constitutionnels, on assiste donc à une dérive en faveur de la protection subsidiaire, moins protectrice (durée de séjour réduite avec comme conséquences de plus grandes difficultés en matière d’emploi et de logement notamment), qui tend à l’alignement de la France sur la moyenne européenne (51 % des décisions favorables le sont au titre de la protection subsidiaire, contre seulement 16 % en France en 2008).

5. La formation de l’intime conviction du juge : une question culturelle

Nécessite de la preuve ou intime conviction ?

Aucun texte juridique relatif au droit d’asile n’évoque l’administration de la preuve. Nombre de juges de l’asile admettent difficilement qu’ils forment leur intime conviction sous l’éclairage de ce que la vie les a faits, quelle que soit leur volonté d’indépendance et le souci d’honnêteté qui peuvent présider à leurs décisions. En prendre conscience est encore le meilleur moyen de faire la part de ce qui relève du subjectif dans l’appréciation des faits qui pèsent lourd en matière d’asile et d’en tirer les conséquences dans le jugement de la cause. Les convictions philosophiques, religieuses, politiques, voire les préjugés du juge jouent évidemment un rôle dans l’interprétation de cultures, des motifs et des faits eux-mêmes rapportés par le citoyen venu d’ailleurs.

Appliquer le droit ou rendre la justice ?

L’intime conviction n’est pas non plus indépendante de la situation politique générale du pays d’accueil et des campagnes qui y sont menées à un moment donné, comme celle sur l’ « identité nationale » lancée par le ministre chargé de l’immigration et de l’asile à l’automne 2009. La pratique du droit d’asile est évidemment un domaine où le poids des cultures, des mentalités, des préjugés est important. Car il ne s’agit pas seulement d’appliquer le droit existant mais de rendre la justice « Au nom du peuple français », le droit positif n’en étant que l’instrument.

Le mensonge est-il indispensable ?

De fait, on observe une forte dispersion statistique des décisions des formations de jugement selon la composition de celles-ci. Certaines études ont même caractérisé un mythe du « réfugié menteur », justifié du côté du demandeur d’asile par la difficulté à franchir des obstacles sécuritaires et juridiques de plus en plus élevés et, du côté du juge, par le confort que lui permet l’idée qu’il est détenteur d’une prérogative de souveraineté nationale et que, face au mensonge, fut-il présumé, occasionnel ou appelé par la pression des circonstances, il juge à bon droit . Par ailleurs, il existe aussi des écarts notables persistants entre les taux d’accord de l’OFPRA et de la CNDA pour quelques pays (Serbie, Turquie, Angola, Sri Lanka, Bangladesh), ce qui indique une certaine résistance de l’établissement public à appliquer, pour ces pays, la jurisprudence de la juridiction. En ce domaine des mentalités, étroitement dépendantes du contexte social et politique dans lequel elles se forment et s’expriment, l’évolution ne peut se développer qu’à l’échelle de l’histoire.

En conclusion de cette analyse sur la situation actuelle, il convient donc de prendre la mesure des atteintes, mais ne pas ignorer pour autant les points d’appui : une réforme de la juridiction de l’asile plutôt positive, mais avec des inquiétudes sur la séparation des politiques d’asile et d’immigration ; des chiffres qui caractérisent un dispositif sélectif, mais des résultats contrastés ; une évolution défavorable du droit, mais une tradition qui existe et qui résiste.

6. Quelles propositions ?

J’ai avancé, à la fin de Juge de l’asile, quinze propositions.

1. La spécificité du droit d’asile au regard du droit des étrangers doit être respectée.

La juridiction administrative spécialisée du droit d’asile doit demeurer distincte des juridictions administratives de droit commun traitant de l’entrée, du séjour et de la reconduite à la frontière. La différenciation du droit d’asile et du droit des étrangers qui a marqué l’évolution du système français de l’asile dans le but de soustraire le droit d’asile aux règles restrictives de la police administrative doit être préservée.

2. La pratique du droit d’asile doit s’inscrire dans une conception ouverte et généreuse.

La France n’est en aucune manière menacée d’une invasion du Sud ou de l’Est. La part des réfugiés dont elle assure la protection est du même ordre de grandeur que son poids démographique dans le monde, la moitié de celle du Royaume Uni et le quart de celle de l’Allemagne. Le système mis en place dans les années 1950 a pour objet d’accorder l’asile conformément à une tradition ancienne de notre pays consacrée par ses dispositions constitutionnelles.

