La laïcité, spécificité française ou valeur universelle ?

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Amicale des vétérans et de la mémoire militante  PCF / Jeunesses communistes – Lille, 13 décembre 2013

 

 

images-1La laïcité court aujourd’hui un risque de confusion, d’altération et, par là, de régression.

Certains éprouvent le besoin de la qualifier : de positive (Nicolas Sarkozy),, d’ouverte (Marie George Buffet) ou de raisonnée (EELV) comme si elle n’était jusque-là que négative, fermée et déraisonnable.

D’autres tiennent à caractériser plusieurs laïcités en fonction des conjonctures géopolitiques : séparatiste, autoritaire, anticléricale, etc. La laïcité serait alors une notion ambivalente (Laïcités sans frontières de Jean Baubero et Micheline Millet). Toute qualification est une distanciation qui affaiblit l’idée.

Le Front national, de son côté, en fait un argument, à contre-pied de ses fondements idéologiques, en réalité une arme contre « l’islamisation » de la société.

 Il est donc nécessaire de faire le point sur ce concept qui émerge de l’histoire longue comme principe fondamental (I), qui aujourd’hui comme hier est à l’épreuve des problèmes de la société (II), mais qui dans cette épreuve également pose la question de son rôle dans la construction de la citoyenneté et l’hypothèse de son caractère universel (III).

 

I. L’affirmation historique  du principe de laïcité

images-2Il s’agit d’un mouvement  général des sociétés qui s’inscrit, en France, dans des circonstances particulièrement significatives.

Corrélation du développement économique et social et de la sortie de la religion

Selon l’analyse marxiste caractérise le matérialisme historique comme une succession de modes de production caractérisés par le niveau de développement des forces productives et les rapports de production que leur organisation implique. Les modes de production procèdent par vie de développement des contradictions qu’ils engendrent : communisme primitif-féodalisme – capitalisme – socialisme (propriété publique-pouvoir de la classe ouvrière-homme nouveau) – communisme (affranchissement de toutes les aliénations). Cette analyse, quelque peu mécaniste, n’est pas contradictoires avec d’autres analyses socio-politiques.

Dans son ouvrage Le désenchantement du monde (qu’il faut comprendre comme la sortie de la société du monde des croyances ou des superstitions qui l’enchantaient), Marcel Gauchet analyse le long effort des sociétés pour s’affranchir de toute vision transcendantale. Mouvement qu’il décrit comme celui de l’hétéronomie (une société sacralisée par le droit divin) vers l’autonomie (affirmation de l’identité propre de l’État et des droits de la personne). Son raisonnement est, en résumé, le suivant caractérisé par trois ruptures.

Première rupture : après des siècles de dogmatisme religieux, à la fin du Moyen Âge, s’amorce la sortie de la religion, la disjonction d’avec le Ciel. La monarchie absolue tend à séculariser le pouvoir politique.

Deuxième rupture : se produit alors une dépossession de l’incarnation individuelle en la personne du monarque au profit de la collectivité, ce qui conduit à une auto-construction de la personne publique remplaçant celle du monarque ; c’est l’affirmation progressive de la nation dont la souveraineté est une version de la souveraineté du peuple, adossée cependant à la continuité de la tradition.

Troisième rupture : on assiste à l’affirmation corrélative et conjointe des droits individuels et de l’État, instrument représentatif de l’entité politique qu’est la nation.  Mais l’État n’est pas soluble dans les droits individuels et ces deux entités ne tardent pas à s’affronter : droits individuels contre volonté générale exprimée par la loi. Sous l’effet de ce mouvement et du développement des forces productives, essentiellement au XIXe siècle, l’affirmation d’une historicité de la société développée pose la question de son avenir et de la façon de le construire. La dialectique de l’individuel et du collectif conduit à la dissociation de l’État et de la société et à l’intervention de catégories sociales, voire de classes ou de masses. La prévalence recherchée de la raison nourrit l’idée d’un changement de société par la réforme ou la révolution.

Cette expérience débouche donc sur une crise de civilisation. Car l’action des masses ne s’est pas dépouillée du sacré, ce qui a conduit en leur nom à des démarches totalitaires dans l’expression de l’historicité, à la constitution de « religions séculières ». La chute des totalitarismes sape les bases de l’intérêt collectif au nom de la liberté.

L’affirmation du principe en France

Le « désenchantement » est donc une longue marche que l’on peut «baliser » dans notre histoire de France par quelques dates et évènements.

Philippe Le Bel installe en 1309 le pape Clément V en Avignon en réplique au prédécesseur de ce dernier, Boniface VIII, qui prétendait affirmer la supériorité du pape sur les rois. Il s’agit là d’un acte fort de sécularisation du pouvoir politique et de séparation de l’État et de l’Église. Il institue également le Conseil d’État du roi contribuant à un clivage franc public-privé.

La Renaissance et la Réforme vont opérer un profond bouleversement des mentalités. On sort d ‘une éclipse d’un millénaire sous le régime féodal dominé par le pouvoir religieux. Les marchands des cités réclament des franchises commerciales et on aspire dans le people à des libertés individuelles. L’Université reprend l’étude et l’enseignement du droit romain On relit La Politique d’Aristote ; on publie La République de Bodin, Le Léviathan d’Hobbes ; on évoque l’idée républicaine avec Machiavel, etc. L’Esprit des lois de Montesquieu et Du Contrat social de J-J. Rousseau seront ensuite des références majeures.

Le pouvoir de l’Église est de plus en plus contesté. Ainsi, pendant tout le Moyen Âge l’asile était le monopole de l’Église qui pouvait l’accorder dans ses dépendances à qui elle voulait pour quelque raison que ce soit (Notre Dame de Paris de Victor Hugo) avec la possibilité d’excommunier le souverain qui portait attente à ce monopole. Mais progressivement les autorités religieuses elles-mêmes réduisirent leurs compétences en la matière et, en 1539, par l’ordonnance de Villers-Cotterêts, François Ier abolit l’asile en matière civile. Il imposera également le français comme langue administrative à la place du latin, langue du sacré.

La Sorbonne remet au goût du jour l’étude des Anciens, du droit romain. Les guerres de religions vont créer de profonds bouleversements (la St Barthélemy en 1572) et poser la question des rapports de l’Église et de l’État marquées par l’Édit de Nantes en 1598 puis son abrogation en 1685. Sous Louis XIV s’opèrera une disjonction de la personne du Roi et de l’État (au début « l’État c’est moi », à la fin « Je meurs mais il reste l’État »). Jean- Montesquieu, Voltaire développent une critique efficace de l’ordre monarchique. Jean-Jacques Rousseau théorise la transmission de souveraineté dans Du Contrat social désignant le Peuple comme nouveau souverain.

La Révolution française constitue une étape marquante de la sécularisation du pouvoir politique avec la Constitution civile du clergé dès 1789, la confiscation de ses biens, en dépit de la tentative de reconstitution religieuse sécularisée avec le culte de l’Etre suprême assimilé au culte de la Raison. L’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses … ».

Le XIXe  siècle qui portera à son origine la marque du Concordat conclu avec la papauté par Napoléon et Pie VII en 1801, verra les aspirations républicaines et socialistes caractérisées par une volonté de rationalisation de la démarche émancipatrice  dominée par le marxisme (Manifeste du parti communiste en 1848) tendant à dégager le mouvement social de l’imprégnation religieuse. Mais le sentiment religieux participe lui-même à ce mouvement (Lamenais, Lacordaire, Ozanam, Sangnier). La I° Internationale est créée en 1865. La loi sur le droit de grève date de 1864, celle sur le droit syndical de 1884.

L’avènement des grandes lois

La III° République est proclamée en 1875. Et c’est ainsi que l’on parvient aux grandes lois sur la laïcité : loi du 18 mars 1880 sur la collation des grades réservée à l’État, loi du 16 juin 1881 sur la  gratuité de l’enseignement primaire public, loi du 28 mars 1882 rendant obligatoire cet enseignement. « La cause de l’école laïque » figurera  dans la lettre de Jules Ferry aux instituteurs du 17 novembre 1883. La loi du 9 décembre1905 « concernant la séparation des Églises et de l’État » posera les deux fondements de la laïcité (sans formuler le mot) : liberté de conscience et neutralité de l’État. Le mot n’est introduit qu’en 1946 dans la constitution de la IV° République du 27 octobre, Il figure aussi dès l’art. 1er de la constitution de 1958 : «  La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».

 

 

II. La laïcité à l’épreuve des problèmes de notre temps

La laïcité, du principe à sa dénaturation

Il est utile, alors qu’aujourd’hui certains proposent de réformer la loi de 1905 ou de l’inscrire dans la constitution, de citer ses deux premiers articles aux termes soigneusement pesés :

« Article 1er – La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.

Article 2 – La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. (…) »

Jusqu’à la deuxième guerre mondiale prévaut la vigilance dans la défense des règles ainsi posées, la figure de l’enseignant de l’instruction publique, le « hussard noir » de la République, symbolisant cette posture républicaine marquée par de nombreux exemples comme l’interdiction faite par Clemenceau aux membres du gouvernement d’être présents au Te Deum célébré à Notre Dame pour la victoire de la guerre 1914-1918.

Mais le principe de laïcité c’est aussi l’exercice de l’esprit critique, l’apprentissage de la tolérance dans un esprit qui inspire la Charte de la laïcité à l’école diffusée dans les établissements scolaires publics à la rentrée 2013 – exceptionnellement dans les établissements privés.

