Le Premier ministre Édouard Philippe a présenté le 13 octobre 2017 le Comité Action Publique 2022, le CAP 22. C’est l’expression, selon lui, d’une méthode « radicalement différente ». Mais de quoi ?
Vu l’allégeance au libéralisme du Président de la République et de son gouvernement une méthode certainement différente de celle qui conduirait à la valorisation du service public dans notre pays sur la base des principes républicains qui le fondent. Mais il faut sans doute l’entendre aussi comme différente de la démarche adoptée par Nicolas Sarkozy qui, quatre mois après son élection, avait appelé le 19 septembre 2007 à une « révolution culturelle » dans la fonction publique ; une attaque frontale contre le statut général des fonctionnaires. Il échouera néanmoins en raison de la crise financière qui se développera l’année suivante au cours de laquelle chacun se félicitera de pouvoir disposer en France d’un service public étendu jouant dans la crise le rôle d’un « amortisseur social » efficace.
Le gouvernement d’Édouard Philippe a tiré les leçons de l’expérience. Il met en place une stratégie d’application progressive. Les objectifs affichés sont d’une extrême banalité : il s’agit de tenir compte simultanément des intérêts des usagers (amélioration des services et de la confiance), des agents (modernisation des conditions de travail) et des contribuables (accompagnement de la réduction des dépenses publiques). Le Premier ministre met en garde contre trois écueils surprenants qui laissent pointer des intentions plus vraisemblables. La première mise en garde concerne une pratique trop comptable de l’action publique, ce qui ne peut manquer de surprendre concernant un gouvernement qui a placé la fonction publique dans le ministère des … comptes publics. Le deuxième avertissement critique des analyses qui seraient trop idéologiques ; on peut craindre que ce point vise les principes républicains fondateurs du service public et de la fonction publique (égalité, indépendance, responsabilité). Le troisième met en garde contre des visions trop théoriques ; on peut y voir une conception du service de l’intérêt général ramenée, comme il est dit, « à hauteur d’homme », c’est-à-dire d’un simple pragmatisme du New Public Management.
Le comité CAP22 comprend 34 membres dont la moitié d’anciens énarques. On y trouve, selon une récente analyse de Médiapart, de nombreux experts qui figuraient déjà dans la commission Attali réunie en 2008 par Nicolas Sarkozy, ainsi que plusieurs membres de l’Institut Montaigne connu pour ses publications ultralibérales. Il y a aussi des hauts fonctionnaires dont beaucoup ont eu des fonctions importantes dans le privé. Y figurent également des dirigeants d’importantes entreprises privées et de start-up. Quelques élus de droite ou socialistes ralliés en font également partie. En revanche, ne font pas partie, des experts indiscutables de la justice administrative, ,des institutions et de la recherche, des élus de l’opposition, des représentants des organisations syndicales. Le comité doit remettre un rapport fin mars 2018. C’est un délai trop court pour un travail sérieux sur l’ensemble de l’action publique et des structures administratives ce qui jette un sérieux doute sur la sincérité de l’opération. 21 domaines devront être explorés. Le comité disposera de 700 millions pour conduire son action sur le quinquennat.
Ces modalités apparaissent bien conformes avec ce que l’on sait des visions macroniennes. Emmanuel Macron avait, pendant la campagne présidentielle, jugé le statut général des fonctionnaires « inadapté », puis fustigé dans une interview au Point du 31 août 2017 les personnels à statuts, les insiders. C’est sans doute la députée LRM, vice-présidente de l’Assemblée nationale, Cendra Motin qui a exprimé le plus clairement la conception officielle, assimilant dans Le Monde du 4 août 2017 les fonctions publiques à autant d’entreprises d’un même groupe financier. Au delà de ces préliminaires il ne fait donc pas de doute que le pouvoir exécutif a déjà une idée précise des réformes qu’il a décidé d’entreprendre en ce qui concerne l’action publique et que le CAP 22 n’est là que pour préparer le terrain. La lettre aux différents ministres du Premier ministre en date du 28 septembre 2017est assez explicite, évoquant « des transferts au secteur privé, voire des abandons de mission ».
Considérant ce qui précède, la stratégie d’Emmanuel Macron pourrait comporter trois phases :
* Première phase : mise en place du CAP 22 dont la banalité des objectifs affichés est de nature à rassurer. Les travaux du comité se rallient aux mesures prédéfinies de réduction des missions du secteur public tout en mettant l’accent sur le caractère inapproprié de sa gestion par une intense communication.
* Deuxième phase : réduction du périmètre du secteur public par privatisations, économie mixte, dérégulation et délégation de service public. Développement des contrats de recrutement de droit privé négociés de gré à gré. La contractualisation des emplois devient dominante dans de nombreux domaines du service public.
* Troisième phase : réduction du service public aux seules fonctions régaliennes de l’État dont les agents sont seuls à être placés dans une position statutaire. Généralisation des conventions collectives dans le reste des activités de service public.
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Deux facteurs sont de nature à faire échec à cette stratégie. D’une part la longueur du processus au cours duquel des aléas et le fait que la politique d’Emmanuel Macron sera de plus en plus contestée. D’autre part, la prise de conscience des agents du service public et plus particulièrement des fonctionnaires décidés à défendre la conception française du service public et de la fonction publique
Mais rien n’est acquis non plus …
Notre service public se dégrade de jour en jour faute place dans le public je me suis fait opérer du ménisque dans le privé ou on me demandait 1000 euros de dépassement d honoraires mon facteur n a plus le temps de faire sa tournée mon courrier n est plus distribué chaque jour
La police ne se déplace plus quand vous l appeler pour un délit mineur et vous passer des heures au commissariat quand vous devez porter plainte
La liste serait longue pour comptabiliser le manque à gagner
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