3. La convention de Genève doit rester le mode d’accès prioritaire à l’asile.

La protection conventionnelle est la seule à offrir la garantie d’une protection internationale. Elle doit être appliquée de manière conforme à l’esprit et à la lettre de la Convention de Genève, telle qu’elle a été notamment interprétée dans le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du HCR.

4. L’asile constitutionnel doit exprimer l’attachement historique de la France aux combattants pour la liberté.

Réintroduit par la loi en 1998 en droit positif, l’asile constitutionnel, rappelé à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel, doit faire l’objet d’une élaboration jurisprudentielle qui pourrait le conférer aux étrangers ayant manifesté un engagement exemplaire pour cette cause, quand bien même ce motif pourrait également relever de l’asile conventionnel.

5. La protection subsidiaire doit rester limitée aux cas ne relevant en aucune façon des motifs de la protection conventionnelle et bénéficier du même niveau de protection

La loi en limite strictement le champ aux demandes des personnes qui ne remplissent pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié. Rien ne justifie que la protection accordée au titre de la protection subsidiaire soit contaminée par des considérations sécuritaires et soit inférieure à celle de la protection conventionnelle : elle doit donc ouvrir droit également à un titre de séjour de dix ans.

6. Le principe d’unité de famille doit s’exercer de manière étendue et sûre.

Le principe d’unité de famille doit être érigé en principe général du droit d’asile et s’appliquer en matière de protection subsidiaire. La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire doivent être conservés par le conjoint et le mineur sous tutelle en cas de rupture de leur lien avec le réfugié principal.

7. Les catégories d’ « asile interne » et de « pays d’origine sûrs » doivent être rendues inopérantes.

Ces concepts, d’origine communautaire en France, extraits de la problématique d’ensemble de la reconnaissance de la qualité de réfugié, se sont révélés d’utilisation difficile et arbitraire, susceptibles d’avoir de graves conséquences individuelles. La liste des pays d’origine sûrs établie par l’OFPRA, déjà partiellement censurée par le Conseil d’État, doit être supprimée et la notion d’asile interne réintégrée dans l’instruction générale de la demande.

8. Le demandeur d’asile n’a pas la charge de la preuve ; sous réserve de la crédibilité de son récit, il doit bénéficier du doute.

La spécificité du droit d’asile entraîne une exception au principe général du droit mettant la preuve à la charge du demandeur. L’établissement des faits doit résulter de l’effort conjoint du demandeur et du juge. La crainte de persécution doit être fondée sur la prise en compte simultanée de la perception subjective du demandeur et de la situation objective du pays d’origine.

9. Le recours aux ordonnances nouvelles doit être strictement limité.

L’expérience a maintes fois montré que le rejet par ordonnance d’un juge unique des recours qui ne présentent « aucun élément sérieux » susceptible d’infirmer la décision de l’OFPRA pouvait conduire à des appréciations erronées. Se trouve par là soulignée l’importance d’un recours effectif devant les formations collégiales de la CNDA faisant toute sa place à l’oralité des débats.

10. Le recours suspensif en zone d’attente doit être effectif.

L’appréciation de la recevabilité de la demande d’entrée à la frontière des demandeurs d’asile ne doit pas aller au-delà de l’évaluation du simple caractère « manifestement infondé » de la demande. Le recours contre la décision refusant l’entrée sur le territoire doit pouvoir être exercé dans un délai raisonnable. L’appréciation au fond après instruction doit rester de la compétence de l’OFPRA et de la CNDA.

11. Le recours à la procédure prioritaire doit être l’exception.

Le recours à la procédure prioritaire qui prive le demandeur d’asile de droits essentiels dépasse aujourd’hui 30 % des demandes. Les délais d’instruction doivent être élargis et un droit de recours suspensif instauré. Il convient à cette fin que soient mieux définis les critères conduisant les services préfectoraux à décider de cette procédure.

12. Les activités concourant à l’instruction des demandes d’asile doivent être exercées par des fonctionnaires dont la professionnalisation doit être assurée.

Les contractuels en fonction à la CNDA doivent être titularisés dans les corps du Conseil d’État et de nouveaux recrutements de contractuels prohibés. Une formation initiale et continue approfondie des secrétaires de séance et des rapporteurs doit être mise en place. Les conditions de travail des rapporteurs doivent être aménagées pour adapter leur charge de travail à l’importance des dossiers traités.