Néanmoins, les exceptions à la règle de neutralité sont nombreuses : situation concordataire de l’Alsace-Moselle réintégrée après la guerre 1914-1918 ; financement public des écoles privées par la loi Debré du 31 décembre 1959 intégrant à l’Éducation nationale les établissements privés sous contrats d’association. Cette loi sera prolongée par la loi Guermeur en 1977 (les communes sont sollicitées pour le financement du secteur privé ; les enseignants du privé bénéficient des mêmes avantages de carrière que ceux du public) et les accords Lang-Coupé en 1992 (recrutement et formation des maîtres du second degré du secteur privé alignés sur ceux du public) vont dans le même sens d’une parité public-privé. En sens inverse, la tentative du projet Savary en 1984 en faveur d’un service public de l’éducation unifié entrainant la chute du troisième gouvernement Mauroy.

Les évènements de 1968 traduisent un changement de climat social et d’état d’esprit. Aussi, avec retard sur cette évolution, la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 (loi Jospin) propose une ouverture sur le monde du milieu scolaire que traduit cet alinéa de l’article 10 : « (…) Dans les collèges et les lycées, les élèves disposent, dans le respect du pluralisme et du principe de neutralité, de la liberté d’information et de la liberté d’expression. L’exercice de ces libertés ne peut porter atteinte aux activités d’enseignement. (…) » ;

La laïcité et l’islam

La même année, un avis demandé au Conseil d’État par le ministre de l’Éducation nationale sur la question du port du voile islamique à l’école conduit le Conseil à préciser les conditions d’application du principe de laïcité : celui-ci est fondé à la fois sur la liberté de conscience et la neutralité de l’État. L’exercice de la liberté exclut le prosélytisme et le port de signes ostentatoires. En cas de contradiction des principes, on a recours à la notion d’ordre public.

La portée de cet avis était générale, mais en fait elle a concerné, dans l’opinion la question de l’application du principe de laïcité à la pratique le l’Islam, comme le principe avait eu à connaître antérieurement des conditions d’application vis-à-vis des autres religions. (enseignants, processions, sonneries de cloches, etc.) L’interdiction de signes ostentatoires ou d’actions de prosélytisme devait être mis en œuvre au cas par cas et ne pouvait faire l’objet d’une interdiction générale en vertu d’un autre principe prohibant toute interdiction de portée générale en matière de police administrative. Ainsi, il n’était pas possible d’inscrire une interdiction générale de signe ostentatoire dans un règlement intérieur d’un établissement scolaire sans trouble caractérisé au service public ou atteinte spécifiée à l’intégrité des élèves.

Cette orientation a connu de sérieuses difficultés d’application. Elle faisait en effet peser sur les chefs d’établissements la lourde responsabilité de caractériser les infractions ; ils n’ont d’ailleurs pas toujours été activement soutenus par leur administration. Les décisions des juridictions administratives ont pu apparaître contradictoires. Le 16 janvier 1994 a lieu à Paris une manifestation de quelque un million de personnes contre le projet de modification de la loi Falloux qui aurait élargi les possibilités de financement par les collectivités territoriales des établissements privés. Les efforts de la jurisprudence pour répondre aux difficultés, tout comme les dispositions coercitives de la circulaire Bayrou du 20 septembre 1994 sont apparues insuffisantes devant la revendication croissante d’une loi sur le sujet.

La commission Stasi, constituée en 2003 pour faire des propositions sur le sujet a plutôt accru la confusion. Le principe de neutralité y est abordé de manière défensive. Les exceptions au principe de laïcité sont minimisées. Il y est affirmé que le temps de la « laïcité de combat » est dépassé. Surtout le rapport ajoute aux principes de liberté de conscience et de neutralité de l’État un autre principe : la responsabilité qui incomberait à l’État d’assurer un traitement égal des options religieuses avec des conséquences lourdes (extension des contrats d’association, aumôneries diversifiées, jours fériés pour les différentes confessions, création d’une école nationale d’études islamiques, etc.) manifestement contraires à la loi de 1905 qui affirme que la République ne « reconnaît » aucun culte.

Un certain nombre d’objections pouvaient être opposées à la loi du 15 mars 2004 prohibant en milieu scolaire public le port de signes et de tenues conduisant à se faire connaître immédiatement par son appartenance religieuse (voile, kippa, grande croix, etc …) : le risque de tirer de la référence à’un texte religieux le fondement de l’inégalité femme-homme (le Coran comme source de droit interne !), l’aggravation de la condition sociale de jeunes filles prises entre les puissances respectives de la tradition familiale et de l’État, la multiplication des interdits ou le déplacement et l’extension du problème sur d’autres terrains. C’est pourquoi je n’étais pas favorable à une telle loi. Mais une fois l’entrée en vigueur de la loi, il est impossible de la contester sans que cela apparaisse  comme un recul de la laïcité.

La question pour autant n’a pas disparu de l’espace public. Elle s’est déplacée avec, d’une part la multiplication des foulards dans l’espace public, et, d’autre part  la question du « voile intégral », niqab ou burqa en dépit du caractère très minoritaire de ces manifestations. La loi du 10 octobre 2010 a interdit la dissimulation du visage de l’espace public. Le traitement par la loi de cette question est critiquable : on ne combat une idéologie que l’on juge obscurantiste que par la contestation idéologique et politique, la stigmatisation des musulmans est inévitable et défavorable à l’expression de la laïcité en son sein et à l’expression de ses membres, il s’agit à l’évidence d’une manipulation politique pour brouiller le clivage droite-gauche par le moyen d’une excitation passionnelle. Je n’étais pas davantage favorable à cette loi. Comme on pouvait s’y attendre, les effets sont dérisoires sans que la question des signes religieux soit résolue. Ce n’est pas le principe de laïcité qui est en cause mais les moyens, à mon avis inappropriés utilisés.

Dans le même temps des solutions pacifiques sont généralement trouvées concernant : les carrés musulmans dans les cimetières, les abattages rituels, les lieux de culte, les repas dans les cantines, etc.

La laïcité en difficulté

Les problèmes rencontrés aujourd’hui par la laïcité ne sauraient se réduire à ses relations avec l’islam dont on peut penser qu’ils servent même à occulter une véritable offensive contre cette spécificité de l’identité nationale. La situation est aggravée par l’ambiguïté des positions des autorités publiques et un certain désarroi des forces laïques  affectées par la confusion précédemment relevée.

Uhe offensive anti-laïque renforcée

L’inspiration de l’offensive anti-laïque était clairement affichée par nombre de déclarations de Nicolas Sarkozy et notamment celle de Latran du 20 décembre 2007 : « l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il  est important qu’il s’en approche, car il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie  et le charisme d’un engagement porté par l’espérance ».

La représentativité officiellement reconnue à certaines organisations confessionnelles (CRUF, UOIF) est contraire à la loi de 1905. L’instrumentalisation de la laïcité par le Front national, par le discrédit qu’elle risque de faire subir au concept, est de nature à faire le jeu des communautarismes ethniques et religieux. La campagne sur l’identité nationale ostensiblement dirigée contre l’étranger avait le même but.

 On relève aussi la prise en charge par l’État en 2005 de la gestion des enseignants du privé devenus agents publics contractuels – qui demeurent néanmoins sous supervision diocésaine pour l’enseignement catholique qui représente 95% de l’enseignement privé -, jours fériés et chômes d’origine catholique ; jusqu’au décret du 16 avril 2009 publiant l’accord conclu entre la République française et le Saint Siège sur la reconnaissance de grades et diplômes de l’enseignement supérieur catholique nonobstant le monopole posé par la loi de 1880.

Pour les partisans d’une intégration supranationale, principalement européenne, renforcée, la laïcité est regardée comme une exception française, voire une anomalie à supprimer, ce que les églises, et notamment l’église catholique ne peut qu’encourager. Selon Patrick Kessel, membre de l’Observatoire de la laïcité et ancien grand maître du Grand Orient de France « certains veulent mettre l’éteignoir sur la laïcité ».

Une certaine complaisance des juridictions

Outre celles précédemment évoquées, les atteintes à la laïcité sont aussi financières. Depuis longtemps l’enseignement privé sous contrat a reçu d’importants soutiens financiers. Dans la dernière période, on peut aussi citer : la loi Carle de 2009 qui a fait obligation aux maires de financer la scolarité d’enfants souhaitant s’inscrire dans des établissements scolaires privés hors de la commune ; la RGPP a épargné les établissements privés sous contrat qui représentent 17 % des postes mais ne devaient connaître que 10 % des réductions.

On doit aussi mentionner une certaine irrésolution des juridictions. C’est d’abord celle de la juridiction administrative qui a actualisé sa conception pat cinq décisions contentieuses du 19 juillet 2011. Pour admettre le financement par une collectivité publique d’ouvrages associés à des lieux cultuels, elle a considéré que la justification résidait dans l’existence d’un « intérêt public local » – achat d’un orgue par la commune de Trélazé en raison d’école de musique et de concerts dans l’église ; financement par la commune de Lyon d’un ascenseur d’accès à la cathédrale de Fourvière pour son intérêt touristique -. Elle a justifié aussi le financement par la communauté urbaine du Mans de la mise en état d’abattoirs destinés aux sacrifices de l’Aïd el Kebir en l’absence de service public local à proximité. Elle a également permis l’utilisation temporaire d’une salle polyvalente de la ville de Montpellier comme salle de prière dans le cadre d’une convention avec une association musulmane. À Montreuil, la municipalité  a conclu avec une association musulmane un bail emphytéotique de 99 ans moyennant une contribution symbolique de un euro mais une intégration au patrimoine de la collectivité au terme du bail; le Conseil d’’État a considéré que le législateur avait autorisé cette dérogation à la loi de 1905. La haute juridiction invoque pour justifier sa démarche les articles 13 et 19 de la loi de 1905 qui, à mon avis, sont exagérément sollicités[1].

