
Je suis honoré d’avoir été choisi pour présider aujourd’hui ce banquet des Bretonnes et Bretons de l’Ile de France à Montreuil. Ce n’est, il est vrai, pas la première fois. Celle-ci, m’a-t-on dit, était justifiée par l’écriture du livre « La fonction publique du XXI° siècle » avec un grand intellectuel en même temps qu’un important responsable syndical au niveau national chez les enseignants, Gérard Aschieri, qui n’est pas Breton mais fils d’immigré italien.
Que cela se passe à Montreuil a pour moi un sens. J’y ai de nombreux amis. Je viens d’y achever 62 ans d’activité dans la fonction publique, dont 13 ans à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) – à la limite de Vincennes, près du lieu de l’attentat qui entraine notre compassion en même temps qu’il nous invite à poursuivre notre réflexion sur notre société, sa crise actuelle et les contradictions qui l’agitent.
Cela nous amène à nous interroger encore – comme je le faisais déjà moi-même en tant que juge du droit d’asile – sur les dangers du communautarisme religieux, ethnique qui prétend justifier une telle violence de la part d’État persécuteurs et jusqu’en France. Président d’honneur de l’USBIF depuis un long temps j’ai soutenu l’affirmation réitérée de ses congrès et de ses dirigeants au principe de laïcité.
Mais je dois aussi parler de ce qui a justifié cette présidence d’un jours : le livre sur le service public et la fonction publique, si souvent décriés ainsi que les agents publics et les fonctionnaires. Nous ne quittons pas l’actualité en relevant que personne n’a estimé durant les évènements dramatiques que j’évoquais qu’il y avait dans notre pays trop de forces de l’ordre, trop de personnels des services de santé, trop d’enseignants pour former à la citoyenneté… Il serait bon de s’en souvenir en d’autres circonstances.
a France a la chance de disposer d’un service public de qualité, fondé sur des notions éprouvées comme l’intérêt général – on disait le bien commun sous la monarchie. Idées qui n’ont de sens qu’au niveau national.

Cette conception est basée sur des principes solidement ancrés dans notre histoire : d’égalité, d’indépendance, de responsabilité. Nombre d’observateurs de tous bords politiques ont souligné au plus fort de la crise financière que notre pays avait de la chance de disposer d’un secteur public étendu, véritable « amortisseur social » du point de vue de l’emploi, de l’activité économique, de la protection sociale et de la morale – car la fonction publique française est une fonction publique intègre. Il importe aussi de rappeler que cette conception formalisée par le statut général des fonctionnaires est une émanation de la volonté exprimée par le Conseil national de la Résistance (CNR) et l’aboutissement d’un travail commun d’homme aussi différents que Michel Debré qui avait été chargé de cette tâche par le général de Gaulle et Maurice Thorez, Vice-Président du Conseil, ministre de la Fonction publique. Aujourd’hui, aboutissement de cette histoire quelque 6,5 millions d’agent des services publics (fonctionnaires et salariés des entreprises publiques) soit un quart de la population active est protégé par la loi et non le contrat.
La suite de ce raisonnement est dans le livre signalé. Si j’y reviens ce n’est pas pour en faire une publicité commerciale car je n’ai rien à vendre personnellement, mais pour poursuivre le débat avec ceux qui le souhaiteront.
Si je viens d’évoquer la laïcité et le service public c’est parce que je considère que ce sont les deux piliers majeurs de notre conception, celle de citoyens d’origine Bretonne, républicains convaincus ; il n’y a pas de contradiction entre ces termes, d’ailleurs la question n’est pas nouvelle. Il y a deux mille ans Cicéron distinguait pour chaque citoyen romain, d’une part sa patrie de nature, elle de ses racines de ses paysages, de sa famille, de sa culture, et il disait qu’il était normal que tout citoyen romain y fut attaché ; d’autre part sa patrie de droit qui seule lui conférait ses droits et devoirs pour vivre en société, et il affirmait que dans l’organisation de la vie commune des citoyens la patrie de droit devait prévaloir sur la patrie de nature.



Plus près de nous, Mona Ozouf, bretonne comme son nom ne l’indique pas, a étudié la construction de la citoyenneté française à partir de la Révolution française, montrant comment elle avait émergé par-delà la multitude des particularismes des sujets de l’Ancien Régime, aboutissant ainsi à la conception d’un citoyen abstrait. Je parle de Mona Ozouf en raison de nos caractéristiques communes : sa mère Anne Le Denn est née à Lannilis en pays léonard en 1905, tout comme la mienne la même année. Il s’ensuit également que j’ai le même âge que Mona Ozouf. Vous me direz que ces précisions n’ont rien à voir avec ce qui précède sur la laïcité, le service public, la citoyenneté. C’est vrai, mais il fallait bien que je termine d’une manière ou d’une autre. C’est celle que j’ai choisie… Je vous souhaite une bonne santé et un bon appétit.
Cette conception est basée sur des principes solidement ancrés dans notre histoire
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