13. Les juges doivent bénéficier d’une formation et d’une information approfondies leur permettant une étude méthodique des dossiers inscrits à l’audience.

La spécificité des activités juridictionnelles du droit d’asile, souligne l’importance de l’oralité et de la collégialité. La professionnalisation des juges doit être développée afin de créer les conditions d’une expérience se développant sur une période suffisamment longue. La diversité des regards des membres de la formation de jugement est indispensable à l’appréciation la plus complète des situations.

14. Les formations de jugement doivent créer des conditions permettant à tout demandeur d’asile de comprendre la procédure pour être en mesure d’en mesurer l’enjeu, d’être complètement informé, de formuler ses observations en toute sécurité et de s’exprimer sans crainte.

Les comportements de domination des membres des formations de jugement vis-à-vis des demandeurs d’asile et de leurs conseils doivent être bannis. Les règles d’un procès équitable doivent être respectées, avec impartialité et sans préjugé. L’asile est accordé « Au nom du Peuple français » ce qui confère aux formations de jugement la responsabilité importante d’assurer la continuité de la tradition de la France terre d’asile.

15. L’application de la jurisprudence du droit d’asile dégagée par la CNDA et le Conseil d’État doit être accompagnée d’une concertation soutenue entre la CNDA et l’OFPRA afin d’améliorer les fonctionnements respectifs de l’établissement public et de la juridiction.

Cette concertation peut être favorisée par la coordination conjointe de moyens d’information et de traitement des données et des échanges périodiques sur les problèmes rencontrés.

Et j’ai terminé le « Que sais-je ? » sur Le droit d’asile par cette citation d’Emmanuel Kant dans Pour la paix perpétuelle en 1795 :

« Hospitalité signifie le droit qu’a un étranger arrivant sur le sol d’un autre de ne pas être traité en ennemi par ce dernier […], le droit qui revient à tout être humain de se proposer comme membre d’une société, en vertu du droit à la commune possession de la surface de la Terre, laquelle, étant une sphère, ne permet pas aux hommes de se disperser à l’infini, mais les contraint à supporter malgré tout leur propre coexistence, personne, à l’origine, n’ayant plus qu’un autre le droit de se trouver en un endroit quelconque de la Terre. Cependant, ce droit à l’hospitalité, c’est-à-dire l’autorisation accordée aux nouveaux arrivants étrangers, ne s’étend pas au-delà des conditions de la possibilité d’essayer d’établir des relations avec les premiers habitants. C’est de cette manière que des continents éloignés peuvent établir entre eux des relations pacifiques, qui peuvent finir par être légalisées. »

Ainsi, droit d’asile et droit de cité se définissent réciproquement.

« Dis-moi comment tu juges… » – Bretagne-Ile de France, mars 2010

Droit d’asile et devoir d’hospitalité*

 

Anicet Le Pors récidive. Nous avons rendu compte dans le dernier numéro de Bretagne-Ile de France de la publication de la 3° édition de son « Que sais-je ? » sur Le droit d’asile. Ce petit livre de la célèbre collection des Presses Universitaires de France est devenu un classique pour les étudiants, les universitaires et les spécialistes du droit d’asile. Mais il manquait à cet ouvrage juridique une version traduisant la dimension humaine et politique du droit d’asile. Un mois plus tard, c’est chose faite avec son nouveau livre Juge de l’asile. L’une des activités actuelles d’Anicet Le Pors est en effet de siéger chaque semaine comme président des formations de jugement de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), située rue du colonel Rol Tanguy à Montreuil. Il nous y rend compte de ses rencontres avec les errants du monde.

Ils sont Tchétchènes, Serbes, Kosovars, Turcs, Sri Lankais, Congolais, Maliens, Guinéens et de bien d’autres nationalités ou minorités. Ils racontent les persécutions qu’ils ont subies, les menaces graves qui pèsent sur eux et les craintes qu’ils ont de devoir retourner dans leur pays si on les renvoie. Le juge les rencontre au terme d’un parcours semé d’obstacles qui deviennent de plus en plus difficiles à franchir du fait des politiques sécuritaires développées en France et au sein de l’Union européenne, au préjudice du droit internationalement reconnu à la protection du réfugié.