S’agissant de la juridiction judiciaire, la Cour de cassation a pris le 19 mars 2013 une décision cassant la décision de licenciement de la directrice adjointe de la crèche Baby-Loup de Chanteloup-les-Vignes qui refusait d’ôter son foulard dans l’exercice de ses fonctions ce qu’interdisait le règlement intérieur de l’établissement. Pour justifier sa décision la Cour a considéré, d’une part  qu’il ne suffit pas de recevoir des fonds publics ou d’exercer une mission d’intérêt général pour considérer qu’il s’agit d’un organisme exerçant une mission de service public et de se voir appliquer les règles de neutralité applicables aux agents publics, d’autre part qu’il convient de motiver les restrictions aux libertés individuelles  – port du voile – mais que ce ne peut être par une règle de portée absolue et générale d’interdiction par un règlement intérieur. À la suite de quoi l’Observatoire de la laïcité a pertinemment invite la crèche à modifier son règlement intérieur ou a obtenir une délégation de service public. Le 27 novembre, la Cour d’appel de Paris revient sur la position de la Cour de cassation en validant le licenciement de l’employée considérant qu’il n’y avait pas atteinte à la liberté religieuse la crèche étant considérée comme une « entreprise de conviction ».

L‘Observatoire de la laïcité a été créé en 2007, mais n’est opérationnel que depuis avril 2013. Il se substitue en fait au Haut Conseil à l’intégration (HCI)[2], lequel avait publié un avis préconisant l’interdiction du voile islamique dans les salles de cours de l’université. Le HCI a été mis en sommeil début septembre et sera probablement supprimé en décembre. L’Observatoire a contesté cette recommandation. La conférence des présidents d’université est contre une loi d’interdiction du voile à l’université. Manuel Valls pense que l’Observatoire doit se saisir de la question. Dominique Baudis, défenseur des droits, dénonce le flou et a saisi le Conseil d’État. Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire, pense qu’il ne faut utiliser l’arme législative qu’à bon escient. 83% des Français estiment qu’il faut proscrire les signes religieux dans les entreprises privées.

Une réplique insuffisante et confuse des défenseurs de la laïcité

On doit cependant  souligner d’abord la contribution de la Charte de la laïcité. C’est un texte clair qui réaffirme le principe de neutralité en même temps que la liberté d’expression « dans les limites de l’ordre public ».

Mais l’aspect le plus significatif de la situation actuelle est la faiblesse de la réaction des forces traditionnellement attachées à  la laïcité. Certes, des associations et les partis ne manquent pas de réagir devant des atteintes caractérisées, mais les travaux d’approfondissement sont rares et les réfutations des rapports officiels (Stasi, Machelon) fables et souvent orientées vers la recherche d’un consensus républicain pauvre sur la base de compromis sans principe. Une étude approfondie du concept dans le contexte actuel apparaît ainsi nécessaire. Cette prise de conscience n’est pas très répandue. Nombre d’organisations se réfugient dans une référence aux droits de l’homme dont ils déduisent une grande complaisance vis-à-vis des manifestations communautaristes. Ainsi, le président de la Ligue des droits de l’homme, Pierre Tartakowsky déclarait-il récemment : « Il y a une dialectique d’exclusion prétendument laïque qui est en fait une dialectique d’exclusion socio-ethnique des plus pauvres », estimant que tout comportement individuel devrait être largement admis, y compris dans le champ des services publics (Débat à la Fête de l’Humanité de 2013). La laïcité se confond alors avec un laisser aller de bonne conscience. Etienne Balibar considère qu’il y a toujours eu deux tendances, il écrit «  La division est une division qui partage la République entre une conception étatiste et une conception libérale. Cela peut surprendre pour quelqu’un qui se veut marxiste, mais, personnellement, je suis pour une conception libérale, aussi ouverte et aussi radicale que possible » (l’Humanité, le 26 août 2013). Cela surprend en effet, y compris la facilité qui consiste à qualifier d’étatiste tout opposant à la pensée libérale. On relèvera enfin la prise de position officielle du PCF sur le sujet, dont on ne peut pas dire qu’elle soit stimulante pour le combat laïque : « Ainsi nous refusons la conception qui ferait de la laïcité un principe de stigmatisation et d’exclusion. Nous refusons aussi cette conception qui ferait de l’espace public un lieu aseptisé où l’on ne s’efforcerait que d’être semblable aux autres, les convictions des individus étant refoulées dans une « sphère privée » (Humanifeste, p. 44)

III. La laïcité, du pacte républicain à la vocation universelle

La laïcité a émergé en France sous une particulière clarté jusqu’à constituer une spécificité nationale. Pour autant le concept est frappé – comme d’autres exceptions françaises : le service public, par exemple – de dénaturations diverses. L’assainissement de la situation actuelle pour l’établissement d’un droit commun cohérent sur tout le territoire national est donc une nécessité. Cette action doit s’accompagner d’un approfondissement du concept comme dimension majeure de la citoyenneté en même temps que d’une réflexion sur sa portée universelle.

Nécessité d’une rénovation législative et réglementaire

L’existence de la loi de 1905, d’un État de droit  retenant dès l’article 1er de la constitution le principe de laïcité est une garantie fondamentale. Mais l’état de la législation et de la réglementation du principe s’accompagne dans un tel domaine d’une forte rigidité – ainsi n’est ni possible ni souhaitable dans la situation actuelle de revenir dans l’immédiat sur la loi de 2004 sur le voile islamique quoi qu’on en pense –. On peut néanmoins envisager quelques évolutions, parmi lesquelles :

– Application progressive du droit commun en Alsace-Moselle, mis en place sur une longue période, trente ans par exemple, moyennant des compensations de transition.

– Distinction franche par nature et implantation des activités cultuelles et culturelles.

– Application ferme du principe de neutralité dans un champ étendu du service public et de tout établissement ou entreprise ayant, même partiellement, ce caractère. Clarification des bases d’établissement des règlements intérieurs à partir d’une jurisprudence sûre et ferme.

– Sécularisation des jours fériés et chômés sans qu’il soit nécessaire d’en bouleverser l’ordonnancement.

– Refondation d’un service public de l’enseignement et réorientation à son profit des crédits de l’Éducation nationale.

La laïcité composante majeure de la transformation sociale

La laïcité peut et doit être évoquée dans toutes les actions participant à l’affirmation de la citoyenneté. Réciproquement, tout progrès dans ce domaine permet des avancées de la laïcité.

Ainsi la laïcité est évidemment consubstantielle à notre conception de l’intérêt général, du service public et de la fonction publique. Elle établit l’égalité entre les citoyennes et les citoyens, les dégageant des particularismes communautaires. Elle est à la base même de toute idée de responsabilité puisque celle-ci ne relève ni d’une transcendance ni d’un état de nature ou d’une fatalité, mais de l’émancipation des citoyens et des citoyennes qui fixent les règles de la morale sociale.

Le citoyen est d’abord vis à vis des autres citoyens comme un laïc qui ne se définit pas par des caractéristiques ayant pour effet de fonder l’affirmation sociale de la personne sur  des caractères ethniques, religieux, politiques ou d’autre nature conduisant à faire prévaloir ces communautés sur la communauté des citoyens, sur la nation.  Le citoyen « abstrait » théorisé par Mona Ozouf, ne fait en rien obstacle à l’affirmation des personnalités individuelles, au contraire il en est la garantie juridique. La laïcité doit imprégner la vie en société et fonder les institutions territoriales et nationales.

Il n’est pas étonnant que, sous des formes multiples, la laïcité soit évoquée quasi-quotidiennement dans la crise ; elle s’y définit en dynamique, individuelle, médiatique, organisationnelle. Elle est peu évoquée dans les différentes déclarations des droits de l’homme car, ainsi que l’a écrit le professeur jean Rivero « Les droits de l’homme sont des libertés, les droits du citoyen sont des pouvoirs ». La mondialisation pose inévitablement la question de son avenir pour l’universalité du genre humain. La laïcité, en raison de son caractère « transversal » dans la citoyenneté est un élément essentiel de la recomposition politique.

La laïcité a-t-elle vocation à l’universalité ?

3 - 92a7041iL’affirmation du principe de laïcité accompagne comme on l’a vu la sécularisation du pouvoir politique. La Renaissance et la Réforme en ont été des moments importants. Toutefois, ce mouvement a revêtu des formes différentes selon les pays. Certains comme les États Unis ont conservé une référence forte au Créateur, tandis que d’autres, la France notamment, ne se sont inscrits que dans une « religion civile » donnant la primauté à la Raison et ne conservant qu’une référence formelle à l’Être suprême. Les premiers ont plus ou moins intégré la religion dans leurs institutions, les seconds ont finalement marqué la séparation entre les Églises et l’État. C’est la distinction chère à Régis Debray entre démocrates et républicains. Ces tendances distinguent clairement, en Europe, la France (franche séparation) du Danemark (forte intégration). La situation est encore plus complexe au niveau mondial.

En France, on rappellera que la Déclaration de 1789 se voulait de portée universelle. Elle disposait en son article 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. »

En Europe, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dispose, de son côté, dans son article 9 : « Liberté de pensée, de conscience et de religion.

1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

 Dans la rédaction introduite par le Traité de Lisbonne, l’article 17 sur le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne s’énonce ainsi :

« 1. L’Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les églises et les associations ou communautés religieuses dans les États membres.

2. L’Union respecte également le statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les organisations philosophiques et non confessionnelles.

 3. Reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l’Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces églises et organisations. ».

