La fonction publique du XXI° siècle
1 – Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Gérard Aschieri : A : D’abord pour combattre un discours dominant qui ne voit dans la fonction publique qu’un coût à réduire à tout prix et dans le statut une rigidité insupportable et inefficace. Nous avons voulu rappeler une histoire trop souvent perdue de vue et montrer combien la fonction publique s’inscrit dans un long processus. Nous avons fait simultanément le choix d’expliquer à quoi sert la fonction publique, quels sont les principes qui l’organisent, combien le statut est lié à l’existence des services publics et à la prise en charge de l’intérêt général. Nous avons enfin souhaité dire aux fonctionnaires et à l’opinion que la fonction publique et les services publics ont un avenir et correspondent à des besoins qui vont être de plus en plus cruciaux pour l’humanité. Pour cela il faut voir ce qu’elle représente aujourd’hui et mener un certain nombre de débats
2 – Quels sont les enjeux de la Fonction publique aujourd’hui ?
Anicet Le Pors :Le premier enjeu d’un statut défini par la loi et qui couvre les trois versants de la fonction publique, État, territoriale, hospitalière, tout comme du choix d’une fonction publique de carrière plutôt que d’emploi, est de répondre à des besoins toujours actuels : le fonctionnaire est au service de l’intérêt général, responsable devant la nation, à l’inverse du salarié de l’entreprise privée lié à son employeur par un contrat qui « fait la loi des parties ». Le statut le rattache à cet intérêt général au lieu de le renvoyer vers des intérêts particuliers, le sien ou celui de sa hiérarchie, de clients ou d’usagers. En ce sens, il lui permet d’être un recours en cas de conflits d’intérêts, une garantie pour chacun, quelle que soit sa situation, de se voir traité avec équité et conformément à la loi.
GA : le second enjeu renvoie à la modernité et l’avenir de la fonction publique et des services publics : les défis auxquels notre époque est confrontée – qui vont de la cohésion de notre société à l’avenir de notre planète – impliquent de réinvestir dans des formes d’organisation qui visent à une réappropriation du commun. La crise économique, sociale, environnementale montre l’impasse du « tout-libéral » et met en lumière la nécessité de régulations, l’importance des valeurs de solidarité et d’intérêt général, et le besoin de prise en charge démocratique des biens communs.
3 – Quelles évolutions seraient souhaitables pour l’avenir ?
ALP – Le statut a souvent été modifié mais sa structure a résisté. Cela prouve sa force et en même temps sa capacité de prendre en compte les besoins des services publics et des usagers dans toute leur diversité et leur évolution. Il n’est donc pas une monument figé. Mais tout dépend de la façon dont les évolutions sont conçues, des objectifs qui leur sont assignés, du respect ou non des principes d’une fonction publique de carrière, etc…
GA – Dans le contexte des mesures s’imposent comme la revalorisation du point d’indice ou la résorption de la précarité. De même la réforme territoriale implique que l’on revienne sur les mesures qui dès 87 avaient éloigné la FPT de la FPE en la fragilisant. Mais il y aussi nombre de questions à traiter pour lesquelles nous avons voulu simplement donner les éléments du débat : le sens à donner au principe hiérarchique, à l’obligation de réserve, au devoir d’obéissance ; le critère de nationalité pour l’accès aux emplois publics ; la différence entre travail prescrit et travail réel, entre égalité formelle et égalité réelle ; la place à réserver à l’usager ; l’irruption des technologies de l’information ; les traductions concrètes du principe de laïcité.