C’est ce parcours qu’illustre Anicet Le Pors sur la base d’odyssées réellement rapportées devant la Cour nationale du droit d’asile, développant, à partir de son expérience, un point de vue critique rare dans ce milieu. Droit au contenu politique fort, distinct du droit commun des étrangers, le droit d’asile interpelle, au-delà des spécialistes, le mouvement associatif, la représentation politique et l’opinion publique toujours en éveil sur ces questions, mais le plus souvent dans une grande confusion. Il est à la fois pierre de touche et composante essentielle de la citoyenneté dans le face-à-face du citoyen d’ici et du citoyen d’ailleurs : « Dis-moi comment tu juges, je te dirai qui tu es ».

Le livre est préfacé par le professeur François Julien-Laferrière qui fait autorité en matière de droit d’asile. Voici la conclusion de sa préface.

« Anicet Le Pors a le grand mérite de poser un œil lucide sur cette vérité. Il en démonte les arcanes, il en dénonce les déviances. Il ne dit pas que tous les demandeurs d’asile devraient obtenir satisfaction. Mais il laisse comprendre qu’on a tort de penser trop souvent qu’on a affaire à de « faux réfugiés » ou à de « faux demandeurs d’asile » – expressions qui, au demeurant, n’ont aucun sens. Le juge doit être impartial, ne pas avoir de préjugé, ne pas cultiver de visions stéréotypées des justiciables dont le sort dépend de sa décision.

Rien que parce qu’il dit cela, parce que c’est un « juge de l’asile » – et non un gauchiste illuminé ou un « associatif » angélique – qui le dit, qui remet en question le regard que la juridiction à laquelle il participe jette sur les justiciables qui s’adressent à elle, ce livre est une révolution. Pour cette raison, sa lecture devrait faire partie de la formation obligatoire des fonctionnaires des ministères de l’immigra¬tion et de l’intérieur, des officiers de protection de l’OFPRA, des agents de la police aux frontières et des membres – présidents et assesseurs – de la CNDA. »

° Michel Houdiard Éditeur, 15 euros

Le XXIème siècle, âge d’or du service public ? – Raison présente – n°173, mars 2010

Dans son ouvrage Projet pour la paix perpétuelle, écrit en 1795, Emmanuel Kant évoque « Le droit qui revient à tout être humain de se proposer comme membre d’une société en vertu du droit à la commune possession de la surface de la terre ». Il établit par là l’étroite liaison existant entre le droit à la possession indivise de la terre par l’ensemble du genre humain et l’affirmation individuelle de la citoyenneté, aujourd’hui essentiellement définie sur une base nationale, mais dont les dimensions universelles s’affirment à notre époque dans le processus de mondialisation qui n’est pas seulement celle du capital.
Ce point de départ quelque peu philosophique me semble désigner le service public comme lieu privilégié des dialectiques de notre temps entre : intérêts particuliers et intérêt général, individu et société, propriété privée et propriété publique, usager et fonctionnaire. C’est à ce niveau, me semble-t-il, qu’il faut situer notre réflexion sur l’actualité du service public, son rôle dans la crise de système, sa vocation à l’universalité : XXIème  siècle peut et doit être l’ « âge d’or » du service public. La France, en raison de son histoire et de son expérience peut y contribuer de manière éminente.


