Marc Sangnier, l’aventure du catholicisme social – Denis Lefèvre, Éd. Mame, octobre 2008

Extrait p. 264-265

Anicet Le Pors, de Jeune République au PC

Plus étonnant a priori apparaît l’engagement d’Anicet Le Pors qui sera de 1981 à 1984 l’un des quatre ministres communistes du gouvernement Mauroy, à Jeune République, au début des années cinquante. Mais il fut un temps où la JOC produisait nombre de cégétistes, voire de prêtres ouvriers, syndiqués à la CGT. D’ailleurs, le communiste Claude Quin, qui fut patron de la RATP entre 1981 et 1986, a milité dans sa jeunesse à la JOC !

Anicet Le Pors est issu d’une famille bretonne du nord du Finistère, émigrée en région parisienne en 1929. Même si sa famille a cessé toute pratique religieuse, le jeune Anicet Le Pors participe au patronage et au catéchisme. Au collège Arago, il se lie l’amitié avec Émile Marcus, futur archevêque de Toulouse, qui tente de l’amener au séminaire d’Issy-les-Moulineaux. « Il avait espoir que je fasse comme lui », confie Anicet Le Pors, dont les premiers engagements politiques seront dans la mouvance du catholicisme social.

La contagion, écrit Anicet Le Pors dans Éloge de l’échec, d’une part de la forte imprégnation catholique qui était celle de la plupart des familles bretonnes émigrées en région parisienne, alors même qu’elles avaient cessé toute pratique religieuse, et, d’autre part le sentiment d’injustice qui marquait la condition ouvrière de ces familles, m’ont tout d’abord tourné vers le christianisme social dans l’orientation développée par le Sillon de Marc Sangnier au début du siècle.

Anicet Le Pors adhère à la CFTC, puis à Jeune République. Il s’abonne à Esprit et Témoignage chrétien, participe à des colloques sur la décolonisation. À l’époque, il est nommé au Maroc. Il propose ses services au clergé local pour faire le catéchisme aux enfants des familles françaises.

« Mais je m’aperçois rapidement que les uns et les autres se situaient sans état d’âme du côté de ceux qui souhaitaient le maintien du protectorat français au Maroc, alors que je m’étais rangé aussi résolument dans le cas favorable à l’indépendance. À distance, je commençais aussi à m’intéresser à la vie syndicale ; son côté pratique, l’exigence d’efficacité qu’elle impliquait me séduisaient. La lecture deTeilhard de Chardin – notamment Le Phénomène humain – combinant démarche matérialiste et spiritualité, me sembla autoriser la fréquentation du marxisme. »

Anicet Le Pors adhère à la CGT. Et au lendemain du référendum sur la Constitution de la V° République, le 29 septembre 1958, il adhère au parti communiste. « J’avais de nombreux griefs à son encontre, notamment son soutien à l’intervention soviétique en Hongrie deux ans plus tôt. Mais le PCF était le seul parti à s’être opposé à ce que l’on considérait alors comme une menace de pouvoir personnel, voire de fascisme ; c’était donc plutôt une régularisation administrative. »

Passant de Jeune République au PC, et de la météorologie nationale à la prévision économique, Anicet Le Pors devient responsable de la politique industrielle au ministère des Finances et l’expert du PC sur ces questions. Il entre dans le deuxième gouvernement Mauroy en 1981 comme ministre de la Fonction publique. Par la suite, il s’oppose à la direction du parti communiste et en démissionne en 1994. « J’avais une manière d’être qui n’était pas comme les autres. Les camarades du PC me disaient : « On voit bien que tu as fréquenté les cathos ». Georges Marchais, cela le déroutait. Je jouais un peu le rôle de fou du roi, j’étais à ses yeux un drôle d’animal. Je suis sûrement celui qui l’a affronté le plus durement. » Mais, des quatre ministres communistes, il est sans doute celui qui a gardé les meilleures relations avec ses anciens camarades. Peut être l’esprit « catho » de son enfance ?

Un commentaire sur “Marc Sangnier, l’aventure du catholicisme social – Denis Lefèvre, Éd. Mame, octobre 2008

  1. Trois observations sur ce texte :

    1/ Ma relation amicale avec Émile Marcus date de notre entrée en 6° au cours complémentaire de rue Manin (Paris, 19° arrondissement). Nous passerons en effet tous deux notre baccalauréat au Collège Arago, place de la Nation (12° arrondissement).

    2/ Il convient de préciser que la singularité de ma relation avec Georges Marchais trenait au fait que je n’étais pas pour lui un concurrent politique et qu’il me regardait essentiellement comme un « expert » (contrairement, par exemple, à Charles Fiterman). Cela explique que j’ai gardé avec lui des relations affectueuses jusqu’à sa mort en 1996 et que je continue de voir sa famille, notamment son fils Olivier, aujourd’hui.

    3/ Au début du 3° alinéa, lire « La conjonction » et non « La contagion » ! …

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