30° anniversaire du Statut Général des Fonctionnaires (VII)
Un colloque sur le thème » Faire des choix ? Les fonctionnaires dans l’Europe des dictatures 1933-1948″ s’est tenu les 21-22-23 février 2013. Il était organisé par le Conseil d’Etat et l’Ecole des hautes études en sciences sociales ». Il a été introduit par le Président de la République François Hollande et le Vice-Président du Conseil d’Etat Jean-Marc Sauvé dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. Au cours de ces travaux il a été souvent fait référence au principe hiérarchique et aux dispositions du Statut général des fonctionnaires sur le sujet. Le texte qui suit s’inscrit dans cette réflexion.
Le « devoir d’obéissance » comme son corollaire le « droit à la désobéissance » sont des raccourcis commodes mais qui peuvent trahir la volonté du législateur s’ils sont employés en oubliant les idées qui les sous-tendent. Observons tout d’abord que ces expressions ne figurent pas dans le statut général des fonctionnaires, et s’il en est ainsi, ce n’est pas par inadvertance, mais parce que, ayant porté le projet de loi relatif aux droits et obligations des fonctionnaires devant le Parlement en 1983, je peux témoigner que telle était bien notre intention.
Le sujet est traité par l’article 28 de la loi du 13 juillet 1983 constituant le Titre 1er du Statut général des fonctionnaires. On peut l’analyser en quatre propositions.
Première proposition, « Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées ». S’il est fait référence à l’organisation hiérarchique et, par là, au principe hiérarchique lui-même dont on ne saurait contester l’existence et la nécessité, l’obligation en appelle surtout à la responsabilité du fonctionnaire. L’exécution des tâches laisse place à l’initiative et repose sur l’exercice personnalisé d’une compétence.
Deuxièmement, « Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique … ». Cette conformité n’est pas soumission aveugle. Il n’est pas écrit que le fonctionnaire doit se borner à exécuter les ordres de son supérieur. Dans les fonctions qu’il assume, il garde une certaine marge d’appréciation sur les moyens à mettre en œuvre et sur les objectifs poursuivis C’est d’ailleurs la condition de son efficacité.
Troisièmement, « … sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ». Cette rédaction a été reprise, pour l’essentiel, d’un arrêt du Conseil d’État (CE, Langneur, 10 novembre 1944). Elle doit tout d’abord être comprise à la lumière des deux règles précédentes. Elle situe ensuite l’obligation de conformité face à des conditions spécifiées : existence d’un ordre, illégalité de celui-ci appréciée y compris en son caractère manifeste par le fonctionnaire qui le reçoit, atteinte portée à un intérêt général dont la gravité est là encore jugée par l’agent destinataire de l’injonction. Cela ne saurait être réduit à un droit à la désobéissance, ni légitimer n’importe quel « désobeisseur ».
Quatrièmement, « (Le fonctionnaire) n’est dégagé d’aucune des responsabilités qui lui incombent par la responsabilité propre de ses subordonnés ». C’est là une interprétation très dialectique du principe hiérarchique qui inscrit le fonctionnaire au sein d’un « travailleur collectif » correspondant à une fonction publique définie par le pouvoir politique. Cette disposition dit l’essentiel de l’esprit de service public ayant présidé à l’écriture de l’article 28 du Statut général en centrant le comportement du fonctionnaire sur sa responsabilité.
En ce 30e anniversaire du Statut général des fonctionnaires, il est bon de rappeler qu’il a été fondé sur la conception du fonctionnaire-citoyen, disposant de la plénitude des droits de tout citoyen avec, au surplus, l’obligation du service de l’intérêt général et de la responsabilité que cela implique. Le Statut général des fonctionnaires « à trois versants » (fonction publique de l’État, territoriale, hospitalière) a été expressément élaboré sur des valeurs historiquement fondées : d’égalité d’accès aux emplois publics (sur la base de l’article 6 de la Déclaration des droits de 1789) ; d’indépendance, impliquant la séparation du grade propriété du fonctionnaire et de l’emploi à la disposition de l’administration (par référence à la loi sur les officiers de 1834) ; de responsabilité, obligeant le fonctionnaire à rendre compte de son administration (article 15 de la Déclaration des droits).
Au-delà des formulations expresses du droit positif, le respect et l’approfondissement de ces principes restent la meilleure garantie d’une fonction publique intègre, socialement efficace, finalisée par l’intérêt général. Pour autant, leur évocation ne dispensera jamais le fonctionnaire d’une interrogation permanente sur son éthique propre dont il ne trouvera pas la définition dans un code de déontologie, quand bien même celui-ci pourrait faire œuvre utile de pédagogie. Au moment du choix vital, c’est la responsabilité personnelle qui tranche. Jamais Jean Moulin n’aurait trouvé dans les seules écritures la raison de son engagement.
sai pas faut
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