Les services publics dans un monde commun

Il n’est guère besoin d’insister sur la mondialisation du capital, à l’origine de graves déséquilibres et de monstrueux gaspillages s’exprimant aujourd’hui dans une crise financière sans précédent, révélant aussi une immoralité stupéfiante dans la conduite des sociétés. On en retiendra néanmoins que ce cataclysme a conduit pour la première fois avec cette ampleur à parler de crise de système, à réunir en urgence les plus puissants de la terre pour mettre en place des politiques anti-crise plus ou moins coordonnées, à engager des crédits publics à des niveaux inconnus jusque-là, voire à envisager ou même à réaliser des nationalisations, à reconsidérer les réglementations internationales du commerce, des transferts financiers, etc. Cette masse d’interventions publiques a pour but, n’en doutons pas, d’assurer la survie d’un système en crise. Ce n’est pas une question nouvelle . Cette crise est aussi la matérialisation de l’échec d’un modèle, celui du système capitaliste. C’est aussi, en même temps, l’appel à l’émergence d’un autre modèle de développement et de progrès.
Si la mondialisation est apparue essentiellement jusqu’ici comme celle du capital, elle s’est également traduite par la montée au niveau mondial d’une exigence de valeurs dont, entre autres manifestations, la célébration du 60° anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 a été  l’occasion. Certes, comme l’analyse le philosophe Marcel Gauchet, l’idéologie des droits de l’homme a prospéré dans l’espace laissé libre par l’effondrement des grandes idéologies messianniques. Mais ils constituent un ensemble limité et insuffisamment cohérent pour donner lieu, sur toute question, à des règles de droit rigoureuses, ils fonctionnent sur le registre de la révolte et de la médiatisation, ils sont insuffisants pour porter des projets de société et ils peuvent même, selon l’avis du philosophe, avoir dans la sphère sociale, le rôle de régulateur que prétend jouer le marché dans la sphère économique. Il n’en reste pas moins qu’ils portent aussi l’exigence de normes juridiques, voire de juridictions, reconnues au niveau mondial pour faire respecter des valeurs à vocation universelle..Ces considérations très générales ne sont pas séparables des processus de « mise en commun » que l’on observe dans de nombreux domaines et qui caractérisent notre époque. Je veux parler bien sûr de la nécessaire protection de l’écosystème mondial. Mais aussi de la mondialisation de nombreux domaines de l’activité humaine : les télécommunications, le contrôle aérien, la météorologie. Les progrès scientifiques ne se conçoivent plus sans l’échange international des connaissances et des avancées. La culture se nourrit de l’infinie diversité des traditions et des créations mondiales. Les mœurs évoluent par comparaison, échanges, interrogations nouvelles. Au-delà des manifestations du développement inégal, des frontières existantes, la mobilité tend à devenir un droit au sens qu’envisageait Emmanuel Kant qui ajoutait dans le paragraphe précité, que « La Terre étant une sphère, ne permet pas aux hommes de se disperser à l’infini, mais les contraint, malgré tout, à supporter leur propre coexistence, personne, à l’origine, n’ayant plus qu’un autre le droit de se trouver en un endroit quelconque de la Terre », d’où, selon lui, le devoir d’hospitalité, et pour nous sans doute une nouvelle manière de considérer les flux migratoires.
Les conséquences de ce nouveau contexte sont considérables. Pour la question qui nous occupe, elles sont particulièrement importantes. Elles conduisent à donner une traduction juridique et institutionnelle à ce que nous désignons par les expressions telles que « mises en commun », « valeurs universelles », « patrimoine commun de l’humanité », « biens à destination universelle » selon Vatican II, ou encore avec Edgar Morin « Terre-Patrie », ou le « Tout-Monde » des écrivains Patrick Chamoiseau et Édouard Glissant, etc. Je m’en tiendrai aux conséquences que nous pouvons envisager dans deux domaines qui nous sont familiers en France et en rapport direct avec notre sujet : le secteur public et le service public.
La conscience émergente d’un intérêt général du genre humain pose nécessairement la question de la base matérielle, de la propriété publique, peut être plus exactement de l’appropriation sociale nécessaire pour traduire la destination universelle de certains biens, des biens publics. Je pense évidemment d’abord au traitement de l’eau dont il est évident aujourd’hui qu’il doit être mis au service de toutes les populations de la terre, où qu’elles se situent. Mais pourquoi ce qui est vrai et assez généralement admis pour ce qui concerne la ressource eau ne le serait pas pour bien d’autres ressources du sol et du sous-sol ? Est-il admissible, à notre époque, que les gisements pétroliers ou d’uranium, par exemple, soient appropriés par les seuls possesseurs de la surface du sol sur lesquels s’exerce une souveraineté que seuls les mouvements contingents de l’histoire ont déterminée ? Le raisonnement vaut a fortiori pour nombre de services tels que ceux qui ont été évoqués précédemment. Il nous faut donc réfléchir et proposer des appropriations mondiales ou internationales correspondant à ces nécessités de notre temps
L’exigence d’une propriété publique étendue au niveau mondial va de pair avec celle qui doit conduire à définir des services publics à ce niveau. On n’imagine pas que le contrôle aérien, par exemple, puisse être abandonné aux règles du marché ; que les compagnies aériennes privées pourraient s’en remettre à la « main invisible » ou à la « concurrence libre et non faussée » pour déterminer les niveaux de vol ou les couloirs de circulation. De plus en plus de services publics seront nécessaires dans l’avenir et c’est dans le cadre de cette hypothèse que nous devons placer nos réflexions et nos propositions ; des services publics industriels et commerciaux correspondant à la gestion des biens reconnus comme biens communs : l’eau , certaines productions agricoles et alimentaires, des ressources énergétiques ; des services administratifs relatifs à la production de services techniques : les télécommunications, certains transports, l’activité météorologique et spatiale, de nombreux domaines de la recherche scientifique, des services d’assistance médicale ; des services essentiellement administratifs organisant la coopération des pouvoirs publics nationaux et internationaux dans de multiples domaines : la sûreté sous de multiples aspects (la lutte contre les trafics de drogues, les agissements mafieux, les actions terroristes, la répression des crimes de droit commun), la recherche d’économies d’échelle, la suppression des doubles emplois, la réglementation des différentes formes de coopération dans toutes les catégories administratives.
Ce sont toutes ces réflexions qui permettent de parler du XXI° siècle comme « l’âge d’or » potentiel du service public au niveau mondial, ce qui ne constitue en rien une négation des niveaux national et continental, en l’espèce pour ce qui nous concerne, européen.


