« Quel avenir pour la fonction publique territoriale ? ».
Selon Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, le statut de la fonction publique serait inadéquat. Que lui répondez-vous ?
Raisonnant comme tous les partisans du libéralisme, Emmanuel Macron raisonne « ici et maintenant » faisant, par là, la preuve de son manque de culture historique et sa faible compétence économique. En effet, le statut général des fonctionnaires est l’aboutissement d’une longue histoire qui a accompagné la sécularisation du pouvoir politique et l’affirmation de la primauté de l’intérêt général sur les intérêts particuliers. C’est dans ce mouvement qu’ont pu être posés dès la fin du XIXe siècle des principes qui n’ont cessé d’être approfondis depuis par la loi et la jurisprudence. Le statut actuel se situe dans la filiation du statut issu de la Libération et dans l’esprit du CNR. Il constitue, par là, une pièce maitresse du pacte républicain. Par ailleurs, les exigences de l’efficacité sociale qui est celle du service public sont autrement plus élevées que celles de la rentabilité de l’entreprise privée puisqu’elle doit répondre à toutes les dimensions de cet intérêt général : production de services répondant à des besoins de base, emploi, formation, éducation, santé, aménagement du territoire, coopération internationales, etc. Mais Emmanuel Macron ignore cela et ne connaît que l’idéologie managériale. Navrant.
L’Assemblée nationale a adopté en première lecture le 7 octobre, le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires. Que pensez-vous de ce texte ?
Je relèverai tout d’abord que la tonalité du gouvernement actuel vis-à-vis de la fonction publique est plus bienveillante que celle que nous connaissions sous le quinquennat précédent. Le texte qui vient d’être adopté en première lecture à l’Assemblée nationale contient des dispositions positives, notamment en ce qui concerne la prévention des conflits d’intérêts et certaines garanties apportées aux contractuels malheureusement beaucoup trop nombreux. Mais il s’agit aussi d’un texte qui a beaucoup souffert depuis son passage en Conseil des ministres en juillet 2013 .Au stade actuel, il m’apparaît touffu et peu transparent. Par ailleurs, il met en avant inutilement et même avec des effets négatifs un discours sur la déontologie et l’énoncé de valeurs dont je ne vois pas l’intérêt : est-il si indispensable de dire aux fonctionnaires qu’ils doivent être impartiaux, neutres, intègres, dignes et même qu’ils doivent respecter le principe de laïcité ? Une suspicion particulière existerait-elle à leur égard alors que c’es caractéristiques participent de l’essence même de leur mission d’intérêt général ? À mon avis il y avait mieux à faire.
Mais encore ? Et quel regard portez-vous sur le dialogue social dans la fonction publique aujourd’hui ?
Le gouvernement manque d’ambition concernant la fonction publique. En premier lieu, il a pu mesurer le mécontentement accumulé par les fonctionnaires qui ont rejeté majoritairement le projet Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR). En deuxième lieu, il répugne à revenir sur les multiples atteintes portées au statut (notamment dans la Fonction publique territoriale) par les gouvernements de droite depuis plus de trente ans. En troisième lieu, dans ce contexte d’austérité il renonce à mettre en perspective des chantiers de réformes structurelles indispensables à la modernisation de l’administration (gestion prévisionnelle, dispositions de mobilité, multi-carrières, délimitation du champ des contractuels, égalité femmes-hommes, etc). Sur toutes ces questions le dialogue social est nécessaire bien sûr, mais je remarque que l’on cause d’autant plus du dialogue social que l’on répugne à agir sur les réformes nécessaires ce qui prive ce dialogue du climat de confiance qui lui est indispensable.