 En juillet 2013, la Commission a publié les Lignes directives de la mise en œuvre de l’article 17. Elles traduisent une volonté de coopération très large de l’Union européenne dans ce domaine.

L’élaboration des textes au niveau européen a donné lieu à de vigoureuses prises de positions. Ainsi, Jean-Paul II avait souhaité qu’il fut fait référence à la « culture chrétienne » comme socle commun des peuples européens. Le débat sur les racines chrétiennes de l’Union au moment de l’élaboration de la Charte des doits fondamentaux a traduit une inclination en faveur du maintien d’une imprégnation religieuse. Un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme indique que la liberté de religion représente « l’une des assises d’une société démocratique ».

Quant  au Conseil de l’Europe, il a rappelé aux  États la primauté de la séparation des églises et de l’État et à veiller à ce que le motif religieux ne soit pas invoqué pour justifier des distinctions sociales et notamment des atteintes faites aux femmes.

Il résulte des textes précités comme de la jurisprudence que l’accent est fortement mis au sein de l’Union européenne sur la liberté de conscience, plus généralement sur la problématique des droits de l’homme. Le principe de neutralité de l’État est peu évoqué, la France étant le seul pays à le mentionner formellement dans sa loi suprême, même si des dispositions peuvent être regardées comme équivalentes dans certaines constitutions, celle du Portugal, par exemple.

Mais si la notion de laïcité n’est pas formellement présente  dans les textes et que les relations entre les États et les Églises soient d’une extrême diversité (séparation, concordats, églises officielles) on assiste dans l’Union européenne à une convergence progressive des règles : non-intervention de l’État, liberté religieuse, pas d’interférence juridique, etc.

 

Au niveau mondial, la Charte des Nations Unies ne mentionne pas expressément le principe de laïcité, mais elle bannit toute discrimination fondée sur la race, le sexe, la langue ou la religion et fonde la coopération internationale en son article 55 sur « le respect universel et effectif des Droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous ». La question de la neutralité est laissée à la discrétion de chaque État.

Il n’est pas aisé d’établir une typologie des États au regard du principe de laïcité. On peut toutefois distinguer les quatre catégories suivantes, fort hétérogènes :

– Les pays  théocratiques qui font prévaloir une loi divine sur les lois des hommes. Islamistes, Ils s’échelonnent, pour l’essentiel, de manière continue du Maroc à l’Iran et au Pakistan, puis discontinue au-delà jusqu’en Malaisie : l’Iran sur la base de l’Islam chiite : l’Arabie Saoudite et la plupart des pays de la Ligue arabe au nom de l’Islam sunnite. Mais aussi, même si le rapprochement peut apparaître excessif – il ne l’était pas au Moyen Âge – par référence au catholicisme, en Irlande où la république est proclamée catholique « au nom de la Sainte Trinité ».

– Les pays autoritaires, voire dictatoriaux, qui refoulent les religions – ou certaines d’entre elles – dans l’opposition politique pour affirmer ce qui est présenté comme une neutralité de l’État. Peuvent être classés dans cette catégorie les régimes dirigés par Ben Ali en Tunisie, Hosni Moubarak en Égypte, Bachar el Hassad en Syrie, Saddam Hussein en Irak et, avant son islamisation, le pouvoir en Turquie où l’armée était instituée gardienne de la laïcité ; aux Philippines, où islam et catholicisme exercent une domination religieuse très conflictuelle ; on aurait pu y ajouter l’Union soviétique au nom d’une philosophie athéiste d’État.

– Les pays plus ou moins influencés par des courants religieux avec lesquels est recherchée un dialogue voire une coopération dans certains domaines, les droits de l’homme et la liberté de conscience et de croyance sont les principales références : le Danemark qui a intégré la religion dans ses institutions ; l’Australie ou un concordat définit l’Église catholique comme église préférée ; la Belgique qui reconnaît six religions ; l’ Allemagne où les églises peuvent se voir reconnaître un statut de coopération de droit public, où l’instruction religieuse fait partie des matières enseignées et où il a fallu interdire les crucifix dans les écoles de Bavière ; le Canada qui accorde certaines facilités fiscales au clergé ; en Espagne, le concordat fait du catholicisme une matière d’enseignement ; les États Unis connaissent dans la plupart des aspects de la vie sociale, y compris au sommet de l’État, une forte imprégnation de puritanisme protestant ; en Inde, qui se réclame d’un certain esprit laïque ( secular  ), les principales religions ont leur propre droit civil et un courant important fait de l’Inde la patrie de l’hindouisme ; Israël est en principe un État séculier, mais les orthodoxes juifs sont incontournables et bénéficient d’avantages ; l’Italie est sous régime concordataire avec l’Église catholique dont la religion est enseignée dans les écoles : les Pays-Bas pratiquent la pilarisation, sorte de mixte des valeurs de la nation et de celles des religions ; en Suède, l’Église luthérienne bénéficie d’un statut spécial. Cette catégorie mixte, hybride, ambiguë est sans doute la plus nombreuse, traduisant un stade de compromis qui n’infirme pas le mouvement historique de sortie de la religion.

– Les pays qui, au-delà du respect de la liberté de conscience, affirment la nécessité de la neutralité de l’État assortie parfois du respect de l’égalité de traitement des religions existantes : outre la France, le Mexique pratique une séparation forte ; l’Uruguay ne soutient aucun culte et proclame la liberté religieuse ; le Portugal, sans citer le mot, a retenu, comme on l’a dit, des dispositions constitutionnelles laïques même si ses relations avec le Saint-Siège sur une base concordataire se sont récemment renforcées ; le Japon pratique une neutralité de l’État stricte.

Il faudrait bien sûr nuancer l’analyse, ces différentes catégories pouvant donner lieu à des solutions mixtes. On peut toutefois avancer, sur cette base, des conclusions suivantes :

Premièrement, le mouvement de sécularisation dans l’organisation des sociétés en longue période apparait fondamental. Les expressions d’intégrisme religieux peuvent être analysées comme autant de réactions violentes de survie dans un mouvement historique qui marque leur affaiblissement. La transition de sécularisation passe par des formes très diverses mais qui posent partout la question de la laïcité. Elle apparaît alors comme une préoccupation majeure du genre humain.

Deuxièmement, si la question de la liberté de conscience et de croyance fait l’objet d’un large assentiment, il n’en est pas de même, tout au moins au même niveau, de la neutralité de l’État. C’est donc dans ce cadre que les progrès les plus significatifs peuvent intervenir. L’équilibre auquel la France est parvenue en dépit de nombreuses dérogations aux principes est le résultat d’une longue histoire qui la qualifie parmi les nations les plus avancées dans ce domaine, ce qui lui confère une responsabilité particulière.

Troisièmement, dans la mondialisation et une situation de crise systémique, la laïcité peut apparaître comme la voie permettant tout à la fois comme le moyen de résoudre de nombreux conflits locaux (Moyen-Orient, Balkans, Afrique, etc.) et de souligner la responsabilité propre des individus, responsables en s’arrachant à toute détermination transcendantales de forger leurs propres règles morales, à l’opposé de ceux qu’évoque Amin Maalouf (Les désorientés, 2012) qui « Parce qu’ils ont une religion (…) se croient dispensés d’avoir une morale ».

 


[1]  Le contenu de ces articles est, en résumé :

Art. 13 : les édifices servant à l’exercice du culte et les objets immobiliers sont laissés gratuitement à la disposition des établissements ou des association de gestion les remplaçant.

– les collectivités publiques propriétaires peuvent engager des dépenses pour leur entretien ou leur conservation.

Art 19 : les associations peuvent recevoir des cotisation pour différents services : location de bancs, objets de funérailles. Plus, des dons et legs ou par testament

– rappel de non attribution de subventions.

[2]  HCI auquel j’avais appartenu de sa création en 1990 à ma démission en 1993 lors de la présentation des lois Pasqua réformant les conditions d’acquisition de la nationalité française.

 

Un commentaire sur “La laïcité, spécificité française ou valeur universelle ?

  1. Bonjour Monsieur
    ce qui suit n’est pas destiné à être publié sur votre blog

    Pour votre information seulement, il s’agit du courrier que j’ai adressé à Pierre Dharrévile pour son livre La laïcité n’est pas ce que vous croyez.
    il a eu l’élégance de me répondre mais incomplètement. Vous pourrez lui demander son courrier le cas échéant.
    Il me semble qu’une lecture par trop juridique détourne de l’essentiel. je propose une lecture plus psychologique. Je suis psychologue psychothérapeute, et communiste… mais ça ne va pas durer car je trouve que le Parti est dans une grande confusion concernant la laïcité et je ne peux pas rester adhérent d’un Parti que ne serait pas laïque.
    Mes franches salutations

    Jacques Variengien
    Psychologue – psychothérapeute
    membre du PCF Isére
    9 rue Jean Jaurès
    38370 les Roches de Condrieu
    jacques.variengien@free.f’r
    06 82 58 28 43

    Les roches de Condrieu le 11 /10 /13

    à l’attention de M. Dharréville

    Bonjour Monsieur,
    Je viens de lire votre livre La laïcité n’est pas ce que vous croyez. J’avoue que j’attendais avec impatience une expression du Parti sur la question de la laïcité, une expression qui témoignerait de la pensée actuelle du Parti, des cadres du Parti. Je vous remercie donc pour votre ouvrage mais, car il y a un mais, j’ai un certain nombre de critiques à formuler et à lire comme une contribution à la réflexion collective.

    Bien sûr quand je pense je le fais à partir de ma formation et ma pratique de psychologue, c’est-à-dire que je cherche l’implicite de la pensée au-delà de l’explicite de la loi par exemple. Je crois qu’une approche exclusivement historique ou sociologique risque de passer à côté de certains enjeux. C’est pour vous faire part d’une autre lecture possible, à partir d’autres références, que je vous écris, et aussi parce que je ne trouve jamais ce type d’approche dans les colonnes des Huma.