La nécessité d’une contre-offensive orientée vers l’universel

Il est sans doute indispensable d’agir pour empêcher le pouvoir de poursuivre le démantèlement des services publics et la privatisation des secteurs publics, contraire à l’intérêt général. Mais, à ce moment de l’histoire de l’humanité, le plus important est d’inscrire la promotion des services publics dans le champ des besoins qui ne manqueront pas de s’affirmer, traduisant la nécessité d’une plus grande solidarité mondiale, la recherche de la plus haute efficacité sociale, l’exigence de la démocratie et de la paix.

Il convient, tout d’abord, de défendre les valeurs du pacte républicain. L’attaque frontale du Président de la République et du Gouvernement porte atteinte aux composantes essentielle du pacte républicain et aux valeurs de la citoyenneté qui se sont forgées au cours des siècles : une conception de l’intérêt général qui n’est pas en France la somme des intérêts particuliers, une affirmation du principe d’égalité qui doit tendre à l’égalité sociale au-delà de l’égalité juridique, une exigence de responsabilité que fonde le principe de laïcité. La gravité des coups portés élève le niveau de la réplique nécessaire pour faire échec à cette offensive mettant en cause la souveraineté nationale et populaire. Le livre blanc Silicani montre que le pouvoir n’ignore pas cette préoccupation puisqu’il consacre aux « valeurs » les 75 premières pages du rapport sur 146, sans pour autant en tirer de conséquences pratiques.

Au cours des dernières décennies, le domaine idéologique a été très négligé par le mouvement social  ; il convient donc de le réinvestir en rappelant les principes qui régissent notre conception du service public (égalité, continuité, adaptabilité) et plus spécialement de la fonction publique où la politique que tente de mettre en place le pouvoir doit être combattue idéologiquement en prenant appui sur les dispositions actuelles du statut et sur les principes qui les sous-tendent (égalité, indépendance, responsabilité).. Le Président de la République s’arroge un blanc-seing, dans la fonction publique comme en d’autres domaines, pour mettre en œuvre des réformes pour lesquelles il n’a pas été mandaté. C’est pourquoi j’ai pu parler à ce sujet de forfaiture . Il intervient discrétionnairement en méconnaissance des dispositions constitutionnelles et statutaires sur de nombreuses questions . Face à un pouvoir qui les méprise, nous devons aider notre peuple à se réapproprier son histoire, la démarche scientifique et la morale républicaine.

Ensuite, des propositions concrètes doivent être élaborées pour démocratiser et moderniser le service public. Le président de la République a été mis en échec sur la « révolution culturelle » qu’il voulait provoquer dans la fonction publique. La crise a spectaculairement  démontré le rôle d’ « amortisseur social » du service public en France. Les attaques se poursuivront sans nul doute, mais elles ne peuvent plus prendre la forme provocatrice de la contre-révolution qu’il avait envisagée. Il voulait supprimer les classements de sortie des écoles de la fonction publique, classements relevant du principe du concours déduit de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et repris par le statut général des fonctionnaires. Le projet vient d’être reporté sine die par le ministre Éric Woerth. Il s’était fixé l’objectif absurde et réactionnaire de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, quelques jour avant son décès, a considéré que cette réforme était seulement « dictée par des considérations budgétaires de court terme ». Il n’y a douc aucune fatalité de l’entreprise de démantèlement.