    En introduction je dirais que vous traitez la question sous l’angle politique car vous commencez par vous placer en contre du discours FN. L’important pour les communistes est toujours de marquer un écart, surtout de ne pas hurler avec les loups.. noirs. Ceci crée un biais dans la méthode et dans les conclusions me semble-t-il. Je ne sais pas si le sujet de votre livre est réellement la laïcité ou la lutte contre ce que vous appelez l’islamophobie et pour la place du religieux dans l’espace public.

    Vous cherchez donc dans les textes religieux même des raisons de penser que l’Islam est compatible avec la laïcité. C’est très surprenant. Il me semble qu’en tant que laïcs nous n’avons pas à faire cette démarche. Notre question doit concerner le comportement des hommes et non pas analyser les possibilités offertes par leurs textes. c’est-à-dire que nous devons convenir avec eux ce qu’ils doivent faire pour être laïcs, et de ce point de vue il n’y a pas de raison a priori pour que tous ne soient laïcs car la laïcité ne retranche rien fondamentalement à personne.

    Cette angoisse légitime que toute critique soit reprise et utilisée contre les plus faibles, ce souci historique et permanent de pas hurler avec les loups, vous amènent à lier laïcité et revendications sociales. Il me semble que c’est une posture paternaliste qui conduit à un évitement de la question même de la laïcité qui peut/doit être traitée sans idéalisation de, ni identification à, la victime. Ce n’est pas parce que l’on est victime une fois que l’on est victime toujours. Vous construisez ainsi une laïcité conditionnelle de gauche or nous protestons quand d’autres veulent créer une laïcité supposée ouverte.

    Ceci vous amène à finir par une certaine complaisance, une préparation à des accommodements raisonnables à la canadienne, qui fait douter de votre foi… en la nature libératrice de la laïcité. Somme-nous devenus des libéraux anglo-saxons ? Ce qui fait que vous avez un discours intéressant, même si je le critiquerai, mais une pratique in fine qui se veut pragmatique dans un souci oecuménique qui ressemble en fait à une posture thérapeutique. J’y reviendrai car c’est très important.

    Je crois que le Parti tente de se dégager d’un passé anti-clérical sanglant, les staliniens avaient tort, mais en s’inscrivant dans une posture libérale tout à fait discutable. Il ne faudra pas confondre tolérance et laisser-faire ou lâcheté ou encore indifférence (mes étudiants de ce point de vue confondent allégrement tolérance et indifférence car ils ne savent pas ce qu’est la tolérance). Vous n’avez pas traité la question de la tolérance et c’est bien dommage1.

    Par ailleurs, vous bâtissez votre raisonnement en pensant à la responsabilité de l’Etat dans l’accès aux droits des citoyens, à leurs revendications à satisfaire, or ce n’est qu’une partie du problème car il a la responsabilité aussi de formuler des interdits et de les faire respecter. Les anthrologues mais aussi les sociologues et les psychologues ont montré que ce qui fait société ce ne sont pas les droits, ce sont les interdits collectifs.
    Il semblerait que vous pensez surtout au comment permettre au discours religieux de trouver son juste déploiement dans la cité (les droits aux identités religieuses et les droits de ne pas être laïcs), alors que pour ma part je pense que le problème est comment faire respecter la laïcité à tous (les interdits) c’est-à-dire comment établir le cahier de revendications de la laïcité à présenter aux citoyens.
    Je rajoute que ceux qui réclament ce type de liberté ne la réclament pas pour autant pour tout le monde ni partout sur terre. Réellement, ils ne réclament pas un droit, seulement un avantage, une discrimination donc.

    Enfin, un souci que je partage sous-tend votre livre, je le reformulerai ainsi : Comment ne pas guider la vie de l’autre ? Comment ne pas faire le bonheur des autres malgré eux ? Comment permettre à chacun de vivre sa vie, à sa manière ? Mais il faudra rajouter résolument, tout en faisant société ! Sinon il suffit de laisser les clés à Ayn Rand, à Mme Thachter, aux libertariens, et aux marchands.
    Je finirai sur ce questionnement que vous articulez à des accommodements raisonnables (de mon point de vue) car je vous proposerai une autre piste qui j’espère vous plaira. Si vous arrivez jusque là car dans un premier temps je ne vais pas ménager votre susceptibilité.

    Je rentre dans le vif de mes critiques
    Vous commencez par dire en passant ce qui paraît une évidence pour beaucoup voire tous : « la laïcité se garde de savoir si l’énigmatique et hypothétique personnage de Dieu existe… ». Et bien je crois qu’il faut s’arrêter sur cette affirmation car elle est déterminante pour comprendre ce qu’est l’esprit de la laïcité et la difficulté dans laquelle cela nous met, et vous met, par rapport à certaines pratiques religieuses.

    Si nous prenons l’étymologie du verbe exister2. Du latin existere « sortir de », « se manifester, se montrer », former de ex « hors de », et de sistere « être placé ». Exister « avoir une réalité ».
    Nous sommes confrontés à une drôle de conséquence. Dieu n’existe pas au sens où il n’a pas de réalité démontrable, il n’est accessible que par la foi. Aucun des événements observables ne peuvent être attribuées logiquement, scientifiquement, à Dieu… en tout cas quand nous sommes ensemble en place publique. Merci les Lumières pour le cadeau. Guillaume d’Occam nous avait mis sur la voie sans le vouloir vraiment.

    Il est recevable de dire « Dieu existe… pour moi », la condition est bien de rajouter « pour moi ». C’est ça la liberté de conscience. c’est-à-dire que je fais un lien intime de causalité entre des événements et Dieu, mais il n’est pas recevable de dire « Dieu existe. Point. ». En toute logique.
    Je peux dire laïquement (?) « Dieu, et ses saints, n’existe pas… dans l’espace public ». Visiblement c’est difficile à assumer.
    En psychanalyse nous disons que l’Inconscient existe car il y a un certain nombre de manifestations humaines qui ne peuvent s’expliquer que par l’existence de l’Inconscient (un processus invisible) freudien ; nous savons que si l’on ouvre un cerveau on ne trouvera pas l’Inconscient. Nous pouvons dire aussi que l’Australie existe même sans y être allé car les témoignages que nous en avons atteste de son existence matérielle.

    Les Lumières ont affirmé par la laïcité que l’on ne se déterminait pas dans le débat public par un credo, analysé comme un sacrifice de sa pensée et de son libre arbitre, mais par l’usage de sa raison, la logique, la science. Ce faisant ils ont inscrit l’Homme, l’être humain, comme existant à coup sûr et prioritairement à toutes autres considérations de religions, d’opinions, de race, de sexes. Il faut être clair, l’Egalité qui fonde notre république prend force dans ce concept d’existence matérielle de l’Homme à laquelle on ne peut pas opposer l’immatérialité de Dieu.

    La laïcité inscrit ainsi l’individu, sa vie, sa pensée propre, comme sacrés en désacralisant Dieu dans l’espace public. De ce point de vue la laïcité est une spiritualité. Et dire, comme je l’entends, que les croyants ont gardé le sens du sacré au contraire des laïcs et des athées est tout à fait contraire à la réalité. C’est à une autre sacralité à laquelle nous accédons avec la laïcité.
    La condition de la sacralisation de l’Homme – en tant qu’individu libre et non pas création endettée d’un Dieu – et la sacralisation de sa vie, qui est le socle de l’universalisme, sont dans le même mouvement désacralisation de Dieu… dans l’espace public seulement. J’entends bien que c’est dur à avaler pour certains mais le respect de la vie d’autrui passe par ce chemin et nous devons nous en réjouir au lieu de trouver des moyens d’y échapper.

    Bien sûr, et cela pose problème, nous savons que c’est une sécularisation du message christique, et qui amène M. Boubakeur à dire que parler d’égalité dans le récent pacte laïque à l’école est une discrimination qui vise les musulmans. Il aurait dû dire les musulmans non laïcs mais j’apprends au passage que M.Boubakeur n’est pas laïc contrairement à ce que je pensais.
    Mais la sécularisation de ce message religieux, égalité, universalité donc paix, est une prise de guerre précieuse – pour paraphraser ce qui se dit de la langue française dans les ex pays colonisés – dont nous devons jouir sans culpabilité et sans pudeur.

    Je continue. Ce faisant, la laïcité désigne la parole comme moyen de règlement des problèmes. Plutôt que de se frapper, il faut se parler. Quand nous parlons de liberté de conscience, nous pensons que c’est une charge de l’État de garantir la diversité, mais nous ne pensons pas qu’il s’agit d’une invitation à la parole raisonnée plutôt qu’à la violence en référence à une croyance. C’est dommage.

    Vous voyez, il y a des conséquences lourdes à repenser la sacralisation de l’Homme et la désacralisation de Dieu. Et c’est un non-pensé que je trouve grave dans toute pensée sur la laïcité. Dire comme le font J.Beaubérot et M.Milton que « le discours sur le sens de la vie n’est pas évacué par le régime laïque : c’est que ce discours ne le concerne tout simplement pas !» est un contresens lourd de conséquences sur leur analyse. Peut-être ne voient-ils pas le sens qu’institue la laïcité parce qu’ils ne le cherchent pas. C’est je crois la limite d’une étude qui serait exclusivement sociologique.

    Je fais un tour d’écrou de plus. La religion introduit via le sacré les dimensions du pur et de l’impur. Or la laïcité déclare que ceci ne peut exister entre nous dans l’espace public : les choses sont propres ou sales, (et si elles sont sales on les lave) jamais pures ou impures (on ne fait pas appel à un prélat pour les purifier). Si l’on néglige ces dimensions alors l’esprit de la laïcité, et la nature du véritable combat qu’il reste à mener nous échappe complètement. (je suis injuste avec vous?)
    Toutes les religions ont ces concepts de pur et d’impur, mais aussi toutes les sectes et tous les fascismes ! La pureté (la séparation du grain de l’ivraie !) est la base de toutes les pratiques religieuses, ce qui ne pose pas de problème quand c’est dans le domaine privé, mais devient catastrophique quand nous les laissons se développer dans l’espace publique et politique. Nous n’avons pas le droit de négliger ces aspects que nous savons pourtant repèrer quand il s’agit de la Marseillaise. Surtout que nous repèrons bien dans la droite identitaire la question de la pureté des origines tout en négligeant la mise à l’index des mécréants, à qui il suffirait de croire pour devenir purs.

    Je vous fais le grand reproche de n’avoir pas pensé ces dimensions et négligé ainsi le véritable, douloureux mais salutaire travail que nous avons à proposer aux croyants. Douloureux mais véritable condition du vivre ensemble.
    Vous serez d’accord avec moi j’en suis sûr pour dire que l’accès à la foi véritable ne peut se penser qu’à partir de la liberté de penser et de douter, donc de la perdre. Si la laïcité permet sans le faire exprès l’accès la foi (qui ne l’a pas attendu cependant), peut être est-il douloureux de penser que toutes les pratiques religieuses n’offrent pas cette possibilité mais plutôt une soumission à un collectif, une identité.
    Parenthèse, le fanatique est celui qui n’ayant pas la foi est obligé de sacrifier ceux qui doutent pour ne pas accéder à son propre doute. Dommage d’ailleurs que nous ne puissions pas faire la distinction entre les croyants (la foi aveugle du charbonnier) et ceux qui ont la foi (d’utiliser leur esprit critique). Pour ma part je sais que je ne crains rien des gens qui ont la foi.

    En conclusion, la neutralité de l’Etat vis à vis des religions ne signifie pas pour autant que l’Etat est neutre vis à vis du religieux. En effet, l’État prend partie pour la raison contre la croyance et l’obscurantisme, pour l’Homme avant Dieu, pour la parole avant la Parole, pour la tolérance contre la violence et l’indifférence.
    La vérité est que l’État (s’il est laïc) a la charge de neutraliser Dieu(x) dans l’espace public. Ceci peut paraître violent, et ça l’est, mais il faudra penser que c’est une spiritualité qui n’empêche pas la véritable foi. Vous noterez d’ailleurs que l’église catholique est devenue laïque malgré le 4 août. Beaucoup de catholiques sont restés de fervents laïcs, comme bon nombre de musulmans j’en suis sûr.
    La charge de la laïcité n’est pas d’accueillir des pratiques discriminatoires, comme vous le concédez en fin d’ouvrage, mais d’avancer la question : comment faire une place à une parole religieuse qui pourtant serait… laïque ? c’est-à-dire que le problème n’est pas dans notre camp mais bien dans celui des croyants. Sur ce point vous avez oublié d’inventer le terme de laïcitophobie, ou anti-laïcisme religieux ou … ?

    Je cherche maintenant des problèmes que posent les croyants à la cité – et non pas comme vous les problèmes que pose la laïcité aux croyants – à partir de cette distinction pur/propre, la sacralisation de la vie, de l’être humain et de la parole. Je commencerai par l’apostasie que vous ne traitez pas dans votre ouvrage pour des raisons que je ne m’explique pas. Vous n’êtes pas le seul cependant et c’est sans doute significatif de… je vous laisserai juge.

    – La condamnatin de l’apostasie qui conduit parfois à la condamnation à mort, est contraire à la liberté de conscience et au principe d’égalité3. Nous devons condamner cette mise à l’index et demander aux croyants de la condamner également explicitement. Nous ne pouvons pas laisser associer la religion de naissance à une chaine en fonte. De ce point de vue le terme d’islamophobie comme racisme est tout à fait discutable. J’aurais aimé que le Parti ne tombe pas dans ce piège en distinguant ce qui est de la critique de la religion et ce qui est de l’ordre de l’agression physique.
    Nous ne pouvons parler de rien sérieusement si nous nous ne commençons pas par la condamnation collective de l’apostasie. Mais par un retournement surprenant qui mériterait une longue analyse, ce sont les laïcs qui sont accusés d’intolérance ! Les religieux qui ont figé toute pensée critique voudraient nous interdire de penser et de figer ainsi les croyances dans le temps. C’est une façon de mettre « les morts à table » comme disait Aragon. En effet, en immobilisant tout mouvement par le culte obsessionnel des ancêtres, nous sacrifions la jeunesse. Or nous avons la mission d’être fidèles… à nos enfants, la vie qui vient, et la liberté d’être ingrats avec nos ancêtres. Le discours sur l’importance des racines est un discours de haine qui s’ignore, mais pas toujours, à l’égard de la jeunesse. En plus d’être faux car les hommes ne sont pas des plantes.

    A noter qu’en Angleterre les différentes religions se sont entendues pour permettre les mariages mixtes sans obligation de conversion d’un conjoint à la religion de l’autre. Car curieusement, ou pas, ceux qui condamnent l’apostasie la réclament à ceux qui veulent faire partie de leur communauté par un lien quelconque.

    – La place du sacré religieux. Le sacré religieux est réservé à des lieux ou des manifestations circonscrites. Nul ne peut instituer du sacré à sa guise dans l’espace public. Là encore nous devons demander explicitement aux croyants un effort particulier, celui de ne pas fétichiser leurs représentations privées du sacré. Par exemple on ne peut pas mettre un feuillet d’une Bible ou d’un Coran, en vente libre, sur la route et dire que ceux qui marchent dessus insultent dieu. On ne peut pas mettre un tapis de prière dans la rue et dire que le retirer est une insulte à dieu. Est-ce une atteinte à la liberté de conscience ou de pratique ?
    Il faut reconnaïtre que c’est encore un effort important que l’on demande aux croyants mais c’est un effort salutaire qui doit les libérer de la paranoïa qui guettent tous ceux qui surveillent les icônes. Théoriquement ce devrait être le plus facile car toutes les religions se présentent comme ennemies du fétichisme et de l’idôlatrie.

    – La question de l’identité. On sera d’accord pour dire qu’on ne peut pas renoncer à ce que l’on est, en tout cas complètement, mais il ne s’agit pas de cela réellement avec l’exigence laïque. Il s’agit simplement d’accepter des variations de l’identité ce qui est une compétence innée chez tout individu.
    Si je me positionne comme laïc pour me définir alors je dirai que je suis d’abord un être humain, ensuite un adulte ou un enfant, enfin un homme ou une femme. Dans cette identité nul besoin de se définir par son opinion, sa religion, sa couleur de peau. C’est une position théorique, une asymptote et personne ne peut prétendre l’atteindre réellement, mais c’est une référence théorique… très pratique notamment pour s’interdire un certain nombre de passages à l’acte et trancher les désaccords. C’est notre Surmoi collectif en quelque sorte. On pourrait dire aussi que ces postulats sont les plus petits dénominateurs communs à l’humanité prise comme un ensemble. Et qui dirait donc que l’humanité est un ensemble ce qui ne va pas de soi selon les courants philosophiques ou religieux.
    Si je me positionne par rapport à la religion, je dirai que je suis croyant ou non croyant, homme ou femme et enfin adulte ou enfant. Pour certaines religions il faudra rajouter la race comme discriminant. Dans cette posture je ne suis pas laïc.
    Si je me positionne par rapport à la race je dirai que je suis d’abord d’une couleur, ensuite homme ou femme enfin un adulte ou un enfant. Dans ce cas il est évident que je ne peux pas me prétendre laïc.
    Si je me positionne par rapport à mon statut social, je peux dire que je suis d’abord ouvrier ou cadre, riche ou pauvre, puis autre chose. C’est pratique en sociologie.
    Aucune posture intime ne peut être fausse, c’est une donnée de départ qui est celle de la vérité incontestable du sujet ; en revanche on peut dire que l’on ne peut pas être tout à la fois et au même moment. Mais quand on parle on varie en fait d’une référence à l’autre et parfois dans la même phrase. Nos identités sont évidemment intriquées et personne ne demande à quelqu’un de cesser d’être. La laïcité ne retranche rien à l’individu au contraire d’autres courants de pensée, elle exige de nous que dans l’espace public, ça veut dire dans certaines situations, chacun se définisse en référene à la théorie laïque, à savoir comme un être humain d’abord ; mais elle n’empêche pas dans des espaces privés de se déterminer sur un autre mode exclusivement.
    C’est donc un travail d’aller-retour incessant qui est demandé aux croyants. (en fait qui ne leur est jamais demandé justement !) mais que nous faisons tous spontanément toute la journée. Est-ce choquant ? Est-ce une atteinte à la liberté de conscience ? Je ne crois pas, en tout cas c’est une revendication que la laïcité doit présenter explicitement aux croyants. Lacan dont je ne suis pas un adepte disait que l’identité était dans le : qui suis-je là ? c’est-à-dire que l’identité était conditionnée au lieu, à la situation. Je souscris complètement à cette proposition.
    Vous comprendrez donc que je ne souscris pas à votre façon d’aborder ces questions qui je crois inverse la problèmatique. Et qui me fait penser que votre objectif n’est pas de présenter et défendre la laïcité mais de justifier et défendre un droit de ne pas être laïque.