Il convient de répondre plus précisément aux nécessités actuelles et à venir. Dans la fonction publique, par exemple, en avançant des propositions de réformes améliorant le dispositif mis en place en 1983-1984. Le statut des fonctionnaires n’est pas un texte sacré et un texte qui n’évolue pas en fonction des besoins et de l’évolution des techniques risque la sclérose. Ces propositions pourraient concerner, par exemple : une véritable gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences ; la mise en œuvre de la double carrière (sur la base, par exemple, du rapport de Serge Vallemont) ce qui nécessiterait une politique de formation sans commune mesure avec ce qui existe ; les conditions d’affectation, de détachement et plus généralement de mobilité (l’article 14 du titre 1er du statut général a posé la mobilité comme « garantie fondamentale ») ; l’amélioration de l’égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs de la fonction publique ; la remise en ordre des classements indiciaires et statutaires ; la résorption de la précarité et la titularisation des contractuels indûment recrutés sur des emplois permanents ; l’instauration de modalités sérieuses de négociation et de dialogue social ; le développement de l’évaluation des politiques publiques, etc.

De plus, défendre le statut général des fonctionnaires c’est défendre les droits de tous les salariés. Par analogie, ceux des agents publics qui ne sont pas sous statut mais sous différentes formes de relations contractuelles. Ceux des entreprises publiques qui ont bénéficié comme les fonctionnaires de statuts particuliers au lendemain de la seconde guerre mondiale. Mais aussi ceux des salariés qui relèvent du droit commun privé. S’il n’est évidemment pas question de transformer tous les salariés en fonctionnaires, tous appellent une meilleure couverture sociale quel qu’en soit le nom. Dans le cadre de la réflexion sur la sécurisation des parcours professionnels, la CGT a avancé l’idée d’un « statut du travail salarié » . Le sociologue Robert Castel s’exprime sur ce sujet dans ce numéro. J’ai également formulé des propositions en faveur d’un statut des travailleurs salariés du secteur privé . En tout état de cause, il y a là une voie de recherche essentielle qu’il convient d’alimenter par un ensemble de propositions qui ne peuvent résulter que d’un travail de grande ampleur multidisciplinaire.

La réforme des collectivités territoriales provoque de toute part de fortes oppositions. Le grand chambardement des services publics territoriaux peut et doit être mis en échec. Pour contester l’approche présidentielle, il convient de rappeler les principes sur lesquels il convient de se fonder pour installer une organisation territoriale démocratique. En premier lieu, le principe d’indivisibilité de la République (art. 1er de la constitution), siège de l’intérêt général explicité par la loi ; il s’ensuit qu’il ne doit pas y avoir de compétence législative propre des collectivités territoriales par la voie de l’expérimentation. En second lieu, le principe de libre administration des collectivités territoriales (art. 72). Ces deux principes peuvent être contradictoires. Comment lever cette contradiction ? D’une part en reconnaissant une compétence générale à toutes les collectivités territoriales au-delà des compétences spécifiques et, d’autre part, en mettant en œuvre un principe de subsidiarité démocratique librement déterminée par les collectivités (J-J. Rousseau : « Où se trouve le représenté, il n’y a pas de représentant »).

Enfin, l’heure est à l’action. Sans préjudice des actions sectorielles et locales qui se développent en permanence, une démarche globale a été entreprise au printemps 2008 pour la défense du service public sur le thème «  Le service public est notre richesse ». Lancé par une soixantaine de personnalités de divers horizons  : responsables syndicaux, anciens ministres, intellectuels et personnalités culturelles, parlementaires, dirigeants d’associations, ce texte a recueilli des dizaines de milliers de signatures. D’autres initiatives ont été prises comme la pétition lancée par Michel Vauzelle tendant à l’adoption d’une loi constitutionnelle sur le service public, l’Appel des appels, etc. Toutes ces initiatives viennent de converger le 17 décembre dernier à la Mutualité à Paris, dans la constitution d’un « Comité national pour des États généraux du service public » regroupant plusieurs dizaines d’associations, syndicats et partis, qui s’est donné un programme de travail et d’initiatives jusqu’à l’été prochain.