    – Les mutilations sexuelles, faites aux filles mais aussi aux garçons. Vous ne traitez pas non plus cette question. Je ne doute pas de votre condamnation, mais la question est d’entendre les croyants la condamner aussi au nom de la laïcité, et pas seulement au nom de la protection de l’enfance. Par ailleurs je note combien nombre de jeunes gens sont seuls face à ces menaces, abandonnés à leur sort par une gauche soucieuse de ne pas hurler avec les loups.
    Même chose pour les mariages forcés des filles… et des garçons. Nous avons laissé ces jeunes filles (elles surtout se plaignent ouvertement) bien seules pendant des décennies et je peux en témoigner dans ma pratique. C’est une honte totale qui se poursuit alors même que nous discutons de la liberté de pratiques religieuses face à un État qui serait tatillon. Nous préférons, pour des raisons qu’il faudra bien donner un jour, nous lancer la vaisselle à la tête pour/contre le port du voile plutôt que de nous occuper des gens qui souffrent en silence d’une toute autre expérience.
    Au moment où je décide de m’en tenir là, je reçois l’Huma de ce vendredi 11/10/13 qui titre sur les mariages forcés. Hélas et significativement, vous noterez que c’est très informatif mais pas politisé : il n’y a pas de prise de parole par la direction du PCF. Marie George Buffet aurait pu en dire quelque chose. Je pense que l’on prend cette question comme un épiphénomène dû à quelques personnes qui résistent au progrès et non pas comme une pratique couverte par des institutions religieuses, qu’il faudrait avoir le courage de désigner pour leur demander des comptes c’est-à-dire une condamnation officielle.

    – La piscine réservée. Je comprends votre souci mais je ne partage pas votre analyse car vous ne pensez pas à partir du concept de pureté. Que des femmes pudiques réclament des horaires séparés, on peut le comprendre et on peut sûrement y répondre favorablement, mais surtout pas au nom d’une injonction religieuse et dans une exclusivité confessionnelle, et le personnel ne peut pas être sélectionné en fonction du sexe. Ni l’eau de la piscine changée car impure. Et tant pis si certaines femmes préféreront ne jamais se baigner, c’est leur choix.
    Question que vous n’avez pas traitée : à partir de quel âge des femmes peuvent réclamer par pudeur l’isolement ? Est-ce que des jeunes filles scolarisées peuvent se soustraire à la mixité ?

    – Le halal dans les cantines, ou le casher. Là encore les concepts de pureté/propreté doivent être au centre de la réflexion. La viande halal, c’est-à-dire saignée4 puis purifiée, est propre à la consommation, on peut tous en manger sans risque, le porc aussi d’ailleurs bien qu’il ne soit pas purifié. Ce qui fait la différence (indépendamment de la condition animale) c’est l’intervention d’un religieux… rémunéré.
    L’État ne peut pas payer pour l’intervention d’un religieux qui purifierait la viande. Je ne l’imagine pas, mais je n’imaginai pas non plus que l’on puisse jeter de nos cantines des produits possiblement interdits religieusement.
    Cependant, si je vais chez des amis ou à l’étranger, je peux manger halal sans problème, le fait que la viande soit purifiée est indifférent pour son goût, mais au restaurant ou chez moi je peux refuser de payer pour cette purification sans être traité d’islamophobe ou d’antisémite j’espère.
    Beaucoup de gens ne voient pas de problème avec la consommation de viande halal – ce serait même islamophobe que d’en faire un problème – car ils ont une conception laïque de la viande c’est-à-dire il la pense en terme de propre ou impropre à la consommation. Ils négligent l’aspect pur/impur (halal/haram) car ils n’ont pas le concept en référence et du coup ne se positionne pas par rapport à cela. Pour autant un militant de la laïcité, un parti politique devrait l’avoir. Peut-être même un sociologue de la laïcité. Non ?

    – Le voile. On parle du port du voile, mais je pense que la question qui nous est posée c’est plutôt le retrait du voile et non pas son port. Je comprends qu’au nom du droit à sa singularité et du droit de vivre sa religion on puisse tolérer ce signe qui pourtant est discriminatoire5 , excluant et dégradant : mais l’important pour vivre en société est de respecter des interdits de la communauté des Hommes. c’est-à-dire que les lois des Hommes doivent être premières par rapport à la loi divine dans l’espace public. En demandant à ces femmes d’ôter leur voile dans certaines circonstances, on leur demande simplement de respecter les interdits de la communauté des Hommes.
    Le jour où les femmes retireront leur voile aisément, en fonction des situations sociales, alors elles pourront le porter également aisément. Rappel tout de même, le voile pour l’instant sert à discrimer les femmes entre elles, les pures (qui ne sont pas salies par le regard lubrique des hommes) et les impures, mais aussi à discrimer les hommes de la communauté (halal) des autres (haram). Je ne suis pas sûr que l’on rit beaucoup si tout le monde affichait ainsi ses critères de sélection au-delà des seuls signes religieux dont le problème n’est pas qu’ils soient ostentatoires.

    – Le droit au blasphème ? Je suis surpris de votre réflexion. Il me semble qu’il ne peut pas y avoir de droit au blasphème ni d’interdit de blasphémer dans une société laïque car le blasphème n’existe pas comme phénomène6. Il n’est qu’un concept religieux qui n’a pas sa place dans le débat.
    Bien sûr on peut comprendre que des personnes se sentent blessés (moi-même je me sens blessé par les mariages forcés) par ce qu’ils peuvent déclarer être une insulte, mais en laïcité justement ce qui est encouragé c’est la parole de l’homme jusqu’à l’insulte plutôt que la violence des coups. Il n’y a pas de droit à l’insulte pour autant mais invitation forte à utiliser sa parole, ses dessins, ses invectives. Charlie Hebdo n’abuse pas d’un droit ni d’une tolérance, seulement de la patience de certains. C.H rappelle le pacte laïc et il semble que cela sonne douloureusement aux oreilles de bien des laïcs de gauche.
    Dit autrement la parole de l’Homme est sacralisée sans être fétichisée pour autant, sécularisation de la parole donc, au contraire de la parole divine par certains croyants.

    – Merah et les amalgames. Vous évoquez en début d’ouvrage l’utilisation par le FN des actes fous de ce jeune français. Il me semble que nous devons nous interroger aussi sur notre utilisation… de cette utilisation. La réaction de la gauche a été d’appeler aussitôt à ne pas faire d’amalgame ( je suis abonné aux deux Huma). Bêtement j’ai pensé qu’il s’agissait de dire à nos jeunes concitoyens de ne pas faire d’amalgame entre des enfants juifs, des civils ou des militaires, et la politique d’un gouvernement. Et bien non, il ne s’agissait pas de cela ! Nous voulons tellement ne pas hurler avec les loups noirs que nous en négligeons nos premiers devoirs. Je me demande dans quel état d’écœurement devaient être les juifs de France.
    Nous avons relayé la réaction indignée des musulmans : nous n’avons rien à voir avec ça ! Alors que la question fondamentale est au contraire : qu’est-ce que nous avons avoir avec ça ? En quoi notre discours peut-il induire des réactions de ce type ? Ces questions chacun devait/devrait se les poser, les musulmans d’abord mais pas seulement. Pour ma part, j’ai repris ces questions en famille pour vérifier que ma position sur la Palestine (en phase avec celle du Parti) ne créait pas de confusion par rapport aux juifs en tant qu’êtres humains.
    Significatif aussi la manifestation à Paris qui ne condamnait pas l’utilisation violente d’un texte religieux ( le CFCM n’aurait pas appeler à manifester ?) mais seulement le terrorisme d’une manière générale. Une députée communiste a été obligée de mentir dans son interview à l’Huma pour introduire la défense de la laïcité. Ceci en dit long sur notre malaise… ou notre lâcheté.

    – Le lien entre laïcité et revendications sociales. J’entends bien dans l’huma que faire ce lien est indispensable pour parler de la laïcité. Il faut parler des discriminations d’abord avant de parler des exigences de la laÏcité auprès de populations croyantes et présumées non laïques. En clair on ne peut pas demander à quelqu’un de respecter les lois communes s’ils subissent une exclusion quelconque. J’ai dit que c’était une idéalisation de la figure de la victime comme de celle du bourreau. Idéalisation voulant dire fixation de quelqu’un a un statut,bon ou mauvais, qui ne permet plus de voir ses ambiguités. Je trouve cette posture paternaliste, peut-être inspirée par une volonté de culpabilisation post coloniale et un réflexe de classe inaproprié. Ce serait trop long à développer.
    Le fait de subir une discrimination ne justifie pas d’en faire subir aux autres. Ce n’est pas du donnant donnant avec l’Etat, avec la loi commune. Et leur signifier que l’on est de leur côté, leur défenseur bienveillant, avant d’exiger quelque chose d’eux est une erreur éthique mais aussi stratégique. Ils sont tranquilles pour un moment.
    En ne permettant pas aux croyants laïcs de mener la critique de l’intérieur, en ne donnant pas la parole aux « apostats », en ne nous autorisant pas à critiquer les pratiques religieuses d’un temps sans Droits de l’Homme – ne pas hurler avec les loups – on laisse à ceux qui sont le plus éloignés de dire les choses et de les dire mal. Plus on est loin et plus on dit les choses mal et avec maladresse car en colère après ceux qui avaient la charge de faire une critique sereine et qui ne l’ont pas fait. Donc on leur fera reproches de dire les choses mal et sans complaisance car du fait ils les diront mal. Nous avons une responsabilité que nous n’assumons pas et nous laissons à gauche Charlie Hebdo Caroline Fourest et quelques autres bien seuls.
    La lutte contre les discriminations est une peau de banane, lancée par Mitterand, sur laquelle a glissé la lutte des classes. Que le patron soit noir ou blanc cela ne change rien à la nature de l’exploitation, vous signalez bien d’ailleurs comment l’illusion du mérite nous piège. Il faut être clair, si nous attendons que l’Etat soit parfait en théorie et en pratique avant qu’il ne demande aux citoyens de respecter sa fille son fils, alors ils sont tranquilles pour un moment. Cela me rappelle les jeunes détenus de la prison de Lyon avec qui je travaillais qui me disaient qu’ils arrêteraient quand les hommes politiques arrêteraient ; ils voulaient être les derniers voleurs. Ils dorment sur leur deux oreilles comme des justes.

    – Je vous reprochais en introduction d’être dans une posture de neutralité qui est une confusion avec la posture thérapeutique. Je reprends très partiellement ce que j’avais écrit à Martial Passi7 sur ce point tout à fait essentiel.
    « La France n’est pas un dispositif thérapeutique. Les hommes politiques de gauche, dans leur bonne volonté, leur bienveillance à l’égard de la population, leur esprit de tolérance et leur évident respect de la dignité humaine, glissent d’une posture de représentants de la loi à une posture d’écoute et de médiation psychologique. Ceci se fait avec un projet que je qualifierai de thérapeutique. c’est-à-dire qu’ils considèrent que c’est comme cela que l’on réglera les problèmes, qu’on aplanira les oppositions et conflits, en clair que l’on soignera. Surtout qu’on veillera à ce que personne ne se sente exclus, stigmatisé (ce qui est sidérant quand on pense que c’est la définition même de la religion, surtout quand elle se rigidifie !).
    Dans ce projet thérapeutique, à partir de ces convictions, il y a une injonction faite à la population d’être de même accueillante, tolérante etc… c’est normal puisque c’est ça qui soignerait. Ce faisant, la pensée bienveillante de gauche impose à ladite population un rôle de contenant solidaire de sa stratégie thérapeutique. Stratégie qui n’est pas mise en débat tellement elle va de soi. C’est là le retournement qu’il est important de repérer : si cette population rechigne à s’en tenir au rôle attribué, alors c’est à elle qu’il sera reproché sa violence, sa haine etc… à l’égard de la partie à accueillir, à soigner. C’est elle, son comportement, qui deviendra Le problème : donc le problème c’est : Le racisme. Et maintenant on rajoute l’amalgame. Véritable interdit de penser ou injonction à se taire.
    Peut être qu’un jour on dépassera cela et l’on parlera par exemple des critères d’honneur, de masculinité qui sont différents voire opposés en fonction des cultures, des critères de la virilité, de la domination masculine, etc.. sources de quiproquo et de conflit que l’on racialise. Tu vois, il y a un au-delà du racisme mais un interdit pèse car il y a des avantages pour nombre d’acteurs à s’en tenir à cette seule dimension raciale.
    Le pouvoir est dans la description de la réalité, véritable invention du réel. Puis la définition du problème car elle détermine les solutions, les induit. Être subversif c’est chercher justement dans la définition du problème ce qui a été refoulé, évité, masqué, interdit : le pouvoir se cache là.
    Pour dire un exemple terrible qui m’a amené à penser ces aspects. Dans des institutions pour enfants handicapés ou placés par la justice, on supporte de véritables tentatives de meurtre d’un enfant sur d’autres enfants ; en identifiant ces derniers à leur stratégie thérapeutique les professionnels les chargent inconsciemment de collaborer avec eux, de faire partie des murs qui contiennent. c’est-à-dire de supporter les violences et de ne pas exclure l’agresseur. Ils attendent d’eux qu’ils reviennent souriants le lendemain. Et ceci dure jusqu’à ce que ledit enfant s’en prenne à des adultes avec pouvoir de décision. Là curieusement le charme se rompt et l’on peut penser enfin à la psychiatrie. »
    Je n’ai pas grand chose à rajouter à ce que j’avais écrit sur ce point.

    – Pour finir. Votre ouvrage est sous tendue par une belle question à laquelle je n’ai pas répondu quelle que soit la valeur de mes arguments : peut-on quand même mener la vie que l’on veut dans une société laïque ? Je partage votre souci et tant que nous tolérerons des sdf volontaires, des fous dans la cité, des nomades dans les bois etc.. nous serons une société humaine.
    Mais votre description sur la diversité et l’uniformisation est fausse, de mon point de vue, et conduit donc à des conclusions fausses. Il comporte un parti pris idéologique que je voudrais relever. J’ai dit plus haut que le pouvoir était dans la description du réel, dans la définition du problème.
    C’est la laïcité exclusivement qui permet la diversité des opinions et non pas la religion, qui permet notamment de se dégager de ses liens communautaires et familiaux. D’ailleurs quand on leur laisse le champ libre les religions uniformisent et figent. Ensuite la diversité des opinions ne fait pas valeur en soi. S’il y a mille obscurantismes – combien de religions et sectes sur terre ? – c’est comme s’il n’y en avait qu’un ! Même différents cela reste de l’obscurantisme. Au contraire des opinions qui se baseraient sur une logique et non pas un credo.
    Dire que la laïcité à tendance à uniformiser c’est confondre les credos religieux avec les épices. C’est agréable la multitude des épices, c’est sans intérêt la multitude des credos et nous n’avons pas à les protéger comme des espèces en voie de disparition.
    Notre laïcité n’érase rien, au contraire des religions, la laïcité rajoute une spiritualité qui elle ne retranche rien aux credos. Elle les limite, leur fixe des conditions ; ce qui est douloureux je l’entends quand historiquement ce sont les religions qui fixaient les conditions.
    Par ailleurs si nous voulons faire société, faire communauté, nous devons dépasser cette tendance au laisser-faire pour ne pas dire l’indifférence du libéralisme libertaire dont je crains que le Parti n’en représente progressivement qu’une variation.

    Je comprends que vous puissiez désirer afficher toujours votre credo, votre identité, et donc permettre à d’autres de le faire aussi puisque nous sommes dans un pays laïque ou presque (Dieu merci !), mais il n’empêche que vous aurez un effort à faire pour que ceci ne se transforme pas en communautarisme, en identité quasi génétique. La balle est dans le camp des croyants pas dans celle des laïcs. Et j’imagine que plus ils apprendront à mettre leur credo de côté dans l’espace public et plus ils le sera facile de le reprendre, comme pour le voile. Mais encore faut-il que nous acceptions ce mouvement contrairement à ce que nous avons fait avec le mariage pour tous quand des croyants, pas tous, prenaient comme arguments autre chose que la création divine, et que nous avons renvoyé à leur statut de croyants sans autre forme de procès.
    J’ai inventé le concept de polymodernité pour penser ce droit à la variation, mais tout en faisant société, c’est-à-dire dans l’acceptation des interdits collectifs et non pas seulement communautaires. Je ne l’ai pas théorisé d’une manière universitaire car je suis un peu flemmard, en fait je m’intéresse à beaucoup de choses et ça m’est difficile d’y consacrer deux ans de travail.
    La polymodernité serait une façon de penser la variation des us et coutumes dans le respect de quelques règles fondamentales comme les droits de l’homme. C’est-à-dire que l’on peut être moderne et inuit, mais barbare et bobo à Paris (je pense que les traders ne sont ni laïcs ni modernes !). Je veux dire qu’il ne faut pas confondre le rapport au travail, à la possession, à la mode, au consumérisme, à la téléréalité etc… et la véritable modernité.
    Etre moderne pour moi c’est accuser réception des droits individuels de l’homme et les développer dans n’importe quelle pratique culturelle qui peut garder sa spécificité. Spécificité au sens ou ce sont les citoyens qui décident de la manière de vivre et non pas les marchands ou la télé.
    Dans cette polymodernité, il peut y avoir du sacré religieux, à condition qu’il ne se fétichise pas et ne devienne pas plus sacré que la vie de ceux qui n’y croient pas. Il peut y avoir du religieux dans l’espace public à condition qu’il se tienne à sa place, dans des aller-retour, et n’ait pas prétention à organiser la vie collective. c’est-à-dire en permettant qu’un croyant se retire du jeu mais ne demande pas que le jeu s’adapte à sa limite.
    La polymodernité c’est le contraire du multiculturalisme tout en étant capable de le contenir. Dans tous les cas il y a un travail à demander aux croyants.
    Quelqu’un, chacun, doit renoncer à quelque chose, c’est la condition du vivre ensemble. Si nous restons dans une perspective néo-libérale du désir individuel à tout prix, sans entrave (paradoxale avec l’exigence des croyants d’ailleurs : libre de cesser de l’être) nous aurons du mal à avancer. Nous aurons aussi beaucoup de mal à promouvoir une société socialiste si nous persistons dans ce mouvement et je trouve que les accommodements raisonnables ne sont pas compatibles avec le socialisme.
    Serais-je un laïcard qui fait partie du problème et à qui était destiné votre livre ? Sans doute ai-je été un peu radical mais, pour être sincère, je trouve que vous ne l’êtes pas assez, en tout cas pas au bon endroit. Votre volonté légitime de communication avec les croyants vous détourne de la défense de notre bien commun la laïcité ; certes nous n’avons pas à nous auto-ériger en ses gardiens, mais nous avons quand même à tavailler pour en faire un héritage commun. J’espère que votre livre donnera lieu à de joyeux débats au sein du Parti pour faire avancer notre projet L’Humain d’abord. Plus laïque tu meurs. Non ?

    Je vous remercie pour votre patience si vous êtes arrivé jusque là
    Je reste à votre disposition bien entendu.
    Mes franches salutations
    Jacques VARIENGIEN

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